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Le trou noir supermassif de la Voie Lactée

Paramètres de Sgr A* (II)

Diamètre, spin, masse et distance de Sgr A*

Dans un article publié en 2014, les astronomes Angelo Ricarte et Jason Dexter ont estimé la masse de Sgr A* à 4.31 millions de masses solaires dont l'essentiel se concentre dans le trou noir invisible. Son diamètre (celui de son horizon des évènements ou de son ombre projetée sur le disque d'accrétion) est estimé à 10 millions de kilomètres, soit 7 fois la taille du Soleil ! A cette distance, cela correspond à un diamètre angulaire de 53 mas ou 0.053". Aujourd'hui, la marge d'erreur sur sa taille est de l'ordre de 15%. La limite de Roche sous laquelle tout corps est disloqué par les forces de marée se trouve à 200 millions de kilomètres, soit plus loin que l'orbite de la Terre !

Illustrations du trou noir supermassif Sgr A* de 4.3 millions de masses solaires sous deux angles différents. Le disque interne d'accrétion est lumineux en raison de la chaleur dégagée par le gaz attiré par la singularité. La distance séparant le bord du disque interne (l'ISCO) de l'horizon des évènements est d'autant plus courte que le disque tourne rapidement (que les vitesses orbitales du gaz sont élevées). Les fluctuations de luminosité dans le disque seront aussi plus courtes sur les mêmes échelles de temps. Documents NASA et T.Lombry.

Concernant son taux de rotation (sa vitesse propre) ou spin, dans un article publié dans "The Astrophysical Journal Letters" en 2020, Giacomo Fragione et Abraham Loeb ont fixé la limite supérieure χ 0.1, soit à ~10% du taux maximal. Selon les auteurs, ce faible taux pourrait expliquer l'absence de jets. Mais leur absence peut aussi s'expliquer par la réduction du taux d'accrétion au fil du temps. On y reviendra.

Actuellement on ignore si le disque d'accrétion est en corotation (rotation prograde) ou en contrarotation (rotation rétrograde) avec le trou noir. Cette information qu'on espère obtenir d'ici quelques mois permettra également de préciser son spin et la distance séparant l'ISCO de l'horizon des évènements (cf. le spectre d'énergie des trous noirs).

La masse et la distance de Sgr A* au Soleil furent réestimés en 2021. Nous devons saluer les vingt années que les chercheurs ont passé pour affiner ces données, en particulier la Collaboration GRAVITY qui travaille avec les VLT de l'ESO depuis 2016 (cf. MPE).

GRAVITY est un instrument installé sur les VLT. Il travaille en proche infrarouge, en bande K entre 2.0 et 2.4 microns. L'avantage de GRAVITY sur l'EHT est qu'en travaillant dans l'infrarouge, il peut prendre sur le vif des phénomènes beaucoup plus rapides que l'EHT. En mode imagerie interférentielle et en ajoutant les sous-systèmes correcteurs (les optiques adaptatives pour la correction de la turbulence atmosphérique et le suivi de franges au niveau de l'interféromètre VLTI et des franges d'interférences), en fonction de la configuration optique (avec les 4 VLT et avec ou sans les quatre télescopes auxiliaires utilisés en cohérence), la résolution angulaire de GRAVITY varie entre 2 et 140 mas (en moyenne, GRAVITY atteint une résolution de 10 mas soit 0.01") et peut mesurer les positions et les mouvements d'étoiles et d'autres objets célestes avec une précision de quelques dizaines de microsecondes d'arc.

Dans deux articles publiés dans la revue "Astronomy & Astrophysics" en 2021, les chercheurs de la Collaboration GRAVITY ont étudié les étoiles passant au plus près de Sgr A* pour mesurer ses paramètres. A cette occasion, ils ont découvert une nouvelle étoile pâle nommée S300 de magnitude de ~19 en bande K (cf. Collaboration GRAVITY et al., 2021; en PDF).

