SEKHMET, PHAÉTON, SURT ET LES AUTRES

par Michel-Alain Combes

Le souvenir obsessionnel de grands cataclysmes

L'idée que la Terre a souvent été victime de catastrophes de grande ampleur, d'origine cosmique ou terrestre, n'est pas nouvelle, loin de là. C'était un point commun à toutes les mythologies des peuples anciens, même si le nombre et les causes de ces cataclysmes variaient d'une mythologie à l'autre. Des concepts comme le Chaos, le Déluge ou la chute du ciel faisaient partie de leur histoire et de leur imaginaire.
Pour bien comprendre certains aspects historiques et mythologiques du problème, il est utile de rappeler quelques textes représentatifs explicites, textes qui ont eu la chance de parvenir jusqu'à nous, contrairement à d'autres qui sont malheureusement perdus.

Mythologie égyptienne : Sekhmet, la lionne en furie

Dans la mythologie égyptienne, Sekhmet était le nom de la déesse de la guerre, représentée généralement comme une lionne ou comme une femme à tête de lionne. Elle devenait parfois aussi l'œil de Rê, le dieu-soleil, et était chargée de détruire ses ennemis. Elle répandait les épidémies sur toute l'Egypte quand le dieu voulait se venger.

Document 1 : Cataclysme et mythologie

Une légende liée à un drame cosmique (celui qui a eu lieu à la fin du XIIIe siècle av. J.-C.) racontait que sur les ordres de Rê, elle se jeta sur les hommes révoltés avec une telle frénésie et une telle méchanceté que le dieu-soleil redoutant l'extermination de la race humaine dut lui demander d'arrêter le carnage. Comme elle refusait obstinément d'obtempérer, il dut employer un curieux stratagème, une ruse comme seuls les dieux en avaient le secret :

" Rê fit préparer des cruches de "didi", liquide colorant en rouge, qui sont mélangées à de la bière. Pendant toute la nuit, alors que Sekhmet dort, la bière rouge est versée sur toute la terre d'Égypte. A son lever, la déesse pense voir un fleuve de sang dû au massacre des hommes. Elle se mire dedans, puis commence à laper. Bientôt totalement ivre, elle oublie sa mission et s'en retourne auprès des dieux en épargnant les survivants. " (1)

On remarque dans cette légende le fait souvent noté que le monde prit une couleur rouge à l'occasion de ce cataclysme, du fait de la pigmentation de la matière abandonnée dans l'atmosphère terrestre par la désintégration et l'émiettement du corps céleste. Il semblerait que les Égyptiens aient retenu le jour de l'année du début du cataclysme : le 12 Tybi, soit presque obligatoirement une date correspondant à la fin octobre ou au début novembre de notre calendrier moderne (2), si le cataclysme a bien eu lieu au XIIIe siècle avant J.-C.

" C'est le douzième jour du premier mois d'hiver qu'a eu lieu le grand massacre des hommes ; aussi le calendrier des jours fastes et néfastes note-t-il soigneusement : "Hostile, Hostile, Hostile est le 12 Tybi, évite de voir une souris en ce jour, car c'est le jour ou Rê donna l'ordre à Sekhmet". " (3)

Mythologie germano-scandinave : le Ragnarök

Pour les Germains et les autres peuples du Nord, la fin du monde était symbolisée par le Ragnarök, ou Crépuscule des dieux. Cette catastrophe cosmique de très grande ampleur est racontée en grand détail (mythologique, pas scientifique !) dans le poème intitulé la Voluspa et qui fait partie du grand ensemble de l'Edda. De ce récit complexe qui met en place de nombreux dieux, on peut retenir les quelques extraits représentatifs suivants (4) :

" Du côté du Sud, là où commence le pays des géants du feu, Surt, le maître de ces contrées, dresse déjà son épée de flammes. Au bord du ciel est posté Heimdall, le veilleur des dieux ; personne au monde n'a la vue aussi perçante ni l'ouie aussi fine ; pourtant, il se laisse ravir son épée par Loki et ne commence à souffler dans son cor retentissant que lorsque les géants sont en marche. Le loup Fenrir, que les dieux avaient jadis enchaîné, rompt ses liens et s'échappe. Les secousses qu'il donne à ses entraves font trembler la terre tout entière ; le vieux frêne Yggdrasil en est ébranlé des racines jusqu'au faîte. Des montagnes s'écroulent ou se fendent de haut en bas...
Au Sud apparaît Surt, que suit la troupe innombrable des géants du feu ; son épée lance des éclairs ; tout autour de lui des flammes jaillissent du sol crevassé. A son approche les rochers s'écroulent, les hommes s'affaissent sans vie. La voûte du ciel, ébranlée par le tumulte de cette armée en marche, embrasée par l'haleine de fournaise qui l'environne, éclate en deux ; et quand les fils du feu font passer leurs chevaux sur le pont que l'arc du ciel tend de la terre au séjour des dieux, ce pont s'enflamme et s'effondre...
Les grands dieux sont morts. Et maintenant que Thor, protecteur des demeures humaines, a disparu, les hommes sont abandonnés ; il leur faut quitter leurs foyers ; la race humaine est balayée de la surface de la terre. La terre elle-même va perdre sa forme. Déjà les étoiles se détachent du ciel et tombent dans le vide béant... Le géant Surt inonde de feu la terre entière ; l'univers n'est plus qu'un brasier ; des flammes jaillissent de toutes les fentes des rochers ; la vapeur siffle de toutes parts ; toute plante, toute vie sont anéanties ; seul le sol nu subsiste…
Et voici que toutes les mers, que tous les fleuves débordent. De tous côtés les vagues pressent les vagues. Les flots, qui se gonflent en bouillonnant, recouvrent peu à peu toutes choses. La terre s'enfonce dans la mer. L'immense champ de bataille où s'étaient affrontés les maîtres de l'univers cesse d'être visible.
Tout est fini. Et maintenant tout va recommencer. Des débris du monde ancien naît un monde nouveau... "

L'épopée cosmologique du Ragnarök est particulièrement intéressante pour qui étudie les cataclysmes cosmiques de l'Antiquité. Elle est aujourd'hui associée au dernier grand cataclysme cosmique qu'a subi la Terre, l’impact d’une comète, et qui a eu lieu à la fin du XIIIe siècle avant J.-C. Surt, Sekhmet, Typhon, Phaéton, Absinthe, Anat et d'autres encore sont les divers noms de la comète, vue sous des cieux différents, à une époque où de nombreuses civilisations étaient déjà bien en place et prospéraient. Elle a semé tout au long de son parcours la panique, la ruine et la mort.

