CHAPITRE 5

UN UNIVERS CATACLYSMIQUE, PARTOUT, TOUJOURS

 

Une naissance cataclysmique : le Big Bang

Aujourd'hui, même si certains astrophysiciens restent d'un avis contraire, le problème semble résolu : notre Univers actuel a eu une naissance cataclysmique. C'est la fameuse explosion initiale : le Big Bang, que l'on se représente d'une manière un peu simpliste comme un gigantesque éclair lumineux, accompagné de conditions extrêmes de température et de densité. Son âge, par contre, est encore solidement débattu, même si l'on donne comme le plus probable l'âge de 15 milliards d'années.

L'image d'Epinal du point unique qui explose semble obsolète et les astrophysiciens modernes croient plutôt que l'Univers était déjà infini en étendue. Relisons Hubert Reeves :

« Aux premiers moments de l'univers, il n'y a ni galaxies, ni étoiles, ni planètes, ni molécules, ni atomes, ni nucléons. La matière se présente alors comme une grande purée, uniforme, sans grumeau, sans condensation, sans structure d'aucune sorte. Cette purée est faite de particules élémentaires. On y rencontre des photons (les grains de lumière), des électrons (ceux du courant électrique) et des quarks.

Le premier chapitre de l'organisation de la matière se passe là, un millionième de seconde après le début. Les quarks, trois par trois, se combinent pour donner naissance aux nucléons. C'est le coup d'envoi de la matière qui se complexifie... » 1

Comme les astrophysiciens nous l'enseignent, le Big Bang c'est aussi le point de départ de la complexité, sans cesse réaffirmée au fil du temps, une complexité qui est loin d'être terminée et qui finira avec l'Univers lui-même, si toutefois il a une fin.

L'évolution cataclysmique de l'Univers

On sait depuis longtemps que l'espérance de vie des étoiles est d'autant plus brève qu'elles sont massives. Les plus massives, les supergéantes bleues, que l'on trouve en nombre dans les bras spiraux des galaxies, sont 100 000 fois plus brillantes que notre Soleil. Leur masse est de l'ordre de 20 à 50 fois celle de notre étoile. On a calculé que ces géantes bleues consument leur carburant (l'hydrogène) en quelques millions d'années seulement, et qu'elles sont liées génétiquement avec la matière interstellaire qui les entoure et dont elles sont issues. Une période de vie aussi courte montre bien que la matière interstellaire peut avoir servi de composant à plusieurs dizaines d'étoiles massives dans les régions de forte densité de matière cosmique.

Les différents scénarios de la mort des étoiles sont aujourd'hui bien compris et sont fonction de la masse initiale. Pour toutes, la fin est cataclysmique, mais sous deux formes différentes. Dans le cas d’une étoile de masse inférieure à 1,4 masse solaire qui a consumé tout l'hydrogène de son noyau transformé en hélium, ce noyau va subir une période de contraction liée à l'augmentation de la température, alors que les couches extérieures, au contraire, vont se gonfler et se refroidir. C'est la fameuse phase de la géante rouge, avec l'éjection de bouffées de matière qui réintègre le milieu interstellaire sous forme de poussière cosmique, mais sous une forme enrichie.

Hubert Reeves, dans son livre Poussières d'étoiles, ne peut être plus clair sur cette tranche de vie essentielle et constructive :

« La matière qui retourne à l'espace est différente de celle qui vient de l'espace. On y trouve les éléments chimiques que l'étoile a engendrés : carbone, oxygène, magnésium, etc. Ces atomes n'existaient pas avant la naissance de l'astre. Ils sont là maintenant, grâce à l'activité constructive des creusets stellaires. Chaque étoile contribue à enrichir le milieu interstellaire en éléments lourds. Au début de la Galaxie, ces éléments étaient absents. Graduellement, et par l'apport d'une multitude de générations d'étoiles, leur abondance a pu croître jusqu'à sa valeur présente. Plutôt que d'un cycle, il faudrait donc parler d'une spirale. Elle se déroule depuis plusieurs milliards d'années. Elle s'inscrit dans le cadre plus vaste de l'organisation de la matière... » 2

La mort des étoiles massives (plus de 1,4 masse solaire) est différente, plus violente. A la place de l'évacuation lente de matière par bouffées successives, c'est le cataclysme fulgurant de la supernova qui se produit. En quelques heures seulement, instantanément à l'échelle astronomique, l'étoile devient plus brillante que cent millions de soleils, et la température atteint plusieurs dizaines de milliards de degrés. Tous les éléments lourds sont fabriqués avant d'être éjectés et de rejoindre le milieu interstellaire, et d'être réutilisés plus ou moins rapidement par une génération ultérieure d'étoile. C'est le feu d'artifice de l'évolution nucléaire cher aux astrophysiciens. En même temps sont éjectés les rayons cosmiques qui, eux, traverseront l'Univers, heurtant continuellement la haute atmosphère terrestre.

Chaque année dans l'Univers visible se produisent quelques dizaines d'explosions de supernovae. Il s'agit donc d'un phénomène permanent dans l'espace et dans le temps, dans la mesure où l’on enregistre des explosions qui peuvent dater de millions ou même de milliards d'années (figure).

On peut donc affirmer qu'on trouve bien dans le phénomène d'évolution cataclysmique des étoiles la preuve que le cataclysme est une force de création, puisqu'il est source d'évolution et de complexité.