Le champ de 100 mas centré sur le trou noir supermassif Sgr A* montrant les principales étoiles qui gravitent autour de lui. Le nord est en haut. L'image au centre fut prise le 26 juillet 2021. L'étoile S300 est une nouvelle venue dans le système. Voici l'image sans légende. L'étoile S2 qui passa au périapse de Sgr A* en 2018 est hors champ. Elle s'éloigne vers le nord jusqu'à 180 mas soit ~1600 UA de Sgr A*. A droite, l'animation de la trajectoire des étoiles autour de Sgr A*. Documents Collaboration GRAVITY et al. (2021, en PDF), Collaboration GRAVITY et al. (2021, en PDF) et ESO.

Dans le second article, les chercheurs ont utilisé les données sur les trajectoires de ces étoiles dont S2, S29, S38 et S55 qui orbitent dans le même potentiel gravitationnel que Sgr A* qu'ils ont combinées aux données astrométriques et spectrométriques (de vitesse radiale) pour améliorer la précision de mesure de la précession de Schwarzschild de 14%, en plein accord avec la prédiction de la relativité générale (voir plus bas). Rappelons qu'on observe un phénomène similaire avec l'orbite de Mercure autour du Soleil.

Selon les chercheurs, le meilleur ajustement donne à Sgr A* une masse équivalente à 4.297 ±0.012 millions de masses solaires avec une précision de ±0.25% et sa distance à 8277 ±9 pc soit ~26983 années-lumière du Soleil avec une précision de ±0.1% soit d'à peine 30 années-lumière (cf. Collaboration GRAVITY et al., 2021; en PDF). En 2019, la Collaboration GRAVITY avait estimé la masse de Sgr A* à 4.152 ±0.014 millions de masses solaires avec une précision de 0.3% et sa distance à 8178 ±13stat. ±22sys. pc, soit ~26660 années-lumière du Soleil.

Simulations

En attendant de pouvoir observer ce trou noir, de nombreux chercheurs ont tenté de simuler son aspect sous différents angles et à différentes fréquences, et en tenant également compte de la présence de gaz interstellaire sur la ligne de visée affectant la qualité des images. Quelques simulations sont présentées ci-dessous.

Depuis ces premières simulations, en soustrayant la diffusion des images VLBI obtenues par les réseaux GMVA (Global Millimeter VLBI Array) et ALMA à 86 GHz, comme on le voit ci-dessous (ligne du haut au centre et à droite), dans un article publié dans "The Astrophysical Journal" en 2019, l'équipe de Sara Issaoun du Centre d'Astrophysique Harvard-Smithsonian est parvenue à obtenir une première image qui ne vaut pas encore la résolution de l'EHT mais qui a permis de mieux contraindre les propriétés de Sgr A* dont sa taille et sa géométrie. Ainsi, en comparant les futures images de l'EHT avec ces simulations, les chercheurs pourront par exemple déterminer l'inclinaison approximative du système dans l'axe de visée. Plus l'image sera nette, plus les mesures seront précises.

Ci-dessus à gauche, simulation du trou noir supermassif Sgr A* tel que les astronomes pourraient l'observer grâce à l'installation VLBI comprenant notamment l'Event Horizon Telescope. On distingue l'horizon des évènements du trou noir se découpant devant le disque d'accrétion composé de gaz porté à haute température. Au centre, une autre simulation sans  dispersion de la lumière du disque interne d'accrétion. A droite, la première image prise en 2018 par le réseau VLBI de GMVA (Global Millimeter VLBI Array) et ALMA (cf. cette carte) constitué de 13 radiotélescopes répartis à travers le monde après suppression de l'effet de la diffusion interstellaire. Il faut une résolution au moins 4 fois supérieure pour distinguer l'ombre du trou noir. Documents extraits de A.Broderick et A.Loeb (2009) et S.Issaoun et al. (2019).

