CHAPITRE
2
DÉLUGE ET
CATASTROPHISME BIBLIQUE
Avec l'émergence du
christianisme, à partir du premier siècle de notre ère,
Cette triste
réalité rappelée, il n'en demeure pas moins que
Il faut
savoir, en effet, que le XXe siècle a permis de faire sur plusieurs points
importants le tri entre réalité et légende, et même parfois d'obtenir des
résultats incontestables sur certains sujets que l'on pensait être des énigmes à
jamais indéchiffrables. La possibilité de datations précises, notamment,
a été un progrès extraordinaire qui a permis de préciser le calendrier
d'événements distincts totalement imbriqués (à tort) les uns dans les autres,
car "écrasés" par le temps.
Le
Déluge biblique, le premier grand fléau
Quelle définition peut-on
donner du Déluge biblique ? Dans son monumental Dictionnaire de
" Cataclysme où, selon le texte biblique et les plus anciennes
traditions d'Orient, périrent sous les eaux l'ensemble des vivants répandus sur
la terre ; seuls échappèrent par la faveur divine à cette destruction un homme
et sa famille, géniteurs d'une humanité nouvelle, et les spécimens des autres
espèces qu'ils avaient sauvés avec eux afin d'assurer le renouvellement de toute
la vie terrestre au terme de l'inondation...
Dans la forme que nous lui connaissons, le
récit apparaît comme la combinaison de deux documents rédigés au Xe
ou IXe siècle et au VIe siècle av. J.-C., à partir de la
tradition orale et écrite d'Israël...
Il
n'est pas impossible que la monstrueuse inondation dont les archéologues ont par
exemple relevé les traces dans la région d'Our ait été "le Déluge" dont fait
état la tradition des peuples de Mésopotamie : une couche alluvionnaire de trois
mètres d'épaisseur environ, vide de tout vestige de l'industrie humaine, sépare
des couches riches en débris révélateurs de deux civilisations de niveaux très
différents ; sa formation daterait du début du quatrième millénaire. "
A noter surtout le fait que
la rédaction du texte biblique concernant le Déluge date du Ier millénaire avant
J.-C. Autant dire qu'on ne sait rien de concret sur ce qui s'est vraiment passé,
même si les chercheurs actuels essaient de démêler et de comprendre les
différents aspects du problème (2).
Si l'on se réfère au Livre de
" L'an six cent de la vie de Noé, le deuxième mois, le dix-septième
jour du mois, en ce jour-là, se fendirent toutes les fontaines du grand Abîme et
s'ouvrirent les écluses des cieux. Il y eut averse sur la terre quarante jours
et quarante nuits...
Les eaux grandirent et s'accrurent beaucoup, beaucoup,
au-dessus de la terre et toutes les hautes montagnes qui existent sous tous les
cieux furent recouvertes. Les eaux avaient grandi de quinze coudées de haut et
les montagnes avaient été recouvertes. Alors expira toute chair qui remue sur la
terre : oiseaux, bestiaux, animaux, toute la pullulation qui pullulait sur la
terre, ainsi que tous les hommes. Tout ce qui avait en ses narines une haleine
d'esprit de vie, parmi tout ce qui existait sur la terre ferme, tout mourut.
Ainsi furent supprimés tous êtres qui se trouvaient à la surface du sol depuis
les hommes jusqu'aux bestiaux, jusqu'aux reptiles et jusqu'aux oiseaux des
cieux. Ils furent supprimés de la terre, il ne resta que Noé et ceux qui étaient
avec lui dans l'arche. Et les eaux grandirent au-dessus de la terre durant cent
cinquante jours. "
L'origine de la catastrophe reste bien sûr imprécise,
plusieurs possibilités acceptables étant en concurrence pour l'expliquer. Parmi
les hypothèses possibles, on pense notamment à une inondation géante résultant
d'un séisme important dans le golfe Persique qui aurait entraîné une
transformation des fonds marins (peu profonds), et à l'impact d'un astéroïde ou
d'une comète dans l'océan Pacifique (l'océan Oriental des Anciens).
