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L'effet de serre

Concentration de la vapeur d'eau dans l'atmosphère en mars 2010. Document EUMETSAT/DRL adapté par l'auteur.

Caractéristiques des gaz à effet de serre (II)

1. La vapeur d'eau

Le premier gaz à effet de serre est la vapeur d'eau qui contribue jusqu'à 70% à l'effet de serre total (et même 90% si on tient compte des nuages). En effet, si l'atmosphère comprend au maximum 4.1% de vapeur d'eau (qui s'ajoutent aux 78% d'azote et 20.9% d'oxygène), relativement aux autres gaz à effet de serre, la concentration de vapeur d'eau atteint 95% contre ~4.1% (et en augmentation) pour le gaz carbonique et à peine 1% pour les autres gaz. Plus de 99% de cette vapeur d'eau se concentre dans la troposphère.

Les microgouttelettes d'eau renvoient durant la nuit le rayonnement thermique émis par la terre. La vapeur d'eau participe à l'effet de serre car sa quantité augmente en même temps que celle du gaz carbonique.

La durée de vie de la vapeur d'eau dans l'air est d'environ 10 jours et contribue donc peu à l'effet de serre comparée à d'autres gaz. Bien que les activités humaines n'augmentent pas directement la concentration de vapeur d'eau dans l'atmosphère, l'air chaud contient davantage de vapeur d'eau ce qui entretient et accélère le mécanisme. Cet effet indirect représente une rétroaction positive qui affecte l'évolution du climat.

On estime que les nuages modifient également l'équilibre thermique de la Terre en réfléchissant la lumière du Soleil (ce qui refroidit la Terre) et en retenant le rayonnement infrarouge (ce qui réchauffe la Terre). Ainsi dans les régions tropicales, la présence des nuages provoquerait un assèchement plutôt qu'une humidification des couches supérieures de la troposphère.

Modélisations

La contribution de la vapeur d'eau est généralement omise des calculs des effets des GES (les modélisations). Pourquoi ? Il y a trois principales raisons :

1. Le cycle de l'eau : Contrairement à d'autres gaz à effet de serre, comme le dioxyde de carbone (CO2) ou le méthane (CH4), la vapeur d'eau présente dans l'atmosphère est étroitement liée au cycle de l'eau sur Terre. L'eau s'évapore des océans, des lacs, des rivières et du sol, puis se condense pour former des nuages et précipiter sous forme de pluie ou de neige. Ce cycle est régulé par des processus naturels et ne dépend pas principalement des activités humaines. Par conséquent, il est souvent considéré comme un "rétrocontrôle" ou rétroaction plutôt que comme un facteur contrôlable.

2. La variation temporelle : La concentration de vapeur d'eau dans l'atmosphère varie considérablement d'un endroit à l'autre et d'un moment à l'autre en raison des variations locales de la température et de l'humidité. Sa concentration est fortement influencée par les conditions météos et climatiques à court terme. Étant donné cette variabilité temporelle et spatiale, il est difficile d'estimer précisément la contribution de la vapeur d'eau à l'effet de serre global.

3. Les interactions complexes : La vapeur d'eau interagit de manière complexe avec d'autres composants de l'atmosphère, notamment les nuages. Les nuages eux-mêmes peuvent agir comme des gaz à effet de serre ou comme des réflecteurs de la lumière solaire, selon leur altitude, leur épaisseur et leur composition.

L'inclusion de la vapeur d'eau dans les calculs de l'effet de serre pourrait nécessiter une modélisation détaillée des interactions entre la vapeur d'eau, les nuages et les autres gaz à effet de serre, ce qui compliquerait considérablement les calculs.

Bien que la vapeur d'eau n'est pas explicitement incluse dans les calculs de contribution des gaz à effet de serre, elle est souvent considérée implicitement dans les modèles climatiques qui simulent le système climatique dans son ensemble. En effet, ces modèles tiennent compte des interactions complexes entre la vapeur d'eau, les nuages et les autres composants atmosphériques pour évaluer l'évolution du climat à long terme.

À propos de l'effet des traînées de condensation sur le forçage radiatif

Depuis le début des années 2000, face à l'augmentation du trafic aérien, des scientifiques soulignent l'influence néfaste des traînées de condensation ou contrails des avions sur le climat. Il est vrai que certains jours à certains endroits le ciel est véritablement zébré en tout sens de traînées de condensation et on peut se demander dans quelle mesure elles affectent ou non la quantité de rayonnement solaire arrivant au sol et participent au réchauffement du climat. Bien que le sujet soit controversé, que savons-nous aujourd'hui des conséquences de ce phénomène ?

Selon la définition du GIEC (IPCC), le forçage radiatif est l'équilibre entre le rayonnement solaire entrant et les émissions de rayonnements infrarouges sortant de l'atmosphère. Il s'avère que les contrails contribuent positivement à ce bilan, c'est-à-dire qu'elles réchauffent l'atmosphère.

Suite aux attentats du 11 septembre 2001 au WTC, le survol du territoire des Etats-Unis fut interdit durant trois jours. Durant cette période, le ciel s'est subitement éclairci, vidé de ses contrails. Les climatologues ont profité de cette occasion pour étudier les variations de la température et l'évolution des extémas et firent une étonnante découverte. Lorsque le trafic aérien est normal au-dessus des Etats-Unis, c'est-à-dire très dense, en moyenne on constate une baisse de la température de l'ordre de 0.25°C. Durant les 3 jours d'arrêt du trafic aérien et donc en l'abence de contrails, la température moyenne augmenta de 1.10°C, la différence atteint 1.35°C. Elle retomba à des valeurs négatives lorsque l'espace aérien fut réouvert. Les climatologues de l'Université de Wisconsin n'avaient jamais vu ça depuis 30 ans !

Quand la vapeur d'eau libérée par les tuyères des réacteurs d'avions se condense dans une atmosphère humide, elle forme des cristaux de glace qui deviennent les fameuses traînées de condensation ou contrails plus ou moins persistantes. A droite, des contrails multiples dans le ciel proche de l'aéroport de Londres à Heathrow. Document Shutterstock et Roo Reynolds/Flickr.