La naissance du Système solaire

Quatre grandes classes de théories cosmologistes

Les astrophysiciens regroupent les différents modèles de formation du Système solaire en quatre classes selon qu'ils répondent, ou non, à deux caractéristiques fondamentales :

1. Le Soleil et le cortège planétaire sont-ils cogénétiques (c'est-à-dire formés en même temps avec le même matériau originel) ?

2. Le matériau du cortège planétaire provient-il d'une matière interstellaire inaltérée ou d'une matière stellaire altérée ?

Avec cette double interrogation, c'est l'histoire même du Système solaire qui est en jeu. Selon que la réponse aux deux questions est oui ou non, on se trouve en présence de quatre grandes classes de théories que plusieurs générations d'astronomes, puis d'astrophysiciens, ont tenté d'affiner au fil du temps, obligés qu'ils étaient de tenir compte de données de plus en plus nombreuses et de plus en plus pointues, et souvent discriminatoires pour les théories qui ne se pliaient pas aux observations.

Une cinquantaine d’hypothèses ont été proposées depuis celle de Buffon en 1745, ce qui montre bien l'imagination toujours renouvelée des astrophysiciens. La plupart bien sûr sont définitivement abandonnées, puisque incapables de répondre favorablement à certains critères incontournables.

Sur les quatre classes de théories cosmologiques, deux concernent des théories catastrophistes, mais elles sont cependant totalement différentes. La première regroupe des modèles prônant une origine cogénétique du Soleil et du cortège planétaire, avec pour celui-ci une matière stellaire, altérée suite à un chauffage à très forte température. C'est l'hypothèse classique du Soleil, étoile double à l'origine, dont le compagnon se serait désintégré et dont la matière aurait partiellement servi à former les planètes.

La seconde classe regroupe des modèles prônant une origine différente (non cogénétique) avec une matière également stellaire. C'est la fameuse hypothèse de la rencontre fortuite entre deux étoiles qui s'est terminée par une collision ou plus sûrement par une quasi-collision. Dans cette version, entrent en jeu des effets de marée gigantesques qui éjectent les couches externes du Soleil primitif (et éventuellement celles de l'autre étoile), la matière éjectée se mettant en orbite autour du Soleil, et servant par la suite à former les planètes. Jugées acceptables jusque dans les années 1960, les deux classes catastrophistes sont aujourd'hui quasiment éliminées.

Pour les astrophysiciens actuels, le verdict de l’observation est sans ambiguïté : la matière du cortège planétaire est typiquement interstellaire. Elle est restée inaltérée, alors que la matière composant la photosphère a été altérée très logiquement par des réactions nucléaires dans le Soleil, pour lesquelles des températures très importantes sont impératives. La classe qui regroupe les modèles considérant que le Soleil et les planètes se sont formées en même temps à partir du même nuage interstellaire, apparaît aujourd'hui nettement comme la plus probable, même si les modèles de l’autre classe, qui postulent pour une capture du nuage interstellaire par le Soleil après sa naissance, gardent encore des partisans et restent crédibles.

Même si les deux classes de théories catastrophistes n'ont pas été responsables de la formation de notre Système solaire (Soleil + planètes), il est clair que ce double mécanisme a été efficient pour la formation d'autres systèmes analogues au nôtre ou composés de deux ou plusieurs étoiles.

L'histoire de la supernova présolaire

Comme nous l'avons déjà dit, le cataclysme, force de création et de renouvellement de la matière, ne perd jamais tous ses droits. Et si la formation du Système solaire n'a pas été catastrophiste en tant que telle, le matériau qui la compose a gardé les traces d'un fantastique cataclysme qui a précédé de peu cette formation : l'explosion d'une supernova.

Les météoriciens ont découvert, d'abord dans la fameuse météorite carbonée d'Allende, tombée sur Terre en 1969, puis dans quelques autres météorites du même type, que la composition isotopique du magnésium était anormale par rapport à celle de la Terre, de la Lune et des météorites classiques. La proportion de l'isotope 26 est supérieure à ce qu'elle devrait être. Ce surplus de magnésium 26 (26Mg) s'explique par un apport d'aluminium 26 (26Al), isotope radioactif qui se désintègre en se transformant en 26Mg. Sans entrer dans le détail technique, disons simplement que cet excès est dû à l'explosion d'une supernova voisine qui aurait injecté une partie de son matériau désintégré dans le Système solaire en formation. On sait que la période de 26Al est de seulement 730 000 ans, et l'explosion et la formation des premiers grains solides du Système solaire ne peuvent être séparées que de deux à trois millions d'années au grand maximum.

On est sûr aujourd'hui que la naissance de notre Système solaire a été quasiment contemporaine de l'explosion cataclysmique d'une étoile voisine massive et qu'il a assimilé une partie des produits de sa désintégration, notamment des éléments lourds provenant d'une génération antérieure d'étoile. Seules certaines météorites gardent la trace indélébile de ce cataclysme gigantesque qui remonte à près de 4,57 milliards d'années. On se rend compte ainsi de la valeur inestimable d'une météorite comme celle d'Allende, appelée souvent la "pierre de Rosette du ciel".