Sodome et Gomorrhe, la vengeance de Dieu
Dans l'article
" Sodome " de son Dictionnaire de
" Malgré l'intercession d'Abraham à qui Dieu avait révélé son dessein,
deux anges se rendirent à Sodome pour détruire la ville. Seuls Lot et les siens
furent épargnés : "Yahvé fit pleuvoir sur Sodome et sur Gomorrhe du soufre
et du feu venant du ciel ". Les géologues et les archéologues ont épilogué
sur ce déluge "de soufre et de feu" : on a même parlé de bombe atomique. Il
semble qu'une nuée ardente ou un phénomène volcanique analogue à celui qui a
anéanti Pompéi ait pu se produire vers l'an 2000 avant J.-C., dans la fosse
géologique qui représente la mer Morte et qui date de l'ère tertiaire. Selon
certains, les villes maudites auraient été situées au nord de la mer Morte, où
une exploration menée en 1930 par l'Institut pontifical biblique a relevé une
grande masse de cendres ; plus nombreux sont les spécialistes qui les situent au
sud, là où un fond récent n'est immergé que d'une douzaine de mètres, et où
s'élève aujourd'hui le djebel Usdum, dont le nom semble avoir conservé le
souvenir de Sodome et dont la contexture, du sel gemme, évoque la transformation
de la femme de Lot, lors de la fuite de Lot et des siens devant l'imminence du
fléau, en châtiment de sa curiosité. "
Ce deuxième grand cataclysme
raconté dans
Les dix plaies d'Égypte
Ces Plaies d'Égypte sont
contemporaines de Moïse (XIIIe siècle avant J.-C.) et de la sortie d'Égypte.
Elles datent donc de la fin du XIIIe siècle. On pense aujourd'hui qu'elles sont
liées à un très important cataclysme d'origine cosmique : l'impact sur
Les catastrophistes actuels sont
en mesure de dater avec une bonne précision ce drame cosmique dont les
répercussions ont été immenses, mais totalement ignorées, étonnamment, par les
historiens qui n'aiment pas que des scientifiques viennent "empiéter leurs
plates-bandes". Ces historiens, comme d'autres intellectuels, sont victimes du
fameux verrou psychologique dont il sera question à plusieurs reprises dans ce
livre. Mais il faut savoir que les causes astronomiques du drame,
mises en évidence depuis une trentaine d'années seulement, ne pouvaient être
appréhendées avec précision que par des astronomes.
Pour en revenir aux
Plaies d'Égypte, rappelées dans le tableau
1 et mises en parallèle avec les fléaux de l'Apocalypse, on sait
aujourd'hui qu'elles correspondent assez bien aux conséquences "normales" d'un
impact cométaire.
La
chute de pierres et le "miracle" de l'époque de Josué
On connaît par
" ... Il advint, comme ils [les Amorrhéens] fuyaient devant Israël et
qu'ils étaient à la descente de Beth-Horon, que Iahvé lança des cieux contre eux
de grandes pierres jusqu'à Azéquah et ils en moururent. Ceux qui moururent par
les pierres de grêle furent plus nombreux que ceux que les fils d'Israël tuèrent
par l'épée. "
A cette chute de pierres, sans doute importante puisqu'elle frappa l'imagination des peuples de l'Asie mineure qui en conservèrent simultanément dans leurs traditions et leurs écrits, est lié le fameux pseudo-miracle, dit "miracle de Josué", du nom du célèbre chef hébreu qui, soi-disant, arrêta la course du Soleil dans le ciel. Les versets XII à XIV, suite du précédent, racontent cet événement extraordinaire :
" C'est alors, au jour où Iahvé livra l'Amorrhéen à la merci des fils
d'Israël, que Josué parla à Iahvé et dit, sous les yeux d'Israël : " Soleil,
arrête-toi sur Gabaon et, Lune sur la vallée d'Ayalon ". Et le Soleil s'arrêta
et
Les commentateurs de
D'après Bosler, ceux-ci étaient liés génétiquement, et il avait
raison dans son analyse. En effet, on sait aujourd'hui que ces chutes de pierres
s'accompagnent parfois de nuits claires (comme en 1908 avec l'événement
de
On pense de nos
jours que le "miracle de Josué" a été causé par la désintégration dans
l'atmosphère d'un petit astéroïde d'origine cométaire de quelques dizaines de
mètres de diamètre, c'est-à-dire un fragment de noyau de comète dégazée. Après
sa rupture totale, ce fragment cométaire, qui se composait probablement de
glace, de gaz gelés, de matière météoritique et de poussières, a provoqué la
diffusion de ces poussières dans l'atmosphère. D'autre part, suite à la
fragmentation complète de la matière solide sous forme de pierres plus ou moins
grosses, il a été la cause de l'essaim météoritique qui décima les ennemis
d'Israël.