En 2006, l'astronome Gerry Gilmore, titulaire de la chaire Opticon (astronomie infrarouge optique) à l'Institut d'Astronomie de l'Université de Cambridge avertit ses collègues qu'à l'avenir les astronomes auront des difficultés pour conserver leurs "fenêtres" d'observations en raison de l'aggravation de la pollution atmosphérique et des effets de la pollution lumineuse. En extrapolant les conditions atmosphériques actuelles, Gilmore conclut qu'en 2050 il sera impossible d'exploiter de grands télescopes de plus de 30 à 60 m de diamètre en raison de l'augmentation de la vapeur d'eau dans l'atmosphère et des traînées de condensation qui en découlent suite à l'augmentation du trafic aérien.

Son avertissement eut peu d'écho car l'effet semblait encore insignifiant et ne dérangeait pas grand monde, si ce n'est une poignée d'astronomes amateurs de photos de galaxies ou de spectroscopie isolés au Nouveau Mexique, à Hawaï ou dans le désert d'Atacama. D'ailleurs, cela n'a pas empêché les commenditaires de l'ESO de poursuivre la construction du futur télescope ELT de 40 m de diamètre.

Sur le plan purement climatique, en 2010 le climatologue Alexandu Rap de l'Université de Leeds et ses collègues ont publié une étude sur l'effet des traînées de condensation sur le climat dans la revue "Geophysical Research Letters". Sur base des prédictions calculées par le modèle global HadGEM2 utilisé par le Met Office, les chercheurs affirmaient que l'effet était trop faible pour avoir un impact sur le climat de nos régions.

Puis en 2013, dans son rapport sur les changements climatiques, les chercheurs du GIEC (IPCC) estimaient que le forçage radiatif provoqué par les traînées de condensation était d'environ 0.01 W/m2 tandis que celui généré par les traînées et les cirrus induits (cirrus homogenitus) combinés était de 0.05 W/m2. A l'époque, sachant que le forçage radiatif induit par les gaz à effet de serre d'origine humaine atteignait 2.7 W/m2, les chercheurs concluaient que cette composante générée par les avions était donc faible et sans effet sur le climat, rejoignant les conclusions des chercheurs anglais.

Toutes les fumées ne sont pas synonyme de pollution. En revanche, beaucoup participent à l'effet de serre, dont la vapeur d'eau émise par les centrales électriques. C'est notamment le cas de la centrale géothermique (énergie renouvelable) de Svartseng située près de Grindavik en Islande (à gauche) photographiée au coucher du Soleil et célèbre pour son "Blue Lagoon". A droite, les réfrigérants de la centrale nucléaire de Cattenum installée en France près de la frontière luxembougeoise. Heureusement, la durée de vie de la vapeur d'eau n'est que de dix jours et influence peu l'effet de serre. Mais à grande échelle, son impact est important. Documents Sam Bark/Unsplash et Miyoo.

D'autres études ont montré que les avions étaient responsables de 4% du forçage radiatif d'origine anthropique. Ce pourcentage se partageait entre les traînées de condensation et les nuages induits (homogenitus) et le CO2 issu des réacteurs. Cette valeur était proche de celle du GIEC et donc apparemment peu significative.

Toutefois, une nouvelle étude publiée par Bernd Kärcher dans la revue "Nature Communication" en 2018 remit le sujet sur la table. Kärcher étudia l'effet des émissions de gaz à effet de serre causés par le tourisme dont celui du transport aérien constitue une large part. Il rappela qu'entre 2009 et 2013, les émissions sont passées de 3.9 à 4.5 milliards de tonnes eq CO2 soit une augmentation de près de 9% en 4 ans qui s'est accentuée depuis. A cette quantité, il faut ajouter l'effet des nuages induits mais qui n'a pas été pris en compte dans son analyse.

Kärcher va plus loin que le simple constat en proposant des solutions pour réduire ces contrails. Bien que le nombre de variables impliquées dans cette évaluation rende l'analyse complexe, elles ouvrent aussi des pistes pour réduire leur impact sur le climat. Ainsi, parmi les solutions à court terme, Kärcher suggère d'utiliser des combustibles synthétiques (des dérivés du charbon, du gaz naturel ou de la biomasse) ou des biocarburants dont la combustion réduit fortement l’émission de particules dans l’air contrairement au kérosène qui reste un grand pollueur. L’hydrogène liquide ou le gaz naturel liquéfié représente également une solution mais plus difficile à mettre en oeuvre car elle exige d'autres types de moteur et de nouvelles chaînes de montage, des investissements que préfèrent éviter les constructeurs. Enfin, les avions électriques régleraient évidemment le problème, mais à ce jour ce n'est qu'un "rêve lointain" comme le souligne Kärcher.

A gauche, contrailsdans le sillage d'un Boing 757 de la compagnie United Airlines dans le ciel du Groenland en 2011. A droite, des contrails arc-en-ciel dans le sillage d'un Boing 777 quatari photographiées en 2019. Ces traînées de cristaux de glace matérialisent la condensation de la vapeur d'eau contenue dans l'air. Documents Miguel Gil/Flickr et Michael Marston via CNN dont une vidéo est publiée sur Facebook.

Selon Kärcher "voler plus haut, où l’air est froid et sec, pourrait réduire la formation de traînées". Mais il reconnaît que cette alternative est contre-productive car les compagnies aériennes cherchent avant tout des trajets aériens minimisant les temps de vol et les coûts.

Pour conclure, Kärcher souligne que l'OACI (l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale) adopta en 2016 un plan de compensation et de réduction des émissions de carbone afin de réduire son impact sur le changement climatique, mais a négligé l'effet des nuages induits par l’aviation qui constitue pourtant la moitié du problème... Avis aux intéressés.

En résumé, compte tenu de la technologie actuelle, si on peut agir sur les émissions de CO2, on voit mal comment éviter l'émission de vapeur d'eau des avions ou des véhicules.

Dans tous les cas, les données actuelles indiquent qu'à l'échelle globale, une atmosphère plus chaude humidifie l'air et augmente le réchauffement climatique du fait de l'effet de serre.

On reviendra page suivante sur l'effet d'une légère augmentation de la température moyenne de l'air sur la quantité de vapeur d'eau dans l'atmosphère et ses conséquences dramatiques sur l'effet de serre.