Une formation agitée : la guerre des mondes

Depuis les années 1950, les spécialistes du Système solaire se sont penchés sur les différentes étapes qui ont conduit au système actuel, regroupé dans une "bulle" de matière de 1,5 année lumière de diamètre, avec comme frontières extérieures les limites du nuage cométaire de Oort.

Des centaines de simulations ont été effectuées, avec des conditions de départ très variées, aussi bien en ce qui concerne le nombre d’objets que la température dans le nuage présolaire. En fait, les conditions initiales ne sont pas connues avec précision et ne le seront jamais. Mais de ces simulations se sont dégagées quelques données incontournables, avec cette réalité : il n’y a plus que huit planètes (et non neuf, car Pluton n’est plus considéré comme une planète majeure aujourd’hui, mais comme le membre principal du disque de Kuiper).

Deux maîtres mots s’imposent pour expliquer l’extraordinaire histoire du Système solaire : collision et accrétion. La combinaison de ces deux phénomènes a été permanente et déterminante à long terme (figure). Les premiers millions d’années, la guerre des mondes a été impitoyable. C’est la période du billard cosmique, comme l’ont appelée les astronomes, qui a duré environ 500 MA. Certaines simulations indiquent que pour 100 planétoïdes de 1,2 x 1026 g chacun, utilisés pour la formation des seules planètes telluriques, il n’en existait déjà plus que 22 au bout de 30 MA circulant sur des orbites plus elliptiques, 11 après 79 MA, et seulement 6 après 150 MA. La Terre se serait formée en 100 MA environ, à partir de la collision et de l’accrétion d’une multitude de planétoïdes plus petits.

Les planètes rescapées ont vu leur surface littéralement criblées par des impacts quasi permanents et d’envergure très variée selon le diamètre et la vitesse de l’impacteur. Certains objets anciens, comme Callisto le satellite de Jupiter, ont gardé la marque indélébile de cette première étape, où l’impactisme planétaire était la clé de la survie ou de la disparition, selon le cas. Car certains impacts importants ont entraîné la désintégration de planètes de masse substantielle, déjà différenciées, mais victimes à leur tour de ces collisions destructrices. On sait que la Lune est une planète recomposée, née d'une collision rasante entre deux corps célestes déjà différenciés : la Terre initiale et une planète autonome de la taille de Mars.

Si la première étape a duré moins de 500 MA, une deuxième étape a duré plus d’un milliard d’années, c’est celle de la cratérisation à outrance. Une multitude de fragments de quelques centaines de kilomètres de diamètre étaient encore dans le circuit infernal du billard cosmique, mais leur taille ne leur permettait déjà plus de menacer de destruction les grosses planètes qui avaient réussi leur accrétion. Ces fragments devaient se contenter du rôle d’impacteur, avec comme résultat la formation de cratères d’impact. On en a encore des milliers d’aperçus sur toutes les planètes et satellites à surface solide, et notamment sur la Lune.

On connaît d'autres satellites planétaires qui ont été recomposés à la suite d'impacts, notamment Miranda, l'extraordinaire satellite n° V d'Uranus qui a un diamètre de 380 km. La sonde américaine Voyager 2 l'a approché à seulement 30 000 km en 1986 et a pris des photos fantastiques de sa surface, d'une précision incroyable puisque certains détails ne dépassent pas 600 mètres. Son relief est apparu d'une complexité extrême, qui ne peut s'expliquer que s'il s'agit de l'assemblage d'une mosaïque de fragments brisés et "recollés", peut-être même à plusieurs reprises.

Une troisième étape, avec un Système solaire nettoyé des quelques planètes vagabondes ayant survécu jusque-là, mais pas des innombrables scories plus petites, a débuté il y a trois milliards d’années, avec un impactisme diminué d’un facteur 100. C’est la phase résiduelle qui existe encore aujourd’hui.

Durant cette longue période, les cataclysmes les plus importants furent le fait d’objets extérieurs, venus des deux réservoirs (déjà formés à l’époque) que constituent le nuage de Oort et le disque de Kuiper. Ces objets (parmi lesquels d’innombrables comètes actives), perturbés dans un premier temps, virent leur orbite devenir très excentrique, ce qui permit leur capture à l’occasion de leur plongée dans le Système solaire intérieur. Ce phénomène existe encore à l’échelle astronomique et durera aussi longtemps que le Système solaire lui-même (figure).

L'impactisme lunaire et ses conséquences

Dès la mise en évidence, avec les premières lunettes, de l’étonnant relief lunaire, les astronomes se posèrent la question de l'origine des diverses formations. Deux hypothèses concurrentes apparurent : l'hypothèse météoritique et l'hypothèse volcanique. Etonnamment, la première ne s'imposa jamais vraiment, et dans leur majorité des générations d'astronomes préférèrent la deuxième. Pour une raison simple, en fait, comme nous l'avons déjà expliqué : personne avant la découverte d'Eros en 1898 ne croyait à l'existence de petits astéroïdes venant à proximité de la Terre et de la Lune, et on s'expliquait mal cette multitude de cratères lunaires, même si pour quelques-uns d'entre eux on pouvait admettre une origine cométaire.

C'est au XXe siècle seulement que le problème fut définitivement tranché : la quasi-totalité des cratères lunaires est d'origine météoritique. Et les premiers clichés de Mars et de Mercure obtenus par des sondes spatiales otèrent le doute qui pouvait rester chez certains, Mercure notamment présentant une surface totalement constellée de cratères assez semblables à ceux de la Lune, et cela en dépit de sa proximité au Soleil. C'est bien la preuve que des petits corps ont circulé par millions partout dans le Système solaire.