Un vrai astéroïde aurait seulement pu causer la chute de pierres
célestes, mais pas le "miracle". Inversement, une importante éruption
volcanique, phénomène parfois évoqué, aurait pu illuminer l'atmosphère et
prolonger la durée du jour d'une manière acceptable, mais pas causer la chute de
pierres. L'explosion dans l'atmosphère d'un petit noyau cométaire au-dessus de
L'Apocalypse de Saint Jean
Les apocalypses
étaient un genre littéraire très répandu chez les auteurs de l'Antiquité, dont
le but principal était de faire allusion à des personnages ou à des événements
historiques passés et présents, mais en même temps, évidemment, de présager
l'avenir sous un aspect cataclysmique.
L'Apocalypse de Saint Jean (Ier
siècle), écrite vers la fin du Ier siècle, constitue le dernier livre du
Nouveau Testament (5). Sa place dans le livre religieux des Chrétiens lui
a permis de traverser les siècles sans encombre, et toutes les générations de
théologiens l'ont étudié en détail sans en saisir l'un des sens cachés : la
réalité de l'impactisme terrestre dans les millénaires précédant l'époque de
Saint Jean (6).
Car toutes ces
apocalypses des auteurs anciens se répétaient l'une l'autre au fil des
siècles, chaque auteur, sur un canevas de base, brodant selon ses fantasmes et
ses convictions religieuses. Saint Jean n'échappe pas à la règle, il explique la
fin du monde à venir, voulue par Dieu, avec de nombreuses allusions à des
phénomènes d'origine cosmique, inexplicables selon lui sans la permission de
l'Être divin. N'ayant pas été lui-même témoin d'une telle catastrophe, il
s'inspire de textes plus anciens qui, eux, se référaient à des événements
authentiques d'un lointain passé.
Certaines de ces catastrophes seront
analysées aux chapitres 9 et 10, à la lumière des connaissances actuelles, mais
il est intéressant de rappeler quelques-unes des citations du prophète, telles
qu'elles figurent dans son Apocalypse.
ouverture du sixième
sceau
" ... il se produisit un grand tremblement de terre : le soleil devint
noir comme un sac de crin, la lune devint toute comme du sang, les étoiles du
ciel tombèrent sur la terre, comme les figues vertes tombent du figuier secoué
par un grand vent ; le ciel se retira comme un livre qu'on roule ; toutes les
montagnes et les îles furent changées de place, et les rois de la terre, les
grands, les chefs, les riches, les puissants, les esclaves et les hommes libres
se cachèrent dans les grottes et les rochers des montagnes..."
(Apocalypse, VI, 12, 13, 14, 15)
les sept
trompettes, qui sont autant de fléaux
" ... l'ange prit l'encensoir et le remplit du feu de l'autel qu'il
jeta sur la terre. Et il y eut des tonnerres, des voix, des éclairs et un
tremblement de terre... " (Apocalypse, VIII, 5)
" ... il y eut de la grêle et du feu mêlés
de sang qui tombèrent sur la terre, le tiers de la terre fut brûlé, ainsi que le
tiers des arbres et de toute herbe verte... " (Première trompette,
Apocalypse, VIII, 7)
" ... il
tomba dans la mer comme une grande montagne embrasée : le tiers de la mer devint
du sang, il mourut le tiers des êtres qui étaient dans la mer et le tiers des
navires périt... " (Seconde trompette, Apocalypse, VIII, 8, 9)
" ... il tomba du ciel une grande étoile,
ardente comme un flambeau ; elle tomba sur le tiers des fleuves et sur les
sources des eaux. Et l'étoile s'appelait Absinthe. Et le tiers des eaux se
changea en absinthe et beaucoup d'hommes moururent de ces eaux pour être
devenues amères... " (Troisième trompette, Apocalypse, VIII, 10,
11)
" ... le tiers du soleil fut
atteint, ainsi que le tiers de la lune et le tiers des étoiles, en sorte que ces
astres furent obscurcis d'un tiers et que le jour perdit un tiers de sa clarté
et la nuit de même... " (Quatrième trompette, Apocalypse, VIII,
12)
" ... une étoile était tombée du
ciel sur la terre, il lui fut donné la clef du puits de l'abîme. Elle ouvrit le
puits de l'abîme. Il monta du puits une fumée comme d'une grande fournaise et le
soleil et l'air furent obscurcis par la fumée du puits. De la fumée, sortirent
sur la terre des sauterelles... Il leur fut donné non de tuer les hommes mais de
les tourmenter pendant cinq mois... " (Cinquième trompette,
Apocalypse, IX, 1, 2, 3, 5, 11)
" ... le tiers des hommes périt par ces
trois fléaux, à savoir le feu, la fumée et le soufre... " (Sixième
trompette, Apocalypse, IX, 18)
" le temple de Dieu s'ouvrit dans le
ciel... il y eut des éclairs, des voix, des tonnerres, un tremblement de terre
et une forte grêle... " (Septième trompette, Apocalypse, XI, 19)
les sept
signes
" ... un signe parut dans le ciel : c'était un grand dragon rouge...