2. Le dioxyde de carbone

Le dioxyde de carbone (CO2) est le deuxième gaz à effet de serre par son importance mais le premier d'origine anthropique. De nos jours, il représente jusqu'à 60% de l'effet de serre d'origine artificielle. Mais cela n'a pas toujours été le cas. En effet, le climat de la Terre s'est modifié au cours du temps. 

Comme on le voit sur le graphique présenté ci-dessous à gauche, au cours des 450000 dernières années, il y eut 8 cycles d'avancée et de recul glaciaires, la dernière période glaciaire remontant à environ 7000 ans, marquant le début de l'ère climatique moderne et de la civilisation humaine. La plupart de ces changements climatiques sont attribués à de très petites variations de l'orbite terrestre qui modifient la quantité d'énergie solaire que reçoit notre planète (cf. la climatologie).

Le réchauffement actuel du climat revêt une importance particulière non seulement par son origine anthropique quoiqu'en pensent les climatosceptiques, mais parce que depuis le milieu du XXe siècle la plupart des hausses de la concentration du dioxyde de carbone dans l'air atteignent des valeurs sans précédents.

Si nous analysons les cinq cents ans dernières années, du XIVe au XIXe siècle, on constate que le taux de gaz carbonique contenu dans l'atmosphère n'eut aucune influence sur l'effet de serre. Mais il faut préciser qu'à part les pollutions naturelles (par exemple par le CO2 ou le SO2 libéré par les volcans), la pollution atmosphérique n'existait pas encore. Les traces relevées dans les glaces polaires nous le prouvent[2]. Mois après mois, année après année l'air fut piégé dans les cristaux de neige et nous pouvons aujourd'hui analyser ses constituants. L'air que l'on respirait à l'époque médiévale s'est accumulé dans les glaces de façon constante. Le taux global de gaz carbonique contenu dans ces glaces équivaut à celui qu'on a dégagé... durant le XXe siècle !

Les concentrations de gaz à effet de serre ont été stables au cours des 10000 dernières années. Ainsi, la concentration du gaz carbonique fut pratiquement constante jusqu'en 1750 où sa concentration dans l'atmosphère était de 0.028% soit 280 ppm (parties par million en volume). Elle est passée à 315 ppm en 1958, 345 ppm en 1984, 369 ppm en 2000, 390 ppm en 2009 et dépassa 422 ppm en 2024 soit une augmentation de 25% par rapport à 1958 comme on le voit ci-dessous à droite.

Notons que durant la pandémie de Covid-19, la concentration de CO2 à Hawaï chuta de 1 ppm en mars 2020 par rapport à la moyenne attendue mais à l'échelle globale cela n'eut aucun effet sur la moyenne mensuelle (cf. NOAA).

A consulter : CO2 Daily - Courbe de Keeling (Scripps)

A gauche, ce graphique, basé sur la comparaison d'échantillons atmosphériques contenus dans des carottes de glace et de mesures directes plus récentes, fournit des preuves que la concentration du CO2 atmosphérique a augmenté depuis la révolution industrielle. L'oscillation périodique est corrélée avec la température et fut démontrée tout au long des 800000 dernières années grâces à l'analyse des bulles d'air emprisonnées dans les glaces prélevées en Antarctique : quand le niveau de CO2 est faible, le climat se refroidit et on tend vers une période glaciaire. Quand le niveau de CO2 est élevé, le climat devient plus chaud, un phénomène qu'on observe de nos jours avec toutes les conséquences climatiques qui s'ensuivent. Aujourd'hui, nous avons les preuves que cette élévation du niveau de CO2 et de la température ne sont pas d'origines naturelles mais sont liés aux activités humaines. Document NASA basé sur des données glacaires de la station de Vostok, J.R. Petit et al., et NOAA Mauna Loa. A droite, la courbe de Keeling montrant l'évolution de la concentration du gaz carbonique depuis 1959 relevée à Mauna Loa. Si rien ne change (et rien ne le prouve quand on regarde cette courbe), le scénario de Biosphere 2 sera une triste réalité dans quelques décennies. Document Scripps Institute of Oceanography adapté par l'auteur.

L'Europe occidentale subit quotidiennement des pics de CO2 qui oscillent entre 380 et 450 ppm, principalement en Angleterre et en France, auxquels il faut ajouter les rejets de la Chine, de l'Inde, du Japon, de la Corée du Sud, de l'Australie et des Etats-Unis. Rappelons que ces derniers pays ont signé le "Partenariat Asie-Pacifique" fin 2006 puis certains ont ratifié l'Accord de Paris sur le climat en 2016 (sauf la Corée du Sud, le Japon et l'Australie) dans le but de réduire les émissions des gaz à effet de serre. Mais compte tenu du manque de résultats, on peut se demander si ces politiciens ont lu et surtout compris ce qu'ils signaient ! C'est aussi pour cette raison que les États-Unis sont finalement sortis de l'Accord pour soi-disant préserver leur économie ou plutôt pour continuer impunément à polluer.

Dimension des pays en fonction de leurs émissions de CO2 en 2020. Document EDGAR/EUROPA (2021), maquette de Neil Kaye.

Paradoxalement, le seul point positif à cette augmentation du gaz carbonique est une augmentation du couvert végétal. En effet, une étude publiée en 2016 par Zaichun Zhu et son équipe dans la revue "Nature Climate Change" révèle qu'entre 1982 et 2009 l'indice LAI (Leaf Area Index ou indice d'étendue du feuillage) est passé de 25 à 50% dont 70% s'expliquent par l'effet fertilisant du CO2, suivi par les dépôts d'azote (9%), le changement climatique (8%) et les changements de la couverture des sols (4%). En résumé, l'augmentation de la concentration du gaz carbonique rend notre planète plus verte mais fait fondre les calottes polaires et les glaciers, réchauffe le climat et libère du méthane ! Pour les scientifiques, tout cela n'est pas très rassurant.

Si l'océan est un régulateur de la concentration du gaz carbonique en raison de sa capacité à le dissoudre, une concentration trop élevée de ce gaz produit un déséquilibre de ce mécanisme qui ne pourra pas dissoudre ce gaz au rythme auquel on le produit.

