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Une façon de vivre propre aux étoiles

Sir Arthur Eddington, le père de l'astrophysique, en 1925. Photo prise par Walter Stoneman et imprimée sur papier au bromure. Document NPG.

La vie d'une étoile (III)

Au début du XXe siècle les astronomes étaient conscients qu'il leur manquait une théorie de l'évolution stellaire. C'était à ce point un mystère que les astronomes pensaient par exemple que les étoiles étaient constituées de charbon, seul élément capable à l'époque de soi-disant chauffer une étoile jusqu'à l'incandescence. Ne parlons pas des supernovae et d'autres entités dont l'évolution était alors un mystère (consultez l'article sur l'astrophysique solaire pour connaître les détails de cette passionnante histoire).

C'est l'astrophysicien anglais Arthur Eddington (1882-1944) qui comprit le premier l'importance de la masse dans la vie d'une étoile. Surnommé le père de l'astrophysique solaire, Arthur Eddington publia en 1926 un livre intitulé "La Constitution Interne des Etoiles", un ouvrage de 400 pages qui est toujours publié.

Eddington démontra que le Soleil est une immense boule de gaz au centre de laquelle les noyaux d'hydrogène sont convertis en hélium, phénomène à la source de son rayonnement, seule réaction capable de l'illuminer durant des milliards d'années.

Grâce à cette idée géniale et les travaux de Hertzsprung et Russell notamment, les astrophysiciens ont compris que la masse d'un étoile détermine sa vie qui est une lutte entre deux forces opposées : d'une part l'étoile tend à se contracter sous l'effet de sa gravitation, d'autre part la libération de l'énergie tend à la désintégrer, rappelez-vous la loi des gaz parfaits et le principe d'équilibre hydrostatique.

Si en théorie nous comprenons l'évolution stellaire, les scénarii que nous allons décrire ne sont que des approximations car bien des détails de cette évolution restent incompris, nous le soulignerons encore et certainement lorsque nous aborderons l'évolution des étoiles géantes et massives. Toutefois, globalement, les valeurs reprises dans ce texte font consensus et ont été validées par des astrophysiciens.

Formation de la protoétoile

Ainsi que nous l'expliquerons en détail dans l'article consacré à la formation du système solaire, la formation d'une étoile est le résultat de réactions complexes au sein d'un milieu gazeux magnétisé faisant intervenir des interactions non linéaires de la gravité, du champ magnétique, de la turbulence et du rayonnement.

Sous l'effet d'une perturbation, tous les corps, des plus gros aux plus petits s'attirent mutuellement avec une force d'autant plus élevée que les corps sont rapprochés (inversement proportionnelle au carré des distances comme le disait Newton). Ainsi, dans une nurserie d'étoiles encore enveloppée dans son cocon de gaz, un nuage dense d'hydrogène et d'hélium envahi de poussières est-il en train de se contracter, exerçant une attraction sur toute la matière.

On ignore la raison exacte qui a déclenché ce mouvement de contraction. Il peut s'agir de collisions entre nuages moléculaires, d'ondes de choc dans les nuages de gaz, des instabilités gravitationnelles, des effets magnétiques ou même l'ensemble de ces phénomènes qui se nouent dans un noeud Gordien qu'il sera difficile de défaire. Au stade préliminaire de son effondrement, cette nébuleuse protostellaire mesure généralement moins de 10000 UA soit moins de 0.15 année-lumière.

A lire : Circumstellar Disk Learning Site

A gauche, la nébuleuse "Bulle" NGC7635. Il s'agit d'une nébuleuse planétaire située dans la constellation de Cassiopée. Sa masse équivaut entre 10 et 20 fois celle du Soleil. Vu la quantité de matière présente, si le processus d'effondrement arrive à son terme, il pourrait donner naissance à un système planétaire et une troisième génération d'étoile. A droite, observée en infrarouge, la radiosource G339.88-1.26 révèle qu'une étoile bleue et chaude (30000 K) de classe O9 est enfouie dans un disque de poussières et de molécules qui s'étend sur un rayon de 0.3 années-lumière ! Dans quelques millions d'années naîtra peut-être ici un système planétaire. Documents ESO/TIMM et STSCI/HST.

Lentement, à mesure que l'effet de la gravité se renforce, la partie centrale du nuage devient une globule de Bok, une petite nodule sombre et dense de 10 à 15 K, c'est-à-dire à peine plus chaude que l'espace glacial environnant. Lorsque le mécanisme d'accrétion commence, le nuage de gaz et de poussière mesure entre 400 et 1000 UA, jusqu'à 50 fois la distance du Soleil à Pluton ! La nébuleuse obscure Barnard 68 qui se profile devant la Voie Lactée est un bel exemple de globule de Bok.