Mythologie grecque : Typhon et Phaéton

Il s'agit de deux légendes célèbres, surtout connues par les textes classiques d'Hésiode (5) et d'Ovide (6). Apparemment, elles n'ont rien à voir entre elles et sont toujours traitées séparément dans les livres de mythologie. Mais pourtant, il paraît fort probable qu'elles se rapportent toutes deux au cataclysme de la fin du XIIIe siècle qui a eu des conséquences humaines et historiques très sérieuses.
Hésiode raconte dans sa Théogonie qu'à la suite d'une guerre entre Zeus et les Titans, guerre qui faillit détruire l'univers, un monstre flamboyant surmonté de cent têtes et baptisé Typhon (ou Typhée) fit son apparition dans le ciel, effrayant les populations. Zeus dut intervenir une nouvelle fois pour sauver le monde.

" ... Alors une œuvre sans remède se fût accomplie en ce jour ; alors Typhon eût été roi des mortels et des Immortels, si le père des dieux et des hommes de son œil perçant soudain ne l'eût vu. Il tonna sec et fort, et la terre à l'entour retentit d'un horrible fracas, et le vaste ciel au-dessus d'elle, et la mer, et les flots d'Océan, et le Tartare souterrain, tandis que vacillait le grand Olympe sous les pieds immortels de son seigneur partant en guerre, et que le sol lui répondait en gémissant. Une ardeur régnait sur la mer allumée à la fois par les deux adversaires, par le tonnerre et l'éclair comme par le feu jaillissant du monstre, par les vents furieux autant que par la foudre flamboyante. La terre bouillonnait toute, et le ciel et la mer. De tous côtés, de hautes vagues se ruaient vers le rivage. Un tremblement incoercible commençait : Hadès frémissait et aussi les Titans ébranlés par l'incoercible fracas et la funeste rencontre. Zeus frappa, il embrasa d'un seul coup à la ronde les prodigieuses têtes du monstre effroyable ; et, dompté par le coup dont il l'avait cinglé, Typhon mutilé, s'écroula, tandis que gémissait l'énorme terre. Mais, du seigneur foudroyé, la flamme rejaillit, au fond des âpres et noirs vallons de la montagne qui l'avait vu tomber. Sur un immense espace brûlait l'énorme terre, exhalant une vapeur prodigieuse ; elle fondait tout comme l'étain... sous l'éclat du feu flamboyant... "  (Théogonie, 836-868)

Pline l'Ancien dans le livre II de son Histoire Naturelle (7) , au chapitre "Comètes et prodiges" parle également de Typhon. En accord avec tous les autres auteurs "scientifiques" de l'Antiquité, il le considère comme une comète.

" ... Les peuples d'Éthiopie et d'Égypte connurent une comète terrible, à laquelle Typhon, roi de ce temps-là, donna son nom : d'apparence ignée et enroulée en forme de spirale, effrayante même à voir, c'était moins une étoile qu'un vrai nœud de flammes. "  (Histoire Naturelle, Livre II, 91, XXIII)

La légende de Phaéton est l'un des meilleurs contes d'Ovide qui en fit une des pièces maîtresses de ses Métamorphoses, écrites entre les années 2 et 8 de notre ère. Mais cette légende était bien antérieure à Ovide. On sait, entre autres, qu'elle fut le sujet d'une tragédie perdue d'Euripide écrite plus de 400 ans auparavant. Cette légende est devenue classique et a inspiré de nombreux artistes.

Document 2 : La légende de Phaéton vue par Dürer

Phaéton était le fils du Soleil. Pour satisfaire son orgueil, il demanda à son père de conduire son char l'espace d'une journée à travers le ciel. Entreprise démesurée qui se termina par une catastrophe cosmique, puisque le char de Phaéton quitta la route habituelle et se précipita vers la Terre. Là encore, Jupiter fut obligé d'intervenir pour sauver le monde et la race humaine.

" ... Sous l'action du feu, les nuages s'évaporent. Sur terre, les plus hauts sommets sont les premiers la proie des flammes. Le sol se fend, sillonné de crevasses et, toutes eaux taries, se dessèche. Les prés blanchissent, l'arbre est consumé avec son feuillage, et les blés desséchés fournissent eux-mêmes un aliment au feu qui les anéantit... De grandes cités périssent avec leurs murailles ; des nations entières avec leurs peuples sont, par l'incendie, réduits en cendre. Les forêts brûlent avec les montagnes... L'Etna vomit, ses feux redoublés, des flammes démesurées... Phaéton voit, de toutes part, le monde en flammes... Il ne peut plus supporter les cendres et la chaude poussière partout projetée, il est enveloppé de toutes parts d'une fumée brûlante : où va-t-il, où est-il ? dans l'obscurité de poix où il est plongé, il l'ignore, et les chevaux ailés le ballottent à leur gré. C'est alors, croit-on, que les peuples d'Éthiopie, par l'effet de leur sang attiré à la surface du corps, prirent la couleur noire. C'est alors que la Libye, toutes eaux taries par la chaleur, devint aride. Alors les nymphes pleurèrent la perte des sources et des lacs... Le Nil épouvanté s'enfuit au bout du monde, dérobant aux yeux sa source... Le sol se fend sur toute sa surface... La mer diminue de volume ; une plaine de sable sec s'étend où naguère s'étalait le flot ; les montagnes que recouvraient les eaux profondes surgissent... La Terre nourricière des êtres, avec une grande secousse qui ébranla le monde, s'affaissa un peu au-dessous de son niveau habituel... Pourquoi le niveau des mers décroît-il ? Atlas lui-même est à bout de forces, il a peine à supporter sur ses épaules le monde incandescent... Alors le père tout-puissant, ayant pris à témoin les dieux et celui-là même qui avait prêté son char, que s'il ne lui porte secours, le monde entier périrait victime d'un funeste sort, gagne au sommet du ciel le point élevé d'où il a coutume d'envelopper de nuages l'étendue des terres, d'où il met en mouvement le tonnerre et lance la foudre... Il tonne, et brandissant la foudre, il la lança sur le cocher auquel il fit perdre du même coup la vie et l'équilibre, et de ses feux redoutables il arrêta l'incendie. Les chevaux s'abattent et d'un soubresaut tentant de se redresser, ils arrachent leur cou au joug et échappent aux sangles rompues. Ici traînent d'un côté les rênes, là l'essieu détaché du timon, ailleurs les rayons des roues brisées, et les débris du char mis en pièces sont épars au loin.
Quant à Phaéton, ses cheveux rutilants en proie aux flammes, il roule sur lui-même dans le gouffre, laissant dans l'air au passage une longue traînée... Loin de sa patrie, à l'autre bout du monde, le très grand Éridan le reçoit et lave son visage fumant... "