En 2010, le pH moyen ou taux d'acidité de l'eau de mer variait entre 7.90 et 8.20 (atteignant 8.6 dans les eaux de surface et les floraisons littorales de plancton et même 9.5 dans les flaques), le milieu est donc légèrement basique, phénomène lié à la présence de sel. Toutefois dans son rapport 2010, la Convention sur la Diversité Biologique (CBD) précisait que depuis le début de l'ère industrielle (plus précisément entre 1751 et 2004) environ 500 milliards de tonnes de gaz carbonique ont été dissous dans les océans, augmentant leur acidité de 30% soit une baisse du pH de 0.1, passant de 8.25 à 8.14. Dans certaines eaux côtières, la teneur en gaz carbonique est à la limite de la solubilité du carbonate de calcium (900-1000 ppm contre 384 ppm dans l'atmosphère en 2010).

Comme on le voit ci-dessous à droite, une hausse de la température de l'eau de mer de 2°C ou une concentration de 450-500 ppm de gaz carbonique réduit la croissance des coraux et augmente la production d'algues. Au-delà de 3°C ou 500 ppm de gaz carbonique, les polypes des récits coraliens côtiers s'intoxiquent et le corail meurt, la faune et la flore marines ont déserté les lieux ou n'ont pas survécu non plus. Malheureusement, nous sommes en train d'assister à un tel bouleversement. En effet, si rien ne change, les experts du GIEC prévoient que la température moyenne des océans augmentera d'au moins 2°C entre 2050-2100, des valeurs sensiblement supérieures à celles des 420000 dernières années !

A gauche, bulles de gaz carbonique émises par les cheminées hydrothermales froides du littoral de l’île d’Ischia en Italie par ~6 m de fond  A la source, le pH tombe à 6.7-7.6 pour remonter à une valeur de pH normale de 8.1-8.2 à plus de 70 m des cheminées. Au centre, évolution d'un écosystème coralien en fonction de l'augmentation du gaz carbonique et de la température. A. Communauté de pente de récif à Heron Island, B. Communautés mixtes d'algues et de coraux sur les récifs côtiers entourant St.Bees Island près de Mackay, C. Pente du récif coralier des Low Isles près de Port Douglas. A droite, le mécanisme par lequel le gaz carbonique acidifie les océans. Documents J.Hall-Spencer et E.Rauer (2009) et O.Hoegh-Guldberg et al. (2007).

Même problématique avec le phénomène de déforestation en Amazonie dont les incendies contribuent à augmenter la concentration de gaz carbonique dans l'atmosphère. A ce jour, la forêt pluvieuse d'Amazonie stocke 180 milliards de tonnes de gaz carbonique qui ne participent donc pas au réchauffement du climat. Mais si rien ne change, si la déforestation continue et si nous continuons à polluer l'atmosphère, en raison de l'effet de serre on estime que l'Amazonie disparaîtra vers 2100 et avec elle pratiquement la moitié de notre stock d'oxygène (l'autre moitié étant produite par le plancton). On reviendra sur le "poumon de la Terre" à propos du développement durable.

Selon une étude publiée dans la revue "The New Phytologist" en 2022 par Vincent E. J. Jassey de l'Université de Toulouse et ses collègues du CNRS, nous avons sous-estimé le rôle des algues dans le cycle global du carbone. En effet, grâce à l'apprentissage automatique les chercheurs ont découvert qu'il y aurait environ 5.5 millions d'algues par gramme de sol, soit 55 fois plus que les précédentes estimations, et elles stockent environ 3.6 gigatonnes de carbone par an. Cela représente environ 30% des émissions de CO2 anthropique. Selon les chercheurs, "le carbone atmosphérique fixé par les algues du sol est crucial pour le cycle global du carbone et devrait être intégré dans les efforts terrestres pour atténuer les émissions de CO2".

A voir : Distribution annuelle du CO2 en 3D par OCO-2, NASA, 2016

  A Year in the Life of Earth's CO2 (modélisation) NASA, 2006

CO2 time series 1990-2015 per region/country, EDGAR/E.U.

A gauche, mesure globale de la concentration du gaz carbonique dans la troposphère moyenne en juillet 2009 par le satellite Aqua de la NASA. Les pics atteignent 390 ppm dans l'hémisphère Nord et au-dessus des feux de forêts. A comparer avec la carte de la situation du 30 avril 2000 (cf. cette vidéo de la NASA) où on observait encore de vastes étendues où la concentrations de CO2 ne dépassait pas 50 ppm dans l'hémisphère Sud (en bleu, bien que les valeurs doublaient au printemps austral). A droite, la concentration de gaz carbonique dans la troposphère en 2017. L'hémisphère Nord est pour ainsi dire noyé dans l'air pollué.

S'il paraît évident que les activités industrielles émettent la plus grande quantité de GES, les transports, les services publics et la population y participent également de manière significative.

De nos jours, un habitant d'un pays développé émet entre 5 et plus de 32 tonnes (Quatar) eq CO2 chaque année. Bien sûr, les pays à faible revenu sont largement en-dessous de ces valeurs, avec des émissions comprises en 2018 entre 0.03 tonne (RDC) et à peine 2 tonnes eq CO2 par an par habitant (cf. Banque Mondiale).

Les transports s'accaparent la part du lion. Ainsi, les poids lourds roulant au diesel émettent 4.5 fois plus de gaz carbonique dans l'air qu'une voiture conventionnelle. C'est pour cette raison et également pour la sécurité routière que la plupart des pays ont limité leur vitesse maximale sur autoroute. Mais ce ne sont pas les plus grands pollueurs. En effet, il faut rappeler que l'activité d'un aéroport comme Roissy (F) par exemple émet 30% de plus de gaz carbonique que toute l'activité automobile sur le périphérique parisien ! On y reviendra dans l'article consacré à l'Après Kyoto et au principe "pollueur-payeur".