Sans interrompre le rythme de sa contraction la globule s'échauffe. Sous l'effet de leur propre gravité, les particules se rapprochent lentement les unes des autres, provoquant une augmentation de la densité centrale du nuage préstellaire. Au début le nuage se contracte rapidement car il est encore froid et l'énergie gravitationnelle des particules est libérée immédiatement. Elle se transforme en chaleur dont 50% sont dissipés sous forme de rayonnement thermique.

Etant donné que la gravité est plus forte au centre du nuage (loi de Newton), le centre se condense plus rapidement et libère plus d'énergie que les régions plus éloignées. En conséquence, le centre devient relativement plus chaud et plus brillant que les régions périphériques. A leur tour les zones extérieures se regroupent en fonction de leur densité et des poches de gaz commencent localement à se fragmneter et à se contracter. Le nuage grandit et devient suffisamment dense pour être opaque à son propre rayonnement.

Le nuage atteint maintenant une température de 40 K et est devenu quatre fois plus petit; le coeur il s'étend sur quelque 400 UA. D'autres composantes telle le cyanoacétylène (HC3N) ne participe pas beaucoup à cet effondrement et reste confinée à grande distance. Observé dans cette raie, le nuage peut s'étendre sur près de 3000 UA ou 0.05 année-lumière ! Parfois il atteint la démesure et s'étend sur plusieurs années-lumière ! Dans ce cas on ne parle plus de système stellaire en gestation bien que ce type de nuage contienne une nurserie de jeunes étoiles mais plutôt de nuages moléculaires géants.

A mesure que le temps s'écoule, sous l'effet de la force centrifuge et des mouvements d'accrétion, le nuage va se stabiliser et se mettre en rotation, prenant la forme d'un disque contenant des zones concentriques. Parfois mais c'est très rare, le disque prend une forme spiralée comme dans le cas des systèmes AB Aurigae et HD 135344B présentés ci-dessous.

Deux disques protoplanétaires spiralés, une structure assez rare. A gauche, celui autourant l'étoile AB Aurigae combinant plusieurs images prises entre 2004 et 2022 par le télescope Subaru et le Télescope Spatial Hubble. Le disque complet s'étend sur plus de 1000 UA ou 7". Il abrite une exoplanète gazeuse géante en formation qui s'est formée suite à l'instabilité du disque. A droite, le disque en spirale de l'étoile HD 135344B photographié en 2016. Documents NAOJ/Subaru/T.Currie et al. (2022), NAOJ/T.Lombry et ESO.

Au lieu de former d'immenses disques stables en rotation, certaines jeunes étoiles massives ( 20 M) se forment dans des zones d'accrétion chaotiques dans lesquelles la matière ne suit pas un flux général stable d'accrétion mais provient de toutes les directions à des vitesses irrégulières en formant des filaments. C'est probablement pour cette raison que seuls de petits disques stables peuvent se créer (d'un rayon de 100-500 UA). C'est notamment le cas de plusieurs protoétoiles massives situées au nord du complexe protostellaire W51 (cf. C.Goddi et al., 2020, en PDF sur arXiv).

Dans un disque d'accrétion protostellaire, tous les éléments ne gravitent pas non plus nécessairement dans le même sens. Ainsi dans le cas du système protostellaire IRAS 16293-2422 (IRAS 1629 A, ci-dessous) situé dans Ophiuchus, le disque extérieure tourne dans le sens horloger tandis que la partie centrale tourne dans le sens anti-horloger également appelé le sens direct. La masse de la partie centrale est estimée à 1.4 M. Etant donné que ce disque contient suffisamment de matière pour former des planètes, on peut prédire que si celles-ci parviennent à se former, elles ne tourneront pas toutes dans le même sens.

Notons que les radioastronomes ont également découvert des traces d'éléments organiques relativement lourds dans ce système, notamment des molécules de cyanide éthylique (CH3CH2CN), de formate de méthyle (CH3OCHO), d'acide formique (HCOOH), de monoxyde de silicium (SiO) et des isotopes du monoxyde de carbone (CO).

La dimension de ces disques protoplanétaires varie entre 2 et 10 fois celle du système solaire. La plupart des disques confirmés entourent des étoiles âgées de 1 à 500 millions d'années seulement et contiennent suffisamment de matière pour former chacun entre 5 et 10 planètes de la taille de la Terre.

Dans la nurserie stellaire d'IRAS 16293-2422 se trouve notamment un disque protostellaire. Il est particulier non seulement parce qu'il contient des molécules organiques mais sa partie extérieure tourne dans le sens contraire de la partie intérieure. Document Bill Saxton/NRAO/AUI/NSF.

Nous pouvons observer des protoétoiles non éclairées en train de se contracter dans les nuages proches des bras spiralés de la Voie Lactée : elles apparaissent comme de sombres globules de Bok et de proplydes, abréviation anglaise de “disque protoplanétaire”, dans les régions brillantes de gaz et de poussière qui les entourent.