Le nombre des cratères lunaires, depuis les plus grands (300 km de diamètre) jusqu'aux plus petits (quelques décimètres) est estimé à 40 ou 50 millions, mais il faut noter qu'une grande majorité sont des cratères secondaires, formés à la suite de la retombée d'innombrables débris éjectés lors de la formation des cratères primaires. Il n'empêche que le nombre d'impacts réels, différents, d'astéroïdes et de comètes sur la Lune se chiffre au bas mot en centaines de milliers.

L'étude détaillée de cette cratérisation (figure) a été effectuée dans les années 1970 et a permis d'obtenir quantité de renseignements importants. D'abord celui-ci : la cratérisation météoritique a toujours existé dans le Système solaire, sur la Terre, sur la Lune et sur toutes les planètes. La fréquence de cratérisation qui était maximale entre 4,6 et 4,0 milliards d'années a ensuite rapidement diminué jusqu'à 3 milliards d'années, et depuis son niveau semble relativement constant.

Les mers lunaires (au nombre d'une vingtaine) sont de vastes étendues constituées principalement de roches basaltiques et qui ont été creusées par des impacts géants durant le premier milliard d'années de la Lune. Les astronomes ont pu confirmer l'âge des cinq derniers grands bassins créés sur la Lune : mer du Nectar et mer des Humeurs, 4,2 milliards d'années, mer des Crises, 4,1 milliards d'années, mer des Pluies, 3,9 milliards d'années et mer Orientale, 3,8 milliards d'années. Il n'y a eu aucune mer créée après cette dernière date, seulement quelques grands cratères tardifs. Ce n'est que dans un deuxième temps qu'elles furent envahies par les laves basaltiques issues des profondeurs de la Lune et générées par une activité interne (volcanique) qui fut intense, activité qui ne dura pas longtemps, contrairement à ce que les astronomes des générations précédentes croyaient dur comme fer.

Sur la Lune, il y a eu assez de cratères primaires entre 1 et 10 km de diamètre pour recouvrir la planète entière, ce qui montre bien l'extraordinaire intensité du bombardement cosmique. Il y a eu également assez de cratères de 100 à 1000 km pour la recouvrir. Une étude détaillée des cratères lunaires par tailles a permis de trouver une loi de cratérisation qui peut se résumer ainsi : le nombre de cratères est en gros proportionnel au carré inverse de leur diamètre. Cela signifie que pour un nombre donné de cratères de 10 km de diamètre, un quart d'entre eux auront 20 km ou plus, un neuvième plus de 30 km et un seizième plus de 40 km. Tous les débris primaires et secondaires des impacts sont pulvérisés sur une profondeur variable qui peut atteindre plusieurs kilomètres pour les gros impacts. La couche de surface s'appelle la régolite.

De nombreux cratères lunaires ont plus de 200 km de diamètre, tous ont été formés par des astéroïdes de 10 km ou plus. Les quatre grands cratères lunaires récents de la face visible, facilement repérables, sont Copernic (93 km, 850 MA), Kepler (32 km, 790 MA), Aristarque (40 km, 150 MA) et Tycho (85 km, 96 MA).

On ne doit jamais perdre de vue que les impacts lunaires ont eu leurs équivalents sur Terre, même s'ils n'existent plus aujourd'hui. Cependant, sur notre planète, le problème se pose différemment dans la mesure où l'atmosphère est un puissant protecteur, surtout pour les petits objets et ceux dont la cohésion est médiocre. Sur Terre, le risque de fragmentation et de désintégration est important, comme nous le verrons au chapitre 10.

Les explosions de supernovae et d’hypernovae

L'explosion d'une supernova est un phénomène rare, puisqu'on en compte seulement trois par siècle en moyenne pour une galaxie ordinaire. Dans notre Galaxie, du fait de la position excentrée du Système solaire, seulement quatre ont été observées au cours du deuxième millénaire, celle de 1006 dans la constellation du Loup, celle de 1054 dans le Taureau qui a engendré la célèbre nébuleuse du Crabe, celle de 1572 dans Cassiopée observée par Tycho Brahe et enfin celle de 1604 dans la constellation Ophiuchus observée par Kepler et Galilée.

On sait qu'une supernova est le cataclysme le plus énergétique engendré dans l'Univers (après celui d’hypernova). C'est aussi la principale source du renouvellement perpétuel de la matière, puisqu'une grande partie de la masse de l'étoile est éjectée dans le milieu interstellaire, où elle servira de matériau pour une nouvelle génération d'étoile. Les astrophysiciens retiennent une valeur de l'ordre de 1045 joules pour l'énergie libérée par une supernova et une vitesse de plusieurs milliers de kilomètres par seconde pour la matière éjectée de l'étoile.

La supernova de 1987 dans le Grand Nuage de Magellan

Les astronomes, qui se lamentaient de ne pas avoir de supernova à étudier avant la fin du siècle, se sont rabattus volontiers sur la fameuse SN 1987A, supernova découverte photographiquement à l'observatoire de Las Campanas, dans les Andes chiliennes, la nuit du 23 au 24 février 1987, par l'astronome canadien Ian Shelton, dans le Grand Nuage de Magellan. Cette supernova, dont la lumière a voyagé pendant près de 170 000 ans, a été observée avec l'assiduité que l'on devine dans tous les observatoires placés convenablement.

