CHAPITRE
3
Kepler, Newton et Halley domptent les astres
Avec la disparition de
Claude Ptolémée (v. 90-168), dernier héritier de la tradition scientifique
grecque, commença une très longue période de ténèbres, pour ne pas dire d'obscurantisme,
dominée par une religion omniprésente et inflexible, et durant laquelle les
progrès dans le domaine des idées furent quasi nuls. Les quelques rares érudits
qui survolèrent cette époque n'avaient pas la voix assez forte pour se faire
entendre ! Ce n'est qu'à
Nicolas Copernic (1473-1543), d'abord, qui enleva
Ces cratères lunaires furent les premiers témoins de tous ces cataclysmes
du passé dont disposèrent les astronomes. En 1647, Johann Hevelius (1611-1687),
brasseur et astronome allemand, publia sa Sélénographie, première cartographie
de la surface lunaire, et en 1668, dans sa Cométographie, il suggéra
que les comètes décrivent des trajectoires paraboliques ou hyperboliques autour
du Soleil. Vers la même époque, Christiaan Huygens (1629-1695) découvrit la
vraie nature de l'anneau de Saturne, autre vestige d'un drame cosmique, issu
de la désintégration d'un satellite s'étant approché trop près de sa planète
mère.
Mais c'est, bien sûr, Isaac Newton (1642-1727), "l'architecte des forces
cosmiques", avec ses travaux sur la gravitation et ses trois lois (le
principe d'inertie, la loi d'accélération et la loi d'action-réaction) qui
fut le point culminant de cette révolution des idées entamée avec Copernic,
puisqu'il fut en mesure de relier la dynamique et l'astronomie. Ses Principes
mathématiques de la philosophie naturelle, publiés en 1687, lui permirent
définitivement de dompter les astres, explicitant les trois lois de Kepler
d'une façon lumineuse, et de montrer que les comètes sont bien des composants
réguliers du Système solaire au même titre que les planètes.
Son contemporain et ami Edmond Halley (1656-1742) se signala principalement
par ses travaux sur les comètes. Dans son Synopsis d'astronomie cométaire,
paru en 1705, il indiqua pour la première fois que les comètes apparues en
1531, 1607 et 1682 (cette dernière observée par lui) étaient trois passages
différents d'une même comète périodique dont il calcula l'orbite et
prédit le retour pour 1758. Cette découverte essentielle lui permit de rendre
son nom immortel, et "sa" comète, la fameuse entre toutes comète
P/Halley, devint un objet d'étude pour tous les spécialistes ultérieurs.
C'est à la même époque qu'apparut le premier astronome catastrophiste,
William Whiston (1667-1752), qui s'appuya sur les travaux de Newton et Halley.
Tout était désormais en place pour une nouvelle génération de savants désireux
d'étudier d'une manière plus scientifique l'origine de
Ainsi donc, en un peu plus d'un siècle et demi, grâce à quelques scientifiques
de haute lignée, l'image du monde fut à jamais transformée.
Théories
de
Les
théories de
On en compte une bonne trentaine, certaines ayant plus ou moins surnagé figurent
dans les livres sur l'histoire de la géologie, alors que d'autres n'ont pas
survécu à leurs auteurs. Bien sûr, aucune n'était parfaite, mais globalement
ce genre mi-littéraire/mi-scientifique est intéressant sur le plan historique,
au même titre que les apocalypses de l'Antiquité. Ces théories de
C'est René Descartes (1596-1650) qui tenta le premier de rendre compte par
des lois physiques de la formation de
Le
monde de 6000 ans de l’archevêque Ussher
Peu de temps après la
mort de Descartes, se produisit un événement qui aurait pu rester anecdotique,
mais qui allait prendre une importance considérable. C'est la publication
en 1658 du livre The annals of the world, par l'archevêque irlandais
James Ussher (1581-1656), dans lequel il annonçait tout simplement que Dieu
avait créé
Cette affirmation toute personnelle de Ussher plut à l'éditeur de la version
"King James" de
Dès cette époque, les géologues furent donc, eux aussi, obligés de
se plier à la nouvelle orthodoxie religieuse et à son corollaire difficilement
soutenable : faire entrer l'histoire physique du monde en 6000 ans seulement,
ce qui était vraiment bien court. C'est cette difficulté bien inutile qui
allait déboucher sur une chronologie courte que toutes les observations
sur le terrain semblaient pourtant contredire. Mais aux XVIIe et XVIIIe siècles,
on ne pouvait éluder facilement le dogme de
Bible
et science : une difficile cohabitation
C'est le révérend (un
ecclésiastique donc) Thomas Burnet (1635-1715), qui fut le premier
de ces géologues à proposer une théorie de
Burnet fut un véritable novateur et il fit rapidement des émules.
Son compatriote Whiston lui emboîta le pas, en 1696, avec A new theory
of the Earth, en faisant des comètes les instruments de Dieu.
Pour lui, les comètes étaient en mesure de tout faire :
A la même époque que Whiston, Gottfried Leibniz (1646-1716) terminait
son Protogée (10), qui ne fut publié que beaucoup plus tard (en 1749).
