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Le trou noir et le principe holographique
L'avenir des trous noirs (II) Serait-il un jour possible de créer des mini trous noirs loin dans l’espace comme l’imagine Novikov[3] ? En vertu de la loi de conservation de l’énergie et de la théorie d'Hawking, puisqu’un trou noir doit perdre progressivement sa masse, il perd également son énergie. De ce fait, dans un lointain avenir, nos ingénieurs “es trous noirs” trouveront peut-être un moyen pour produire de l’énergie bon marché. En effet, accumulant de l’énergie au cours de leur formation, les mini trous noirs irradieront un spectre de particules à un taux prédit par le niveau d’énergie de chacune d’elle qui est déterminé par la masse du trou noir. Ainsi, un mini trou noir d’un milliard de tonnes émettrait environ 1017 erg/s durant quelque dix milliards d’années, une aubaine en ces probables périodes de crises d’énergie ! Freeman Dyson de Princeton a d’ailleurs imaginé qu’une civilisation tirant profit de ce mécanisme pourrait survivre dans ce lointain futur glacial. Nous discuterons de cette théorie dans le dossier consacré à la bioastronomie. Reste à expliquer ce qui se produira lorsque tous les trous noirs s’évaporeront à un point tel que l’approximation semi-classique deviendra invalide. Comme le font les physiciens théoriciens, nous devons en principe appliquer les mécanismes quantiques au champ gravitationnel du trou noir lui-même. Mais personne aujourd'hui ne peut résoudre complètement de telles équations. Stephen Hawking, Kip Thorne, Gerard 't Hooft, Leonard Susskind, Samir Mathur ou Don Page parmi d'autres experts en sont réduits à des conjectures et actuellement personne n'oserait dire qu'il dispose d'un modèle exact du trou noir tant ses caractéristiques font encore l'objet de débats, non seulement sa topologie mais il reste aussi une incertitude quant à la dernière phase de l’évaporation des trous noirs, ce que nous futurs physiciens auront certainement résolu. Plusieurs hypothèses ont été imaginées qui se résument en quelques scénarii : - les trous noirs arrêteront de s'évaporer lorsqu’ils atteindront une masse restante positive - les trous noirs arrêteront de s'évaporer lorsqu’il ne restera que des particules ayant la masse de Planck (10-5 g) - ils continueront de s'évaporer jusqu'à ce que leur masse devienne négative - ils disparaîtront complètement - ils disparaîtront en formant des singularités nues, limites visibles de l’espace-temps. Jusqu'à l'annonce de Hawking en 2004, le mathématicien et physicien anglais Roger Penrose surnommait le trou noir, "la censure cosmique". A l'instar d'une boîte de Pandore, le trou noir était considéré comme un objet inquiétant et mal connu qu'un censeur suprême nous empêchait d'ouvrir. La théorie de Hawking ouvre ici une voie de recherches prometteuse. Depuis quelque temps, il semblerait, du moins en théorie de la relativité, que sous certaines conditions les singularités soient visibles. Pour cela, l'astre doit avoir une forme allongée, ce qui le forcerait à s'effondrer asymétriquement. Cette découverte étant fondamentale, nous en reparlerons en relativité générale. Si la boîte de Pandore n'est pas encore totalement ouverte, la découverte des ondes gravitationnelles balisa d'une pierre blanche l'étude des trous noirs sans trop bouleverser la physique. Il n'en sera pas de même s'il s'avère que les cordes et autres branes existent. Supercorde et théorie M Ainsi que nous l'avons évoqué, les seules théories pouvant prétendre résoudre les difficultés actuelles des deux principales théories cadres de la physique sont les théories de supercordes ou des alternatives comme la gravité quantique à boucles et sa généralisation, la théorie M à 11 dimensions, qui laissent entrevoir l’unification des interactions fondamentales[4]. Si l’une de ces théories est correcte, il est possible en principe d’expliquer ce qui se passe lorsqu’un trou noir s’évapore. Malheureusement pour notre curiosité, ces théories sont encore peu nombreuses et trop effilochées pour prétendre définir toutes les implications de ce phénomène. Essayons malgré tout de décrire quelques solutions. Les théorie de supercordes ont notamment été appliquées aux trous noirs. Samir Mathur de l'Université d'Etat d'Ohio et ses collègues de Columbus ont montré que si un trou noir pouvait être modélisé par la théorie des cordes, dans ce cas on pouvait le considérer comme un immense enchevêtrement de cordes ou "fuzzball". Dans ces conditions, l'information ne serait pas perdue car elle serait stockée dans les ondulations des cordes. Le rayonnement de Hawking émis par cette "pelotte" contiendrait alors l'information concernant les propriétés internes du trou noir. On peut même aller plus loin avec les théories de supercordes où un trou noir devient l'intersection de p-branes (membranes à plus de 4D) se croisant dans des dimensions supérieures, le rayonnement de Hawking correspondant au détachement d'une p-brane sous forme de corde fermée ou 1-brane. Concernant l'évaporation ultime des trous noirs, en effectuant une étude thermodynamique des modes turbulents des cordes (la façon dont les particules se matérialisent dans la réalité), une analyse aussi complexe que son titre, le physicien Mark J. Bowick[5] aujourd'hui à l'Université de Syracuse et ses collègues concluent qu’il est statistiquement probable qu’un trou noir s’évaporant se transformera en corde massive lorsqu’il sera suffisamment petit. Finalement la corde elle-même se désintégrera sous forme de rayonnement ordinaire, de particules sans masse. Cette théorie permet aux trous noirs de disparaître complètement de la scène cosmique sans laisser de singularité nue, parce que le champ gravitationnel lui-même fait partie du champ de supercorde. Cette conclusion est raisonnable car elle découle rigoureusement des résultats mathématiques.