Un pays comme les Etats-Unis où le président Trump refusa de ratifier l'Accord de Paris sur le climat produisait 4.93 millions de tonnes d'équivalent gaz carbonique en 1995, plaçant cet élément en 22e place parmi les gaz produits par notre civilisation. Ce gaz carbonique est produit par la consommation des énergies fossiles (fuel, gaz naturel, charbon) dont les résidus de combustion sont libérés dans l'atmosphère. Rappelons que juste derrière les Etats-Unis, les plus grands pays producteurs de gaz carbonique sont la Russie, la Chine et le Brésil et loin derrière mais toujours trop polluants, l'Angleterre et la France. Si l'Europe fait un effort, elle ne montre pas encore le bon exemple.

En 2005, notre civilisation produisait plus de 22 milliards de tonnes d'équivalent gaz carbonique rien que par la combustion. En 2016, selon l'étude du Global Carbon Project, les émissions de CO2 atteignaient ~40 milliards de tonnes par an !

Dans son rapport 2018, l'Agence Internationale de l'Énergie (IEA) était un peu moins pessimiste. Elle annonça qu'entre 2010-2017 nous avons injecté chaque année 33.1 milliards de tonnes d'équivalent gaz carbonique dans l'atmosphère avec une augmentation de 1.7% en 2017.

Selon une étude publiée dans la revue "Nature" en 2018 par Vincent Humphrey de l'ETH de Zurich et ses collègues, en 2017 l'homme déversa 39.2 Gt d'équivalent gaz carbonique dans l'atmosphère. Ces valeurs rejoignent les chiffres publiés par le Global Carbon Project. Depuis, la situation s'est aggravée. Selon une étude publiée par Pierre Friedlingstein de l'Université d'Exeter et ses collègues (lire aussi celles de G.P. Peters et al. et R.B.Jackson et al.), en 2019 l'homme rejetta 43.1 Gt d'équivalent gaz carbonique dans l'atmosphère soit 1367 tonnes chaque seconde ! Comme le résume l'étude de Jackson, plus que jamais "la croissance persistante des combustibles fossiles menace l'Accord de Paris et la santé planétaire".

A voir : Carbon Tracker, NOAA

Evolution de la concentration du CO2 depuis 800000 ans à 2016

What's Really Warming the World ?, Bloomberg

Les causes du réchauffement du climat

Le bilan annuel du CO2

A gauche, une gazette américaine locale s'inquiétait déjà en 1912 des émissions de gaz carbonique dans l'atmosphère. A droite, le bilan annuel du CO2 en 2017. En raison des multiples canicules et sécheresses, le bilan fut excédentaire de 26.4 Gt d'équivalment CO2 par an soit 13 fois supérieur aux années antérieures ! Documents The Rodnen & Otamatea Times et ETH Zurich adapté par l'auteur.

Comme on le voit ci-dessus à droite, depuis plusieurs décennies, le bilan total des rejets de gaz carbonique dans l'atmosphère (valeurs positives) est excédentaire par rapport aux absorptions (valeurs négatives). L'étude précitée publiée en 2018 par Humphrey et son équipe montra qu'en 2017 le phénomène s'est accentué du fait des périodes de canicules prolongées et de sécheresses durant lesquelles les écosystèmes terrestres asséchés ne pouvaient plus absorber le CO2 qui s'est donc accumulé dans l'atmosphère à raison de 11.2 Gt/an qui venaient s'ajouter aux quelque 40 Gt/an d'émissions anthropiques. En 2017, le bilan du CO2 qui était auparavant excédentaire de +2 Gt/an en absence de sécheresses s'est élevé à +26.4 Gt/an soit 13 fois supérieur aux années antérieures ! Or tant les climatologues que les fermiers à travers le monde constatent que les périodes de sécheresse sont plus fréquentes ou deviennent plus sévères. Ce signal de la nature n'est vraiment pas encourageant quoiqu'en disent les climatosceptiques et autre dénialistes.

L'humanité produit jusqu'à 100 fois plus de gaz carbonique que l'ensemble des volcans

Contrairement à ce que pensent les climatosceptiques et autres dénégateurs, les volcans ne sont pas "si dangereux" en matière de réchauffement climatique. En effet, ces personnes prétendent que les volcans sont les principaux émetteurs potentiels de gaz carbonique, mais nous avons les preuves aujourd'hui que cette théorie est fausse et donc qu'ils propagent des rumeurs.

Flux totaux annuels de SO2 et CO2 émis par les principaux volcans. Document A.Aiuppa et al. (2019).

Selon une étude publiée en 2019 dans le cadre du projet "Deep Carbon Observatory" (cf. Deep Carbon.net), entre 2005 et 2017, une équipe internationale de chercheurs a constaté que l'humanité produisit entre 40 et 100 fois plus de gaz carbonique que tous les volcans terrestres en activité (cf. A.Aiuppa et al., 2019).

La quantité totale de gaz carbonique émise par les volcans ne représente qu'environ 0.3 Gt/an soit à peine 0.8% comparés aux 39 Gt/an produites par les êtres humains en une année !

Il faut rappeler que dans un lointain passé, il y eut des évènements naturels d'une ampleur similaire (et même largement supérieure) à la production humaine de gaz carbonique actuelle. Les résultats furent catastrophiques pour la plupart des êtres vivants. 

Si on remonte encore plus loin dans le temps, il y a 66 millions d'années, l'impact d'un astéroïde à Chicxulub aurait libéré à lui seul entre 415 et 1400 Gt de gaz carbonique dans l'atmosphère, augmentant instantanément sa concentration de 180 ppm !

Aujourd'hui, l'impact de la civilisation industrielle a des conséquences comparables... Selon Marie Edmonds, volcanologue et pétrologue au Queens College de Cambridge, "la quantité de gaz carbonique rejetée dans l’atmosphère par les activités humaines au cours des 10 à 12 dernières années est équivalente aux changements catastrophiques survenus au cours des évènements qui se sont produits par le passé sur Terre." Aujourd'hui, il y a donc danger. On y reviendra dans le plaidoyer à propos des limites planétaires.

Changeons d'urgence nos habitudes

Si chacun de nous se doute bien qu'il émet indirectement des GES et laisse une empreinte carbone, on ne se rend pas compte des énormes quantités que cela représente et surtout des effets cumulés que nos petites activités individuelles produisent sur le climat au fil du temps. En effet, en 10 ans, chacun de nous émet entre 50 et plus de 200 tonnes d'équivalent CO2 dans l'atmosphère ! Multipliés par tous les habitants de la planète, on déverse des gigatonnes de gaz à effet de serre dans l'atmosphère chaque année !

