CHAPITRE 3

LA GRANDE ÉPOQUE DES CATASTROPHISTES


Kepler, Newton et Halley domptent les astres

Avec la disparition de Claude Ptolémée (v. 90-168), dernier héritier de la tradition scientifique grecque, commença une très longue période de ténèbres, pour ne pas dire d'obscurantisme, dominée par une religion omniprésente et inflexible, et durant laquelle les progrès dans le domaine des idées furent quasi nuls. Les quelques rares érudits qui survolèrent cette époque n'avaient pas la voix assez forte pour se faire entendre ! Ce n'est qu'à la Renaissance qu'apparurent enfin quelques "phares" qui permirent de faire éclater un univers médiéval désespérant de médiocrité intellectuelle (1/2).
Nicolas Copernic (1473-1543), d'abord, qui enleva la Terre du centre du monde pour y installer le Soleil (très longtemps après Aristarque de Samos). Tycho Brahe (1546-1601), ensuite, qui observa la fameuse supernova de 1572 et qui montra avec la grande comète de 1577 que les comètes ne faisaient pas partie du monde sublunaire (très longtemps après Sénèque). Et surtout, Johannes Kepler (1571-1630), premier géant de la pensée, génial, complexe et mystique (3) qui mit à mal le dogme du mouvement circulaire pour les planètes et démontra avec ses trois lois immortelles que les astres du Système solaire sont liés à leur Soleil, autour duquel ils décrivent des ellipses. Galilée (1564-1642), fondateur de la mécanique moderne et premier utilisateur de la lunette astronomique découvrit, lui, les quatre satellites principaux de Jupiter et les cratères lunaires, qui dès 1610 auraient pu lui permettre de comprendre la réalité de l'impactisme planétaire.
Ces cratères lunaires furent les premiers témoins de tous ces cataclysmes du passé dont disposèrent les astronomes. En 1647, Johann Hevelius (1611-1687), brasseur et astronome allemand, publia sa Sélénographie, première cartographie de la surface lunaire, et en 1668, dans sa Cométographie, il suggéra que les comètes décrivent des trajectoires paraboliques ou hyperboliques autour du Soleil. Vers la même époque, Christiaan Huygens (1629-1695) découvrit la vraie nature de l'anneau de Saturne, autre vestige d'un drame cosmique, issu de la désintégration d'un satellite s'étant approché trop près de sa planète mère.
Mais c'est, bien sûr, Isaac Newton (1642-1727), "l'architecte des forces cosmiques", avec ses travaux sur la gravitation et ses trois lois (le principe d'inertie, la loi d'accélération et la loi d'action-réaction) qui fut le point culminant de cette révolution des idées entamée avec Copernic, puisqu'il fut en mesure de relier la dynamique et l'astronomie. Ses Principes mathématiques de la philosophie naturelle, publiés en 1687, lui permirent définitivement de dompter les astres, explicitant les trois lois de Kepler d'une façon lumineuse, et de montrer que les comètes sont bien des composants réguliers du Système solaire au même titre que les planètes.
Son contemporain et ami Edmond Halley (1656-1742) se signala principalement par ses travaux sur les comètes. Dans son Synopsis d'astronomie cométaire, paru en 1705, il indiqua pour la première fois que les comètes apparues en 1531, 1607 et 1682 (cette dernière observée par lui) étaient trois passages différents d'une même comète périodique dont il calcula l'orbite et prédit le retour pour 1758. Cette découverte essentielle lui permit de rendre son nom immortel, et "sa" comète, la fameuse entre toutes comète P/Halley, devint un objet d'étude pour tous les spécialistes ultérieurs.

C'est à la même époque qu'apparut le premier astronome catastrophiste, William Whiston (1667-1752), qui s'appuya sur les travaux de Newton et Halley. Tout était désormais en place pour une nouvelle génération de savants désireux d'étudier d'une manière plus scientifique l'origine de la Terre et ses rapports avec l'Univers environnant.
Ainsi donc, en un peu plus d'un siècle et demi, grâce à quelques scientifiques de haute lignée, l'image du monde fut à jamais transformée. La Terre perdit sa place au centre de la Création, pour ne plus devenir qu'une planète parmi d'autres, au grand dam des Églises, qui comprirent vite que chaque idée vraiment nouvelle représentait une menace pour le pouvoir établi, en l'occurrence celui de l'omniprésente religion. Chaque fois qu'elles furent en mesure de le faire, ces Églises tentèrent de mettre le holà à toute forme de dissidence caractérisée (4). On connaît surtout la navrante histoire de Giordano Bruno (1548-1600), qui voulut prôner à travers toute l'Europe l'infinité de l'Univers et la pluralité des mondes planétaires, et qui fut arrêté par l'Inquisition en 1593 et brûlé vif sept ans plus tard comme hérétique. Mais d'autres furent menacés, à commencer par Galilée.

Théories de la Terre, Déluge et catastrophisme

Les théories de la Terre ont été nombreuses au XVIIe et XVIIIe siècles, écrites par des savants essayant progressivement de percer les secrets de la création ou de la nature, selon que leur objectif principal était d'expliquer l'œuvre de Dieu, d'analyser et de comprendre les mécanismes de la nature, ou même de tenter une synthèse des deux, synthèse qui sera tentée à plusieurs reprises.
On en compte une bonne trentaine, certaines ayant plus ou moins surnagé figurent dans les livres sur l'histoire de la géologie, alors que d'autres n'ont pas survécu à leurs auteurs. Bien sûr, aucune n'était parfaite, mais globalement ce genre mi-littéraire/mi-scientifique est intéressant sur le plan historique, au même titre que les apocalypses de l'Antiquité. Ces théories de la Terre, vues sous des angles parfois très différents, ont permis le brassage de nombreuses idées, parfois remarquables et novatrices, mais parfois aussi démentielles et dénuées de tout fondement (5/6).
C'est René Descartes (1596-1650) qui tenta le premier de rendre compte par des lois physiques de la formation de la Terre, dans son livre Le Monde, écrit en 1633 (7), mais qui ne parut qu'après sa mort en 1664, et dans les troisième et quatrième parties de ses Principes philosophiques parus en 1644. Descartes a surtout eu le mérite d'introduire l'idée d'évolution, progrès fondamental par rapport à l'ancien monde éternel qui avait force de loi depuis la fin de l'Antiquité. Evolution pour lui voulait bien dire que tous les objets de l'Univers naissent, vivent et meurent. On connaît sa théorie et ses célèbres tourbillons. Pour lui, la Terre était un soleil devenu obscur qui avait connu une évolution catastrophiste. Les historiens de la géologie considèrent son système comme étant la première théorie de la Terre, à laquelle allaient se référer, ou s'inspirer, nombre de savants ultérieurs.

Le monde de 6000 ans de l’archevêque Ussher

Peu de temps après la mort de Descartes, se produisit un événement qui aurait pu rester anecdotique, mais qui allait prendre une importance considérable. C'est la publication en 1658 du livre The annals of the world, par l'archevêque irlandais James Ussher (1581-1656), dans lequel il annonçait tout simplement que Dieu avait créé la Terre le 22 octobre 4004 av. J.-C. Ussher était parvenu à ce résultat à la suite d'une étude complète des dates puisées aux différentes chronologies de l'Ancien Testament.
Cette affirmation toute personnelle de Ussher plut à l'éditeur de la version "King James" de la Bible qui l'inséra comme note marginale dans les éditions ultérieures. Cette circonstance fit accepter la date de 4004 av. J.-C. comme faisant corps avec le dogme religieux et elle devint quasiment la date "officielle" de la Création, à laquelle tout le monde, scientifiques y compris, était obligé de se référer sous peine d'être accusé d'hérésie, avec tous les désagréments que cela pouvait comporter.
Dès cette époque, les géologues furent donc, eux aussi, obligés de se plier à la nouvelle orthodoxie religieuse et à son corollaire difficilement soutenable : faire entrer l'histoire physique du monde en 6000 ans seulement, ce qui était vraiment bien court. C'est cette difficulté bien inutile qui allait déboucher sur une chronologie courte que toutes les observations sur le terrain semblaient pourtant contredire. Mais aux XVIIe et XVIIIe siècles, on ne pouvait éluder facilement le dogme de la Création et les géologues durent faire avec, redoublant d'ingéniosité pour vivre avec ce redoutable "fil à la patte" que leur avait passé l'archevêque Ussher. Ingéniosité tournée par la suite un peu facilement en dérision par des successeurs d'une autre époque, débarrassés à tout jamais d'Ussher et de son monde de 6000 ans, et devenue " naïveté, fable, fantaisie débridée, élucubration grotesque, idolâtrie biblique " et autres qualificatifs du même genre sous la plume d'auteurs imbus de modernisme et toujours persuadés de détenir LA vérité (en fait leur vérité !).