On sait que chez l'illustre philosophe et mathématicien, les idées du savant,
du métaphysicien et du théologien étaient trois aspects différents d'une même
pensée. Pour lui, le Créateur a créé le monde selon un modèle cohérent fondé
sur une harmonie préétablie et notre histoire n'est que le développement
d'un projet divin. Leibniz innovait, dans la mesure où il considérait
que toutes les catastrophes subies par
Un autre diluvianiste, suisse celui-là, Johann-Jakob Scheuchzer (1672-1733)
(11) proposa "d'éclairer
Buffon (1707-1788)
reste l'un des grands noms de l'histoire des sciences de la nature (12). On
le considère souvent comme l'un des pères de la théorie catastrophiste et
également comme l'un des premiers évolutionnistes de renom. En fait, il fut
uniquement catastrophiste pour ce qui concerne la formation de
En 1749, dans son Histoire naturelle, il émit l'hypothèse que le Soleil
avait été heurté dans le passé par une comète géante qui lui avait arraché
un important filament de matière, à partir duquel se seraient formées ultérieurement
les planètes du Système solaire dont
Heureusement, sous l’impulsion des Encyclopédistes, et notamment celle
du baron d’Holbach (1723-1789), matérialiste militant qui fit campagne pour
démontrer que " la religion était l’ennemie de la science ", les choses s’améliorèrent
sensiblement, au grand bénéfice de l’évolution des idées. Bon gré, mal gré,
l’Église accepta de desserrer quelque peu le carcan dogmatique qui empêchait
la science de respirer.
Cela permit à Buffon, en 1778, à une époque nettement plus favorable, de revenir
sans crainte de censure intempestive, sur ses deux sujets d'étude favoris
qu'étaient
Pour finir ce survol sur les théories de
La
comète de Lexell, une révélation
L'histoire de cette comète
(15) est révélatrice de la montée en puissance des idées catastrophistes au
siècle des Lumières, et elle fut un jalon important dans la connaissance des
comètes venant à proximité immédiate de
D/Lexell (= 1770 L1) fut en fait découverte par Charles Messier (1730-1817),
l'infatigable "chasseur de comètes", le 14 juin 1770. Le 1er
juillet, elle passa à 2,3 millions de kilomètres de
Cette comète fut un casse-tête pour les spécialistes de mécanique céleste,
habitués à calculer pour ce type d'astres des orbites paraboliques qui, en
règle générale, donnaient de bons résultats sur la partie de l'arc proche
du Soleil. Rien de tel avec D/Lexell qui se montrait rétive à tout calcul.
C'est l'astronome suédois Anders Lexell (1740-1784) qui trouva la raison
de cette difficulté imprévue : pour la première fois, on se trouvait en présence
d'une comète à courte période pour laquelle un traitement différent était
nécessaire. Les astronomes se posèrent alors la question : " Comment
se fait-il qu'on ne l'ait jamais observée auparavant ? " On sait aujourd'hui
que cette comète fut propulsée dans le Système solaire intérieur peu de temps
avant son apparition, suite à une très forte approche à Jupiter.
D/Lexell fut utilisée pour la première fois pour calculer la masse des comètes
qui était jusque-là totalement indéterminée. Les perturbations causées à
Le catastrophisme cométaire, avec l'approche à
Laplace,
un grand astronome catastrophiste
Le premier retour calculé
de la comète de Halley, qui passa au périhélie le 12 mars 1759, eut un retentissement
extraordinaire parmi les astronomes de l'époque. Pierre-Simon Laplace (1749-1827),
notamment, enfant à l'époque des calculs d'Alexis Clairaut (1713-1765), le
mathématicien qui mit le problème en équations, fut impressionné par la précision
et l'importance de la prédiction, qui mettait fin à des siècles d'obscurantisme.
Dans son Exposition du système du monde, Laplace rappelle ce
qui a changé (16) :
"
Remarquons à l'avantage des progrès de l'esprit humain, que cette comète qui
dans le dernier siècle, a excité le plus vif intérêt parmi les géomètres et
les astronomes, avait été vue d'une manière bien différente, quatre révolutions
auparavant, en 1456. La longue queue qu'elle traînait après elle, répandit
la terreur dans l'Europe déjà consternée par les succès rapides des Turcs
qui venaient de renverser le Bas-Empire ; et le pape Calixte ordonna des prières
publiques, dans lesquelles on conjurait la comète et les Turcs. On était loin
de penser, dans ces temps d'ignorance, que la nature obéit toujours à des
lois immuables. Suivant que les phénomènes arrivaient et se succédaient avec
régularité, ou sans ordre apparent, on les faisait dépendre des causes finales,
ou du hasard ; et lorsqu'ils offraient quelque chose d'extraordinaire et semblaient
contrarier l'ordre naturel, on les regardait comme autant de signes de la
colère céleste. "
Onze ans après le passage
de P/Halley, se produisit l'approche record de D/Lexell à
"
Aux frayeurs qu'inspirait alors l'apparition des comètes, a succédé la crainte
que dans le grand nombre de celles qui traversent dans tous les sens le système
planétaire, l'une d'elles ne bouleverse
Laplace fut un modèle
et un inspirateur pour tous les catastrophistes qui allaient suivre, notamment
Cuvier et ses disciples. On ne peut être plus clair que dans ce texte célèbre
de Laplace qui fait suite au précédent :
"
Il est facile de se représenter les effets de ce choc avec
Cette
approche de D/Lexell, qui reste à ce jour l'approche record, aura été le premier
véritable détonateur sur la réalité possible d'un impactisme et d'un catastrophisme
cométaires, si bien popularisés par Laplace, dont l'influence intellectuelle
et scientifique était grande à la fin du XVIIIe siècle. D'autres astronomes
contemporains de Laplace, comme Jean Sylvain Bailly (1736-1793) (17) et Jérôme
Lalande (1732-1807), partageaient des idées assez identiques aux siennes,
même s'ils étaient obligés de mettre une sourdine à leurs opinions exprimées.
