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La vie autour des étoiles géantes rouges

Une exoplanète gazeuse en orbite autour d'une étoile géante rouge. Document T.Lombry.

Possibilités de vie autour des étoiles géantes rouges (II)

Nous avons vu dans l'article consacré aux origines de la vie, que les plus anciennes traces de vie remontent entre 3.80 et 3.85 milliards d'années, à peine 700000 ans après la naissance de la Terre. Les plus anciens organismes sont âgés de 3.50 milliards d'années et seraient représentés par des cyanobactéries photosynthétiques vivant dans les océans et probablement des colonies de microbes extrêmophiles vivant près des évents (fumeurs) des volcans sous-marins ou des sources chaudes en surface.

En raison de l'évolution rapide d'une étoile lorsqu'elle a quitté la Séquence principale, la durée du transit de la zone habitable diminue. Pour une étoile évoluée de 1 M, le transit de la ZH à 2 UA dure un peu plus d'un milliard d'années, une échelle de temps clairement supérieure à ce qui fut requis pour voir la vie émerger sur Terre.

A environ 5 UA de distance, la durée des conditions habitables dure entre 100 millions et plusieurs centaines de millions d'années, ce qui est dix fois inférieur au temps nécessaire à l'émergence de la vie sur Terre.

Même si l'apparition de la vie demande plus de 100 millions d'années, il est possible que des formes prébiotiques (des formes connues sur Terre) puissent s'adapter d'elles-mêmes sur une planète contenant de l'eau liquide.

La théorie de la panspermie nous rappelle que des micro-organismes pourraient être transportés d'une planète sur laquelle la vie est en phase terminale vers un autre astre où les conditions de sa renaissance sont assurés si elle se trouve dans un zone habitable. Ce type de processus pourrait être unique ou se rencontrer exclusivement autour d'étoiles évoluées. Compte tenu de nos moyens, il est malheureusement impossible de confirmer cette hypothèse mais elle ne peut pas être écartée.

Robert Zubrin devant l'une des stations FMARS installée sur l'île de Devon au Canada, à 1450 km du Pôle Nord.

Des vecteurs comme les météorites ou les comètes pourraient transporter ces organismes d'une planète à l'autre et déclencher le développement de la vie autour d'étoiles évoluées.

Cette théorie fut développée dès 1903 par le Suédois Svante Arrhénius et sera reprise notamment par l'ingénieur en aérospatial Robert Zubrin en 2001 qui est également directeur de la Mars Society.

L'idée qu'il existerait un transport de matériel entre les systèmes planétaires a récemment été revitalisée par la possible découverte de micrométéores extrasolaires (cf. D.Meisel et al., 2002). Bien sûr les échelles de temps sont plus longues du fait que les distances sont plus grandes. Mais nous savons que depuis que la Terre porte la vie, des météorites ou des comètes ont pu être expulsées du système solaire depuis 3.5 milliards d'années, emportant avec elles des biomolécules ou même des micro-organismes primitifs.

Après un voyage d'un milliard d'années ou plus dans le vide interstellaire, ces astres ont pu être capturés par des systèmes planétaires proches (jusqu'à 100 a.l) et en quelque sorte polleniser le ferment fertile des autres planètes qui n'attendaient qu'un germe pour voir la vie se développer.

Dans un article publié dans la revue "Sciences" en 1996, l'équipe de Brett Gladman de l'Université de Toronto montra que la probabilité d'expulser une météorite ou une comète d'un système planétaire n'est pas négligeable (lire aussi B.Gladman, 1997). La question en suspens est de savoir qu'elle est la probabilité de capture par une exoplanète. Des calculs réalisés par Jay Melosh en 2003 suggèrent que la probabilité de transfert interstellaire de matériel météoritique entre planètes de systèmes différents (proches et ne contenant qu'une seule étoile) est extrêmement faible. Toutefois, dans les environnements d'étoiles géantes, la probabilité de capture de matériel éjecté d'une planète est raisonnablement plus large. En utilisant ce mécanisme, la vie pourrait être transportée d'une planète à l'autre durant l'expansion de la zone habitable.