Bible et science : une difficile cohabitation

C'est le révérend (un ecclésiastique donc) Thomas Burnet (1635-1715), qui fut le premier de ces géologues à proposer une théorie de la Terre dans son célèbre ouvrage en latin et en quatre volumes Telluris theoria sacra (8) , paru entre 1680 et 1689. Stephen Jay Gould (1941-2002) lui a consacré une partie entière de son livre Aux racines du temps (9) pour faire connaître son œuvre et surtout le réhabiliter. Dans ce livre, Burnet, qui s'inspirait fortement de Descartes dont il était en fait un disciple, essayait de réinterpréter l'enseignement de la Bible avec des arguments rationalistes, notamment le récit de la Genèse. Il proposa une version "scientifique" du Déluge et devint ainsi le premier des diluvianistes, qui allaient être vilipendés par leurs successeurs qui se considéraient comme plus modernes et qui refusaient "de faire de la science un roman". Pour Burnet, le Déluge fut à la fois un phénomène physique et un châtiment divin, envoyé par Dieu pour punir une humanité corrompue.
Burnet fut un véritable novateur et il fit rapidement des émules.
Son compatriote Whiston lui emboîta le pas, en 1696, avec A new theory of the Earth, en faisant des comètes les instruments de Dieu. Pour lui, les comètes étaient en mesure de tout faire : la Terre elle-même était une ancienne comète, une autre avait causé le Déluge et dans l'avenir (proche pour Whiston) elle détruira la vie sur la Terre. Son idée fut reprise souvent par la suite jusqu'au XIX siècle, principalement par les créationnistes, pour expliquer le Déluge.
A la même époque que Whiston, Gottfried Leibniz (1646-1716) terminait son Protogée (10), qui ne fut publié que beaucoup plus tard (en 1749). On sait que chez l'illustre philosophe et mathématicien, les idées du savant, du métaphysicien et du théologien étaient trois aspects différents d'une même pensée. Pour lui, le Créateur a créé le monde selon un modèle cohérent fondé sur une harmonie préétablie et notre histoire n'est que le développement d'un projet divin. Leibniz innovait, dans la mesure où il considérait que toutes les catastrophes subies par la Terre et l'humanité n'étaient pas des actes négatifs (!), elles s'inséraient simplement dans un projet d'ensemble, obligatoirement positif à long terme, puisque voulu et programmé par Dieu. L'épisode du Déluge était un événement parmi d'autres, venu à son heure quand Dieu l'avait jugé nécessaire. On peut rire de Leibniz. Là encore, il n'empêche qu'il avait compris bien avant les autres que les catastrophes ne sont pas obligatoirement négatives à long terme. On ne dit pas autre chose aujourd'hui, trois siècles plus tard, puisque l'on sait que les catastrophes sont souvent des forces de création, dans la mesure où elles peuvent libérer des niches écologiques, et qu'elles sont parfois une source majeure de l'évolution des espèces.
Un autre diluvianiste, suisse celui-là, Johann-Jakob Scheuchzer (1672-1733) (11) proposa "d'éclairer la Bible par la science". Son gros ouvrage : Physica sacra (huit volumes entre 1730 et 1735), paru en français sous le titre Physique sacrée ou Histoire naturelle de la Bible, s'annonçait ouvertement comme une approche théologique des phénomènes naturels. Vaste programme, à une époque où, au contraire, commençait à se tracer une frontière entre le savoir scientifique, basé uniquement sur l'observation et l'analyse, et l'exégèse religieuse, beaucoup plus crispée sur sa doctrine intangible. Scheuchzer considérait les fossiles comme des "reliques du Déluge" et sa collection était connue de tous les spécialistes européens. D'après lui, seul un déluge pouvait expliquer la distribution des fossiles que l'on trouvait parfois au sommet des montagnes. Avant la théorie de la tectonique des plaques qui explique parfaitement ce phénomène, une telle présence restait totalement inexplicable en dehors de l'appoint d'un déluge qui aurait recouvert provisoirement l'ensemble de la planète, montagnes comprises.

La Terre, une planète vieille

Buffon (1707-1788) reste l'un des grands noms de l'histoire des sciences de la nature (12). On le considère souvent comme l'un des pères de la théorie catastrophiste et également comme l'un des premiers évolutionnistes de renom. En fait, il fut uniquement catastrophiste pour ce qui concerne la formation de la Terre. Pour ce qui est de son évolution ultérieure, il était résolument transformiste, c'est-à-dire partisan des causes actuelles, et ne croyait pas aux catastrophes, comme d'autres savants de l'époque.
En 1749, dans son Histoire naturelle, il émit l'hypothèse que le Soleil avait été heurté dans le passé par une comète géante qui lui avait arraché un important filament de matière, à partir duquel se seraient formées ultérieurement les planètes du Système solaire dont la Terre, qui serait âgée, d'après lui, de près de 80 000 ans. Buffon parlait aussi de l'origine de la vie et de ses idées transformistes (13).
Heureusement, sous l’impulsion des Encyclopédistes, et notamment celle du baron d’Holbach (1723-1789), matérialiste militant qui fit campagne pour démontrer que " la religion était l’ennemie de la science ", les choses s’améliorèrent sensiblement, au grand bénéfice de l’évolution des idées. Bon gré, mal gré, l’Église accepta de desserrer quelque peu le carcan dogmatique qui empêchait la science de respirer.
Cela permit à Buffon, en 1778, à une époque nettement plus favorable, de revenir sans crainte de censure intempestive, sur ses deux sujets d'étude favoris qu'étaient la Terre et la vie qu'elle abrite. Dans Les époques de la nature (14), son livre le plus achevé, réflexion d'une longue carrière de naturaliste éclectique, il présenta un système géologique complet, mais qui est considéré aujourd'hui par les historiens de la géologie " davantage comme une synthèse du passé que comme une contribution à la science de l'avenir ".
Pour finir ce survol sur les théories de la Terre, il faut citer le géologue écossais James Hutton (1726-1797), considéré souvent comme le fondateur de la géologie, et qui posa le premier les bases de l'uniformitarisme. Dans sa Theory of the Earth, parue en 1788, il montra, preuves à l'appui, que la Terre était une planète vieille. Une étude sur le terrain durant des années l'avait conforté dans son idée que les causes des événements du passé étaient les mêmes que celles qui agissaient encore de nos jours. Ce concept allait être repris longtemps après et développé par Lyell. Mais à l'époque de Hutton, la majorité des savants n'étaient pas encore prêts à les accepter. Au contraire, l'ère du catastrophisme commençait, grâce surtout à un événement unique, imprévu, qui allait faire évoluer radicalement les mentalités : l'approche très serrée d'une comète à la Terre. Cet événement est un jalon important dans l'évolution des idées catastrophistes.