Ce texte d'Ovide, version "moderne" de textes plus anciens est très instructif quand on y lit entre les lignes. Il nous apprend en fait plusieurs choses, bien qu'il mêle parfois le meilleur et le pire. Le pire est sans doute ce qu'il dit sur l'origine de la couleur noire des Éthiopiens ! Il nous apprend par contre que le Nil fut mis à sec, que la Libye devint aride, que le niveau de la mer baissa, que tout fut brûlé, qu'une poussière chaude empoisonna les aliments et qu'ensuite il y eut une période de ténèbres. Il signale également que l'Etna "vomit des flammes démesurées". On ne peut s'empêcher de faire le rapprochement avec ce célèbre passage de l'Apocalypse :

" ... une étoile était tombée du ciel sur la terre, il lui fut donné la clef du puits de l'abîme. Elle ouvrit le puits de l'abîme. Il monta du puits une fumée comme d'une grande fournaise et le soleil et l'air furent obscurcis par la fumée du puits... " (8)

On peut se demander à la lecture de ce texte biblique, si un fragment de Phaéton (qui s'appelait Absinthe chez les Hébreux) n'est pas tombé dans la Méditerranée déclenchant par là même une éruption de l'Etna.

Deux cataclysmes différents et espacés dans le temps

Il faut rappeler que les derniers très grands cataclysmes physiques ayant eu des répercussions dans tout le Bassin méditerranéen remontent au IIe millénaire. Il y en a eu deux, de nature différente. D'abord, l’éruption et l'explosion du Santorin, vers –1600, un fantastique événement volcanique et géologique, très impressionnant pour les témoins du phénomène et les survivants, qui ont constaté, médusés, l'anéantissement total d'une montagne, sacrée de surcroît, considérée souvent comme la demeure des dieux. On sait que ce cataclysme fut à l’origine du déclin de la civilisation minoenne. Ensuite, quatre siècles plus tard, l'impact de la comète Sekhmet, vers –1200, et toutes ses multiples conséquences pour les populations de la région et même des régions environnantes.

La collision qui a bouleversé l'ordre du monde à la fin du XIIIe siècle avant J.-C.

Avec cette collision, on a affaire à la dernière grande catastrophe d'origine cosmique qu'a subie la Terre. D'autres événements de même nature ont été postérieurs, mais aucun n’a atteint l’intensité de celui-ci qui a eu des répercussions sur au moins trois continents, l'Afrique, l'Asie (dans sa partie occidentale) et l'Europe.
Avant la possibilité de datations précises, les chercheurs ont eu beaucoup de mal à mettre cette catastrophe vraiment en évidence, faute de preuves matérielles. Elle survivait principalement sous forme de mythes et de quelques textes anciens significatifs. L'éruption volcanique du Santorin, notamment, du fait de l’inévitable compression du temps, a toujours plus ou moins interféré avec elle et de nombreux auteurs l'associent encore, à tort, aux Plaies d'Égypte et à l'Exode, bien que les époques diffèrent de quatre siècles.

Une question essentielle : pourquoi cette période précise ?

Il est exclu que le début de cet Exode des Hébreux se soit passé avant le XIIIe avant J.-C., même si le problème du Pharaon incriminé n'a été définitivement élucidé que durant le dernier quart du XXe siècle. Certains égyptologues penchent encore pour Ramsès II (9), mais il s'agit d'un combat d'arrière-garde. Le pharaon de l'Exode est très probablement le treizième fils de Ramsès II, connu sous le nom de Merenptah qui lui a succédé et qui a régné au moins cinq ans et au plus dix ans, de 1213 à 1203 avant J.-C. d'après les égyptologues modernes. Les dates de règne de ces pharaons varient d'une bonne vingtaine d'années suivant les auteurs, selon qu'ils utilisent la chronologie haute ou la chronologie basse. Ainsi pour Ramsès II, la date de sa mort est 1236 avant J.-C. pour certains et 1213 pour d'autres.
En toute logique, c'est la chronologie basse qui s'impose pour des raisons astronomiques et historiques (10). De ce fait, le cataclysme que l’on situait auparavant en –1225 se trouve avancé en –1208, c'est-à-dire 1209 avant J.-C., date historique qu'il est bon de retenir (11). Cette date résulte principalement de l'examen des textes égyptiens, notamment ceux découverts à Médinet Habou, partie sud de l'ancienne Thèbes occidentale, au XXe siècle seulement. Ces textes très importants ont été gravés sous le règne de Ramsès III, quelques dizaines d'années seulement après la catastrophe. Ce sont eux qui, seuls, permettent de dater avec précision (à quelques années près, ce qui est une belle réussite quand on sait le flou des datations anciennes) le cataclysme auquel il font allusion. Ces textes ont permis de cerner la période incriminée, qui ne peut être que celle de Merenptah, ou moins probablement l'un de ses deux successeurs directs.