Chacune personne consomme de l'énergie et émet donc un équivalent CO2 en utilisant une voiture, une moto, un camion ou un transport en commun (bus, avion et parfois train) alimenté par des hydrocarbures, en consommant de l'électricité (en moyenne en Europe 0.45 kg eq CO2/kWh mais très variable selon la source d'énergie), en achetant des articles fabriqués dans des entreprises qui émettent du carbone ou en achetant des aliments qui ne sont pas de saison et importés de l'étranger. On en produit aussi indirectement à travers l'empreinte carbone que laissent les services publics (on divise leurs émissions de carbone par la population et cela s'ajoute à votre bilan).

La quantité de CO2 ainsi produite augmente aussi en fonction de notre style de vie, si par exemple nous avons l'habitude de remplacer régulièrement nos vêtements ainsi que nos appareils ménagers, domestiques ou de loisirs par des modèles de dernière génération. Même les heures passées devant la TV, sur son smartphone, sa tablette ou sur Internet s'ajoutent aux émissions de GES.

En 2019, en moyenne les Européens émettaient 8.4 tonnes d"équivalent CO2 par an ! La tendance est à la baisse mais globalement en 2019 la quantité de carbone émise variait d'un facteur 4 entre la Suède (5.2 t) et le Luxembourg (20.3 t) qui est de loin le plus gros émetteur par habitant.

Bien que la différence d'une personne à l'autre puisse atteindre un facteur 10, en moyenne à titre privé 50% des émissions de carbone proviennent des tranports et de l'alimentation, suivies soit par le logement et les services publics soit l'inverse selon l'empreinte carbone de l'habitation (superficie, chauffage, etc).

Simulation : Calculez votre empreinte carbone sur le climat

A gauche, l'empreinte carbone en Wallonie en 2018 par an et par habitant. En tenant compte de l'activité industrielle et des services publics, on atteignait 16 tonnes d'équivalent CO2 alors que chaque habitant atteignait à peine la moitié de cette quantité. Sur le plan politique, l'objectif est de réduire ces émissions de 55% pour atteindre 5.4 tonnes d'équivalent CO2 par an par habitant en 2030. A droite, répartition des émissions en équivalent gaz carbonique émises par une personne économe vivant au Luxembourg en 2022. Documents Ecoconso et Nos Gestes Climat adaptés par l'auteur.

Chacun peut réduire ses émissions de carbone et atteindre l'objectif de 2 tonnes d'émissions de CO2 par an. Mais il faut faire des efforts et y mettre le prix. Dans le monde capitaliste dans lequel nous vivons, largement informatisé et où l'accumulation de biens, avoir sa maison et pouvoir se payer des vacances en avion est un style de vie voire un signe de richesse, c'est une changement radical des habitudes mais qui peut vite être apprécié si on le souhaite vraiment. Pour d'autres, un effort est possible, mais il a des limites qui soit sont celles du style de vie qu'on souhaite maintenir soit qui dépendent de ses moyens financiers et de contraintes extérieures.

Si nous ne changeons pas tout de suite notre manière de consommer l'énergie, d'ici 2050 on prévoit un doublement de la concentration de gaz carbonique par rapport à 1750 pour atteindre 571 ppm vers 2070. Biosphère 2 s'y est déjà préparé...

Si les émissions de gaz carbonique se poursuivent au taux actuel, selon les modèles climatiques on estime qu'en 2100 l'atmosphère pourrait globalement contenir 0.1% de gaz carbonique, soit 1000 ppm... Préparez vos masques ! Dans ces conditions, la température moyenne du globale pourrait augmenter de 5°C avec des effets importants sur le climat comme la fonte des glaces et l'élévation du niveau des océans, sans même parler des effets de bord souvent dramatiques pour les populations (disparition des glaciers et des sources d'eau potable, sécheresse, tempêtes, inondations, réfugiés climatiques, etc).

Il est donc urgent d'agir pour les générations futures mais également parce qu'on en ressent déjà les effets de nos jours, y compris en Occident avec une augmentation de la fréquence des canicules, des tempêtes, des inondations, etc.

Devant ces chiffres alarmants, début 2007 la Commission européenne décida de réduire les émissions de gaz carbonique de 50% d'ici 2050. Mais comment atteindre cet objectif sans trop pénaliser financièrement les industries et la population, car tel est le coeur du problème ? Le premier moyen consiste à réduire le plafond des quotas d'émission de CO2 accordé à chaque pays, appliquant en force la règle du "pollueur-payeur". Mais nous comptons tous parmi ces pollueurs !

Faites le calcul : Consommation et émissions des véhicules, ADEME

A lire : Emissions de CO2 des transports en Europe, Planetoscope

Consommations et émissions des véhicules particuliers (PDF), ADEME, 2015

Discount sur les "voitures vertes" (l'après-Kyoto)

Combustible

Émission de CO2 (gCO2e/kWh)

Centrale à charbon

1058

Pétrole lourd

778

Centrale/Chaudière au mazout

730

Pile à combustible

664

Gaz naturel

443

Chaudière au mazout

324

Chaudière au gaz

227

Electricité de chauffage

210

Radiateur électrique

147

Réseau de chaleur

100

Pompe à chaleur

49

Géothermie

38

Biomasse (avec turbine à vapeur)

32

Chauffage au bois

30

Hydroélectricité

10

Eolien

9-10

Centrale nucléaire

6

Données extraites du Bilan GES de l’Ademe (F)

Parmi ces industries polluantes il y a l'aéronautique. Selon l'IATA les 50000 avions de ligne existants dont 15000 à 20000 en Europe contribuent à 2% des émissions de dioxyde de carbone dans l'atmosphère, ainsi qu'à l'ozone atmosphérique, au méthane, etc. Face à cette pollution croissance, l'Europe exigea des avioneurs de réduire la consommation des avions de 50% pour 2020. Mais cela ne les empêche pas de continuer à polluer l'air. Les Etats-Unis suivent la même voie mais de manière plus timide.