La comète de Lexell, une révélation

L'histoire de cette comète (15) est révélatrice de la montée en puissance des idées catastrophistes au siècle des Lumières, et elle fut un jalon important dans la connaissance des comètes venant à proximité immédiate de la Terre. On sait qu'elle impressionna fortement des scientifiques du calibre de Laplace et de Cuvier.
D/Lexell (= 1770 L1) fut en fait découverte par Charles Messier (1730-1817), l'infatigable "chasseur de comètes", le 14 juin 1770. Le 1er juillet, elle passa à 2,3 millions de kilomètres de la Terre. Elle était très brillante et très rapide dans le ciel, du fait de sa proximité, caractéristiques qui en firent un astre terrifiant pour la population, toujours apeurée dès qu'il se présente un phénomène céleste sortant de l'ordinaire.
Cette comète fut un casse-tête pour les spécialistes de mécanique céleste, habitués à calculer pour ce type d'astres des orbites paraboliques qui, en règle générale, donnaient de bons résultats sur la partie de l'arc proche du Soleil. Rien de tel avec D/Lexell qui se montrait rétive à tout calcul. C'est l'astronome suédois Anders Lexell (1740-1784) qui trouva la raison de cette difficulté imprévue : pour la première fois, on se trouvait en présence d'une comète à courte période pour laquelle un traitement différent était nécessaire. Les astronomes se posèrent alors la question : " Comment se fait-il qu'on ne l'ait jamais observée auparavant ? " On sait aujourd'hui que cette comète fut propulsée dans le Système solaire intérieur peu de temps avant son apparition, suite à une très forte approche à Jupiter.
D/Lexell fut utilisée pour la première fois pour calculer la masse des comètes qui était jusque-là totalement indéterminée. Les perturbations causées à la Terre furent tout à fait insignifiantes (elles furent même nulles, on le sait aujourd'hui). Laplace en conclut que la masse de cette comète était au plus égale à 5/1000 de celle de la Terre (en réalité, elle était beaucoup moins massive que cela). Les comètes n'étaient donc pas des planètes de masse comparable à la nôtre, en dépit de leur éclat parfois impressionnant, comme le pensaient encore Buffon et certains astronomes de l’époque, mais des corps célestes beaucoup plus petits. Leur danger n'en était cependant pas nul, loin de là même, si leur taille était kilométrique, car le facteur vitesse était un élément important à prendre en compte. Leur vitesse à la distance de la Terre se chiffre très souvent à plus de 30 km/s, et même plus du double en cas d'orbite rétrograde. Le danger des comètes, présent dans l'esprit des foules incultes depuis toujours, entrait dans celui des astronomes et des mathématiciens, et plus généralement dans celui des autres scientifiques et des érudits non scientifiques. Tous se demandèrent : " Et si Whiston avait raison ? Et si le Déluge avait bien été causé par une comète ? "
Le catastrophisme cométaire, avec l'approche à la Terre de D/Lexell, allait prendre son véritable démarrage, sous une forme plus élaborée, pluridisciplinaire. Mais les créationnistes y trouvaient également leur compte, car comme l'avait expliqué Whiston, les comètes pouvaient être l'instrument de Dieu, pour exécuter certains de ses desseins destructeurs (Déluge, Apocalypse). Leibniz l'avait fort bien rappelé dans ses écrits : nous vivons dans un monde programmé par Dieu, et des catastrophes intermédiaires sont indispensables pour conduire à la perfection finale.

Laplace, un grand astronome catastrophiste

Le premier retour calculé de la comète de Halley, qui passa au périhélie le 12 mars 1759, eut un retentissement extraordinaire parmi les astronomes de l'époque. Pierre-Simon Laplace (1749-1827), notamment, enfant à l'époque des calculs d'Alexis Clairaut (1713-1765), le mathématicien qui mit le problème en équations, fut impressionné par la précision et l'importance de la prédiction, qui mettait fin à des siècles d'obscurantisme. Dans son Exposition du système du monde, Laplace rappelle ce qui a changé (16) :

" Remarquons à l'avantage des progrès de l'esprit humain, que cette comète qui dans le dernier siècle, a excité le plus vif intérêt parmi les géomètres et les astronomes, avait été vue d'une manière bien différente, quatre révolutions auparavant, en 1456. La longue queue qu'elle traînait après elle, répandit la terreur dans l'Europe déjà consternée par les succès rapides des Turcs qui venaient de renverser le Bas-Empire ; et le pape Calixte ordonna des prières publiques, dans lesquelles on conjurait la comète et les Turcs. On était loin de penser, dans ces temps d'ignorance, que la nature obéit toujours à des lois immuables. Suivant que les phénomènes arrivaient et se succédaient avec régularité, ou sans ordre apparent, on les faisait dépendre des causes finales, ou du hasard ; et lorsqu'ils offraient quelque chose d'extraordinaire et semblaient contrarier l'ordre naturel, on les regardait comme autant de signes de la colère céleste. "

Onze ans après le passage de P/Halley, se produisit l'approche record de D/Lexell à la Terre. Comme tous les astronomes de l'époque, Laplace fut très impressionné par la faiblesse de la distance entre les deux astres, car on ignorait encore à l'époque la faible masse des comètes, en aucune mesure comparable à celle des planètes. Il comprit qu'à l'échelle astronomique, des collisions entre la Terre et des comètes étaient inévitables. Laplace devint un catastrophiste convaincu, mais en prenant bien soin de considérer le facteur temps comme un paramètre essentiel :

" Aux frayeurs qu'inspirait alors l'apparition des comètes, a succédé la crainte que dans le grand nombre de celles qui traversent dans tous les sens le système planétaire, l'une d'elles ne bouleverse la Terre. Elles passent si rapidement près de nous, que les effets de leur attraction ne sont point à redouter : ce n'est qu'en choquant la Terre qu'elles peuvent y produire de funestes ravages. Mais ce choc, quoique possible, est si peu vraisemblable dans le cours d'un siècle ; il faudrait un hasard si extraordinaire, pour la rencontre de deux corps aussi petits relativement à l'immensité de l'espace dans lequel ils se meuvent, que l'on ne peut concevoir, à cet égard, aucune crainte raisonnable. Cependant, la petite probabilité d'une pareille rencontre peut, en s'accumulant pendant une longue suite de siècles, devenir très grande. "

Laplace fut un modèle et un inspirateur pour tous les catastrophistes qui allaient suivre, notamment Cuvier et ses disciples. On ne peut être plus clair que dans ce texte célèbre de Laplace qui fait suite au précédent :

" Il est facile de se représenter les effets de ce choc avec la Terre. L'axe et le mouvement de rotation changés ; les mers abandonnant leur ancienne position pour se précipiter vers le nouvel équateur ; une grande partie des hommes et des animaux, noyés par ce déluge universel, ou détruits par la violente secousse imprimée au globe terrestre ; des espèces entières anéanties ; tous les monuments de l'industrie humaine, renversés ; tels sont les désastres que le choc d'une comète a dû produire, si sa masse a été comparable à celle de la Terre. On voit alors pourquoi l'Océan a recouvert de hautes montagnes, sur lesquelles il a laissé des marques incontestables de son séjour ; on voit comment les animaux et les plantes du midi ont pu exister dans les climats du nord où l'on retrouve leurs dépouilles et leurs empreintes ; enfin, on explique la nouveauté du monde moral dont les monuments certains ne remontent pas au-delà de cinq mille ans. L'espèce humaine réduite à un petit nombre d'individus et à l'état le plus déplorable, uniquement occupée pendant très longtemps du soin de se conserver, a dû perdre entièrement le souvenir des sciences et des arts ; et quand les progrès de la civilisation en ont fait sentir de nouveau les besoins, il a fallu tout recommencer, comme si les hommes eussent été placés nouvellement sur la Terre. Quoi qu'il en soit de cette cause assignée par quelques philosophes, à ces phénomènes, je le répète, on doit être rassuré sur un aussi terrible événement, pendant le court intervalle de la vie, d'autant plus qu'il paraît que les masses des comètes sont d'une petitesse extrême, et qu'ainsi leur choc ne produirait que des révolutions locales. Mais l'homme est tellement disposé de recevoir l'impression de la crainte, que l'on a vu en 1773 la plus vive frayeur se répandre dans Paris, et de là se communiquer dans toute la France, sur la simple annonce d'un mémoire dans lequel Lalande déterminait celles des comètes observées, qui peuvent le plus approcher de la Terre ; tant il est vrai que les erreurs, les superstitions, les vaines terreurs et tous les maux qu'entraîne l'ignorance, se reproduiraient promptement, si la lumière des sciences venait à s'éteindre. "