Ci-dessus, simulation GRMHD 3D de l'émission du disque interne d'accrétion de Sgr A* vu de face et de profil et l'image théorique détectée par un VLBI submillimétrique. Dans le cas pessimiste (vu de profil), il faut un contraste d'au moins 200:1 pour observer l'ombre du trou noir. Document H.Falcke et S.B. Markoff (2013).

Ci-dessus à gauche, simulation du disque interne d'accrétion de Sgr A* en rayons X selon le modèle a9MAD. Au centre, simulation GRMHD 3D avec l'outil open-source MPI-AMRVAC (spin ~ 0.9 et angle d'inclinaison par rapport à l'axe du spin de 60°). A droite, aspect du disque interne d'accrétion dans les modèles MAS non thermique et SANE thermique à deux fréquences différentes. Documents extraits de Chi-kwan Chan et al. (2014), O.Porth et al. (2017) et Collaboration EHT (2022).

Soulignons que ces illustrations sont des arrêts sur images extraites de simulations animées basées sur des modèles magnétohydrodynamiques relativistes 3D (GRMHD), le gaz tombant sur le trou noir dans un mouvement en spirale.

Selon les simulations, tout indique que la zone d'émission est plus petite que prévu et proviendrait du disque plutôt que du jet. En effet, il est possible que le jet de plasma soit invisible pour différentes raisons (il est inexistant, il est trop faible ou pointe dans notre direction). Ces conclusions confirment les résultats obtenus en 2018 par la Collaboration GRAVITY.

Première image de Sgr A*

Jusqu'à présent, la présence de Sgr A* était suspectée à partir des émissions radio et en observant les trajectoires des étoiles orbitant à proximité de cet objet. Après avoir obtenu en 2019 la toute première image (reconstruite à partie des signaux radio) d'un trou noir, celui de la galaxie M87 alias Virgo A, le 12 mai 2022 la Collaboration EHT publia la première image du trou noir supermassif qui se cache au centre de la Voie Lactée présentée ci-dessous.

Bien que Sgr A* soit 2000 fois plus proche de nous que M87* (situé à ~55 millions d'années-lumière), il est minuscule comparé à ce dernier (cf. cette vidéo) et il s'est avéré beaucoup plus difficile à imager. En effet, dans le cas de M87*, bien que le gaz au voisinage du trou noir supermassif se déplace à une vitesse proche de celle de la lumière, vu sa masse 1500 fois plus élevée que celle de Sgr A* et sa taille astronomique, il lui faut des jours pour boucler une révolution autour de M87*, alors qu'il ne faut que ~15 minutes pour que le gaz boucle une orbite autour de Sgr A*.

Le disque d'accrétion brillant qui entoure Sgr A* mesure ~0.0001" ou 0.1 mas (100 μas) de diamètre et est équivalent à 30 fois le diamètre du Soleil soit ~42 millions de km de diamètre. Etant situé à ~27000 années-lumière du Soleil, sa taille apparente dans le ciel est équivalente à celle "d'un donut posé sur la Lune".

 Parmi toutes les solutions envisagées grâce aux modélisations, la forme en anneau domine sur les autres types d'images obtenues par différentes méthodes. Cependant, la variabilité et la faible couverture de chaque radiotélescope rendent la sélection d'une seule image impossible (cf. cet article). Celle présentée correspond donc à la meilleure estimation. 

Les résultats de cette prouesse technique furent publiés dans un numéro spécial des "The Astrophysical Journal Letters" le 12 mai 2022.