Sekhmet, Phaéton, Absinthe, Surt et les autres

Certains astronomes catastrophistes croient que l'objet céleste du XIIIe siècle était mixte, c’est-à-dire à la fois cométaire et astéroïdal, qu’il pouvait être de taille kilométrique avant de s’approcher de la Terre, qu’il s’est progressivement disloqué dans l'atmosphère et qu’il n'a touché le sol que d’une manière partielle, certains fragments ayant pu résister à la traversée de l’atmosphère, d’autres non.
Pour ce qui est de la période incriminée, le mérite en revient essentiellement au théologien et archéologue allemand Jürgen Spanuth (1907-1998) (12) qui a étudié cette période troublée avec beaucoup de pertinence. Cet auteur, à la recherche après beaucoup d'autres de l'Atlantide, a cherché à démontrer que les fameux Peuples de la Mer, dont il est longuement question dans les textes gravés de Médinet Habou, ont été chassés de leur région d'origine, un ancien empire de la côte occidentale du Schleswig-Holstein en Allemagne du Nord, partiellement englouti aujourd'hui dans la mer du Nord, et qui serait l'Atlantide d'après Spanuth, à la suite du cataclysme cosmique de –1208.
Spanuth, en se basant sur des calculs de l’astronome allemand Mario Zanot, imputait ce cataclysme à un passage très rapproché de la comète P/Halley en –1226 et à un impact d'un fragment de cette comète qu'il pensait être Phaéton, rebaptisé Surt dans la mythologie germanique et nordique, dont la légende transmise par Ovide est parvenue jusqu'à nous.

Cette quasi-collision entre la Terre et P/Halley supputée par Zanot et retenue par Spanuth est exclue. Par contre, Phaéton est bien l'un des noms associés à la catastrophe cosmique, avec de nombreux autres dont les plus connus sont Typhon en Grèce, Anat en Syrie, l'étoile de Baal en Canaan (Palestine et Phénicie), Absinthe (l'étoile de l'Apocalypse) chez les Hébreux, Surt dans les pays du nord et surtout Sekhmet en Égypte. Je garderai ce dernier nom, pour continuer l'histoire, car ce sont les textes égyptiens qui, grâce surtout à un passage capital des fresques de Médinet Habou, permettent de démontrer que c'est un même cataclysme qui a concerné l'Égypte et les pays du Nord.

" Le feu de Sekhmet a brûlé les pays du neuvième cercle. " (13)

Document 3 : Image du monde des Egyptiens vers 1200 avant J.-C.

Il faut savoir pour comprendre l'intérêt et l'importance de cette citation que, dans l'Antiquité, la Terre était divisée en neuf cercles parallèles (un dixième concernait l’axe du monde lui-même) et que le neuvième cercle concernait les pays de l'extrême nord de la Terre connus à cette époque (en gros la Suède, la Norvège, le Danemark, l'Allemagne du Nord et aussi l'Islande actuelles).
Spanuth explique dans son livre, en citant de nombreuses sources de différentes époques, les raisons qui lui permettent de dater (approximativement) la collision et sa relation avec la comète Phaéton, dont il raconte également la légende dans la version d'Ovide.

" Il est possible de dater les catastrophes naturelles rapportées par cette légende car il y est dit, par exemple, que "la Libye devint un désert" et que, parmi de nombreux autres fleuves, "le Nil fut mis à sec".
Ces deux événements ne sont rapportés qu'une seule fois dans les textes de l'ancienne Égypte.

Dans l'inscription de Karnark on trouve, pour la cinquième année du règne de Merenptah (1232-1222 avant J.-C.) : "La Libye est devenue un désert infertile, les Libyens viennent en Egypte pour chercher la nourriture de leur corps" (Hölscher, 1937).

Ramsès III rapporte, dans les textes de Médinet Habou : "La Libye est devenue un désert, une redoutable torche lança les flammes du ciel pour détruire leurs armes et pour ravager leur pays... Leurs os brûlent et grillent dans leurs membres".

Il est dit également dans les textes de Médinet Habou que le Nil aurait été asséché. On y lit entre autres : "Le Nil était asséché et le pays était livré à la sécheresse" (tableau 105)...

Dans les textes de Séti II (vers 1215-1210 avant J.-C.), on trouve : "Sekhmet était une étoile qui tournait en lançant des flammes, une gerbe de feu tempétueuse" (Breasted, Ancient Records of Egypt, 1906-07).

Dans une inscription de Ougarit (Ras Shamra) datée de l'époque qui précéda de peu la destruction de la ville au cours du dernier tiers du XIIIe siècle avant J.-C., on trouve : "L'étoile Anat est tombée du ciel, elle a massacré la population du pays syrien et elle a inverti le crépuscule ainsi que la position des étoiles" (Bellamy, 1938). " (14)

La deuxième citation contient une information capitale : La collision se serait passée lors de la cinquième année du règne de Merenptah, soit l'année 1209 avant J.-C. si l'on utilise la chronologie basse (Spanuth, lui, utilise la chronologie haute (15), comme on le faisait encore généralement dans les années 1970). Cette année 1209 peut en fait s'écarter de quelques années de la réalité, car l'on sait que les dates de règne de Merenptah ne sont qu'approximatives. Si l'on en croit les égyptologues modernes, Merenptah aurait eu pour successeurs directs : Amenmès (1203-1200) et Séthi II (1200-1194). Or ce dernier a laissé le texte rappelé ci-dessus et est donc obligatoirement postérieur au cataclysme. Plus loin, j'essaie de préciser la date de l'impact de Sekhmet, événement majeur de l'histoire cosmique des hommes.

La trajectoire de Sekhmet et les conséquences du cataclysme

Peut-on essayer de reconstituer l'orbite intra-atmosphérique de Sekhmet, qui était considéré par les auteurs de l'Antiquité soit comme une comète (le plus souvent), une étoile, une boule de feu, un nœud de flammes, un deuxième soleil, un serpent ou un dragon ? A mon avis, c'est très possible, car les traces de son passage sont nombreuses dans les textes des Anciens. Sekhmet venait de l'océan Indien et suivait une trajectoire sud-est/nord-ouest. Première chose quasi certaine : la collision a eu lieu de jour, d’après la légende de Phaéton.