Cette approche de D/Lexell, qui reste à ce jour l'approche record, aura été le premier véritable détonateur sur la réalité possible d'un impactisme et d'un catastrophisme cométaires, si bien popularisés par Laplace, dont l'influence intellectuelle et scientifique était grande à la fin du XVIIIe siècle. D'autres astronomes contemporains de Laplace, comme Jean Sylvain Bailly (1736-1793) (17) et Jérôme Lalande (1732-1807), partageaient des idées assez identiques aux siennes, même s'ils étaient obligés de mettre une sourdine à leurs opinions exprimées. Comme le rappelle le texte de Laplace ci-dessus, Lalande fut ouvertement accusé de faire peur aux gens et de provoquer la panique par ses écrits (!), alors qu'il ne faisait que publier quelques données chiffrées bien réelles (18).
En cette fin de XVIIIe siècle, période révolutionnaire s'il en fût, le "danger extérieur", qui longtemps avait eu une base purement affective, due essentiellement à la peur ancestrale des comètes et à un obscurantisme larvé mais omniprésent, prenait forme et consistance (avec la détermination des causes et des conséquences possibles) grâce à l'appui de quelques scientifiques de renom.

D'autant plus, comme nous allons le voir, qu'après des décennies de doute, et même d'une certaine manière de recul par rapport aux opinions précédentes, la réalité des chutes de météorites allait s'imposer d'une manière irréversible.

Les météorites, des pierres tombées du ciel

Il est utile de parler ici des circonstances qui ont permis de les reconnaître comme une réalité. Un progrès très important, décisif même, qui fut très longtemps contesté et même nié avec véhémence par des savants de grande envergure. Deux noms sont liés historiquement à cette reconnaissance, ceux de Chladni et de Biot, mais on pourrait leur ajouter celui de Pallas qui les précéda dans l'identification d'un objet extraterrestre.

Le refus de croire à une réalité millénaire

Avec l'arrivée du siècle des Lumières, le récit sans cesse renouvelé et actualisé de nombreuses chutes de pierres postérieures à celle, fameuse entre toutes, d'Ensisheim de 1492, devint vite "obscurantisme moyenâgeux" pour tous ces esprits éclairés, philosophes et scientifiques, qui voulaient "refaire le monde", et pour qui il était devenu quasiment indispensable de dénigrer systématiquement toutes les survivances d'un passé obsolète pour paraître moderne.

" Fables de paysans que ces récits, fruit de la superstition, ne cesse-t-on de répéter au XVIIIe siècle ! En 1771, Johann Wolfgang Goethe (1749-1832), qui étudiait le droit à Strasbourg, fit le voyage d'Ensisheim pour examiner la fameuse pierre et couvrit de sarcasmes la "crédulité du genre humain". Il refusa d'y voir autre chose qu'une pierre ordinaire. " (19)

Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, les savants nièrent d'une façon obtuse l'évidence, en maudissant à l'instar de Goethe cette " crédulité du genre humain ". Cette étroitesse d'esprit des savants de l'époque sur ce sujet précis (le siècle des Lumières a heureusement donné lieu à des progrès incontestables dans d'autres domaines) paraît absurde de nos jours, quand on sait que plusieurs dizaines de chutes de météorites ont été recensées pour ce seul XVIIIe siècle (20), dont plusieurs en France (Carpentras en 1738, Nicorps en 1750, Luponnas en 1753, Lucé en 1768, Aire-sur-la-Lys en 1769, Barbotan en 1790 et Salles en 1798). Pourtant, en 1792, dans un rapport à l'Académie des Sciences, le chimiste Lavoisier (1743-1794) affirmait encore, sans aucun complexe, que les aérolithes n'étaient rien d'autre que des pierres ordinaires altérées par la foudre.
Heureusement, des voix discordantes se firent jour. Quelques chercheurs un peu plus clairvoyants se démarquèrent de ce satisfecit général de "modernisme" que se décernaient, un peu facilement, les érudits des Lumières. Ils voulaient rester, eux, sur le strict terrain de l'observation et de l'analyse scientifique, et ne se satisfaisaient pas du credo pseudo-scientifique expliquant que la chute de pierres venant du cosmos (et non pas de l'atmosphère) était une impossibilité physique.
Le premier, le naturaliste d'origine allemande Pierre-Simon Pallas (1741-1811), qui a donné à juste titre son nom aux pallasites, décrivit la célèbre météorite, découverte en 1749 au sud de Krasnojarsk en Sibérie, et dont la masse avoisinait les 700 kg. En 1772, il la fit transporter, non sans mal on s'en doute, de Sibérie à Saint-Pétersbourg. Il comprit vite que cette superbe "éponge de fer" comme il l'appela ne pouvait être que d'origine cosmique.

Un verrou psychologique difficile à briser

En 1794, le physicien allemand Ernst Chladni (1756-1827), après avoir examiné plusieurs rapports concernant notamment la pallasite sibérienne et la sidérite argentine de Campo del Cielo, publia en allemand son fameux petit livre (21), révolutionnaire pour l'époque, dans lequel il apportait les premières preuves chimiques et minéralogiques du caractère exotique (c'est-à-dire extraterrestre) des spécimens étudiés.
La même année, le 16 juin 1794, à 19 heures, succédant à une violente détonation dans l'atmosphère, tombait à Sienne en Toscane, une pluie de petites pierres observée par de nombreux témoins. Là encore l'évidence était flagrante, mais les scientifiques se bouchèrent les yeux. Quatre ans plus tard, le 19 décembre 1798, à 20 heures, c'était au tour de la région de Bénarès, en Inde, d'être le point de chute d'une nouvelle pluie de pierres, faisant suite à l'apparition d'un brillant météore et de détonations dans l'atmosphère, les trois phases ayant des centaines de témoins.
En 1802, le jeune chimiste anglais Edward Howard (1774-1816) (22), après avoir examiné à son tour plusieurs nouveaux objets tombés du ciel (notamment des spécimens de la chute de Bénarès) et mis pour la première fois en évidence la présence de chondres (qui donneront leur nom aux chondrites), confirma que les météorites étaient différentes chimiquement des pierres terrestres et étaient donc d'origine cosmique.
En 1803, trois scientifiques français, Laplace, Jean-Baptiste Biot (1774-1862) et Siméon Poisson (1781-1840), c'est-à-dire un ancien, catastrophiste convaincu comme nous l'avons vu, et deux jeunes sans complexes, conscients qu'il était plus que l'heure de prendre le train en marche, proposèrent une nouvelle hypothèse : ces pierres venues du ciel seraient en fait des éjectas de volcans lunaires qui auraient pu échapper à l'attraction de notre satellite. Cette hypothèse restrictive eut un certain succès et concurrença l'hypothèse purement cosmique au cours de la première moitié du XIXe siècle.
Mais malgré toutes ces observations indiscutables et sans cesse renouvelées, et le réveil bien tardif de quelques-uns, secoués heureusement par la génération montante, la communauté scientifique dans sa grande majorité restait hermétique à cette "révolution des idées" indispensable. Le verrou psychologique anti-météorites aura été l'un des plus difficiles à faire sauter, résistant près d'un siècle aux preuves les plus flagrantes, alors que de nombreuses découvertes importantes, comme celles notamment de la septième planète, Uranus, en 1781, par William Herschel (1738-1822), et de la huitième, Cérès, en 1801, par Giuseppe Piazzi (1746-1826) (23), avaient pourtant montré que le dogme millénaire et intangible des six planètes (les astres errants) n'était rien d'autre qu'un mythe, et que le ciel était en fait beaucoup plus complexe que celui prévu par les Anciens.