Les plus représentatifs ont été découverts dans la région centrale de la nébuleuse d'Orion M42, au sein de la nébuleuse M16 de l’Aigle, de la Rosette et de la nébuleuse du Trèfle M20 dans le Sagittaire.

Après la fragmentation du coeur préstellaire, la région centrale va continuer à s'effondrer à température constante. Lorsque sa densité centrale atteindra 10-13 g/cm3 (la température n'est que de 8 à 12 K), un premier coeur dit de Larson va se former mais il sera rapidement détruit par la vitesse élevée d'effondrement du gaz (> 20 km/s) qui suit une contraction adiabatique (sans échange de chaleur). Ensuite, vers 2000 K les molécules d'hydrogène (H2) vont commencer à se dissocier. La réaction étant fortement endothermique, lorsque la densité atteindra 10-5 g/cm3 et la température au moins 4000 K, il se produira un second effondrement du coeur.

Lorsque la densité centrale atteindra environ 1 g/cm3 pour une température d'au moins 10000 K, un deuxième cœur de Larson va se former qui correspond cette fois au véritable coeur de la protoétoile (cf. A.Bhandare et al., 2020). A ce stade, le rayon de la protoétoile varie entre 3-5 R.

A présent, le coeur de la protoétoile est en équilibre hydrostatique (la pression de radiation contrebalance la force de gravité). Ensuite la pression dans le coeur va continuer d'augmenter au rythme de la libération de chaleur générée par ses contractions. Cette phase préstellaire va durer entre 10000 et 100000 ans.

Si la protoétoile présente une masse au moins égale à 8% de celle du Soleil, soit 84 fois plus massive que Jupiter, elle mettra environ 10 millions d'années pour atteindre la phase dite Pré-Séquence principale ou PMS et devient ce qu'on appelle une étoile PMS ou, plus communément, une étoile T Tauri de classe II ou III selon le type d'émission infrarouge de son disque d'accrétion. On y reviendra. Pendant cette période sa luminosité va diminuer d'un facteur 4 mais sa température va continuer d'augmenter suite à la contraction de son noyau et la libération d'énergie. En même temps, à mesure qu'elle se libère de son disque d'accrétion, sa vitesse de rotation va augmenter (entre 20-160 km/s) jusqu'à ce qu'elle arrive sur la Séquence principale et retrouve sa stabilité et une vitesse de rotation nettement plus faible (2-10 km/s).

A ce stade de son évolution, la source d'énergie de la protoétoile est encore essentiellement gravitationnelle mais elle commence à transformer le deutérium (à partir de 106 K) par fusion nucléaire.

Mais qu'arrive-t-il si la protoétoile n'atteint pas les 8% de masse solaire et ne parvient pas à atteindre le seuil de la Pré-Séquence principale ?

Naines brunes

Comme des organismes trop faibles ou dégénérés, certaines protoétoiles n’atteignent jamais la maturité. En effet, à partir de 1980 on découvrit dans plusieurs systèmes binaires des compagnons massifs, dont la masse était comprise entre 1 et 80 fois celle de Jupiter. Des analyses minutieuses effectuées aux moyens de détecteurs infrarouges (CFHT d’Hawaï, Palomar, IRAS, HST) révélèrent qu'il s'agit en fait d'astres n'ayant pas la masse suffisante pour amorcer les réactions thermonucléaires. Ils émettent un rayonnement provoqué par la contraction de leur noyau. Leur masse, inférieure aux 0.08 M requises pour créer les plus petites étoiles, leur permet seulement d'émettre un peu de chaleur. Selon le type (cf. page précédente), leur température effective est inféreiure à ~2100 K. L'astronome américaine Jill Tarter dénomma ces "étoiles ratées" des naines brunes. Soyons donc clairs, ce ne sont pas des étoiles.

A gauche, la première naine brune confirmée, Gliese 229B photographiée par le Télescope Spatial Hubble. A droite, une illustration artistique. Documents NASA/ESA/STScI et T.Lombry.

C'est ainsi que les astronomes découvrirent indirectement plusieurs naines brunes : Gliese 229B, Gliese 623, Gliese 570D, l'étoile Van Biesbroek 8B, Luhman 16, etc. Certaines gravitent autour d'étoiles naines, blanches ou rouges.

Ce sont ces indices indirects qui incitèrent les astronomes à rechercher des exoplanètes autour des sources infrarouges et de se demander si finalement la plus grande partie de la masse cachée de l’univers n’était pas constituée d’astres obscurs semblables à ceux-ci. Mais on voit mal des exoplanètes par milliards vagabonder en dehors des étoiles. Ceci dit, la recherche sur la matière et l'énergie sombres se poursuit et fait l'objet d'âpres discussions dans le petit monde de la cosmologie qui touche à l'infiniment grand tout en manipulant des entités appartenant au monde de l'infiniment petit.

Revenons à présent à l'évolution des véritables étoiles.

Prochain chapitre

La phase Pré-Séquence principale

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