Une étude minutieuse de toutes les étapes du cataclysme a permis d'affiner les modèles théoriques et de comprendre le mécanisme très complexe de l'explosion. On a pu identifier le progéniteur, l'étoile baptisée Sk-69202, qui avait une masse comprise entre 15 et 20 fois la masse solaire et qui était membre d'un système stellaire triple. Sa luminosité était environ 100 000 fois supérieure à celle du Soleil et elle avait la particularité d'être une géante bleue et non une supergéante rouge.

Les débris éjectés par la supernova forment depuis l'explosion un nuage de gaz et de poussières en expansion très rapide qui rayonne dans tous les domaines (X, optique, radio et infrarouge). Cette supernova et toutes les autres, observées régulièrement dans les galaxies voisines, sont la preuve de l'existence permanente de grands cataclysmes cosmiques qui redistribuent la matière (enrichie d'éléments lourds) dans l'espace, mais aussi l'énergie (sous forme de rayons cosmiques).

L’hypernova de 1997 dans la Grande Ourse

Le 14 décembre 1997, un nouveau phénomène a été mis en évidence, encore plus violent qu’une supernova  : l’hypernova de la Grande Ourse, liée semble-t-il à un sursaut gamma d’une violence inconnue jusqu’alors, lui-même associé à une explosion de deux astres compacts en rotation (trous noirs ou étoiles à neutrons). En deux secondes, la région incriminée a rayonné autant que le reste de l’Univers, soit une énergie comparable à plusieurs centaines de supernovae explosant en même temps. On a calculé une énergie de 3 x 1046 joules pour l’hypernova de la Grande Ourse, chiffre astronomique qui dépasse de très loin l’entendement humain.

Les conséquences de ces explosions stellaires sont encore mal appréciées dans le détail, mais celles-ci ont montré combien le cataclysme dans sa globalité était varié et complexe. Et surtout, comme on le savait déjà, il a toujours existé, puisque l’hypernova de la Grande Ourse observée en décembre 1997 est en fait un cataclysme cosmique qui remonte à près de 12 milliards d’années, c’est-à-dire en gros 3 milliards d’années après le Big Bang et 6,5 milliards d’années avant la formation du Système solaire. Déjà à l’époque de l’explosion, trous noirs et autres objets du même genre se rencontraient, explosaient, distribuant matière et énergie dans l’espace.

Le Soleil, étoile variable et colérique

Le Soleil est le maître absolu du Système solaire. Toute forme de vie est tributaire de lui. A première vue, il semble que la vie terrestre a pu s'installer et prospérer sans problème majeur depuis quelque 3,8 milliards d'années, c'est-à-dire tout de suite après la période de bombardement cataclysmique qui était un agent de destruction permanent. Même si quelques comètes étaient en mesure de déposer à la surface des planètes quelques germes biologiques qui ne demandaient qu'à se développer, ceux-ci étaient rapidement détruits par des impacts ultérieurs.

Qu'en est-il aujourd'hui du Soleil ? Apparemment son activité permanente reste dans des limites étroites qui permettent à la vie terrestre de se développer normalement, seules des contingences locales (inversions géomagnétiques et impacts divers) pouvant poser des problèmes sérieux. C’est du moins ce qu’il ressort de l’étude de notre étoile sur les quelques siècles où il a été suivi avec une assiduité sans cesse accrue. Les cycles solaires sont scrutés, disséqués, comparés les uns aux autres, mais en règle générale leur régularité rassure.

Nous reparlerons plus longuement du Soleil au chapitre 8, consacré à l'impactisme invisible, car il reste, malgré tout, et de très loin, l'objet céleste le plus dangereux pour la Terre. Ce n'est pas qu'il soit plus violent que les autres étoiles, il est même beaucoup moins violent que certains de ses voisins proches, mais il est incomparablement plus proche de nous. On connaît les deux chiffres arrondis qui concrétisent cette affirmation : distance Soleil-Terre, 8 minutes lumière ; distance Soleil-Proxima Centauri, 4,2 années lumière.

Paradoxalement, le Soleil risque de s’avérer de plus en plus dangereux au fur et à mesure de la complexité technologique de nos civilisations, car déjà l’expérience montre que l’homme est tributaire de ses caprices, mêmes relativement anodins.

L'impact de la comète Shoemaker-Levy 9 sur Jupiter en juillet 1994

En juillet 1994, il se produisit un événement très important pour la confirmation que nous vivons d'une manière permanente dans un univers cataclysmique : l'impact d'une vingtaine de fragments d'une comète brisée à la surface de Jupiter. Ce drame cosmique fut observé dans d'excellentes conditions par la quasi-totalité des astronomes du monde entier et il mérite un développement important, pour bien en montrer les différentes phases et bien en appréhender les causes et les conséquences.

La découverte

L'histoire débuta le 23 mars 1993 au mont Palomar. Trois astronomes bien connus, Eugene Shoemaker (1928-1997), Carolyn Shoemaker, son épouse, et David Levy photographiaient le ciel avec le Schmidt de 46 cm, à l'occasion d'une séance habituelle de recherche d'astéroïdes.