A voir : Press Conference at ESO - Results from the EHT team and Q&A event, ESO, 2022

Size comparison of the two EHT black holes, ESO, 2022

Image of Sagittarius A* | Event Horizon Telescope, NSF, 2022

Sagittarius A* Black Hole | Q&A Panel, NSF, 2022

A gauche, la première image reconstruite à partir des signaux radio du trou noir supermassif Sgr A* situé à ~27000 années-lumière du Soleil, dans le coeur de la Voie Lactée. Elle fut obtenue le 7 avril 2017 (mais seulement publiée le 12 mai 2022) par la collaboration EHT à 230 GHz ou 1.3 mm de longueur d'onde à partir des 3.5 PB de données enregistrées par les 8 installations radioastronomiques reliées par VLBI. La résolution de 0.00002" ou 20 μas est équivalente à celle d'un seul radiotélescope de plus de 10000 km de diamètre ! Au centre, les images en médaillon représentent différentes solutions d'imagerie et leur fréquence associée (histogrammes). L'image la plus probable a été agrandie. Le diamètre de l'anneau brillant est de ~100 μas et sa température de brillance atteint localement 14 milliards de kelvins. A droite, la comparaison entre M87* et Sgr A*. Bien que nous ne puissions pas voir l'horizon des évènements lui-même puisqu'il ne peut pas émettre de lumière, on peut imager le disque d'accrétion composé de gaz porté à haute température qui présente une structure annulaire brillante au centre de laquelle se trouve une zone sombre, appelée l'ombre, qui abrite le trou noir lui-même. La brillance du disque est inégale car elle est perturbée par l'énorme gravité du trou noir qui est 4.3 millions de fois plus massif que le Soleil. Documents Collaboration EHT/ESO.

Pour obtenir cette image à 230 GHz ou 1.3 mm de longueur d'onde, les chercheurs ont dû combiner les données collectées nuit après nuit par huit radiotélescopes de la Collaboration EHT reliés en configuration VLBI à l'échelle de la planète, y compris avec une station en Antarctique. Il fallut ensuite combiner ces données brutes et construire une image à l'aide de logiciels de traitement du signal et d'imagerie. Le nombre total de données traitées représente environ 3.5 pétabytes sur disque (contre 5 PB pour M87*), l'équivalent d'au moins 4 millions de vidéos TikTok. Enfin, pour pouvoir interpréter les images du mieux possible, il fallut les comparer à des modèles numériques de trous noirs.

Selon Frédéric Gueth, chercheur au CNRS et directeur adjoint de l'IRAM qui collabora à ce projet, "La luminosité du gaz changeant rapidement autour de Sgr A*, cela génère un ensemble de données beaucoup plus complexe à traiter que pour M87*. C'est pourquoi nous avons dû développer de nouveaux outils numériques pour simuler et analyser le mouvement du gaz pour obtenir une image claire. D'où le fait qu'il fallut trois années supplémentaires pour imager Sgr A*". En effet, depuis l'enregistrement des données en 2017, les 300 chercheurs issus de 80 instituts internationaux de la Collaboration EHT ont passé 5 ans pour réaliser des calculs intensifs afin d'obtenir cette image.

Le fait que l'image soit encore floue est liée à plusieurs facteurs : la distance de l'objet, la diffusion interstellaire, la méthode d'acquisition, la fréquence utilisée, la vitesse de rotation du gaz et les algorithmes d'imagerie. Cela montre toute la difficulté d'imager un tel objet dans les bandes millimétriques, même avec une installation de la taille de la Terre.

Les huit installations radioastronomiques de la collaboration EHT formant le réseau VLBI à l'échelle planétaire en 2017. Document EHT/P.Marous adapté par l'auteur.

D'ailleurs les chercheurs vont tenter à l'avenir d'améliorer la qualité des images mais ce sera difficile dans cette configuration car il y a des constantes difficiles à modifier (temps d'intégration, bande de fréquence, taille du trou noir et vitesse du disque d'accrétion). On pourrait par exemple obtenir une meilleure image à des fréquences plus élevées et en trouvant un trou noir supermassif proche dont le disque tournerait beaucoup moins vite ce qui permettrait de le "photographier" avec des temps d'intégration plus courts, ce qui réduirait le "flou de bougé". Mais comme nous l'avons vu avec M87*, même avec un grand trou noir dont le disque tourne lentement, nos moyens techniques bien que déjà exceptionnels restent limités.