Lorsque nous avons discuté de la faculté d'adaptation, nous avons démontré que tant en laboratoire que dans l'espace, des micro-organismes peuvent survivre aux conditions interplanétaires d'un voyage spatial : ils sont par exemple capables de survivre aux très basses températures, à la déssication, au vide, aux rayonnements UV et cosmique, aux acides et même au chocs (pressions) extrêmes sur une surface solide.

Toutes ces considérations renforcent la théorie de la panspermie et d'une possible "fertilisation" entre planètes. Si nous prenons l'exemple de notre système solaire, à 1.5 ou 2 UA il est possible qu'à l'avenir et en assumant que de l'eau liquide puisse exister durant une période de temps compatible avec l'apparition de la vie sur Terre, la vie puisse apparaître sur Mars à la condition que l'eau aujourd'hui gelée se mette à fondre. C'est également l'une des théories proposées pour le terraforming de Mars. De l'eau liquide peut également apparaître sur Europe, l'une des lunes de Jupiter comme une suite logique de l'évolution du Soleil et de l'augmentation de son diamètre.

Mais comme Mars, Europe présente une masse trop petite et ne pourrait pas maintenir son atmosphère sans intervention de notre part, si bien qu'à terme Europe est également condamnée à mourir, cette fois pour de bon. Un astre plus massif comme Titan, le plus gros satellite de Saturne est mieux adapté pour abriter la vie. A 10 UA le transit de la zone habitable peut durer entre 10 et 100 millions d'années.

A gauche, Europe photographié par la sonde Galileo le 18 novembre 1997. Il se caractérise par une couche de glace parcourue de longues fractures et de crêtes enchevêtrées rappelant les zones de failles dans les bassins océaniques terrestres. On discerne également des fractures et des chaînes de noeuds alignés qui font penser à un processus cryovolcanique ou en relation avec des éruptions de glace et de gaz. A droite, une image composite de Titan prise en infrarouge (bleu à 1.3 micron, vert à 2.0 microns et rouge à 5.0 microns) par la sonde Cassini le 13 novembre 2015 montrant toute l'étendue des lacs. Il s'agit en grande partie de la face orientée vers Saturne. On reconnaît le plus grand cratère d'impact confirmé, Menrva de 392 km de diamètre (dans la partie supérieure gauche, près du limbe), le bassin de Hotei Regio (à gauche, en orange près du limbe) et des canaux à l'Est de Xanadu (à droite du centre). Cf. la carte topographique de Titan pour les détails. Documents NASA/JPL et NASA/JPL.

Bien entendu ces scénarii assument que les mouvements planétaires resteront stables durant les 6 milliards d'années à venir. Du point de vue des changements de la dynamique orbitale relative à l'évolution stellaire, cette présomption paraît raisonnable.

Les effets du phénomène de perte de masse stellaire et la dissipation des marée entre les planètes et l'étoile géante rouge ne sont pas négligeables dans la dynamique orbitale. Une étoile solaire perd environ 24% de sa masse initiale durant la phase RGB et environ 20% durant la phase AGB.

Le transit de la zone habitable que nous avons calculé se produit au cours de la phase RGB, à une étape durant laquelle le rayon de l'étoile est inférieur à 100 R environ. Dans la Fig 2. (voir page précédente) on constate que lorsqu'une étoile comme le Soleil atteint un rayon d'environ 100 R, seul un peu plus de 10% de sa masse initiale se dissipe dans l'espace, ce qui a pour effet de modifier la dynamique des orbites planétaires (pour les planètes situées à plus de 1 UA non sujettes aux forces de marée) en augmentant leur demi-grand axe de 10%.

Notons que si l'accroissement du demi-grand axe se produit durant la période où la planète se trouve dans la zone habitable (elle-même en expansion), cet effet a pour conséquence d'augmenter la durée des conditions habitables sur cette planète.

Détection des exoplanètes

Grâce à des méthodes interférométriques et spectroscopiques, les astronomes ont découvert plusieurs centaines d'exoplanètes dans la Galaxie et leur nombre ne cesse d'augmenter. La plupart appartiennent à la famille des "Hot Jupiters" et ne ressemblent pas du tout à des planètes telluriques. Mais d'ici quelques années les télescopes spatiaux interférométriques et autre Life Finder (LF) permettront de découvrir des planètes de la taille de Neptune et autre "super Terres".

Illustration du système planétaire Iota Draconis. Document T.Lombry.