Deux jours après, Carolyn Shoemaker décela sur un fim la présence suspecte d'un objet diffus, semblable à une comète, mais qui avait la particularité d'être anormalement allongé. Des images obtenues avec une meilleure résolution à l'observatoire de Kitt Peak permirent de confirmer cinq condensations différentes, alignées les unes derrière les autres. Il s'agissait donc d'une comète brisée depuis peu. Des observations ultérieures montrèrent en fait que le chapelet comportait 21 condensations autonomes qui étaient autant de fragments. Cette comète fut baptisée Shoemaker-Levy 9, SL9 en abrégé, puisqu'elle était la neuvième du trio de découvreurs. Chacun des fragments reçut une désignation sous forme d'une lettre allant de A à W (sauf I et O), en commençant par le premier fragment de la comète.

Etonnamment, les premiers calculs indiquèrent que cette comète brisée était satellisée autour de Jupiter avec une période de l'ordre de deux ans et qu'elle avait été capturée par la planète géante, qui du même coup était responsable de la rupture.

L'orbite de la comète et la période avant l'impact

Les éléments orbitaux calculés étaient les suivants pour les différents fragments : demi-grand axe entre 8,04 UA (noyau W) et 8,47 UA (noyau A) ; excentricité entre 0,33 et 0,37 ; inclinaison entre 8,3 et 9,1°. Les valeurs du demi-grand axe peuvent surprendre, mais il s'agit de valeurs héliocentriques, car bien que satellisés autour de Jupiter, les fragments de SL9 continuaient de tourner autour du Soleil, en même temps que Jupiter, mais avec une période double (figure). C'est ce qui explique qu'ils venaient à proximité de Jupiter (au périjove) tous les deux ans.

A partir de ces éléments orbitaux, le passé de la comète put être établi de la façon suivante. SL9 avait été capturée dans le système de Jupiter vers 1929, sur une orbite terriblement instable qui ne pouvait donc être que très provisoire, puisque les approches à Jupiter avaient lieu tous les deux ans. Le 8 juillet 1992, huit mois seulement avant la découverte, la comète était passée à 1,6 rayon jovien, à l'intérieur de la limite de Roche, et, du fait des effets de marée considérables, elle ne put résister et se brisa en une vingtaine de fragments. On sait qu'une telle approche très serrée d'une comète à l'intérieur de la limite de Roche d'une planète entraîne non seulement la fracture, mais aussi cette remarquable structure des fragments en forme de barre ou de chapelet. C'est ce qui s'est passé pour SL9, dont le diamètre avant la rupture devait être de l'ordre de 5 km.

Deux mois après la découverte de SL9, Brian Marsden annonça l'incroyable nouvelle : entre les 16 et 22 juillet 1994, tous les fragments de la comète allaient, les uns après les autres, percuter Jupiter à très grande vitesse, 60 km/s, le triple de la vitesse considérée comme moyenne en ce qui concerne les impacts classiques d'astéroïdes avec la Terre. Cette vitesse de 60 km/s est égale à 216 000 km/heure, plus de la moitié de la distance Terre-Lune, ce qui est tout à fait considérable.

Les astronomes avaient donc plus d'un an pour préparer l'observation des impacts. Cette période fut l'occasion de quelques constatations intéressantes, puisque l'on vit deux fragments disparaître par désintégration, et trois autres se dédoubler. Cette triple rupture montra bien que ces fragments étaient très friables et qu'une grande partie d'entre eux au moins n'étaient pas constitués de matière solide. On constata aussi que les divers fragments du chapelet s'écartaient régulièrement les uns des autres, de 150 000 km au moment de leur découverte, à près de 5 millions de km avant l'impact, en très bon accord avec les simulations qui prévoyaient un tel scénario.

Les impacts

Les astronomes appréhendaient les impacts. D'autant plus que ceux-ci ne pouvaient être observés en direct, étant situés juste au bord de l'hémisphère visible, mais du mauvais côté. Seules les conséquences des impacts pouvaient être observées un quart d'heure seulement après qu'ils aient eu lieu, mais elles furent spectaculaires, au-delà même de ce qui était espéré.

Ces impacts successifs furent un véritable show cosmique inoubliable pour tous ceux qui en ont été les témoins. Dès le 16 juillet 1994, à 20 h 11 temps universel, avec l'impact du fragment A, on sut que le spectacle serait une réussite incomparable. Certains fragments n'eurent pas l'éclat attendu, mais d'autres furent remarquables. Le 17 juillet, le fragment majeur dégagea une énergie considérable. Son impact causa la formation d'un champignon de gaz de plus de 2000 km de hauteur et une tache noire de 25 000 km de diamètre. Plusieurs de ces taches qui se succédèrent à la suite des différents impacts laissèrent des traces visibles plusieurs semaines. Mais Jupiter finit par digérer ces impacts multiples, somme toute insignifiants à son échelle, et la "surface" traditionnelle finit par reprendre tous ses droits.

Bilan et conséquences de l'impact de SL9

L'impact de SL9 sur Jupiter a permis d'obtenir de très nombreuses informations sur la composition de la comète et sur celle de la haute atmosphère de Jupiter, mais aussi de tirer des conséquences plus générales sur l'impactisme planétaire. Parmi toutes ces données, on peut en retenir quelques-unes particulièrement significatives.