Document 4 : Trajectoire de la comète Sekhmet

On signale d'abord son passage en Éthiopie et en Arabie. Apparemment, l’objet cosmique, qui a probablement subi une première fragmentation partielle en traversant les hautes couches de l’atmosphère, continue de se disloquer, de s'émietter et perd une partie substantielle de sa matière, probablement de couleur rouge, puisque c'est à cette époque que l'Érythrée et la mer Rouge vont recevoir leur nom. Les morceaux de Sekhmet, qui a déjà la forme d'un "dragon" du fait qu'il est suivi d'une épaisse et longue traînée de poussières, s'écartent un peu les uns des autres grâce à "l'effet fusée".
L'un de ceux-ci explose au-dessus de la Libye, qui devient définitivement désertique seulement à cette époque, et un autre au-dessus de la Syrie qui est victime d'incendies gigantesques. Un troisième fragment tombe peut-être dans la Méditerranée, c'est l'épisode biblique du "puits de l'abîme", un impact suivi d’une éruption, et cause des séismes et un tsunami. Mais le corps principal continue sa route vers le nord-ouest, passe au-dessus de la Grèce, brûlant plusieurs régions, détruisant de nombreux palais et entraînant en définitive la disparition de la culture mycénienne. On perd alors sa trace, mais en fait Sekhmet survole l'Europe centrale, où les Celtes et d'autres peuples sont des témoins effrayés qui conserveront une peur panique, quasi maladive, des dangers venant du cosmos, puis l'Allemagne du Nord et le sud de la Scandinavie (c'est l’épisode du Ragnarök, avec Surt arrivant du sud avec les Géants du feu), avant d'exploser ou de heurter la mer du Nord. Cet impact final pourrait avoir été multiple, si les Géants du feu de la légende constituaient de nouveaux fragments de l’objet principal.

On ne peut savoir avec exactitude si finalement il y a eu explosion dans l'atmosphère ou impact océanique. Il faut rappeler ici une information dont ne disposaient pas les chercheurs des différentes spécialités concernées par ce drame cosmique. La ceinture de Kuiper est composé de milliards d'objets de nature hétéroclite que les astronomes appellent des objets de Kuiper (ou KBO pour Kuiper Belt Objects). Beaucoup sont des comètes formées quasi exclusivement de glace et de poussières très grossièrement agglutinées. D'autres sont des astéroïdes rocheux, d'autres sont des objets mixtes. Il n'est même pas tout à fait exclu que certains gros objets soient différenciés, avec donc la possibilité d'un noyau ferreux et nickélifère.
Si l'objet de –1208, probablement issu de l’ancien centaure HEPHAISTOS, dont on connaît aujourd’hui plus d’une centaine de fragments, et autonome depuis seulement quelques dizaines de milliers d'années, était cométaire (genre P/Encke), je ne crois pas qu'il y ait pu avoir un impact terrestre ou océanique. Par contre, il reste possible que le dernier fragment qui a survolé l'Europe du nord pouvait être partiellement rocheux, et donc avoir une densité supérieure, de l'ordre de 3,0 g/cm3 peut-être, dans quel cas ce bloc, ou seulement une partie de celui-ci, aurait pu percuter l'océan.
Quoi qu'il en soit, et même s'il y a eu seulement désintégration dans l'atmosphère au stade final, il est quasiment sûr qu'un gigantesque tsunami se forme et revient vers l'Europe. C'est lui qui balaie "l'empire englouti de la mer du Nord" cher à Spanuth, peut-être à la suite d'un bouleversement isostatique post-impact (la région se serait enfoncée soudainement de dix mètres d'après certains géologues) et qui pousse les Peuples du Nord, qui deviendront bientôt une composante des Peuples de la Mer, à un exil forcé vers le sud de l'Europe, comme le racontent si bien les prisonniers de Ramsès III, dessinés d'une manière très précise, sur les fresques de Médinet Habou. L'épopée du Ragnarök a conservé tous ces divers stades du drame cosmique, et surtout humain, qui ont été transmis par la suite de génération en génération.

Document 5 : Sekhmet et les Peuples de la mer

Le fait que cette orbite intra-atmosphérique soit possible est très important, car une mauvaise répartition des zones géographiques sinistrées exclurait une catastrophe unique. Pourtant, une telle catastrophe unique est probable, car les récits de catastrophes transmis par les Anciens se rapportent à une même époque, comme l’ont confirmé les archéologues qui ont trouvé des preuves d’incendies gigantesques sur le terrain, notamment en Grèce et en Syrie.

L'hypothèse de la comète active, du noyau de comète, ou de l’objet mixte permet d'expliquer assez bien les diverses conséquences associées à Sekhmet. L'extrême chaleur constatée serait due à l'échauffement progressif du corps céleste, qui aurait atteint plusieurs milliers de degrés, et aussi à la formidable onde de choc qui l'accompagnait et qui aurait créé des désordres atmosphériques sérieux (ouragans, etc.). Le bruit infernal, les séismes, les explosions, les ténèbres, les incendies gigantesques, les tsunamis, le tarissement et l'empoisonnement des fleuves s'expliquent fort bien, de même que le "monde rouge" qui a tant étonné les Anciens.
Les multiples mouvements de populations constatés en cette fin de XIIIe siècle et dans le premier quart du XIIe avant J.-C. s'expliquent également. Ces peuples furent conduits à l'exil parce que leurs ressources naturelles habituelles étaient détruites ou empoisonnées, la géographie chamboulée. Pour survivre, il fallait partir ailleurs, quitter sa région, souvent sans espoir de retour, et automatiquement se frotter aux autochtones qui voyaient d'un bien mauvais œil des étrangers émigrer sur leurs terres. De tels exodes massifs débouchent obligatoirement sur la guerre et sur une refonte des sociétés humaines. Tout cela est observé entre –1208 et –1180. En une seule génération souvent, on note des transformations inexplicables si on ne prend pas en compte les conséquences du drame cosmique. Comme l'ont si bien dit les Égyptiens du temps de Ramsès III, une trentaine d'années seulement après le cataclysme, et dont beaucoup avaient été les témoins oculaires :

" Sekhmet a bouleversé l'ordre du monde. " (16)

Après le passage de l’objet cosmique et les conséquences terrestres et humaines qu'il a engendrées, aucune des anciennes civilisations sinistrées ne survécut sans des remaniements profonds. L'événement a été si exceptionnel pour les populations de l’époque que Pline s'en est fait l'écho treize siècles plus tard, avec l'évocation de "la comète terrible".
Cet événement est pourtant totalement passé sous silence dans les livres sur l’Antiquité, car les historiens du passé et ceux de la génération actuelle n’ont jamais pris en compte le cataclysme, en tant que cause de bouleversement, dans leurs travaux, faute de documents suffisamment explicites laissés par les Anciens. C’est pourquoi l’histoire ancienne devra être réécrite à la lumière des cataclysmes mis en évidence par les chercheurs actuels. Cela ne pourra se faire que par une nouvelle génération d’historiens.

Peut-on dater la collision avec précision ?