1803 : la chute de pierres de L'Aigle, le tournant décisif

Le tournant décisif est associé à la fameuse pluie de pierres de L'Aigle dans le département de l'Orne, en Normandie. C'est elle qui permit enfin la reconnaissance "officielle" des chutes de pierres par la communauté scientifique de l'époque, hostile dans sa grande majorité. Elle eut lieu le 26 avril 1803, à 13 heures. Devant plusieurs centaines de témoins éberlués mais nullement incrédules, 2000 à 3000 pierres tombèrent du ciel, dans une zone elliptique de 11 x 4 km. La plus grosse d'entre elles pesait environ 9 kg, alors que le poids total des fragments récupérés n'excédait pas 37 kg. La grosse majorité des pierres était donc de tout petits fragments, dont beaucoup furent ramassés par les témoins tout de suite après la chute, " alors qu'ils étaient encore chauds et sentaient le soufre ", comme ils le racontèrent à Jean-Baptiste Biot.
C'est ce physicien français, âgé de 29 ans seulement à l'époque, et qui venait juste d'être nommé membre titulaire de l'Académie des sciences, qui fut officiellement chargé par le gouvernement de l'époque, dirigé par Jean Chaptal (1756-1832), qui était avant tout un chimiste et qui s'intéressa personnellement à l'affaire, d'aller enquêter sur place, suite à la chute de pierres, dont l'écho et quelques spécimens étaient parvenus très vite à Paris.
Dans un rapport célèbre (24), publié en 1806 seulement, et constamment utilisé depuis lors par tous les auteurs qui ont traité du sujet, il a raconté en grand détail tout ce qu'il a appris des multiples témoins qu'il a lui-même interrogés et par son enquête minutieuse sur le terrain. Il visita plus de vingt hameaux dispersés dans la zone d'impact et entendit partout la même histoire.

" Le mardi 6 floréal an 11 [26 avril 1803] vers une heure après-midi, le temps étant serein, on aperçut de Caen, de Pont-Audemer et des environs d'Alençon, de Falaise et de Verneuil, un globe enflammé d'un éclat très brillant, et qui se mouvait dans l'atmosphère avec beaucoup de rapidité.
Quelques instants après on entendit à L'Aigle et autour de cette ville, dans un arrondissement de plus de trente lieues de rayon, une explosion violente qui dura cinq ou six minutes.
Ce furent d'abord trois ou quatre coups semblables à des coups de canon, suivis d'une espèce de décharge qui ressemblait à une fusillade ; après quoi on entendit comme un épouvantable roulement de tambour. L'air était tranquille et le ciel serein, à l'exception de quelques nuages, comme on en voit fréquemment.
Ce bruit partait d'un petit nuage qui avait la forme d'un rectangle, et dont le plus grand côté était dirigé est-ouest. Il parut immobile pendant tout le temps que dura le phénomène ; seulement les vapeurs qui le composaient s'écartaient momentanément de différents côtés par l'effet des explosions successives. Ce nuage se trouva à peu près à une demi-lieue au nord-nord-ouest de la ville de L'Aigle : il était très élevé dans l'atmosphère ; car les habitants de la Vassolerie et de Boislaville, hameaux situés à plus d'une lieue de distance l'un de l'autre, l'observèrent en même temps au-dessus de leurs têtes. Dans tout le canton sur lequel ce nuage planait on entendit des sifflements semblables à ceux d'une pierre lancée par une fronde, et l'on vit en même temps tomber une multitude de masses solides exactement semblables à celles que l'on a désignées sous le nom de pierres météoriques...
Les plus grosses pierres sont tombées à l'extrémité sud-est du grand axe de l'ellipse, du côté de Fontenil et de la Vassolerie ; les plus petites sont tombées à l'autre extrémité, et les moyennes entre ces deux points. D'après ces considérations précédemment rapportées, les plus grosses paraîtraient être tombées les premières !
La plus grosse de toutes celles que l'on a trouvées pesait 8,5 kg (17 livres ½), au moment où elle tomba ; la plus petite que j'ai vue et que j'ai rapportée avec moi, ne pèse que 7 ou 8 grammes (environ 2 gros) ; cette dernière est donc environ mille fois plus petite que la précédente. Le nombre de toutes celles qui sont tombées peut être évalué à deux ou trois mois mille...
On en conclura sans le moindre doute que le fait sur lequel ces preuves se réunissent est réellement arrivé, et qu'il est tombé des pierres aux environs de L'Aigle le 6 floréal an 11... "

Biot terminait ainsi son rapport :

" Je me suis borné dans cette relation à un simple exposé des faits ; j'ai tâché de les voir comme tout autre les aurait vus, et j'ai mis tous mes soins à les présenter avec exactitude. Je laisse à la sagacité des physiciens les nombreuses conséquences que l'on en peut déduire, et je m'estimerai heureux s'ils trouvent que j'ai réussi à mettre hors de doute un des plus étonnants phénomènes que les hommes aient jamais observés. "

Biot restait assez prudent dans son rapport. Pour lui, en fait, L'Aigle ne changeait rien, puisqu'il s'était déjà récemment reconverti et penchait avec Laplace et Poisson pour une origine lunaire des météorites. Jeune académicien, il voulait sans doute éviter de se mettre à dos les autres membres plus anciens, et surtout beaucoup plus conservateurs, de l'Académie des sciences qui, eux, avaient déjà fait connaître à maintes reprises leur opinion définitive sur le sujet : " Les météorites ne peuvent pas exister car il n'y a pas de pierres dans le ciel ". Bon gré, mal gré, tous finirent quand même par accepter ce qui ne pouvait plus être nié sans tomber dans le ridicule : la réalité de la chute de pierres sur la Terre. L'Aigle marque, à cet égard, un tournant décisif.
Il faut savoir que cette pluie de pierres, somme toute banale, hormis son importance historique et épistémologique considérable, concernait des chondrites ordinaires de type L6, c'est-à-dire des pierres qui ne pouvaient être différenciées des pierres terrestres que par des spécialistes. Les pierres du ciel ressemblaient comme des sœurs à celles qui jonchent notre planète !

Cuvier, catastrophiste et fixiste

Georges Cuvier (1769-1832), l'un des fondateurs de la paléontologie, est également le plus célèbre représentant de la théorie des catastrophes (on l'a baptisé le "prophète du catastrophisme absolu ") et, avec le naturaliste suédois Carl von Linné (1707-1778), le plus célèbre représentant du fixisme (ou fixité des espèces). Du fait d'une éducation religieuse stricte (il était protestant), Cuvier croyait à la véracité du texte biblique qui excluait toute évolution des espèces. Dès ses premiers écrits, en 1795, alors qu'il avait 26 ans, il fut un partisan convaincu de la doctrine des catastrophes successives, sous l'influence du naturaliste allemand Johann Blumenbach (1752-1840), l'un de ses professeurs à Stuttgart, qui enseignait déjà la théorie des catastrophes en liaison avec celle des "espèces perdues". Cuvier ne fut donc pas le premier, loin de là, à soutenir des idées catastrophistes, mais c'est à lui qu'il revint de donner à cette théorie nouvelle une dimension planétaire.
Il s'inspira également des idées de certains de ses devanciers, notamment de celles de Buffon et surtout de Laplace. Pour étayer sa conception catastrophiste des créations multiples, il dut avoir recours à des "révolutions du globe" au cours desquelles toute vie était supprimée.