1. Il existe encore actuellement des comètes de taille kilométrique capables de venir heurter les planètes (surtout les géantes, mais aussi les autres) et le Soleil.

2. Ces objets ont été capturés récemment, car ils ne peuvent circuler dans le Système solaire intérieur depuis plusieurs millions d'années. A noter que pour SL9 il s'est passé seulement 65 ans entre la capture (1929) et l'impact sur Jupiter (1994), et que cet impact a eu lieu lors de l'approche suivant celle de la rupture (1992).

3. Une forte approche à l'intérieur de la limite de Roche de Jupiter a irrésistiblement brisé SL9 en une vingtaine de fragments, qui se sont constitués en chapelet. On ignore la masse perdue lors de la rupture, de nombreux petits fragments ont dû être capturés par Jupiter lors de cette approche décisive ou se désintégrer en poussière cosmique.

4. L'émission lors de l'impact de raies atomiques et moléculaires a prouvé l'hétérogénéité de la composition de la comète, mais les spécialistes ont noté une probable interférence importante avec l'atmosphère de Jupiter. Il a quand même été noté une très faible proportion d'eau et un pourcentage de soufre supérieur à celui prévu par les modèles. L'absence presque totale d'eau pourrait s'expliquer par la violence des chocs qui aurait pulvérisé la glace, principal composant de la comète, mais aussi décomposé les molécules d'eau qui se seraient recombinées très rapidement pour former d'autres constituants, principalement des constituants carbonés.

5. La nature exacte de SL9 a suscité bien des questions : comète ou astéroïde ? Le fait même que tous les fragments avaient leur proche chevelure et leur propre queue semble indiquer une origine cométaire quasi certaine, ainsi que la fragilité de certains fragments qui se sont littéralement volatilisés, conséquence d'une mauvaise cohésion interne.

6. Le diamètre de SL9 avant la fragmentation de 1992 et ceux des fragments ultérieurs n'ont pu être déterminés avec une grande précision. Le diamètre de 5 km pour SL9 avant la fragmentation, invoqué par les meilleurs spécialistes, semble très raisonnable. Pour ce qui est de l'ensemble des fragments survivants à la fragmentation (il est sûr qu'il y a eu un certain déchet de masse), un diamètre global de 3 ou 4 km paraît bien correspondre à la masse de la vingtaine de fragments qui ont effectué un tour supplémentaire autour de Jupiter. Le fragment majeur atteignait au moins 1,5 km, peut-être même 2 km, compte tenu de l'énorme énergie qu'il a engendrée lors de l'impact. Mais il était nettement plus petit que les 4 km primitivement annoncés. Quelques autres fragments pouvaient atteindre 1 km, les autres étaient de taille hectométrique. S'il en existait encore de plus petits (moins de 100 mètres), ils n'ont pas été détectés.

7. La densité des fragments était de l'ordre de 0,2 à 2,0 g/cm3 au maximum, légèrement variable très probablement d'un fragment à l'autre selon leur composition exacte. Les spécialistes ont signalé qu'avec des fragments de 0,5 à 1 km, les masses allaient de 5 x 107 tonnes à 4 x 109 tonnes. Compte tenu de la vitesse très importante (60 km/s), l'énergie cinétique était de l'ordre de 4 x 1020 à 3 x 1022 joules, soit l'équivalent de 80 000 MT à 6 millions de MT de TNT.

Autres impacts cométaires possibles

L'impact de SL9 sur Jupiter en juillet 1994 poussa évidemment les astronomes à se demander si cet événement avait eu des précédents. En cherchant bien, certains historiens de l'astronomie se remémorèrent des observations suspectes sur les planètes qui pourraient avoir été les conséquences d'impacts non répertoriés comme tels.

Le 5 décembre 1690, Jean-Dominique Cassini (1625-1712), le premier directeur de l'observatoire de Paris, observa une grosse tache noire suspecte presqu'au centre de la zone équatoriale de Jupiter qui n'existait pas lors de ses observations précédentes. Il suivit avec une attention particulière l'évolution de cette tache qui, de circulaire, se transforma avant de se scinder en plusieurs petites taches informes. Dans son dessin conservé à l'observatoire de Paris, on voit les formes fluctuantes de la tache pour les 5, 14, 15, 16, 19 et 23 décembre 1690 (figure). Les nuits suivantes où Cassini put de nouveau observer Jupiter, tout était rentré dans l'ordre, l'atmosphère de la planète ayant digéré l'impact. Cette observation, pourtant connue depuis longtemps, était quasiment oubliée, noyée dans un flot d'informations toujours plus important. Cette tache et ses déformations successives, étalées sur près de trois semaines, semblent bien correspondre à l'impact unique d'une petite comète active ou d'un astéroïde cométaire.

Un autre impact répertorié comme possible eut (peut-être) lieu en 1785. Il fut observé et décrit par Johann Schröter (1745-1816). Le 26 octobre 1785, l’astronome allemand observa pour la première fois deux remarquables points noirs à la surface de Jupiter, observation qu’il répéta les semaines suivantes jusqu’au 26 février 1786, les points devenant diffus, ce qui lui parut étonnant car inhabituel. Alors, comète ou simples phénomènes atmosphériques sur Jupiter ? Le doute subsiste, avec des astronomes partagés sur le sujet. Mais la répétition de tels événements, trois en quatre siècles, sans compter évidemment ceux qui n’ont pas été observés, laisse à penser que l’impact de comètes sur Jupiter pourrait être en fait un phénomène assez fréquent.