Comme le rappelle le texte de Laplace ci-dessus, Lalande fut ouvertement accusé
de faire peur aux gens et de provoquer la panique par ses écrits (!), alors
qu'il ne faisait que publier quelques données chiffrées bien réelles (18).
En cette fin de XVIIIe siècle, période révolutionnaire s'il en fût, le "danger
extérieur", qui longtemps avait eu une base purement affective, due essentiellement
à la peur ancestrale des comètes et à un obscurantisme larvé mais omniprésent,
prenait forme et consistance (avec la détermination des causes et des conséquences
possibles) grâce à l'appui de quelques scientifiques de renom.
D'autant plus, comme nous allons le
voir, qu'après des décennies de doute, et même d'une certaine manière de recul
par rapport aux opinions précédentes, la réalité des chutes de météorites
allait s'imposer d'une manière irréversible.
Les
météorites, des pierres tombées du ciel
Il est utile de parler
ici des circonstances qui ont permis de les reconnaître comme une réalité.
Un progrès très important, décisif même, qui fut très longtemps contesté et
même nié avec véhémence par des savants de grande envergure. Deux noms sont
liés historiquement à cette reconnaissance, ceux de Chladni et de Biot, mais
on pourrait leur ajouter celui de Pallas qui les précéda dans l'identification
d'un objet extraterrestre.
Le
refus de croire à une réalité millénaire
Avec l'arrivée du siècle
des Lumières, le récit sans cesse renouvelé et actualisé de nombreuses chutes
de pierres postérieures à celle, fameuse entre toutes, d'Ensisheim de 1492,
devint vite "obscurantisme moyenâgeux" pour tous ces esprits éclairés,
philosophes et scientifiques, qui voulaient "refaire le monde",
et pour qui il était devenu quasiment indispensable de dénigrer systématiquement
toutes les survivances d'un passé obsolète pour paraître moderne.
" Fables de paysans que ces récits, fruit de la superstition, ne cesse-t-on de répéter au XVIIIe siècle ! En 1771, Johann Wolfgang Goethe (1749-1832), qui étudiait le droit à Strasbourg, fit le voyage d'Ensisheim pour examiner la fameuse pierre et couvrit de sarcasmes la "crédulité du genre humain". Il refusa d'y voir autre chose qu'une pierre ordinaire. " (19)
Jusqu'à
la fin du XVIIIe siècle, les savants nièrent d'une façon obtuse l'évidence,
en maudissant à l'instar de Goethe cette " crédulité du genre humain
". Cette étroitesse d'esprit des savants de l'époque sur ce sujet précis
(le siècle des Lumières a heureusement donné lieu à des progrès incontestables
dans d'autres domaines) paraît absurde de nos jours, quand on sait que plusieurs
dizaines de chutes de météorites ont été recensées pour ce seul XVIIIe siècle
(20), dont plusieurs en France (Carpentras en 1738, Nicorps en 1750, Luponnas
en 1753, Lucé en 1768, Aire-sur-la-Lys en 1769, Barbotan en 1790 et Salles
en 1798). Pourtant, en 1792, dans un rapport à l'Académie des Sciences, le
chimiste Lavoisier (1743-1794) affirmait encore, sans aucun complexe, que
les aérolithes n'étaient rien d'autre que des pierres ordinaires altérées
par la foudre.
Heureusement, des voix discordantes
se firent jour. Quelques chercheurs un peu plus clairvoyants se démarquèrent
de ce satisfecit général de "modernisme" que se décernaient, un
peu facilement, les érudits des Lumières. Ils voulaient rester, eux, sur le
strict terrain de l'observation et de l'analyse scientifique, et ne
se satisfaisaient pas du credo pseudo-scientifique expliquant que la chute
de pierres venant du cosmos (et non pas de l'atmosphère) était une impossibilité
physique.
Le premier, le naturaliste d'origine
allemande Pierre-Simon Pallas (1741-1811), qui a donné à juste titre
son nom aux pallasites, décrivit la célèbre météorite, découverte en
1749 au sud de Krasnojarsk en Sibérie, et dont la masse avoisinait les
Un
verrou psychologique difficile à briser
En 1794, le physicien
allemand Ernst Chladni (1756-1827), après avoir examiné plusieurs rapports
concernant notamment la pallasite sibérienne et la sidérite argentine de Campo
del Cielo, publia en allemand son fameux petit livre (21), révolutionnaire
pour l'époque, dans lequel il apportait les premières preuves chimiques et
minéralogiques du caractère exotique (c'est-à-dire extraterrestre)
des spécimens étudiés.
La même année, le 16 juin 1794, à 19 heures, succédant à une violente détonation
dans l'atmosphère, tombait à Sienne en Toscane, une pluie de petites pierres
observée par de nombreux témoins. Là encore l'évidence était flagrante, mais
les scientifiques se bouchèrent les yeux. Quatre ans plus tard, le 19 décembre
1798, à 20 heures, c'était au tour de la région de Bénarès, en Inde, d'être
le point de chute d'une nouvelle pluie de pierres, faisant suite à l'apparition
d'un brillant météore et de détonations dans l'atmosphère, les trois phases
ayant des centaines de témoins.
En 1802, le jeune chimiste anglais Edward Howard (1774-1816) (22), après avoir
examiné à son tour plusieurs nouveaux objets tombés du ciel (notamment des
spécimens de la chute de Bénarès) et mis pour la première fois en évidence
la présence de chondres (qui donneront leur nom aux chondrites),
confirma que les météorites étaient différentes chimiquement des pierres terrestres
et étaient donc d'origine cosmique.