Dans le cas de l'industrie automobile qui nous touche de près, une voiture familiale et d'autant plus une grosse cylindrée émet généralement entre 100 et 200 g de CO2 par km. Quant aux 4x4, SUV et autres tout-terrain, certains modèles dépassent encore les 300 g de CO2 par km (Audi Q7 V6, etc), une pollution si élevée que certaines villes européennes les interdisent (y compris pour une question d'encombrement). Si 300 g de CO2 ne vous disent rien, sachez que si vous faites l'aller-retour Paris-Bruxelles en SUV, vous allez libérer au moins 150 kg de gaz carbonique dans l'atmosphère et 80 kg environ avec une voiture de classe moyenne ! Multiplié par des centaines de millions de voitures, nous nous asphyxions tous petit à petit et affectons durablement le climat. Cela ne peut plus durer.

Si nous ne changeons pas nos habitudes, selon une étude publiée dans la revue "Nature" en 2017 par Gavin L. Foster de l'Université de Southampton et ses collègues, à très long terme on risque de franchir des seuils très désagréables. Comme le montre le graphique présenté ci-dessous à droite, si rien ne change la concentration de CO2 dépassera 3000 ppm vers l'an 2200 ou 2400 selon la consommation de nos descendants. Notons que le seuil mortel est de 4% soit 40000 ppm de CO2 dans l'air avec une certaine tolérance jusque 8%. A partir de 10% de CO2, c'est la mort en 10 minutes. Bienvenu dans le futur ! 

Le dioxyde de carbone (PDF), J.Amouroux et al., 2012

La molécule-clé de la chimie du développementdurable

A gauche, selon une étude publiée en 2019, la production brute d'oxygène par les plantes suit l'évolution des émissions de gaz carbonique. Mais cela ne veut pas dire que cette production primaire d'oxygène neutralise les émissions de gaz carbonique et leurs effets négatifs (sécheresse, canicules, etc), au contraire. A droite, la projection de la concentration du gaz carbonique à long terme. Documents L.A.Cernusak et al. (2019) et G.L.Foster et al. (2017) adaptés par l'auteur.

Nous voilà informés. A nous d'éviter qu'un tel scénario se produise dès à présent. Que nos dirigeants et nos industriels agissent en conséquence et nous les suivrons. A moins qu'ils soient si rétissants que ce soit à chacun de nous de montrer l'exemple afin qu'ils se décident enfin à réagir. En effet, chacun d'entre nous peut participer à la réduction de cette pollution en consommant autrement et de manière plus responsable, notamment en consommant des produits locaux impactant moins l'environnement et en exprimant publiquement notre point de vue lors de manifestations en faveur d'une meilleure protection de notre environnement et du climat (cf. la journée mondiale de mobilisation pour la lutte contre le réchauffement du climat et l'initiative de la jeune suédoise Greta Thunberg).

Les mesures européennes : vers un air plus pur

Concrètement, en 1998 la Commission européenne et l’Association des Constructeurs Automobiles Européens (ACEA) conclurent un accord visant à réduire les émissions de gaz carbonique des véhicules de 25% en 2008 du niveau constaté en 1995, soit 140 g/km contre 186 g/km. Selon les membres de l'ACEA, ils sont déjà parvenus à diminuer les émissions de CO2 de 13%, à 161 g/km en 2004, par rapport au niveau de 1995. La Commission européenne et l'ACEA prévoyaient également une réduction de 35% supplémentaires, soit 120 g/km en 2012. En 2011, l'ACEA atteignit la valeur de 135.7 g/km et en 2015 elle atteignit la valeur de 130 g/km, soit inférieure aux objectifs mais la réduction était sensible. Ensuite la Commission européenne et l'ACEA proposèrent d'abaisser encore les limites d'émissions de CO2 pour atteindre 95 g/km en 2020.

Si selon l'ACEA cette transformation des moteurs est complexe et représente un coût énorme, selon les experts de la Commission européenne, le gain sera positif pour les automobilistes et les constructeurs : les moteurs plus efficaces permettraient une économie de carburant de 340 €/an (et 400 €/an pour une fourgonnette). Pour les comptes courants des États membres, l'économie de pétrole se chiffrerait à ~7 milliards d'euros par an, au prix actuel du carburant.

Quant à l'atmosphère, le bilan n'est pas positif. En effet, même si les végétaux peuvent s'adapter à l'augmentation de gaz carbonique dans l'air en accentuant la photosynthèse et produisant plus d'oxygène comme on le voit ci-dessus à gauche, les émissions de gaz carbonique sont tellement importantes que l'atmosphère absorberait 160 millions de tonnes de CO2 en moins entre 2020 et 2030.

Bien entendu, le gaz carbonique n'est pas le seul polluant car les particules fines ou le monoxyde d'azote (NOX) sont également concernés. Rassurez-vous, ces polluants sont également réglementés mais par la législation européenne sur la qualité de l'air. C'est pour cette raison que lors des pics de pollution, la vitesse du trafic routier est parfois limitée sur les autoroutes et dans les tunnels.

Le bon exemple européen

Malgré les chiffres décevants des émissions de GES dans le monde, il y a quelques bonnes nouvelles. La première, en raison des confinements liés à la pandémie de Covid-19, en 2020 les émissions de gaz carbonique ont diminué de 8% dans le monde. Mais ce fut temporaire.

La seconde bonne nouvelle est durable. Les Européens ont fait de gros efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Entre 1990 et 2020, les 28 États membres de l'Union européenne réduisirent leurs émissions de GES de 31%, au-delà des prévisions (-20%).

En revanche, l'objectif de 55% de réduction par rapport à 1990 que se fixa l'Europe pour 2030 sera probalement réduit à 41%.

Quant à la "neutralité carbone" prévue pour 2050, si on compte uniquement sur la séquestation du carbone dans les puits naturels que sont les océans et les forêts, on n'y arrivera pas. Des puits de carbone supplémentaires exploitant par exemple des techniques de recyclage du carbone sont indispensables ainsi qu'un changement global de nos moyens de produire et de consommer l'énergie vers des alternatives plus écologiques.

Parmi les actions concrètes visant à réduire la pollution, c'est la Suède qui inaugura les zones de basse émission (LEZ) avec 3 LEZ en 1996. L'Italie inaugura des LEZ dans le nord du pays en 2002 (dans les tunnels dont celui du Saint Bernard). Ensuite Londres, Berlin, Cologne, les Pays-Bas et Milan emboitèrent le pas en 2008.