" Chacune de ces créations, disait Cuvier, a dû trouver une fin abrupte dans un cataclysme universel. A la suite de sa théorie, Cuvier devait évidemment recourir à une nouvelle échelle des temps géologiques, car 6000 ans c'était bien insuffisant pour une nouvelle création, à plus forte raison pour trois. Heureusement, il trouva une nouvelle échelle qui lui convenait, celle de son compatriote Buffon. Cuvier devait être enchanté de la trouver suffisamment longue pour inclure facilement ses trois créations additionnelles et les cataclysmes qui avaient mis fin à celles-ci.
En substance, la théorie de Cuvier déclarait que Dieu avait créé le monde il y a environ 80 000 ans et le peupla d'animaux de la première création, principalement des poissons et autres habitants des mers et nombre d'amphibiens primitifs. Après le premier cataclysme, une seconde création eut lieu, principalement des reptiles. Mais Dieu n'en fut pas plus satisfait que de la première et, après un second cataclysme, une troisième création eut lieu, consacrée celle-là aux mammifères exclusivement. Finalement, un troisième cataclysme, suivi de la création biblique, amena l'apparition du premier homme et des divers types de plantes et d'animaux que nous connaissons aujourd'hui. Ces derniers étaient destinés à rester sous la domination de l'homme jusqu'à ce que Dieu en sa sagesse décide de répéter l'œuvre de liquidation.
Sans presque s'en douter, Cuvier venait d'établir la théorie des ères géologiques et d'ouvrir la voie aux synthèses qui allaient suivre. Cette tâche fut achevée peu de temps après sa mort par deux hommes parmi les plus illustres dans l'histoire des sciences naturelles, le géologue Charles Lyell et le naturaliste Charles Darwin. "
(25)

Ainsi Cuvier recensait quatre créations différentes, en liaison avec les quatre grandes ères géologiques qui avaient été mises en évidence progressivement par les géologues à la suite d'études nombreuses sur le terrain. Dans son livre classique, Discours sur les révolutions de la surface du globe (26/27), Cuvier a montré que ces "révolutions" ont été nombreuses et subites. Il faut citer quelques extraits, car même si certaines données sont un peu dépassées, le fond reste d'actualité et mérite d'être rappelé.

" ...Les changements dans la hauteur des eaux n'ont pas consisté seulement dans une retraite plus ou moins graduelle, plus ou moins générale ; il s'est fait diverses irruptions et retraites successives, dont le résultat définitif a été cependant une diminution universelle de niveau...
Ces retraites répétées n'ont point toutes été lentes, ne se sont point toutes faites par degrés ; au contraire, la plupart des catastrophes qui les ont amenées ont été subites ; et cela est surtout facile à prouver pour la dernière de ces catastrophes, pour celle qui par un double mouvement a inondé et ensuite remis à sec nos continents actuels, ou du moins une grande partie du sol qui les forme aujourd'hui. Elle a laissé encore dans les pays du Nord des cadavres de grands quadrupèdes que la glace a saisis, et qui se sont conservés jusqu'à nos jours avec leur peau, leur poil et leur chair. S'ils n'eussent été gelés aussitôt que tués, la putréfaction les aurait décomposés. Et d'un autre côté, cette gelée éternelle n'occupait pas auparavant les lieux où ils ont été saisis ; car ils n'auraient pas pu vivre sous une pareille température. C'est donc le même instant qui a fait périr les animaux et qui a rendu glacial le pays qu'ils habitaient. Cet événement a été subit, instantané, sans aucune gradation, et ce qui est si clairement démontré pour cette dernière catastrophe ne l'est guère moins pour celles qui l'ont précédée. Les déchirements, les redressements, les renversements des couches plus anciennes ne laissent pas douter que des causes subites et violentes ne les aient mises en l'état où nous les voyons ; et même la force des mouvements qu'éprouva la masse des eaux est encore attestée par les amas de débris et de cailloux roulés qui s'interposent en beaucoup d'endroits entre les couches solides. La vie a donc été souvent troublée sur cette Terre par des événements effroyables. Des êtres vivants sans nombre ont été victimes de ces catastrophes : les uns, habitants de la terre sèche, se sont vus engloutis par des déluges ; les autres, qui peuplaient le sein des eaux, ont été mis à sec avec le fond des mers subitement relevé ; leurs races même ont fini pour jamais, et ne laissent dans le monde que quelques débris à peine reconnaissables pour le naturaliste... "
(Chapitre : Preuves que ces révolutions ont été subites).

Cuvier n'a jamais voulu varier de sa ligne de conduite, décidée dès la fin de ses études. On se doute bien que cette rigidité intangible masquait mal certaines observations indiscutables contraires à sa théorie et on comprend facilement que le naturaliste Lamarck (1744-1829), son grand rival, adepte du transformisme, qui travaillait, lui, sur les Invertébrés, finit par l'emporter dans leur combat scientifique qui marqua l'histoire des sciences de la première partie du XIXe siècle. Cuvier qui avait en partie raison, sur le volet catastrophisme, s'est fourvoyé lui-même en imposant parallèlement un créationnisme totalement dénué de fondement.
Cette position rigide de Cuvier, son fixisme et le créationnisme qui en découle ont fait beaucoup de tort au catastrophisme, à tel point que le terme même de catastrophisme, qui a collé à la peau de Cuvier pendant 150 ans, doit passer par une période de réhabilitation, que les découvertes actuelles, heureusement, vont permettre de raccourcir au minimum.

Les disciples de Cuvier et les créations multiples

On sait que Cuvier est resté dans le vague (on comprend pourquoi) au sujet des mécanismes qui déterminent l'apparition de nouvelles espèces. Dans certains cas, il suggéra des migrations pour des catastrophes partielles, mais il ne put échapper au processus de créations nouvelles, nécessitant donc une intervention divine, bien qu'il n'ait rien écrit à ce sujet.
Certains de ses disciples franchirent le pas, comme Alcide d'Orbigny (1802-1857), le plus célèbre d'entre eux, qui n'hésita pas à parler de 27 créations indépendantes et successives, correspondant aux 28 étages stratigraphiques qu'il avait mis en évidence à l'occasion de ses travaux géologiques (28). Il considérait qu'à la fin de chacune de ces périodes, la faune existante avait été anéantie par le mouvement prolongé des eaux qui avaient recouvert la Terre.
Ce
s créations multiples, on s'en doute, posaient des problèmes, comme l'a bien noté l'historien de la géologie Gabriel Gohau (29) :

" L'idée même de ces créations dérangeait tout le monde. Les incroyants, bien sûr, n'acceptaient pas ces actes divins renouvelés. Mais les chrétiens stricts n'étaient pas moins gênés, car on ne voyait pas bien Dieu s'y reprenant à plusieurs fois. D'autant que comme le remarque Marcel de Serres (1783-1862), paléontologue et géologue montpelliérain, si l'on admet, d'une part, que les créations sont de plus en plus parfaites, et, d'autre part, qu'elles se poursuivront dans l'avenir, il en résulte que l'homme n'est pas " le terme et le chef-d'œuvre " de la Création divine. "

La religion, dont n'ont jamais voulu s'affranchir des chercheurs du calibre de Cuvier et d'Orbigny, et aussi beaucoup d'autres moins en pointe, a été un fléau qui empêche d'apprécier dans toute leur richesse le travail scientifique de ces savants. En particulier, d'Orbigny est toujours ridiculisé aujourd'hui avec ses 27 créations successives, il est même devenu le prototype du fixiste borné. Mais quand on regarde plus objectivement, en parallèle, ses "créations" avec les étages géologiques correspondants, on se rend compte qu'il avait fort bien compris le problème des discontinuités dans l'histoire de la Terre et la disparition des faunes et des espèces à chacune d'entre elles.
En voulant rajouter un volet religieux à son travail, d'autant plus superflu que totalement dénué de fondement, il a perdu une place honorable dans l'histoire des sciences et a, en contrepartie, gagné malheureusement cette connotation de dérision attachée à son nom pour les siècles futurs. Bonne raison, pour les savants d'aujourd'hui, d'y regarder à deux fois avant d'introduire inconsidérément une divinité quelconque dans leurs travaux. Quand ils sont bons, ces travaux se suffisent largement à eux-mêmes. Le cas de ce pauvre d'Orbigny devrait servir d'exemple.