En 1803, trois scientifiques français, Laplace, Jean-Baptiste Biot
(1774-1862) et Siméon Poisson (1781-1840), c'est-à-dire un ancien, catastrophiste
convaincu comme nous l'avons vu, et deux jeunes sans complexes, conscients
qu'il était plus que l'heure de prendre le train en marche, proposèrent une
nouvelle hypothèse : ces pierres venues du ciel seraient en fait des éjectas
de volcans lunaires qui auraient pu échapper à l'attraction de notre satellite.
Cette hypothèse restrictive eut un certain succès et concurrença l'hypothèse
purement cosmique au cours de la première moitié du XIXe siècle.
Mais malgré toutes ces observations indiscutables et sans cesse renouvelées,
et le réveil bien tardif de quelques-uns, secoués heureusement par la génération
montante, la communauté scientifique dans sa grande majorité restait hermétique
à cette "révolution des idées" indispensable. Le verrou psychologique
anti-météorites aura été l'un des plus difficiles à faire sauter, résistant
près d'un siècle aux preuves les plus flagrantes, alors que de nombreuses
découvertes importantes, comme celles notamment de la septième planète, Uranus,
en 1781, par William Herschel (1738-1822), et de la huitième, Cérès, en 1801,
par Giuseppe Piazzi (1746-1826) (23), avaient pourtant montré que le
dogme millénaire et intangible des six planètes (les astres errants) n'était
rien d'autre qu'un mythe, et que le ciel était en fait beaucoup plus complexe
que celui prévu par les Anciens.
1803
: la chute de pierres de L'Aigle, le tournant décisif
Le
tournant décisif est associé à la fameuse pluie de pierres de L'Aigle dans
le département de l'Orne, en Normandie. C'est elle qui permit enfin la reconnaissance
"officielle" des chutes de pierres par la communauté scientifique
de l'époque, hostile dans sa grande majorité. Elle eut lieu le 26 avril 1803,
à 13 heures. Devant plusieurs centaines de témoins éberlués mais nullement
incrédules, 2000 à 3000 pierres tombèrent du ciel, dans une zone elliptique
de 11 x
C'est ce physicien français, âgé de
29 ans seulement à l'époque, et qui venait juste d'être nommé membre titulaire
de l'Académie des sciences, qui fut officiellement chargé par le gouvernement
de l'époque, dirigé par Jean Chaptal (1756-1832), qui était avant tout un
chimiste et qui s'intéressa personnellement à l'affaire, d'aller enquêter
sur place, suite à la chute de pierres, dont l'écho et quelques spécimens
étaient parvenus très vite à Paris.
Dans un rapport célèbre (24), publié
en 1806 seulement, et constamment utilisé depuis lors par tous les auteurs
qui ont traité du sujet, il a raconté en grand détail tout ce qu'il a appris
des multiples témoins qu'il a lui-même interrogés et par son enquête minutieuse
sur le terrain. Il visita plus de vingt hameaux dispersés dans la zone d'impact
et entendit partout la même histoire.
"
Le mardi 6 floréal an 11 [26 avril 1803] vers une heure après-midi, le temps
étant serein, on aperçut de Caen, de Pont-Audemer et des environs d'Alençon,
de Falaise et de Verneuil, un globe enflammé d'un éclat très brillant, et
qui se mouvait dans l'atmosphère avec beaucoup de rapidité.
Quelques instants après on entendit à L'Aigle et autour de cette ville, dans
un arrondissement de plus de trente lieues de rayon, une explosion violente
qui dura cinq ou six minutes.
Ce furent d'abord trois ou quatre coups semblables à des coups de canon, suivis
d'une espèce de décharge qui ressemblait à une fusillade ; après quoi on entendit
comme un épouvantable roulement de tambour. L'air était tranquille et le ciel
serein, à l'exception de quelques nuages, comme on en voit fréquemment.
Ce bruit partait d'un petit nuage qui avait la forme d'un rectangle, et dont
le plus grand côté était dirigé est-ouest. Il parut immobile pendant tout
le temps que dura le phénomène ; seulement les vapeurs qui le composaient
s'écartaient momentanément de différents côtés par l'effet des explosions
successives. Ce nuage se trouva à peu près à une demi-lieue au nord-nord-ouest
de la ville de L'Aigle : il était très élevé dans l'atmosphère ; car les habitants
de
Les plus grosses pierres sont tombées à l'extrémité sud-est du grand axe de
l'ellipse, du côté de Fontenil et de
La plus grosse de toutes celles que l'on a trouvées pesait
On en conclura sans le moindre doute que le fait sur lequel ces preuves se
réunissent est réellement arrivé, et qu'il est tombé des pierres aux environs
de L'Aigle le 6 floréal an 11... "
Biot terminait ainsi son
rapport :
"
Je me suis borné dans cette relation à un simple exposé des faits ; j'ai tâché
de les voir comme tout autre les aurait vus, et j'ai mis tous mes soins à
les présenter avec exactitude. Je laisse à la sagacité des physiciens les
nombreuses conséquences que l'on en peut déduire, et je m'estimerai heureux
s'ils trouvent que j'ai réussi à mettre hors de doute un des plus étonnants
phénomènes que les hommes aient jamais observés. "
Biot restait assez prudent
dans son rapport. Pour lui, en fait, L'Aigle ne changeait rien, puisqu'il
s'était déjà récemment reconverti et penchait avec Laplace et Poisson pour
une origine lunaire des météorites. Jeune académicien, il voulait sans doute
éviter de se mettre à dos les autres membres plus anciens, et surtout beaucoup
plus conservateurs, de l'Académie des sciences qui, eux, avaient déjà fait
connaître à maintes reprises leur opinion définitive sur le sujet : "
Les météorites ne peuvent pas exister car il n'y a pas de pierres dans
le ciel ". Bon gré, mal gré, tous finirent quand même par
accepter ce qui ne pouvait plus être nié sans tomber dans le ridicule : la
réalité de la chute de pierres sur
Il faut savoir que cette pluie de pierres, somme toute banale, hormis son
importance historique et épistémologique considérable, concernait des chondrites
ordinaires de type L6, c'est-à-dire des pierres qui ne pouvaient être différenciées
des pierres terrestres que par des spécialistes. Les pierres du ciel ressemblaient
comme des sœurs à celles qui jonchent notre planète !