En 2002, Sabine Frink et son équipe ont découvert une exoplanète gravitant autour de l'étoile Iota Draconis grâce à la détermination de sa vitesse radiale. L'exoplanète a une masse d'environ 9 fois celle de Jupiter, elle est donc à peine plus grosse que lui et orbite à 1.3 UA de son étoile. L'étoile également cataloguée HIP 75458, est une sous-géante de type spectral K2III. Elle présente une luminosité de 1.85 L et une masse de 1.05 M. Elle est située à 31.5 pc soit 102.7 a.l.

La Figure 1 présente la zone habitable entourant cette étoile. Elle s'étend entre 7 et 14 UA. Les conditions habitables à 7 UA dureront environ 100 millions d'années, ce qui est raisonnable et même optimiste pour assister au développement de la vie. La présence d'une planète de la taille de Jupiter à cette distance encourage les astronomes à imaginer que d'autres exoplanètes, peut-être même telluriques, pourraient graviter autour de cette étoile.

A ce jour, dans un rayon de 100 a.l. autour du Soleil il existe 94 étoiles de classe de luminosité IV (sous-géante), 44 sources de classe III (géante rouge normale) et 2 sources de classe II (géante brillante). Les classes de luminosité III et IV sont le résultat d'étoile de masse faible à moyenne (0.8-1.2 M) venant juste de quitter la Séquence principale. Ces deux classes d'étoiles offrent le plus grand intérêt.

Dans le cas de la classe IV, la zone habitable se déplace relativement lentement vers l'extérieur pour des étoiles de masse < 2 M, des conditions qui n'excluent pas le développement de la vie. Dans le cas de la classe III, après une première ascension le long de la branche RGB et un flash de l'hélium, les étoiles évoluent vers une phase stable de fusion de l'hélium qui est également favorable à l'apparition de la vie. On estime qu'environ 30 à 60% des étoiles de classe de luminosité IV se trouvent actuellement dans cette phase.

Comparées aux quelque 1000 étoiles proches situées sur la Séquence principale (tous types spectraux confondus), ces 94 étoiles géantes, représentent environ 14% de la population stellaire bien que l'échantillon soit probablement surestimé du fait que les étoiles géantes sont plus brillantes que les étoiles de la Séquence principale. Toutefois, dans un rayon de 100 a.l. il ne fait aucun doute que vu leur densité (5x10-3 par rapport aux étoiles de la Séquence principale) les étoiles évoluées ont très bien pu contribuer au développement de la vie.

A l'avenir les télescopes spatiaux de grande ouverture couplés à des coronographes efficaces et au développement de technologie interférométrique tirant profit de systèmes à faible bruit (refroidis) tel que RLA et LF aideront les astronomes à découvrir des planètes de la taille de la Terre à quelques dizaines d'années-lumière.

Ainsi que nous l'avons expliqué à propos de la recherche des exoplanètes, toute la difficulté réside dans la détection des signatures atmosphériques autour des étoiles géantes rouges et l'identification des biosignatures.

Le système 55 Cancri au cours du transit de deux exoplanètes devant l'étoile de type solaire (G8). Ce système contient 5 exoplanètes. Document T.Lombry.

Détecter une atmosphère planétaire impose un contraste élevé entre la planète et son étoile hôte. Pour une étoile de 1 M, en raison de la relation en carré inverse entre la taille de la zone habitable et la luminosité stellaire, la taille de la zone habitable d'une étoile de 4 L est de l'ordre de 2 UA, elle est de 5 UA pour une étoile de 25 L et de 10 UA pour une étoile de 100 L.

Le rapport de contraste permettant d'observer une planète gravitant autour d'une étoile sous-géante ou géante rouge augmente d'un facteur 4 à 100, une gamme de luminosité correspondant à un temps de transit relativement long. Cette différence de contraste équivaut à découvrir une planète gravitant autour d'une étoile naine (FGK) de la Séquence principale (classe de luminosité V) comme le prévoient les projets LF et consorts.

D'autre part, la résolution angulaire nécessaire pour séparer la planète de son étoile diminue du fait de l'augmentation de la zone habitable. Dans le cas de l'étoile HIP 75458, la séparation angulaire de la zone habitable de l'étoile est d'environ 0.3". Cette séparation est bien dans les valeurs accessibles aux télescopes spatiaux de 5 à 10 m d'ouverture opérant dans le spectre visible et proche infrarouge.