Parmi les disciples et successeurs importants de Cuvier, il convient de citer également le géologue écossais Roderick Murchison (1792-1871) qui s'intéressa particulièrement aux débuts de l'histoire de la vie. Il découvrit que tous les groupes importants étaient apparus quasi simultanément au début de la période cambrienne. En créationniste convaincu, il pensait que c'était le moment où Dieu avait décidé de peupler la Terre.

Le recul des idées catastrophistes

Le triomphe de l’uniformitarisme

Quoi qu'il en soit, les excès des successeurs et disciples de Cuvier, après ceux de Cuvier lui-même, et leur manque manifeste de discernement, firent un tort terrible à la doctrine du catastrophisme qui perdit rapidement du terrain face à la doctrine concurrente de l'uniformitarisme. Du coup, le catastrophisme, délaissé par les scientifiques, fut récupéré par les milieux religieux, notamment par les fondamentalistes ravis de l'aubaine, pour redonner un peu de tonus et de crédibilité au dogme (au mythe en fait) de la Création. C'est la raison pour laquelle, le catastrophisme avait si mauvaise presse pour les savants de la première moitié du XXe siècle qui ne le considéraient plus que comme un concept religieux et non comme une théorie scientifique. Ce n'est qu'en fin de XXe siècle, qu'il a pu, très progressivement, grâce aux travaux concordants de multiples chercheurs des diverses disciplines concernées, retrouver une connotation réellement scientifique.
On doit à Charles Lyell (1797-1875), le géologue écossais considéré comme l'un des plus grands noms de la géologie, la reconnaissance définitive du temps profond, c'est-à-dire la prise en compte de l'immensité du temps géologique (et astronomique), et qui en définit le concept dans son grand ouvrage classique Principles of geology (3 volumes de 1830 à 1833). C'est la fameuse théorie de l'uniformitarisme. Il postulait sur la base d'observations incontestables que les événements du passé étaient dus aux mêmes causes que celles qui opèrent actuellement, principalement sous l'action d'agents tels que l'eau, le vent et le Soleil. Comme Hutton l'avait laissé entendre quarante ans plus tôt, Lyell affirmait donc que les événements du passé expliquent ceux d'aujourd'hui et que les catastrophes préconisées par Cuvier et d'autres n'ont pas leur place dans l'histoire de la nature et qu'elles n'y ont joué aucun rôle majeur. Il fut le fossoyeur du catastrophisme en tant que théorie scientifique.
Comme l'a rappelé Stephen Jay Gould (1941-2002) dans son livre Aux racines du temps (30) :

" Avec cette magistrale somme de données sur la vitesse et le mode de déroulement des phénomènes géologiques normaux, Lyell fera triompher ses idées et démontrera que l'action lente et continue des causes présentes pouvait, étendue sur une immense durée, produire l'ensemble des événements géologiques (de la formation du Grand Canyon aux extinctions massives). Désormais, ceux qui étudiaient la Terre pouvaient répudier les agents miraculeux rendus indispensables par la compression chronologique de la Bible. La découverte du temps profond dans cette thèse consacre l'une des grandes victoires de l'observation et de l'objectivité sur l'idée préconçue et l'irrationnel. "

La grande victoire de l'observation dont parle Gould n'était en fait que celle dont disposaient les chercheurs de l'époque, c'est-à-dire une observation extraordinairement parcellaire. Quant aux "agents miraculeux", il suffit de comparer les quatre astéroïdes connus à l'époque de Lyell : Cérès, Pallas, Vesta et Junon circulant sagement entre Mars et Jupiter, avec les 4000 géocroiseurs connus en 2010 qui croisent l’orbite terrestre, et dont certains “frôlent” réellement notre planète. C'est aussi cela la relativité du temps. Rejeter le catastrophisme, comme Lyell l'a fait (bien légèrement) pour imposer pour plus d'un siècle un uniformitarisme triomphant, mais qui ne représente qu'un aspect d'un problème beaucoup plus complexe, a fait retarder considérablement la connaissance du monde physique dans lequel nous vivons (il s'était passé la même chose avec le triomphe du géocentrisme de Ptolémée qui a éclipsé pour plus de 1500 ans l'héliocentrisme d'Aristarque de Samos).
Pousser aux oubliettes des données qui paraissent erronées est aujourd'hui encore chose courante. Mais gare au retour de bâton que ne manqueront pas de nous asséner les scientifiques des siècles futurs !
L'irrationnel dont Gould semble accuser les catastrophistes était en fait l'appui malheureux sur la Bible et la théologie dont se prévalaient plus ou moins ouvertement certains chercheurs. Mais leur vision d'un monde discontinu était bien le reflet d'une réalité objective, malheureusement noyée dans un galimatias religieux (fixisme, créations, etc.) associé à l'époque.

Le catastrophisme récupéré par les sectes religieuses

L'abandon progressif, mais irréversible, du catastrophisme par les scientifiques (31), après la victoire de Lyell et de son uniformitarisme, permit à l'irrationnel religieux de marquer des points sérieux, notamment aux Etats-Unis. Les sectes fondamentalistes ont toujours été nombreuses dans ce pays, s'appuyant sur le texte biblique "pur et dur", c'est-à-dire avec une Création datant de 6000 ans, le Déluge et une fin du monde à venir.
L’une des plus célèbres de ces sectes au XIXe siècle fut celle des Millerites (32), du nom de son fondateur et animateur William Miller (1782-1849). Celui-ci s'était persuadé que le Christ devait revenir sur Terre en 1843 (!). Il prêcha la fin du monde à partir de 1831, liée à une comète, reprenant en cela l'idée de Whiston. Il eut de la chance puisque dès 1833, dans la nuit du 12 au 13 novembre, eut lieu l'extraordinaire averse météorique des Léonides (33/34), durant laquelle plus de 200 000 météores furent dénombrés en quelques heures seulement. Il présenta cet inoubliable événement comme un signe avant-coureur, adressé aux hommes par Dieu, du Jour du Jugement dernier attendu pour dix ans plus tard. En 1843 justement, parut une formidable comète dans le ciel et qui frôla le Soleil (35), la fameuse Grande comète de Mars, qui fut visible à l'œil nu en plein jour. Miller triomphait déjà (un peu trop vite !), persuadé que cette comète était celle du Jugement dernier. Malheureusement pour lui, à aucun moment cette belle comète ne s'approcha de la Terre. La fin du monde était encore repoussée à plus tard !
L'exemple des Millerites montre comment les créationnistes purent récupérer à leur profit une théorie abandonnée par les scientifiques eux-mêmes. On comprend mieux pourquoi la notion même de catastrophisme a encore si mauvaise presse.