Cuvier,
catastrophiste et fixiste
Georges Cuvier (1769-1832),
l'un des fondateurs de la paléontologie, est également le plus célèbre représentant
de la théorie des catastrophes (on l'a baptisé le "prophète du catastrophisme
absolu ") et, avec le naturaliste suédois Carl von Linné (1707-1778),
le plus célèbre représentant du fixisme (ou fixité des espèces). Du
fait d'une éducation religieuse stricte (il était protestant), Cuvier croyait
à la véracité du texte biblique qui excluait toute évolution des espèces.
Dès ses premiers écrits, en 1795, alors qu'il avait 26 ans, il fut un partisan
convaincu de la doctrine des catastrophes successives, sous l'influence du
naturaliste allemand Johann Blumenbach (1752-1840), l'un de ses professeurs
à Stuttgart, qui enseignait déjà la théorie des catastrophes en liaison avec
celle des "espèces perdues". Cuvier ne fut donc pas le premier,
loin de là, à soutenir des idées catastrophistes, mais c'est à lui qu'il revint
de donner à cette théorie nouvelle une dimension planétaire.
Il s'inspira également des idées de certains de ses devanciers, notamment
de celles de Buffon et surtout de Laplace. Pour étayer sa conception catastrophiste
des créations multiples, il dut avoir recours à des "révolutions du globe"
au cours desquelles toute vie était supprimée.
"
Chacune de ces créations, disait Cuvier, a dû trouver une fin abrupte dans
un cataclysme universel. A la suite de sa théorie, Cuvier devait évidemment
recourir à une nouvelle échelle des temps géologiques, car 6000 ans c'était
bien insuffisant pour une nouvelle création, à plus forte raison pour trois.
Heureusement, il trouva une nouvelle échelle qui lui convenait, celle de son
compatriote Buffon. Cuvier devait être enchanté de la trouver suffisamment
longue pour inclure facilement ses trois créations additionnelles et les cataclysmes
qui avaient mis fin à celles-ci.
En substance, la théorie de Cuvier déclarait que Dieu avait créé le monde
il y a environ 80 000 ans et le peupla d'animaux de la première création,
principalement des poissons et autres habitants des mers et nombre d'amphibiens
primitifs. Après le premier cataclysme, une seconde création eut lieu, principalement
des reptiles. Mais Dieu n'en fut pas plus satisfait que de la première et,
après un second cataclysme, une troisième création eut lieu, consacrée celle-là
aux mammifères exclusivement. Finalement, un troisième cataclysme, suivi de
la création biblique, amena l'apparition du premier homme et des divers types
de plantes et d'animaux que nous connaissons aujourd'hui. Ces derniers étaient
destinés à rester sous la domination de l'homme jusqu'à ce que Dieu en sa
sagesse décide de répéter l'œuvre de liquidation.
Sans presque s'en douter, Cuvier venait d'établir la théorie des ères géologiques
et d'ouvrir la voie aux synthèses qui allaient suivre. Cette tâche fut achevée
peu de temps après sa mort par deux hommes parmi les plus illustres dans l'histoire
des sciences naturelles, le géologue Charles Lyell et le naturaliste Charles
Darwin. " (25)
Ainsi Cuvier recensait
quatre créations différentes, en liaison avec les quatre grandes ères géologiques
qui avaient été mises en évidence progressivement par les géologues à la suite
d'études nombreuses sur le terrain. Dans son livre classique, Discours
sur les révolutions de la surface du globe (26/27), Cuvier a montré que
ces "révolutions" ont été nombreuses et subites. Il faut citer quelques
extraits, car même si certaines données sont un peu dépassées, le fond reste
d'actualité et mérite d'être rappelé.
"
...Les changements dans la hauteur des eaux n'ont pas consisté seulement dans
une retraite plus ou moins graduelle, plus ou moins générale ; il s'est fait
diverses irruptions et retraites successives, dont le résultat définitif a
été cependant une diminution universelle de niveau...