il balayait le tiers des étoiles du ciel et les jetait sur la terre... il y eut
un combat dans le ciel... malheur à la terre et à la mer, car le diable est
descendu chez vous, en grande fureur... " (Premier signe, Apocalypse,
XII, 3, 4, 7, 12)
" ... la bête de la
terre opère de grands prodiges, jusqu'à faire descendre le feu du ciel en terre
aux yeux des hommes... " (Troisième signe, Apocalypse, XIII, 13)
les sept coupes de la
colère de Dieu
" ... un ulcère malin et pernicieux frappa les hommes... "
(Première coupe, Apocalypse, XVI, 2)
" ... la mer devint comme du sang de
cadavre et tous les êtres de la mer périrent... " (Seconde coupe,
Apocalypse, XVI, 3)
" ... les
fleuves et les sources se changèrent en sang... " (Troisième coupe,
Apocalypse, XVI, 4)
" ... il fut donné au soleil de brûler les hommes par
le feu ; et les hommes furent brûlés dans une grande chaleur... " (Quatrième
coupe, Apocalypse, XVI, 8, 9)
" ... le royaume de la bête fut plongé
dans les ténèbres et les hommes se mordaient la langue de douleur... "
(Cinquième coupe, Apocalypse, XVI, 10)
" ... le grand fleuve de l'Euphrate dont
les eaux séchèrent pour livrer passage aux rois de l'Orient... " (Sixième
coupe, Apocalypse, XVI, 12)
"
... il y eut des éclairs, des voix et des tonnerres, ainsi qu'un grand
tremblement de terre, tel qu'il n'y en a jamais eu d'aussi grand depuis qu'il y
a des hommes sur terre... les villes des nations s'effondrèrent... toutes les
îles s'enfuirent et les montagnes disparurent. Et des grêlons énormes, comme des
talents, s'abattirent du ciel sur les hommes... " (Septième coupe,
Apocalypse, XVI, 18, 19, 20, 21)
L'Apocalypse de Saint Jean est
généralement considérée comme un texte dénué de fondement sérieux par les
commentateurs objectifs. Mais pour les spécialistes du catastrophisme d'origine
cosmique, certains passages sont fort intéressants et utiles, car ils sont
caractéristiques d'un des sujets favoris des auteurs anciens.
Contrairement
aux auteurs "matérialistes" de l'Antiquité qui voyaient dans la chute d'étoiles
sur
Les citations de
L'Apocalypse rappelées ci-dessus semblent correspondre à un agglomérat de
catastrophes provenant d'au moins trois événements de nature différente
qui se sont produits durant le second millénaire avant J.-C. dans le bassin
oriental de
Whiston et les comètes instruments de Dieu
Le fait que
la "dissidence" (toute partielle) vienne d'Angleterre ne doit donc pas étonner,
puisque ce pays avait déjà pris ses distances vis-à-vis de la hiérarchie de
Rome. Dissidence partielle, simplement parce que certains
esprits,
révolutionnaires pour l'époque, essayèrent de moderniser
William Whiston
(1667-1747) était un ecclésiastique (il débuta comme simple curé), théologien et
mathématicien anglais, contemporain et ami de Edmond Halley (1656-1742)
et de Isaac Newton (1642-1727), à qui il succéda à la chaire de mathématiques de
Cambridge. Il n'avait que 29 ans en 1696 quand il publia un livre remarquable
intitulé : A new theory of the Earth (7), qui eut un grand retentissement
à l'époque et durant le XVIIIe siècle par son approche tout à fait nouvelle,
révolutionnaire même, et surtout quasiment impensable venant d'un homme
d'église. On peut le considérer comme le premier ouvrage
théologico-cosmogonique.