Cette deuxième image confirme ce que soupçonnaient les physiciens théoriciens : malgré leur énorme différence de taille et le fait qu'ils se situent dans des galaxies de type différent (une galaxie spirale pour Sgr A* et un quasar pour M87*), les deux trous noirs supermassifs se ressemblent beaucoup. Ce qui finalement n'est pas vraiment surprenant puisqu'ils peuvent être caractérisés par seulement trois paramètres : leur masse, leur vitesse de rotation et leur charge électrique.

Mais en plus de confirmer la théorie à travers les modélisations, cette image confirme avec éloquence les prédictions de la relativité générale quant aux effets du champ gravitationnel sur la lumière.

Malgré leurs tailles très différentes, le disque interne d'accrétion de Sgr A* et de M87* présentent également les mêmes proportions, la même structure et montrent tous deux des zones brillantes qui sont des poches de gaz très chaud.

Contrairement à M87* qui affiche clairement un puissant jet incliné de 30° par rapport à l'axe polaire (ou 60° par rapport au plan du disque d'accrétion), Sgr A* ne présente pas de jet pour les raisons évoquées plus haut (faible spin et faible activité). On ne peut donc pas estimer son inclinaison par rapport à l'observateur. Cependant la Collaboration EHT a réalisé des simulations qui suggèrent que le système est incliné d'environ 10° par rapport à l'axe polaire (et en tous cas < 50°) soit 80° par rapport au plan du disque d'accrétion.

Selon Keiichi Asada, membre de l'EHT et travaillant à l'Institut d'Astronomie et d'Astrophysique de l'Academia Sinica de Taipei à Taiwan, "Nous pouvons maintenant étudier les différences entre ces deux trous noirs supermassifs pour obtenir de nouveaux indices précieux sur le fonctionnement de ce processus. Nous avons des images de deux trous noirs aux deux extrémités des masses, nous pouvons donc comme jamais auparavant aller beaucoup plus loin dans le test du comportement de la gravité dans ces environnements extrêmes."

La prochaine étape de l'EHT à présent constitué de 11 observatoires radioastronomiques sera d'obtenir un film montrant l'accrétion de matière sur Sgr A* et ensuite de pouvoir cartographier son champ magnétique. Les premières sessions d'acquisitions des données ont commencé en 2022. Par la suite, l'EHT pourrait tenter d'obtenir une image du trou noir supermassif de la galaxie d'Andromède M31 qui est tout aussi assoupi que celui de la Voie Lactée.

Une bulle de gaz chaud en orbite autour de Sgr A*

Dans un article publié dans la revue "Astronomy & Astrophysics" en 2022, une équipe d'astronomes dirigée par Maciek Wielgus de l'Institut Max Planck de Radioastronomie de Bonn annonça la découverte d'un "point chaud" en orbite autour de Sgr A*. Selon Wielgus, "Nous pensons que nous avons affaire à une bulle de gaz chaud qui tourne autour de Sagittarius A* sur une orbite de taille similaire à celle de la planète Mercure, mais qui effectue une révolution complète en ~70 minutes. Cela nécessite une vitesse époustouflante d'environ 30% de la vitesse de la lumière."

Cette observation confirme certaines découvertes précédentes faites en bande K (infrarouge) par l'imageur interférométrique GRAVITY du VLT de l'ESO. Les données de GRAVITY et d'ALMA suggèrent toutes deux que l'éruption provient d'un nuage de gaz tourbillonnant autour du trou noir dans le sens horloger. Le point chaud émet une émission synchrotron fortement polarisée indiquant qu'il est plongé dans un champ magnétique intense. On a longtemps pensé que les éruptions provenaient d'interactions magnétiques dans le gaz très chaud orbitant très près de Sgr A*, ce que soutient cette découverte. Comme illustré ci-dessous, l'orbite du point chaud est presque vue de face avec une inclinaison de ~20°.