Ces retraites répétées n'ont point toutes été lentes, ne se sont point toutes
faites par degrés ; au contraire, la plupart des catastrophes qui les ont
amenées ont été subites ; et cela est surtout facile à prouver pour la dernière
de ces catastrophes, pour celle qui par un double mouvement a inondé et ensuite
remis à sec nos continents actuels, ou du moins une grande partie du sol qui
les forme aujourd'hui. Elle a laissé encore dans les pays du Nord des cadavres
de grands quadrupèdes que la glace a saisis, et qui se sont conservés jusqu'à
nos jours avec leur peau, leur poil et leur chair. S'ils n'eussent été gelés
aussitôt que tués, la putréfaction les aurait décomposés. Et d'un autre côté,
cette gelée éternelle n'occupait pas auparavant les lieux où ils ont été saisis
; car ils n'auraient pas pu vivre sous une pareille température. C'est donc
le même instant qui a fait périr les animaux et qui a rendu glacial le pays
qu'ils habitaient. Cet événement a été subit, instantané, sans aucune gradation,
et ce qui est si clairement démontré pour cette dernière catastrophe ne l'est
guère moins pour celles qui l'ont précédée. Les déchirements, les redressements,
les renversements des couches plus anciennes ne laissent pas douter que des
causes subites et violentes ne les aient mises en l'état où nous les voyons
; et même la force des mouvements qu'éprouva la masse des eaux est encore
attestée par les amas de débris et de cailloux roulés qui s'interposent en
beaucoup d'endroits entre les couches solides. La vie a donc été souvent troublée
sur cette Terre par des événements effroyables. Des êtres vivants sans nombre
ont été victimes de ces catastrophes : les uns, habitants de la terre sèche,
se sont vus engloutis par des déluges ; les autres, qui peuplaient le sein
des eaux, ont été mis à sec avec le fond des mers subitement relevé ; leurs
races même ont fini pour jamais, et ne laissent dans le monde que quelques
débris à peine reconnaissables pour le naturaliste... " (Chapitre : Preuves que ces révolutions ont été subites).
Cuvier
n'a jamais voulu varier de sa ligne de conduite, décidée dès la fin de ses
études. On se doute bien que cette rigidité intangible masquait mal certaines
observations indiscutables contraires à sa théorie et on comprend facilement
que le naturaliste Lamarck (1744-1829), son grand rival, adepte du transformisme,
qui travaillait, lui, sur les Invertébrés, finit par l'emporter dans leur
combat scientifique qui marqua l'histoire des sciences de la première partie
du XIXe siècle. Cuvier qui avait en partie raison, sur le
volet catastrophisme, s'est fourvoyé lui-même en imposant parallèlement un
créationnisme totalement dénué de fondement.
Cette position rigide de Cuvier, son
fixisme et le créationnisme qui en découle ont fait beaucoup de tort au catastrophisme,
à tel point que le terme même de catastrophisme, qui a collé à la peau de
Cuvier pendant 150 ans, doit passer par une période de réhabilitation, que
les découvertes actuelles, heureusement, vont permettre de raccourcir au minimum.
Les
disciples de Cuvier et les créations multiples
On sait que Cuvier est
resté dans le vague (on comprend pourquoi) au sujet des mécanismes qui déterminent
l'apparition de nouvelles espèces. Dans certains cas, il suggéra des migrations
pour des catastrophes partielles, mais il ne put échapper au processus de
créations nouvelles, nécessitant donc une intervention divine, bien
qu'il n'ait rien écrit à ce sujet.
Certains de ses disciples franchirent le pas, comme Alcide d'Orbigny (1802-1857),
le plus célèbre d'entre eux, qui n'hésita pas à parler de 27 créations indépendantes
et successives, correspondant aux 28 étages stratigraphiques qu'il avait mis
en évidence à l'occasion de ses travaux géologiques (28). Il considérait qu'à
la fin de chacune de ces périodes, la faune existante avait été anéantie par
le mouvement prolongé des eaux qui avaient recouvert
Ce
"
L'idée même de ces créations dérangeait tout le monde. Les incroyants, bien
sûr, n'acceptaient pas ces actes divins renouvelés. Mais les chrétiens stricts
n'étaient pas moins gênés, car on ne voyait pas bien Dieu s'y reprenant à
plusieurs fois. D'autant que comme le remarque Marcel de Serres (1783-1862),
paléontologue et géologue montpelliérain, si l'on admet, d'une part, que les
créations sont de plus en plus parfaites, et, d'autre part, qu'elles se poursuivront
dans l'avenir, il en résulte que l'homme n'est pas " le terme et le chef-d'œuvre
" de
La religion, dont n'ont
jamais voulu s'affranchir des chercheurs du calibre de Cuvier et d'Orbigny,
et aussi beaucoup d'autres moins en pointe, a été un fléau qui empêche d'apprécier
dans toute leur richesse le travail scientifique de ces savants. En particulier,
d'Orbigny est toujours ridiculisé aujourd'hui avec ses 27 créations successives,
il est même devenu le prototype du fixiste borné. Mais quand on regarde plus
objectivement, en parallèle, ses "créations" avec les étages géologiques
correspondants, on se rend compte qu'il avait fort bien compris le problème
des discontinuités dans l'histoire de
En voulant rajouter un volet religieux à son travail, d'autant plus superflu
que totalement dénué de fondement, il a perdu une place honorable dans l'histoire
des sciences et a, en contrepartie, gagné malheureusement cette connotation
de dérision attachée à son nom pour les siècles futurs. Bonne raison, pour
les savants d'aujourd'hui, d'y regarder à deux fois avant d'introduire inconsidérément
une divinité quelconque dans leurs travaux. Quand ils sont bons, ces travaux
se suffisent largement à eux-mêmes. Le cas de ce pauvre d'Orbigny devrait
servir d'exemple.