C'est en 2018 que Bruxelles inaugura une zone LEZ. En 2019, le gouvernement wallon annonça qu'à partir de 2025 il interdirait l'usage des véhicules diesel qui sont sous la norme Euro 6 (en pratique tous les véhicules diesel immatriculés avant 2006 ou avant 2010 selon les modèles). En 2022, elle interdit déjà la circulation dans la zone LEZ de Bruxelles des véhicules jusqu'à la norme Euro 4. En 2030, tous les véhicules diesel seront interdits et en 2035 cela concernera aussi tous les véhicules à essence ! Vu les millions de véhicules thermiques en circulation, on a du mal à imaginer qu'ils disparaitront du paysage bruxellois à cette échéance. En 2036, outre les véhicules électriques, seuls les autocars et les poids lourds respectant la norme Euro 6 pourront circuler.

Londres inaugura la zone "ULEZ" (Ultra Low Emission Zone) située au centre de la mégapole dans laquelle les véhicules polluants (à essence sous la norme Euro 4 et diesel sous la norme Euro 6) ne pourront entrer qu'en payant une taxe journalière de 14.50 €. La zone ULEZ tripla de taille en 2021. Elle complète la zone LEZ qui englobe le grand Londres depuis le 26 octobre 2020. Cette mesure complète le péage urbain (London congestion charge) inauguré en 2003. Comme dans d'autres capitales, il est souvent plus pratique et plus rapide de prendre le métro (ou le tram), d'autant qu'il peut être gratuit.

Finalement Paris instaura une zone LEZ (ZFE) en 2021 ainsi que plusieurs villes de l'Hexgaone. En 2019, le projet initial avait avorté car il interdisait à toutes les personnes habitant Paris et possédant une voiture polluante de l'utiliser. Cette fois, moyennant certaines adaptations, l'arrêté ZFE est entré en vigueur.

Qu'en est-il des particuliers ? En Belgique, tous les véhicules étrangers entrant dans la zone LEZ de Bruxelles doivent être enregistrés. Si vous ne le faites pas et si vous êtes contrôlé, soit c'est de la distraction et vous avez 24 heures pour vous mettre en règle soit vous disposez d'un passe-droit à 35 €/jour et valable 8 fois sur l'année. Sinon l'amende sera de 350 € "même si le véhicule respecte les conditions d'accès de la zone de basse émission". Cette façon cavalière de mettre des personnes à l'amende alors qu'elles ne polluent pas ne fait pas l'unanimité.

De façon générale, les propriétaires de voiture qui ne peuvent pas satisfaire à ces critères antipollution en modifiant ou achetant un véhicule respectant les nouvelles normes se voient plus taxés que les autres, c'est le principe "pollueur-payeur" et des éco-taxes. Si vous n'avez pas les moyens d'acheter une nouvelle voiture, il vous reste la solution d'installer un kit dépolluant sur votre véhicule. Ils sont encore peu nombreux et chaque pays propose sa solution. Mais ne vous inquiétez pas, les médias reviendront certainement sur le sujet dans les années à venir car il nous concerne tous. En attendant, si votre véhicule est d'une ancienne génération, vous pouvez déjà demander à votre concessionnaire quelle solution il propose pour réduire les émissions polluantes.

A consulter : Traffic Index 2018, Tomtom

Les 403 villes plus embouteillées du monde

A gauche, le panneau de signalisation indiquant le début de la zone LEZ de Bruxelles. A droite, les zones LEZ et ULEZ de Londres.

Suite à l'accord européen, certains constructeurs ont déjà pris les devants. Ainsi, quelques dizaines de petites voitures émettent moins de 100 g de CO2 par km mais la plupart des berlines, SUV et voitures sports sont largement hors normes. Si votre souhaitez remplacer votre véhicule, envisagez dès à présent l'achat d'un véhicule hybride ou électrique, deux modèles qui gagnent chaque année des parts de marché en raison de la raréfaction du pétrole et de l'augmentation des taxes sur les véhicules polluants.

Un véhicule hybride réduit la consommation de carburant de 40 à 75% selon les distances parcourues. Ils sont donc très économiques pour les trajets urbains (< 40 km) ou pour ceux qui ne parcourent que de petits trajets. Aujourd'hui presque tous les constructeurs proposent au moins un véhicule hybride et un modèle électrique dans leur catalogue et Volvo a même décidé en 2019 que toutes ses nouvelles voitures seraient équipées d'un moteur électrique (version hybride ou 100% électrique). Pour rappel, durant son cycle de vie, un véhicule électrique émet en moyenne trois fois moins de CO2 qu'un véhicule thermique équivalent. L'atmosphère européenne semble déjà plus respirable.

Mais il faut relativiser ce sentiment car pour calculer le "bilan pollution" d'un véhicule, il faut tenir compte de toutes les étapes de sa fabrication depuis l'extraction des matières premières et la fabrication des batteries. Quand on fait le calcul, sachant que l'extraction et le raffinage du lithium exigent énormément de produits chimiques polluants, on constate malheureusement qu'après avoir roulé 30000 km, les véhicules électriques produisent autant de gaz carbonique que les véhicules thermiques. En revanche, au-delà de cette distance, les véhicules électriques deviennent moins polluants.

Soulignons que les maires et bourgmestres de nos capitales ont pris la mesure du problème et essayent depuis quelques années de réduire la pollution de l'air en interdisant l'accès aux véhicules polluants et en augmentant les espaces verts, allant jusqu'à végétaliser le bâti comme cela se fait à Bruxelles et dans d'autres capitales. On y reviendra à propos de l'après-Kyoto et du défi tant sociétal qu'industriel qui nous attend.

Enfin, si on ne peut pas éviter les émissions de gaz carbonique, on peut enfouir le CO2, le stocker, c'est-à-dire le séquestrer ou le recycler, c'est-à-dire le transformer, et les idées ne manquent pas. On y reviendra.

Dernière partie

Le méthane

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[2] T.Crowley et G.North, "Paleoclimatology", Oxford University Press,1991 - D.Raynaud et al., Science, 259, 1993, p926.


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