Dès qu'il fut
évident, à la suite des travaux historiques de Newton sur la gravitation, que
les comètes étaient des membres permanents du Système solaire, au même titre que
les planètes, Whiston fut persuadé que Dieu avait utilisé ces composantes du
Système solaire comme instruments pour ses divers desseins. L'une de ces
comètes avait dû être utilisée pour la création du monde et plus
tard une autre pour le Déluge. Enfin, Whiston pensait que Dieu en
utilisera une troisième dans l'avenir pour détruire le monde, quand il
jugera que l'heure de l'Apocalypse a sonné. Il était d'autre part persuadé que
les comètes sont des planètes en train de se former et qu'ainsi toutes les
planètes connues sont des anciennes comètes.
Dans son livre, Whiston expliquait ainsi
l'origine de
" ... La comète venait de passer en son périhélie fort près du soleil :
son noyau avait contracté une chaleur brûlante, c'est la cause de la chaleur
centrale, qui subsiste encore aujourd'hui. Il plut au Souverain Maître de
l'univers de faire de cette comète une terre habitable ; il diminua la force
centrifuge ou tangentielle de la comète, son orbite s'inclina vers le soleil,
d'extrêmement excentrique qu'elle était primitivement, elle devenait
médiocrement excentrique ; la comète devint planète ; sa révolution autour du
soleil fut limitée à un an... L'atmosphère terrestre, ayant dix à onze fois plus
de diamètre que le noyau, était composée de deux sortes de parties ; l'une
contenait un petit nombre de particules sèches, solides et terreuses, avec une
quantité plus petite encore de particules aqueuses et aériennes ; l'autre était
un fluide dense et pesant : tout cela était confusément mêlé et formait un vrai
chaos. Mais aussitôt que la terre fut devenue planète, toutes ses parties
s'affaissèrent proportionnellement à leur gravité spécifique ; ce fluide dense
et épais descendit en premier et environna le noyau. L'air, l'eau, les parties
terreuses, encore mêlées ensemble, interceptèrent pour quelque temps les rayons
solaires ; mais enfin la plus grande partie de la terre et de l'eau s'étant
affaissée, comme une croûte sur le fluide dense, l'air devenu moins hétérogène
permit le passage aux rayons solaires ; la lumière parut d'abord, telle que nous
la voyons lorsque le ciel est couvert de nuages et enfin l'air continuant à
s'épurer, le soleil se montra... "
Halley, qui étudiait à la
même époque, et à la lumière de la nouvelle théorie de la gravitation de Newton
les mouvements de toutes les comètes du passé, constata peu après avec surprise
que quatre grandes comètes, celles de 1680, 1106, 531 et 43 avant J.-C. étaient
espacées entre elles d'environ 575 ans. Halley crut pouvoir conclure qu'il
s'agissait du même astre. Whiston remarqua alors que si l'on multiplie par 4
cette période de 575 ans, on obtient 2300 ans et que compte tenu que la première
apparition connue datait de 43 avant J.-C., cette comète avait dû faire une
approche à
Camille Flammarion (1842-1925), dans son Astronomie
populaire de 1880 raconte fort bien la suite de cette histoire incroyable.