Notes

1. J.-R. Roy, L'astronomie et son histoire (Masson, 1982).
2. L.M. Celnikier, Histoire de l'astronomie (Lavoisier, 1996).
3. J. Kepler, Le secret du monde (Gallimard, 1984 ; traduction et notes de A. Segonds). Il suffit de lire ce livre de jeunesse de Kepler : le Mysterium cosmographicum, écrit en 1595, à l'âge de 24 ans, et paru l'année suivante à Tübingen, pour comprendre son génie et son anticonformisme. L'histoire des sciences a peu connu de savants du calibre de Kepler.
4. J. Gapaillard, Et pourtant, elle tourne ! Le mouvement de la Terre (Seuil, 1993).
5. G. Gohau, Histoire de la géologie (La découverte, 1987).
6. J. Roger, Pour une histoire des sciences à part entière (Albin Michel, 1995 ; texte établi par C. Blankaert, avant-propos de M.-L. Roger et postface de J. Gayon).
7. La condamnation de Galilée par l'Inquisition en 1633 poussa Descartes à repousser la publication de sa théorie, qui ne pouvait que déplaire à l'Église. Descartes ne se sentait pas l'âme d'un martyr, on le comprend !
8. T. Burnet, Telluris theoria sacra (Théorie sacrée de la Terre) (1680-1689). Cet ouvrage en latin fut publié en quatre volumes. Le premier était consacré au déluge, le deuxième au paradis originel, le troisième à la consomption du monde par le feu dans les temps à venir et le quatrième aux nouveaux cieux et à la nouvelle Terre. En 1691, il parut une version en anglais de cet ouvrage, sous le titre Sacred theory of the Earth.
9. S.J. Gould, Aux racines du temps (Grasset, 1990). Titre original : Time's arrow, time's cycle (1987).
10. G.W. Leibniz, Protogaea (Presses universitaires du Mirail, 1993 ; traduction de B. de Saint-Germain ; édition, introduction et notes J.-M. Barrande). Cette édition moderne du texte de Leibniz a comme sous-titre : " De l'aspect primitif de la terre et des traces d'une histoire très ancienne que renferment les monuments mêmes de la nature ". Ce texte écrit en 1690-91 ne fut publié qu'en 1749.
11. C. Cohen, Le destin du mammouth (Seuil, 1994).
12. G. Gohau, Les sciences de la Terre aux XVIIe et XVIIIe siècles. Naissance de la géologie (Albin Michel, 1990).
13. Tout cela valut à Buffon un sévère rappel à l'ordre de la Faculté de Théologie de la Sorbonne, qui l'obligea à une rétractation. Comme Descartes, un siècle plus tôt, il ne se sentait nullement une âme de martyr, et redoutait surtout en insistant de perdre le bénéfice d'une vie dorée à laquelle, semble-t-il, il était fort attaché. Après cette alerte, Buffon opéra lui-même pour sa sécurité une autocensure de ses écrits pendant plus d'un quart de siècle.
14. J. Roger, Buffon - Les époques de la nature (Editions du Muséum, 1988).
15. D.K. Yeomans, Comets. A chronological history of observation, science, myth, and folklore (John Wiley & Sons, 1991).
16. P.-S. Laplace, Exposition du système du monde (Fayard, 1984 ; collection Corpus des œuvres de philosophie en langue française). Cette réédition du classique de Pierre-Simon Laplace est conforme à l'édition de 1835.
17. Jean-Sylvain Bailly (1736-1793), surtout connu comme homme politique, mêlé de très près à la Révolution (il fut le premier maire de Paris et qu'il finit sur l'échafaud), fut aussi un remarquable astronome qui a écrit plusieurs livres sur l'histoire de l'astronomie. Il croyait fermement aux grands cataclysmes du passé (notamment à celui qui aurait détruit l'Atlantide) et il peut être considéré comme un des grands catastrophistes du XVIIIe siècle. Cuvier l'avait en grande estime.
18. J. Lalande, Réflexions sur les comètes qui peuvent s'approcher de la Terre, 1772.
19. Texte du philosophe Dominique Lecourt dans l'Introduction (p. 12) du livre du météoricien français Michel Maurette, Chasseurs d'étoiles (Hachette - La Villette, 1993).
20. M.H. Hey, Catalogue of meteorites, third edition (British Museum, 1966).
21. E.F.F. Chladni, Ueber den Ursprung der von Pallas gefundenen und anderer ihr ähnlicher Eisenmassen (1794).
22. J.G. Burke, Cosmic debris. Meteorites in history (University of California Press, 1986).
23. En fait, cette huitième planète, la fameuse planète 28 prévue par la loi de Titius-Bode, baptisée Cérès, ne s'avéra n'être qu'un astéroïde, le premier d'une série qui n'aura jamais de fin (plus de 500 000 sont connus en 2010). On sait aujourd'hui qu'une planète unique entre Mars et Jupiter n'a jamais pu exister, les perturbations de la planète géante interdisant une concentration de matière unique. Quelques mini-planètes (des astéroïdes dits primaires) ont existé mais toutes, sauf Cérès, Pallas et Vesta, ont subi des fracturations sévères, desquelles ont résulté des familles d'astéroïdes.
24. J.-B. Biot, Relation d'un voyage fait dans le département de l'Orne, pour constater la réalité d'un météore observé à l'Aigle le 6 floréal an 11 (Mémoires de la classe des sciences, mathématique et physique, Institut National de France, pp. 224-266, 1806). La lecture de ce document, tout au moins dans une forme préliminaire, avait été faite dès 1803 (le 17 juillet) à l'Académie des sciences. Il semble que Biot n'était pas très pressé de publier son rapport, qui obligatoirement allait être diffusé dans le monde entier, puisque celui-ci n'a paru imprimé qu'en 1807 seulement.
25. R. Cunningham, Histoire de la Terre (Payot, 1956). Titre original : A guide to Earth history. Citation pp. 72-73.
26. Ce grand classique du catastrophisme est paru, dès 1812, comme introduction au grand ouvrage de Cuvier sur les ossements fossiles, sous le titre : " Recherches sur les ossements fossiles de quadrupèdes. Discours préliminaire ". Il est paru sous sa forme définitive, en 1825 seulement, sous le titre : " Discours sur les révolutions de la surface du globe et sur les changements qu'elles ont produits dans le monde animal ". Ces deux versions distantes de treize ans sont en fait assez différentes dans la forme. Sur le fond, elles sont quasiment identiques. On sait que Cuvier n'a jamais changé dans sa doctrine jusqu'à sa mort en 1832.
27. Deux rééditions françaises récentes ont traité, l'une de la première version (1812), l'autre de la version définitive (1825). Ce sont respectivement : 1. G. Cuvier, Recherches sur les ossements fossiles de quadrupèdes. Discours préliminaire (GF-Flammarion, 1992 ; présentation, notes et chronologie par P. Pellegrin) et 2. G. Cuvier, Discours sur les révolutions de la surface du globe (Christian Bourgois, 1985 ; préface de H. Thomas et postface de G. Laurent).
28. A. d'Orbigny, Cours élémentaire de paléontologie et de géologie stratigraphique (1849-1852).
29. G. Gohau, Histoire de la géologie, op. cit., citation p. 171.
30. S.J. Gould, Aux racines du temps, op. cit., citation p. 20.
31. C. Babin, Autour du catastrophisme (Vuibert - Adapt, 2005).
32. B.E. Schaeffer, Comets that changed the world, Sky and Telescope, pp. 46-51, may 1997.
33. R. Sanderson, The night of raining fire, Sky and Telescope, pp. 30-36, november 1998.
34. M. Littmann, The heavens on fire : the great Leonid meteor storms (Cambridge University Press, 1998).
35. La Grande Comète de Mars est liée au groupe de Kreutz. Cette famille de comètes est particulièrement caractéristique de la rapide désintégration d'une comète de grande taille, brisée pour s'être approchée trop près du Soleil, et qui en quelques millénaires peut générer plusieurs dizaines de milliers de fragments de toute taille. En une dizaine d'années seulement, la sonde SOHO en a déjà repéré plus d'un millier, tous issus de la même comète mère, connue sous le nom de comète d'Aristote.