Il est  possible de proposer deux dates pour le cataclysme cosmique, en fonction de la double chronologie pour les pharaons, puisque les dates varient dans une fourchette de 22 ans pour la mort de Ramsès II (1235 et 1213 avant J.-C.) et pour celle de Merenptah (1225 et 1203 avant J.-C.). Le tableau I donne toutes les dates possibles entre 1230 et 1201 avant J.-C., sachant que certains textes égyptiens précisent que le cataclysme a eu lieu un 12 Tybi, ce qui correspond à des dates de fin octobre et début novembre de notre calendrier moderne.

Document 6 : Dates possibles du cataclysme du 12 Tybi

Les textes égyptiens disent que le cataclysme eut lieu la cinquième année du règne de Merenptah. Dans la chronologie haute, la date correspondante est le 5 novembre 1231 avant J.-C. ( = –1230) et dans la basse le 31 octobre 1209 avant J.-C. (= –1208). Celle-ci semble nettement préférable, du fait des dates les plus probables de Merenptah mises en avant par plusieurs générations d'égyptologues. Pour ma part, c’est celle que je retiens et que je propose. Cependant, il est clair que la date définitive, si on peut la préciser un jour, pourrait être légèrement différente et devra donc être ajustée (17).

Une hypothèse qui dérange : Sekhmet et l’Exode

La datation de l’impact à la fin du XIIIe siècle avant J.-C. et les multiples conséquences humaines qui s’y rattachent obligent à faire état d’une relation possible avec le fameux Exode des Hébreux. Hypothèse dérangeante, sacrilège pour certains. Mais loin d’être impossible et même assez excitante ! La majorité des théologiens et des historiens spécialistes de la Bible sont d'accord, en effet, pour considérer que Merenptah était le pharaon de triste mémoire qui persécuta les Juifs et les poussa à la rébellion et à l'Exode. C’est lui aussi qui est associé à la comète de –1208. Il devient un personnage clé de l’histoire ancienne.
Certaines des dix plaies trouvent naturellement leur place suite à la catastrophe cosmique de –1208. Particulièrement, les plaies 1 (l'eau changée en sang du fait de la pigmentation rouge des poussières issues du corps céleste), 5 (la peste du bétail), 6 (les ulcères), 7 (le tonnerre et la grêle) et 9 (les ténèbres) sont des conséquences "normales" de l'explosion d'une comète ou d'un astéroïde d'origine cométaire.

Document 7 : Plaies d'Egypte et événements annoncés dans l'Apocalypse

On sait qu'il y a eu probablement un nombre accru de cancers de la peau et de brûlures à cette époque ("Leurs os brûlent et grillent dans leurs membres", rappellent les textes), ils s'expliquent par les radiations associées à l'explosion et à l'augmentation de la radioactivité au niveau régional. On l'a constaté avec l'explosion de la Toungouska qui était probablement un cataclysme analogue, peut-être même causé par une matière identique si l'origine des deux objets est la même, mais d'une amplitude beaucoup moins forte. L'objet de la Toungouska ne dépassait pas 60 mètres de diamètre, alors que Sekhmet était au moins hectométrique, peut-être même kilométrique avant sa première fragmentation. L’émiettement en divers fragments et la désintégration partielle de plusieurs autres plus fragiles a évité une catastrophe d’une toute autre nature, car Sekhmet n’a été qu’un cataclysme régional qui a laissé peu de traces détectables pour les scientifiques d’aujourd’hui.
Il semble établi que l’impact a eu lieu fin octobre ou début novembre d’une année de la fin du XIIIe siècle. On sait, par contre, par les textes hébreux, que le Passage a eu lieu au début du printemps, au mois de mars, période plus tardive de quatre à cinq mois environ.
Quatre questions se posent donc concernant cet important épisode biblique :

1. La date du 12 Tybi correspond-elle à la catastrophe de –1208, ou bien à une autre catastrophe antérieure ? On sait qu'il y en a eu d'autres durant les millénaires précédents.
2. L'intervalle de quatre ou cinq mois pourrait avoir été marqué par les plaies qui ont d'abord agacé, puis fait peur aux Égyptiens et les ont décidé à laisser partir les Hébreux sous la direction de Moïse. On pourrait alors expliquer partiellement la mort des nouveau-nés qui a toujours paru inexplicable et qui a donc été considérée comme une fable. Elle pourrait être, en fait, la conséquence d'un empoisonnement des fœtus dû à une radioactivité résiduelle mais bien réelle, et qui aurait ainsi entraîné la non-viabilité ou l'anormalité de ces nouveau-nés "post-catastrophe" ou des accouchements prématurés ou des avortements suspects. Mais est-ce vraiment crédible ? (Je rappelle que Tchernobyl, pour d'autres raisons, a montré qu'une forte radioactivité n'avait rien de bon pour les femmes enceintes et surtout pour leur descendance).
3. Peut-on croire que la période post-catastrophe en Égypte ait duré près de six mois ? Quand on lit la Bible, on se rend bien compte qu'il a fallu un certain temps à Pharaon pour se décider et qu'il est resté sourd avant de répondre affirmativement à la demande de départ des Hébreux. Et d'autre part, le cataclysme cosmique et l'Exode ne peuvent pas être tout à fait concomitants. Si le pays était totalement détruit, il paraît évident que le pharaon avait autre chose à faire en urgence, plutôt que de lever une armée et aller courir après des ennemis qui pouvaient bien attendre. En fait, l'écart de plusieurs mois entre les deux événements paraît probable. Il pourrait même se chiffrer en années, si Merenptah a vraiment régné dix ans et non seulement six. L'Exode pourrait avoir eu lieu au printemps –1207 ou –1206. Par contre, comment expliquer alors le tsunami ou la trombe d'eau qui a "ouvert" la mer des Roseaux, point de passage le moins large, et donc le plus probable ? L'avenir permettra peut-être d'éclaircir un peu ce problème, assez obscur il faut bien le dire.
4. Quel était donc le pharaon de l'Exode qui permet de dater avec précision l'épisode du Passage ? On a la réponse aujourd'hui d'une manière quasi certaine : c'était bel et bien Merenptah, comme l'a montré Maurice Bucaille (18). Cet érudit, chirurgien de profession et spécialiste des Écritures saintes, s'est demandé dans les années 1970 si l'on ne pourrait pas tenter d'obtenir des signes directs de la participation d’un pharaon à l'Exode. Il a eu l'idée d’autopsier les momies de différents pharaons de l’époque qui sont conservées en Égypte depuis plus de 3000 ans et aussi la chance de pouvoir effectuer ces examens extraordinaires (19). Le résultat est sans appel : Ramsès II est exclu, c'était un vieillard invalide à la fin de sa vie ; par contre Merenptah est décédé de mort violente, avec notamment un sérieux traumatisme crânien. Tout porte à croire qu'il est mort durant l'Exode et que son corps a été récupéré et aussitôt embaumé. La momie de Merenptah ne fut retrouvée qu'en 1898 et identifiée comme étant la sienne en 1907 seulement. C'est le fait même qu'on l'ait retrouvée qui fit croire à une majorité d'égyptologues et de théologiens du XXsiècle que Merenptah ne pouvait pas être le pharaon de l'Exode, supposé mort noyé durant le Passage. Noyé peut-être, mais récupéré sûrement !