Parmi les disciples et successeurs importants de Cuvier, il
convient de citer également le géologue écossais Roderick Murchison (1792-1871)
qui s'intéressa particulièrement aux débuts de l'histoire de la vie. Il découvrit
que tous les groupes importants étaient apparus quasi simultanément au début
de la période cambrienne. En créationniste convaincu, il pensait que c'était
le moment où Dieu avait décidé de peupler
Le
recul des idées catastrophistes
Le
triomphe de l’uniformitarisme
Quoi
qu'il en soit, les excès des successeurs et disciples de Cuvier, après ceux
de Cuvier lui-même, et leur manque manifeste de discernement, firent un tort
terrible à la doctrine du catastrophisme qui perdit rapidement du terrain
face à la doctrine concurrente de l'uniformitarisme. Du coup, le catastrophisme,
délaissé par les scientifiques, fut récupéré par les milieux religieux, notamment
par les fondamentalistes ravis de l'aubaine, pour redonner un peu de tonus
et de crédibilité au dogme (au mythe en fait) de
On doit à Charles Lyell (1797-1875),
le géologue écossais considéré comme l'un des plus grands noms de la géologie,
la reconnaissance définitive du temps profond, c'est-à-dire la prise en compte
de l'immensité du temps géologique (et astronomique), et qui en définit le
concept dans son grand ouvrage classique Principles of geology (3 volumes
de 1830 à 1833). C'est la fameuse théorie de l'uniformitarisme. Il postulait
sur la base d'observations incontestables que les événements du passé étaient
dus aux mêmes causes que celles qui opèrent actuellement, principalement sous
l'action d'agents tels que l'eau, le vent et le Soleil. Comme Hutton l'avait
laissé entendre quarante ans plus tôt, Lyell affirmait donc que les événements
du passé expliquent ceux d'aujourd'hui et que les catastrophes préconisées
par Cuvier et d'autres n'ont pas leur place dans l'histoire de la nature et
qu'elles n'y ont joué aucun rôle majeur. Il fut le fossoyeur du catastrophisme
en tant que théorie scientifique.
Comme l'a rappelé Stephen Jay Gould
(1941-2002) dans son livre Aux racines du temps (30) :
"
Avec cette magistrale somme de données sur la vitesse et le mode de déroulement
des phénomènes géologiques normaux, Lyell fera triompher ses idées et démontrera
que l'action lente et continue des causes présentes pouvait, étendue sur une
immense durée, produire l'ensemble des événements géologiques (de la formation
du Grand Canyon aux extinctions massives). Désormais, ceux qui étudiaient
La grande victoire de
l'observation dont parle Gould n'était en fait que celle dont disposaient
les chercheurs de l'époque, c'est-à-dire une observation extraordinairement
parcellaire. Quant aux "agents miraculeux", il suffit de comparer
les quatre astéroïdes connus à l'époque de Lyell : Cérès, Pallas, Vesta et
Junon circulant sagement entre Mars et Jupiter, avec les 4000 géocroiseurs
connus en 2010 qui croisent l’orbite terrestre, et dont certains “frôlent”
réellement notre planète. C'est aussi cela la relativité du temps. Rejeter
le catastrophisme, comme Lyell l'a fait (bien légèrement) pour imposer pour
plus d'un siècle un uniformitarisme triomphant, mais qui ne représente qu'un
aspect d'un problème beaucoup plus complexe, a fait retarder considérablement
la connaissance du monde physique dans lequel nous vivons (il s'était passé
la même chose avec le triomphe du géocentrisme de Ptolémée qui a éclipsé pour
plus de 1500 ans l'héliocentrisme d'Aristarque de Samos).
Pousser aux oubliettes des données qui paraissent erronées est aujourd'hui
encore chose courante. Mais gare au retour de bâton que ne manqueront pas
de nous asséner les scientifiques des siècles futurs !
L'irrationnel dont Gould semble accuser les catastrophistes était en fait
l'appui malheureux sur
Le
catastrophisme récupéré par les sectes religieuses
L'abandon progressif,
mais irréversible, du catastrophisme par les scientifiques (31), après la
victoire de Lyell et de son uniformitarisme, permit à l'irrationnel religieux
de marquer des points sérieux, notamment aux Etats-Unis. Les sectes fondamentalistes
ont toujours été nombreuses dans ce pays, s'appuyant sur le texte biblique
"pur et dur", c'est-à-dire avec une Création datant de 6000 ans,
le Déluge et une fin du monde à venir.
L’une des plus célèbres de ces sectes au XIXe siècle fut celle des
Millerites (32), du nom de son fondateur et animateur William Miller
(1782-1849). Celui-ci s'était persuadé que le Christ devait revenir sur Terre
en 1843 (!). Il prêcha la fin du monde à partir de 1831, liée à une comète,
reprenant en cela l'idée de Whiston. Il eut de la chance puisque dès 1833,
dans la nuit du 12 au 13 novembre, eut lieu l'extraordinaire averse météorique
des Léonides (33/34), durant laquelle plus de 200 000 météores
furent dénombrés en quelques heures seulement. Il présenta cet inoubliable
événement comme un signe avant-coureur, adressé aux hommes par Dieu, du Jour
du Jugement dernier attendu pour dix ans plus tard. En 1843 justement, parut
une formidable comète dans le ciel et qui frôla le Soleil (35), la fameuse
Grande comète de Mars, qui fut visible à l'œil nu en plein jour. Miller
triomphait déjà (un peu trop vite !), persuadé que cette comète était celle
du Jugement dernier. Malheureusement pour lui, à aucun moment cette belle
comète ne s'approcha de
L'exemple des Millerites montre comment les créationnistes purent
récupérer à leur profit une théorie abandonnée par les scientifiques eux-mêmes.
On comprend mieux pourquoi la notion même de catastrophisme a encore si mauvaise
presse.
Notes
1. J.-R. Roy, L'astronomie
et son histoire (Masson, 1982).
2. L.M. Celnikier, Histoire de l'astronomie (Lavoisier, 1996).
3. J. Kepler, Le secret du monde (Gallimard, 1984 ; traduction et notes
de A. Segonds). Il suffit de lire ce livre de jeunesse de Kepler : le Mysterium
cosmographicum, écrit en 1595, à l'âge de 24 ans, et paru l'année suivante
à Tübingen, pour comprendre son génie et son anticonformisme. L'histoire des
sciences a peu connu de savants du calibre de Kepler.