A voir : Sagittarius A* and animation of the hot spot around it, ESO, 2022

Image du trou noir supermassif Sgr A* reconstruite par l'EHT, avec une illustration artistique de la bulle de gaz chaud en orbite autour du trou noir modélisée à partir des données d'ALMA. Voir la vidéo ci-dessus. Document Coll. EHT, ESO.

Les astronomes ont profité d'une campagne d'observation de la collaboration EHT avec le réseau ALMA de l'ESO pour imager Sgr A*. Pour réaliser la première image de Sgr A*, en avril 2017 les astronomes avaient calibré les données de l'EHT et découvert à cette occasion de nouveaux évènements autour du trou noir.

Par chance, certaines des observations ont été faites peu de temps après qu'une explosion ou une éruption de rayons X se soit produite dans le coeur de la Voie Lactée et fut détectée par le télescope spatial Chandra de la NASA ainsi qu'en infrarouge. Les astronomes estiment que ce type d'évènement est associé à ce que l'on appelle des "points chauds", c'est-à-dire des bulles de gaz chaud qui orbitent très rapidement à proximité du trou noir, dans ce cas-ci à ~5 fois son rayon de Schwarzschild. Cela correspond à ~91 millions de kilomètres ou 0.6 UA soit à peine 5 minutes-lumière (par comparaison, la planète Mercure se situe à 0.38 UA du Soleil).

Les chercheurs prédisent que le point chaud va s'affaiblir puis redevenir plus lumineux à mesure qu'il gravite autour du trou noir.

C'est la première fois que des astronomes découvent des points chauds en orbite autour de Sgr A* et qu'ils soient également détectés en radio. Selon Jesse Vos, doctorant à l'Université Radboud des Pays-Bas et coauteur de cet article, "Peut-être que ces points chauds détectés aux longueurs d'ondes infrarouges sont une manifestation du même phénomène physique : lorsque les points chauds émettant des infrarouges se refroidissent, ils deviennent visibles à des longueurs d'ondes plus longues, comme celles observées par ALMA et l'EHT."

Cette observation fut confirmée aux longueurs d'ondes γ par les astrophysiciens Gustavo Magallanes-Guijón et Sergio Mendoza de l'Universié Nationale Autonome du Mexique qui découvrirent grâce au télescope spatial Fermi des pulses de rayons γ émanant de Sgr A* au cours d'une campagne d'observations qui se déroula entre le 22 juin et le 19 décembre 2022 (cf. G.Magallanes-Guijón et S.Mendoza, 2023).

Les analyses révèlent que toutes les 76.32 minutes, Sgr A* émet un faisceau de rayons γ en direction de la Terre. La  période des pulses est presque exactement la moitié des éruptions de rayons X et est également similaire aux émissions radios provenant de Sgr A*, ce qui suggère qu'elles sont liées.

Courbe du flux des photons γ émis par un nuage de gaz en orbite autour de Sgr A* (niveau de confiance de 3σ) détecté par le télescope spatial Fermi entre le 22 juin et le 19 décembre 2022. La période des pulses et de 76.32 minutes. Document G.Magallanes-Guijón et S.Mendoza (2023).

Les auteurs arrivent à la même conclusion que l'équipe de Maciek Wielgus à savoir que ces rayonnements proviennent d'un "point chaud" en orbite autour de Sgr A* à une distance de ~5 Rs, qui se déplace à près de 30% de la vitesse de la lumière et qui va vraisemblablement briller périodiquement à mesure qu'il se déplace.

A l'avenir, les chercheurs espèrent suivre les points chauds à travers les fréquences en utilisant des observations coordonnées à plusieurs longueurs d'ondes avec GRAVITY et ALMA. Ils espèrent également observer directement avec l'EHT les nuages de gaz en orbite autour de Sgr A* et sonder toujours plus près ce trou noir pour en apprendre davantage à son sujet.

Dernier chapitre

Le champ magnétique autour de Sgr A*

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