Conclusion

Cet impact de Sekhmet, devenu Absinthe chez les Hébreux, Phaéton chez les Grecs et Surt pour les peuples du nord de l’Europe a été l’un deux grands événements cataclysmiques qui ont eu lieu au IIe millénaire avant J.-C. dans le monde méditerranéen. L’autre a été l’explosion du Santorin, événement plus ancien de quatre siècles, mais encore parfois considéré comme contemporain au niveau de certaines conséquences, comme les Plaies d’Egypte, par exemple. La compression du temps a joué son rôle, avant la datation précise des résidus issus du Santorin. Ceux de Sekhmet n’existent plus, ce qui rend difficile l’acceptation du cataclysme qui n’existe que dans les textes et les légendes.
Pourtant, l’impact de Sekhmet et des autres fragments de l’objet originel après sa fragmentation a eu des répercussions très importantes et a, comme l’a bien montré Spanuth, engendré une refonte des sociétés humaines de la région. Avant l’époque actuelle, et la découverte de centaines d’astéroïdes menaçants pour la Terre, les PHA (pour Potentially Hazardous Asteroids), il était difficile d’envisager et de croire à une telle catastrophe. Aujourd’hui, elle paraît assez logique et  permet d’envisager un drame identique pour les siècles à venir. Les hommes du XXIe siècle sont mieux armés que leurs devanciers et semblent capables de détourner, ou de détruire s’il le faut, un objet d’envergure menaçant s’il est découvert plusieurs années à l’avance.
Une dernière remarque : les textes égyptiens n’ont été que partiellement utilisés jusqu’à présent. Un égyptologue qui sera en même temps astronome et spécialiste des astéroïdes et des comètes pourra probablement faire une avancée spectaculaire, décisive peut-être, sur le sujet étudié dans cet article.

Notes

1. F. Braunstein et J.-F. Pépin, Les grands mythes fondateurs (Ellipse, 1995). Citation p. 40.
2. Le calendrier égyptien était basé sur une année de 365 jours seulement, d'où une dérive annuelle de 0,2422 jour par an, 6 jours pour 25 ans, 12 jours pour 50 ans, 18 jours pour 75 ans, etc. Le 12 Tybi de l'année 1321 avant J.-C. correspondait au 27 novembre de notre calendrier grégorien, le 12 Tybi de 1271 au 15 novembre, celui de 1221 au 3 novembre et celui de 1196 au 28 octobre. Il reste à trouver l'année exacte du cataclysme pour ajuster la date exacte. Si 1209 avant J.-C. (soit –1208) est la bonne année (ce qui n'est pas sûr, ce n'est qu'une approximation à 10 ou 20 ans près qui dépend de la chronologie exacte des pharaons, très mal connue et variable selon tous les auteurs), la date de la collision cosmique serait alors voisine du 31 octobre.

3. F. Guirand et J. Schmidt, Mythes & Mythologie. Histoire et dictionnaire (Larousse, 1996). Cet ouvrage collectif très remarquable raconte la mythologie et les mythes du monde entier. Le chapitre 2 (pp. 23-68), dû à J. Viau, concerne la mythologie égyptienne. Citation p. 53.
4. Ibid. Le chapitre 8 (pp. 291-338), dû à E. Tonnelat, concerne la mythologie germanique (Allemagne et pays scandinaves). L'auteur parle évidemment du Crépuscule des dieux qu'il raconte d'une manière détaillée et homérique (pp. 325-328). On reconnaît d'ailleurs dans cette légende une analogie certaine avec la très vieille légende grecque de Typhon racontée en son temps par Hésiode dans sa Théogonie. Ces deux légendes immortalisent un même phénomène, celui de la collision entre la Terre et un objet cométaire qui se produisit à la fin du XIIIe siècle avant J.-C.
5. Hésiode, Théogonie (Les Belles Lettres, 1977 ; traduction par P. Mazon). Citation p. 62-63. Hésiode ne connaissait plus avec précision les grandes catastrophes qui avaient eu lieu au IIe millénaire. La compression du temps avait déjà joué son rôle et sa Théogonie regroupe sous forme de mythes des données très hétéroclites et d'époques différentes. Cela tendrait à prouver que des sources écrites sur les grands cataclysmes du passé n’ont jamais existé, tout au moins en Grèce. Cette hypothèse est confirmée par le fait que les philosophes grecs plus tardifs ne parlent jamais de l’éruption du Santorin avec un minimum de précision. Seul le bouche à oreille permit, les premiers temps, de perpétuer le souvenir de cataclysmes destructeurs.