Relisons-le (8) :
" ... Whiston se proposait d'expliquer par l'action d'une comète les
révolutions géologiques et les événements du récit de
" Lorsque l'homme eut péché, dit-il, une petite comète passa très
près de
Soit le vendredi 28 novembre de l'an de
péché 2349, soit le 2 décembre 2926, la comète coupa le plan de l'écliptique de
Maintenant, comment
cette comète, qui a noyé une première fois le genre humain, pourra-t-elle nous
incendier à une seconde rencontre ? Whiston n'est point embarrassé : elle
arrivera derrière nous, retardera le mouvement de notre globe, changera son
orbite presque circulaire en une ellipse très excentrique. "
On ne
peut plus dire après cela que les comètes ne servent à rien ! "
On peut se moquer
aujourd'hui de Whiston, qui a certes un peu extrapolé avec ses fameuses comètes
de la création du monde, du Déluge et de l'Apocalypse. Il est considéré
aujourd'hui, à juste titre, comme un rouage important de l'histoire des idées
catastrophistes. Il ne faut pas oublier qu'à l'époque de Newton, Halley et
Whiston,
Mais certains savants
clairvoyants, et surtout ceux qui étaient en même temps théologiens, comme
Whiston et aussi Newton (9), avaient bien compris qu'il était devenu nécessaire
de lui donner un petit côté scientifique capable de sauver des
apparences, difficilement acceptables parfois, et ainsi de sauvegarder sa
crédibilité. Les créationnistes scientifiques ne font pas autre chose
aujourd'hui, en s'appuyant sur les dernières découvertes de l'astrophysique pour
faire perdurer, en le mettant au goût du jour, le dogme de
Whisto
" Toutes les fois qu'on sera assez téméraire pour vouloir expliquer
par des raisons physiques les vérités théologiques, qu'on se permettra
d'interpréter dans des vues purement humaines le texte divin des livres sacrés,
et que l'on voudra raisonner sur les volontés du Très-Haut et sur l'exécution de
ses décrets, on tombera nécessairement dans les ténèbres et dans le chaos où est
tombé l'auteur de ce système. "
On voit que Buffon
n'hésitait pas, chaque fois qu'il le pouvait, en chargeant les autres à bon
compte, à montrer sa (pseudo) loyauté envers le clergé, souvent suspicieux à son
égard (
La
survivance moderne : le créationnisme
Pour bien comprendre le
créationnisme sous sa forme primaire (primitive pourrait-on dire), mais que les
créationnistes eux-mêmes appellent fondamentaliste, il suffit d'ouvrir l'un des
nombreux livres de propagande (et d'endoctrinement) publiés par le "lobby
créationniste" et de lire quelques affirmations glanées au fil des pages (11)
.
" Il devient de plus en plus évident que l'homme ne parvient pas à
éliminer les effets de la dégénérescence consécutive à la rébellion
d'Adam.
Tous les faits acquis à la science confirment
Bientôt,
Dieu ne permettra plus à Satan d'être le chef invisible du monde. Un cataclysme
approche à coup sûr ! L'histoire de l'homme est sur le point de prendre un
tournant décisif. "
On voit le niveau de ce
genre de littérature ! Sous cette forme, le créationnisme ne cherche pas à
évoluer, il s'appuie uniquement sur le texte biblique, vérité intangible. Le
Déluge est toujours une certitude. Il est sûr que toute découverte qui dérange
est systématiquement écartée et remplacée par le leitmotiv " Tous les faits
acquis à la science confirment
Le lobby créationniste
en Amérique fait un forcing incroyable pour tenter de prouver que la théorie de
l'évolution est un mythe sans fondement, inventé de toutes pièces par les
ennemis de la religion, et exiger devant les tribunaux américains que les
établissements scolaires enseignent également la théorie de
Les créationnistes rejoignent par certains côtés les
millénaristes (obnubilés, eux, par des problèmes de calendrier qu'ils se créent
de toute pièce) et attendent (espèrent ?) un cataclysme prochain, comme celui
prévu par Whiston jadis, ou comme celui carrément annoncé (!) pour 1843 par le
prophète américain William Miller (1782-1849), créateur de la secte
fondamentaliste des Millerites.
C'est pour pallier ce côté
passéiste, rétrograde même, qui en fin de compte nuit sérieusement à la religion
que les créationnistes sont censés préserver et même promouvoir, que certains
savants croyants, plus pragmatiques et plus modernes, ont mis au point une
parade réellement scientifique : la science de
Nous allons voir l'argumentation de ces rénovateurs dans la
dernière section de ce chapitre, une argumentation souvent savamment étayée et
qui s'articule principalement selon le schéma biblique des " sept jours
de
Le
dogme renouvelé, ou la science de
Loin des idées
fondamentalistes accrochées à un passé définitivement obsolète, la science de
Où la science de
Par la suite, pratiquement chaque science a été mise à contribution
pour régénérer quelque peu le dogme biblique, comme l'a fort bien expliqué le
physicien israélien Nathan Aviezer dans son livre Au commencement.