Le volcanisme dans le Système solaire

Les sondes spatiales ont été, à partir des années 1960, les "yeux" des Terriens et elles ont totalement révolutionné les connaissances que l'on avait sur les planètes et les satellites. Ces sondes américaines et soviétiques ont montré clairement que le catastrophisme planétaire était d'une double nature : extérieur avec des traces de l'impactisme, et interne avec des traces du volcanisme que génèrent (ou ont généré dans le passé) de nombreux astres du Système solaire.

Mercure n'a eu qu'une très courte vie active et une activité volcanique minime, avant de disparaître totalement. La Lune a eu une activité volcanique qui a pris fin il y a trois milliards d’années. Ces deux astres sont représentatifs du volcanisme fossile dans le Système solaire.

Mars et Vénus ont eu une activité volcanique quasi contemporaine importante. Celle de Mars a été détectée par la sonde spatiale Mariner 9, en novembre 1971, qui a repéré quatre volcans géants (baptisés Arsia Mons, Pavonis Mons, Ascraeus Mons et Olympus Mons) qui pourraient être assez récents à l'échelle astronomique (de 700 MA pour Arsia Mons, 300 MA pour Pavonis Mons, 100 MA pour Ascraeus Mons et seulement 30 MA pour les couches terminales d'Olympus Mons). De nombreux autres volcans plus petits existent aussi sur Mars, mais apparemment la planète rouge n'a pas actuellement de volcanisme actif.

Sur Vénus, deux structures impressionnantes, Rhea Mons au nord et Theia Mons au sud, s'avérèrent d'une nature volcanique incontestable, mais aucun volcanisme contemporain n'a pu être mis en évidence d'une façon certaine parmi les 141 volcans de plus de 100 km de diamètre recensés. Deux grandes caldéras effondrées : Colette (80 x 120 km) et Sacajawea (140 x 280 km) sont des vestiges d'anciens volcans.

Deux satellites ont encore actuellement une activité volcanique. C'est en mars 1979 que la sonde Voyager 1 photographia Io, le satellite de Jupiter (le plus proche des satellites galiléens), avec en prime un événement exceptionnel : une éruption volcanique en direct, et la révélation que, contrairement à ce qui se passe pour les autres satellites (notamment ceux criblés de cratères d'impact), toutes les taches révélées sont des traces de volcans actifs. Io, en effet, est le satellite le plus actif que l'on connaisse : l'activité volcanique incessante transforme la surface de la planète en quelques centaines d'années seulement. Du coup, Io, bien qu'il ne soit au sens strict qu'un satellite, fut surnommé la planète-volcan.

La sonde Voyager 2, elle, révéla une activité volcanique actuelle pour Triton, le gros satellite (2700 km de diamètre) rétrograde de Neptune, lors de son passage dans le système de cette planète en août 1989. Le peu de cratères d'impact visibles montra que la surface se renouvelait régulièrement du fait d'une importante activité cryovolcanique. Des geysers furent mis en évidence, grimpant jusqu'à 8 km d'altitude. On pense qu'ils seraient dus à une vaporisation, au niveau local, d'azote liquide s'échappant du sous-sol gelé de Triton.

Le cataclysme et le chaos

L’apparition des ordinateurs sophistiqués permettant des calculs d’une complexité inouïe, hors de portée des anciens calculateurs, pourtant valeureux souvent, a permis de mettre progressivement en évidence un nouveau facteur possible de cataclysme : le chaos.

« Le rêve d’une certitude céleste a été brisé par les limitations des mathématiques et par l’émergence du chaos dans la mécanique du ciel. » 3

Outre le fait qu’il interdit à jamais de reconstituer avec précision le passé des différentes planètes et celui des astéroïdes, le chaos fait réfléchir sur l'incertitude de l'avenir : il est quasiment impossible de prévoir avec précision la position des astéroïdes et des comètes dangereux quelques siècles seulement à l’avance. Les calculs ne sont strictement valables que pour un ou deux siècles.

Le chaos, en outre, déqualifie d’avance toute prévision de collision pour les millénaires à venir. Le danger ne peut être quantifié que pour le court terme, ce qui est sans doute préférable d’ailleurs pour éviter la prolifération de prophéties genre Nostradamus, car la comète et l’astéroïde vont être les nouveaux instruments des sectes apocalyptiques pour justifier leur raison d’être, maintenant que les alignements et conjonctions de planètes sont totalement discrédités.

Nous aurons à reparler à plusieurs reprises de l’importance du chaos dans le Système solaire dans certains des chapitres ultérieurs. C’est une donnée importante à prendre obligatoirement en compte quand on étudie le cataclysme d’origine cosmique, et même plus simplement la présence de l’homme sur la Terre. Mais il faut bien le rappeler : le chaos n’est qu’un élément parmi d’autres.

 

1. H. Reeves, Poussières d'étoiles (Seuil, 1994), p. 81-82.

2. H. Reeves, ibid., p. 128-129.

3. I. Peterson, Le chaos dans le Système solaire (Pour la Science, 1995), p. 5.

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