6. Ovide, Les métamorphoses (Garnier-Flammarion, 1966 ; traduction par J. Chamonard). Citation p. 70-73.
7. Pline l'Ancien, Histoire naturelle, Livre II (Les Belles Lettres, 1950 ; traduction par J. Beaujeu). Citation p. 39-40.
8. La Bible. Ancien Testament (Gallimard, 1956), publiée sous la direction de E. Dhorme. Ce passage concerne la Cinquième trompette, Apocalypse, IX.
9. C. Desroches-Noblecourt (1913-2011) et C. Jacq entre autres postulent résolument pour que Ramsès II soit le pharaon de l'Exode, qu'ils voient plus tôt dans l'histoire de l'Egypte. D'autres, comme N. Grimal, ne prennent pas position mais entrevoient les deux possibilités. Le premier égyptologue qui associa Merenptah à l'Exode fut l'Allemand K.R. Lepsius en 1849 dans son livre Die chronologie der Aegypter.
10. L'existence d'une double chronologie pour les pharaons s'explique de la façon suivante. Le lever héliaque de Sirius qui, seul, permet une datation absolue a été observé à l'époque de Amenhotep I au XVIe siècle avant J.-C. comme le raconte le Papyrus Ebers. Mais on ignore si cette observation a été faite à Memphis, capitale de l'Egypte sous l'Ancien Empire, qui se trouvait à 35 km au sud du Caire, ou à Thèbes, capitale sous le Moyen et Nouvel Empire, qui se trouvait beaucoup plus au sud, à 700 km du Caire. Ce n'est pas du tout la même chose et la distance entre les deux villes, supérieure à 650 km, correspond à une différence de 20 ans dans l'apparition du lever de Sirius. Comme le XVIe siècle correspond au Moyen Empire, les égyptologues modernes, contrairement aux anciens, pensent, avec raison semble-t-il, que l'observation décisive a été faite de Thèbes, qui était la capitale à cette époque. La chronologie basse, même si elle n'est pas certaine, est donc nettement la plus probable.
11. Je rappelle la différence entre les années astronomiques et les années historiques avant l'ère chrétienne. Elle vient du fait qu'il n'y a pas eu d'année 0 dans la chronologie historique : on est passé directement de l'année 1 avant J.-C. à l'année 1 de l'ère chrétienne. Le premier siècle avant J.-C. s'est donc déroulé entre l'an 100 et l'an 1 avant J.-C. inclus. L'année 0 fut introduite au XVIIIe siècle, par Cassini, pour faciliter le décompte des années antérieures à notre ère et pour qu'il y ait une continuité dans la chronologie mathématique. L'an 1 avant J.-C. fut donc noté année 0, l'an 2 fut noté –1 et ainsi de suite. Le premier siècle avant J.-C. se termina donc le 31 décembre –99 à 24 heures, mais il comporta bien 100 ans comme tous les autres. L'année 1209 avant J.-C., date présumée du cataclysme cosmique, correspond donc bien à l'année astronomique –1208. Ces deux dates apparemment différentes sont en fait strictement identiques.
12. J. Spanuth, Le secret de l'Atlantide. L'empire englouti de la mer du Nord (Copernic, 1977). Titre original : Die Atlanter (1976). Jürgen Spanuth était docteur en théologie et en archéologie. Son apport dans la compréhension de ce qui s'est passé dans la période 1205-1150 a été considérable. Il a montré que c'est un même cataclysme qui a provoqué les dégâts subis en Egypte et en Allemagne du Nord et que Sekhmet, Phaéton et Surt étaient en fait des personnalisations différentes d'une seule et même comète vue et enregistrée sous des cieux différents. Il a aussi montré que les Peuples du Nord, chassés par le cataclysme, sont devenus une composante des Peuples de la Mer après leur exode massif vers le sud de l'Europe. Il a été l'un des premiers qui ait pris en compte le cataclysme dans l'histoire des hommes, notamment les migrations humaines forcées qui sont les plus dangereuses car elles débouchent inévitablement sur la violence, la guerre et la refonte des sociétés humaines.
13. Cité par Spanuth, p. 175. Ce passage essentiel fait partie des textes de Médinet Habou (tableau 17, 46), qui datent de l'époque de Ramsès III. Ces textes très importants ont été étudiés, relevés et traduits en anglais par les spécialistes de l'Université de Chicago. Ils figurent dans un livre en deux volumes : W.F. Edgerton and J. Wilson : Historical records of Ramses III.
The texts in Medinet Habu, vol. I and II, in "The Oriental Institutes of the University of Chicago" (1936).
14. Textes cités par Spanuth, pp. 170-171. Ses sources modernes sont les suivantes : W. Hölscher, Libyer und Aegypter, in "Beiträge zur Ethnologie und Geschichte libyscher Völkerschaften nach a altägyptischen Quellen" (1937) ; J.H. Breasted, Ancient Records of Egypt (1906-1907) ; H. Bellamy, Moons, myths and man (1938).
15. Si la chronologie haute devait s'avérer la bonne dans l'avenir, ce qui n'est pas exclu, l'année du cataclysme cosmique deviendrait 1231 avant J.-C. (ou –1230).
16. Texte cité par Spanuth dans son livre Le secret de l’Atlantide.
17. La date dans l'année devra être ajustée si l'année du cataclysme s'avère différente de celle-là, à raison de un jour pour quatre années. Elle pourrait concerner l'un des premiers jours de novembre si la chronologie haute s'avérait la meilleure.
18. M. Bucaille, Moïse et Pharaon. Les Hébreux en Egypte (Seghers, 1995). Un livre très important qui met quasiment fin à une interrogation deux fois millénaire : quel était le pharaon de l'Exode ? Ce pharaon a huit chances sur dix d'avoir été Merenptah, la neuvième appartenant à Ramsès II et la dixième appartenant à son successeur direct Amenmès (ou Taoui Thom, connu aussi en Grèce semble-t-il sous le nom de Typhon, et qui reste parfois cité comme le pharaon de l'Exode).
19. Maurice Bucaille (1920-1998) a eu en fait une chance unique. Il a obtenu l'autorisation, grâce à l'intervention et à l'appui indispensable de l'épouse du président égyptien Anouar el-Sadate (1918-1981), qui fut exceptionnellement sa patiente à l'occasion d'un passage à Paris en 1974, de faire l'autopsie des momies égyptiennes dès la fin de la même année. Assisté par plusieurs collaborateurs égyptiens et français, et surtout du médecin légiste français Michel Durigon, Bucaille a ainsi pu montrer deux choses primordiales. D'abord que Ramsès II n'a pas pu être en personne le pharaon de l'Exode, car il souffrait d'une affection hautement invalidante (mais il n'est pas tout à fait exclu que l'Exode ait eu lieu à l'époque de Ramsès II). Par contre, il a pu prouver que Merenptah mourut victime de traumatismes multiples ayant occasionné de très graves lésions quasi instantanément mortelles, notamment un traumatisme crânien. Merenptah est très probablement mort durant le Passage, mais son corps a été récupéré et embaumé.