Compte tenu du contraste nécessaire pour détecter une exoplanète, de la taille de la zone habitable et du champ du télescope, pour une étoile de 1 M dont la zone habitable varie entre 2 et 15 UA, le rayon stellaire varie approximativement entre 2 et 15 R (cf. Figure 1(a) et 1(b)).

Si les télescopes spatiaux LF et Darwin sont en mesure de détecter des planètes similaires à la Terre gravitant autour de ces étoiles, cela signifie que ces instruments sont également capables de détecter de telles planètes gravitant autour d'étoiles sous-géantes ou géantes rouges.

Rappelons toutefois que la découverte d'exoplanètes reste au programme des observatoires terrestres, notamment des futurs télescopes géants.

En guise de conlusion

En découvrant qu'il existe une chance de découvrir de la vie autour d'étoiles géantes ayant entamées la fusion de l'hélium nous augmentons d'un milliard d'années soit environ 10% de la vie des étoiles solaires les chances de trouver de la vie dans l'univers.

Si la vie existe autour des étoiles sous-géantes et géantes rouges de masse voisine de celle du Soleil, elle devrait évoluer sur des planètes situées à plusieurs UA des étoiles considérées. Bien que l'évolution temporelle de ces étoiles soit relativement rapide dès qu'elles ont quitté la Séquence principale, la durée du transit de la zone habitable ne paraît pas incompatible avec la durée estimée du développement de la vie telle que nous la connaissons sur Terre.

Par ailleurs, un mécanisme de panspermie pourrait transporter des organismes ou des molécules prébiotiques qu'une planète mourante vers une planète bénéficiant de conditions d'illumination favorables à la renaissance de la vie.

Nous avons vu dans le cas du Soleil que dans 5 milliards d'années environ, lorsqu'il aura atteint le stade de géante rouge, la vie pourra se développer à une distance comprise entre 2 et 9 UA, la distance actuelle couvrant la Ceinture des astéroïdes, Jupiter et Saturne. La durée de transit de la zone habitable serait de l'ordre d'un milliard d'années à 2 UA et d'environ 100 millions d'années à 9 UA. Après la phase AGB et le flash de l'hélium, il pourrait encore exister une longue période calme propice au développement de la vie durant environ un milliard d'année. A cette époque la zone habitable s'étendra entre 7 et 22 UA, englobant cette fois Uranus.

A ce jour nous ignorons si la vie est commune dans l'univers, extrêmement rare ou même si elle n'existe que sur la Terre. Nos théories et l'extrapolation de ce que nous observons partout sur Terre tendent à démontrer que la vie serait abondante dans l'univers mais nos moyens d'investigation ne nous permettent pas encore de confirmer cette séduisante hypothèse.

Les futurs télescopes spatiaux nous aideront à détecter la signature de la vie. Si la vie existe sur une exoplanète située dans une zone habitable dont le transit s'effectue en 10 millions d'années, cela prouverait que la vie est capable de se développer bien plus rapidement que sur Terre, réduisant d'autant la limite supérieure d'apparition de la vie. De plus, il serait intéressant de découvrir une planète liquide ou hycéane dans une zone habitable à transition rapide (par exemple 10 millions d'années) n'abritant aucune forme de vie. Cela permettrait de fixer une limite inférieure d'émergence de la vie.

Dans ce contexte, les environnements des étoiles évoluées représentent quelques cas intéressants à étudier, en particulier les environnements volcaniques tels que les évents hydrothermaux ou les milieux glacés liquides éventuels.

Grâce à ce genre de travail théorique fondé sur l'observation de l'évolution stellaire et des conditions propices au développement de la vie, nous savons à présent que des télescopes spatiaux de 35 à 60 m d'ouverture sont suffisants pour découvrir des exoplanètes de la taille de la Terre autour d'étoiles naines ou géantes proches. Nous savons également que dans la zone habitable qui les entoure des formes de vie pourraient survivre durant plus d'un milliard d'années. Tout ceci est très encourageant. Gageons que l'avenir donne raison aux chercheurs.

Pour plus d'informations

Une façon de vivre propre aux étoiles

A la recherche des exoplanètes

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L'origine de la vie

La mission Life Finder (LF)

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