4. J. Gapaillard, Et pourtant, elle tourne ! Le mouvement de
5. G. Gohau, Histoire de la géologie (La découverte, 1987).
6. J. Roger, Pour une histoire des sciences à part entière (Albin Michel,
1995 ; texte établi par C. Blankaert, avant-propos de M.-L. Roger et postface
de J. Gayon).
7. La condamnation de Galilée par l'Inquisition en 1633 poussa Descartes à
repousser la publication de sa théorie, qui ne pouvait que déplaire à l'Église.
Descartes ne se sentait pas l'âme d'un martyr, on le comprend !
8. T. Burnet, Telluris theoria sacra (Théorie sacrée de
9. S.J. Gould, Aux racines du temps (Grasset, 1990). Titre original : Time's arrow, time's cycle
(1987).
10. G.W. Leibniz, Protogaea (Presses universitaires du Mirail,
1993 ; traduction de B. de Saint-Germain ; édition, introduction et notes
J.-M. Barrande). Cette édition moderne du texte de Leibniz a comme sous-titre :
" De l'aspect primitif de la terre et des traces d'une histoire très
ancienne que renferment les monuments mêmes de la nature ". Ce
texte écrit en 1690-91 ne fut publié qu'en 1749.
11. C. Cohen, Le destin du mammouth (Seuil, 1994).
12. G. Gohau, Les sciences de
13. Tout cela valut à Buffon un sévère rappel à l'ordre de
14. J. Roger, Buffon - Les époques de la nature (Editions du Muséum,
1988).
15. D.K. Yeomans, Comets.
A chronological history of observation, science, myth, and folklore (John
Wiley & Sons, 1991).
16. P.-S. Laplace, Exposition du système du monde (Fayard, 1984
; collection Corpus des œuvres de philosophie en langue française). Cette
réédition du classique de Pierre-Simon Laplace est conforme à l'édition de
1835.
17. Jean-Sylvain Bailly (1736-1793), surtout connu comme homme politique,
mêlé de très près à
18. J. Lalande, Réflexions
sur les comètes qui peuvent s'approcher de
19. Texte du philosophe Dominique Lecourt dans l'Introduction (p. 12)
du livre du météoricien français Michel Maurette, Chasseurs d'étoiles
(Hachette -
20. M.H. Hey, Catalogue
of meteorites, third edition (British Museum, 1966).
21. E.F.F. Chladni, Ueber den
Ursprung der von Pallas gefundenen und anderer ihr ähnlicher
Eisenmassen (1794).
22. J.G. Burke, Cosmic
debris. Meteorites in history (University of California Press, 1986).
23. En fait, cette huitième planète, la fameuse planète 28 prévue
par la loi de Titius-Bode, baptisée Cérès, ne s'avéra n'être qu'un astéroïde,
le premier d'une série qui n'aura jamais de fin (plus de 500 000 sont connus
en 2010). On sait aujourd'hui qu'une planète unique entre Mars et Jupiter
n'a jamais pu exister, les perturbations de la planète géante interdisant
une concentration de matière unique. Quelques mini-planètes (des astéroïdes
dits primaires) ont existé mais toutes, sauf Cérès, Pallas et Vesta, ont subi
des fracturations sévères, desquelles ont résulté des familles d'astéroïdes.
24. J.-B. Biot, Relation d'un voyage fait dans le département de
l'Orne, pour constater la réalité d'un météore observé à l'Aigle le
6 floréal an 11 (Mémoires de la classe des sciences, mathématique et physique,
Institut National de France, pp. 224-266, 1806). La lecture de ce document,
tout au moins dans une forme préliminaire, avait été faite dès 1803 (le 17 juillet)
à l'Académie des sciences. Il semble que Biot n'était pas très pressé de publier
son rapport, qui obligatoirement allait être diffusé dans le monde entier,
puisque celui-ci n'a paru imprimé qu'en 1807 seulement.
25. R. Cunningham, Histoire de
26. Ce grand classique du catastrophisme est paru, dès 1812, comme
introduction au grand ouvrage de Cuvier sur les ossements fossiles, sous le
titre : " Recherches sur les ossements fossiles de quadrupèdes.
Discours préliminaire ". Il est paru sous sa forme définitive, en
1825 seulement, sous le titre : " Discours sur les révolutions
de la surface du globe et sur les changements qu'elles ont produits dans
le monde animal ". Ces deux versions distantes de treize ans sont
en fait assez différentes dans la forme. Sur le fond, elles sont quasiment
identiques. On sait que Cuvier n'a jamais changé dans sa doctrine jusqu'à
sa mort en 1832.
27. Deux rééditions françaises récentes ont traité, l'une de la première
version (1812), l'autre de la version définitive (1825). Ce sont respectivement
:
28. A. d'Orbigny, Cours élémentaire de paléontologie et de géologie
stratigraphique (1849-1852).
29. G. Gohau, Histoire de la géologie, op. cit., citation p.
171.
30. S.J. Gould, Aux racines du temps, op. cit., citation p.
20.
31. C. Babin, Autour du catastrophisme (Vuibert - Adapt, 2005).
32. B.E. Schaeffer, Comets
that changed the world, Sky and Telescope, pp. 46-51, may 1997.
33. R. Sanderson,
The night of raining fire, Sky and Telescope, pp. 30-36, november 1998.
34. M. Littmann, The
heavens on fire : the great Leonid meteor storms (Cambridge University
Press, 1998).
35.