Création :
Ces scientifiques de
Il n'y a pas grand chose à ajouter sur ce sujet. Du
créationnisme étroit, obtus, éculé, passéiste, les croyants peuvent,
s'ils le désirent et s'ils se sentent près à franchir le pas, évoluer sans
problème vers la science de
Notes
2. Le Déluge. La
science face au mythe biblique (Les Cahiers de Science & Vie, n° 72,
décembre 2002).
3.
4. J. Bosler, Sur une
averse de météorites mentionnée dans
5. Le Nouveau Testament (Éditions de
l'École, 1957 ; traduction sur le texte grec et annotations par le Père
Buzy).
6. Césaire d'Arles, L'Apocalypse (Desclée de Brouwer, 1989 ;
traduction par J. Courreau). Ce livre est publié dans la collection " les
Pères dans la foi ", c'est dire qu'il présente l'Apocalypse comme un livre
religieux. Césaire d'Arles a vécu autour de l'an 500 de notre ère. On voit avec
cet auteur que la notion d'apocalypse, nom commun, relative à la
prédiction d'événements de nature physique, telle qu'elle était admise au temps
des Grecs, a totalement évolué et changé de nature pour devenir
l'Apocalypse, nom propre, événement religieux annoncé, événement unique.
Après Saint Jean, l'Apocalypse est devenu un livre symbolique et
dogmatique étudié par tous les théologiens.
7. W. Whiston, A new theory of the Earth
(1696). Dans La foire aux dinosaures (Seuil, 1993 ; titre original
: Bully for brontosaurus, 1991), Stephen Jay Gould, consacre un essai (le
n° 25) à Whiston, intitulé Le parrain de la catastrophe, dans lequel il
entreprend de le réhabiliter.
8. C. Flammarion, Astronomie populaire
(1880). Cette édition a été publiée en deux tomes. Le livre cinquième (tome 2)
est consacré aux comètes et aux étoiles filantes (pp. 193-272). Le passage cité
figure pp. 202-203. Dans l’édition refondue de 1955, Fernand Baldet a conservé
le texte de Flammarion (pp. 336-337). Ainsi Whiston et sa comète traversent les
siècles. Et c’est tant mieux.
9. I. Newton, Ecrits sur la religion
(Gallimard, 1996 ; traduction, présentation et notes de J.-F. Baillon). Ce livre
présente l'un des aspects les plus mal connus de l'œuvre de Newton : ses écrits
religieux. Parallèlement à son activité scientifique, connue et disséquée depuis
longtemps, Newton tout au long de sa vie a développé une réflexion théologique.
Ses vues étaient proches de celles de Whiston, plus jeune d'un quart de siècle
et qui fut pour lui un aiguillon. Il semble bien que Newton était favorable à
l'idée maîtresse de Whiston : les comètes "instruments" de Dieu.
10. Buffon,
Histoire naturelle. Théorie de la terre (1749). Cette diatribe envers
Whiston figure au chapitre Preuves de
11. L'homme est-il le produit de l'évolution ou de la création
? (Watchtower Bible and
Tract Society of New York, 1969). Titre original : Did man get here by
evolution or by creation (1967). Les citations retenues figurent aux
pages 115 et 172. Ce livre s'appuie sur 248 références soigneusement choisies et
provenant principalement de la presse scientifique américaine.
12. En fait,
ces livres procréationnistes retiennent uniquement les informations qui les
arrangent, ignorant toutes les autres. C'est assez logique dans la mesure où ce
sont des livres de propagande.
13. D. Lecourt, L'Amérique entre
14. P.E. Johnson, Le
darwinisme en question. Science ou métaphysique ? (Pierre d'Angle, 1996).
Titre original : Darwin on trial (1991). Ce livre, écrit par un juriste
américain spécialisé dans les controverses sur l'enseignement du darwinisme en
Amérique, s'efforce de démontrer que le darwinisme est une "religion" et qu'il
ne repose en fait sur aucune base scientifique sérieuse. L'évolution darwinienne
est la bête noire des créationnistes américains (il leur est insupportable que
l'homme puisse descendre du singe !), d'autant plus qu'ils ont décelé des
faiblesses dans la théorie plus que centenaire de Darwin.
15. Dossier
" Comment Dieu a créé le monde ", Valeurs Actuelles, n° 3030,
décembre 1994.
16. M. Cassé, Du vide et de la création (Odile Jacob,
1993).
17. N. Aviezer, Au commencement. Création :