Avant même de connaître les théories de supercordes, les physiciens avaient déjà imaginé qu’un trou noir suffisamment petit pouvait se transformer en un spectre de particules massives sans présenter de champ gravitationnel classique conduisant à une singularité nue. Les théories de supercordes nous donnent le moyen de comprendre conceptuellement ce qui se produit, mais comme le dit Don Page, il ne s’agit que d’indices. Quant à la question de savoir si les théories de supercordes permettent de prédire l’entièreté du phénomène d’évaporation, s’il y a une brisure dans le phénomène par exemple, Bowick admet qu’il ne voit pas très bien comment cette théorie pourrait résoudre ce problème. En fonction des différents modes d’émission des trous noirs il existe un tel nombre de corrélations entre les particules que les méthodes de calculs sont innombrables. Il est trop tôt pour envisager toutes les solutions. A l'heure actuelle aucune observation ne semble étayer les hypothèses de Stephen Hawking mais il faut reconnaître que nos théories sont encore imprécises et nos outils à peine adaptés à ce type de recherche; nos instruments sont de taille réduite, incapables d'appréhender les énergies des supercordes, ils manquent également de sensibilité et de résolution. Pour corser le tout, certains physiciens ne comprennent pas pourquoi il faut faire appel à des cordes à 10 dimensions pour résoudre des problèmes tridimensionnels qui n'en requièrent a priori pas plus... Tout un débat ! On y reviendra. A lire : La théorie des cordes au secours des trous noirs
Tous les effets gravitationnels que nous venons de décrire semblent paradoxaux parce que nous essayons d'expliquer des processus en dehors de leur cadre, par le biais de la mécanique de Newton. Or ceux-ci sont provoqués par des champs extrêmement variables et de haute énergie, que seules les lois conguguées de la relativité générale et de la physique quantique peuvent expliquer. Le bouleversement que ces deux théories ont provoqué en physique s'explique aisément devant ces paradoxes, qui font tous références à la mécanique classique. C'est dans ce contexte que la relativité générale révèle le génie d'Einstein qui sut expliquer par la seule force de son intuition les propriétés d'un espace-temps soumis à des champs gravitationnels intenses et/ou variables. Mais le succès n'est pas encore total. Demain, la gravité quantique à boucles ou la théorie M vont peut-être révolutionner notre manière de penser l'astrophysique et la cosmologie. Pour plus d'informations Vers une résolution du paradoxe de l'information (sur ce site) L'univers holographique, Jean-Pierre Luminet (lire aussi les 4 articles illustrés art.1, art.2, art.3, art.4 sur son blog) Trous noirs, paradoxe de l'information et théorie des cordes (PDF), ETHZ Théorie des cordes et gravité quantique (PDF), CNRS, 2010 Black Hole Information paradox : An Introduction, Matt Strassler The Holographic Universe, YouTube Hawking Radiation conference, S.Hawking, KTH, 15 août 2015 The Ads/CFT Correspondence (arXiv), Veronika E.Hubeny, JHEP, 2015 Gravitational Memory, BMS Supertranslations and Soft Theorems (arXiv), A.Strominger et A.Zhiboedov, 2014 Lectures on Quantum black holes (arXiv), A. Dabholkar et S. Nampuri, in "Lectures Notes in Physics", 851, pp.165-232, 2012 Strong-interaction theories based on gauge/gravity duality (PDF), S.Brodsky et G.F. de Téramond, 2010 The paradox of quantum black holes, Leonard Susskind, Nature Physics, 2, pp.665-677, 2006 Information in the Holographic Universe, Jacob Bekenstein, Scientific American, 17, pp.66-73, April 2007 Illusion of Gravity, Juan Maldacena, Scientific American, 293, pp.56-63, November 2005 Is Information lost in black hole evaporation?, transcription de la conférence de presse de S Hawking du 21 juillet 2004, 17e conf. sur la relativité générale et la gravitation, Dublin Theoretical results about black holes suggest that the universe could be like a gigantic hologram, Jacob Bekenstein, Scientific American, Aug 2003 The Large N Limit of Superconformal Field Theories and Supergravity (arXiv), J.M. Maldacena, 1997 The World as a Hologram (arXiv), Leonard Susskind, in " Journal of Mathematical Physics", 36 (11), pp.6377-6396, 1995 Gravitational lensing by spinning black holes in astrophysics (visualisation d'un trou noir + film Interstellar), K.Thorne et al., 2016. Retour à la Physique Quantique
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