CHAPITRE 5

LA MENACE DU CIEL : COMÈTES ET ASTÉROÏDES


Un danger connu depuis la nuit des temps

Les comètes sont connues depuis la plus haute Antiquité (1/2). Elles ont toujours été considérées avec crainte par les peuples anciens et ceux du Moyen Age (3) qui les soupçonnaient, et peut-être pas toujours à tort, d'apporter sur Terre toutes sortes de maladies et notamment la peste.
Leur intérêt auprès des foules les plus ignorantes des choses de l'astronomie est toujours venu, bien sûr, de leur aspect spectaculaire et parfois effrayant. Il suffisait, en effet, de regarder le ciel nocturne avec un minimum d'attention pour détecter ces visiteuses indésirables, dont l'éclat pouvait souvent être comparé à celui des étoiles les plus brillantes.
Les comètes ont fait fantasmer toutes les générations de scientifiques depuis plus de 2500 ans avec l’émergence de la science grecque. Aristote (384-322) a observé, encore enfant, la fameuse comète qui porte son nom. Pline l'Ancien (23-79) a rappelé l’existence de la "comète terrible" qui a ravagé l’Égypte et coloré la mer Rouge. Beaucoup plus tard, c’est William Whiston (1667-1752) qui a fait des comètes l’instrument du Déluge et de la fin du monde à venir.
A toutes les époques, les comètes ont fait peur. La comète, c’est la peur du cataclysme, c’est la peur d’un monde inconnu, c’est la peur du monde extérieur, c’est la matérialisation de la colère divine. Dans son livre sur le sujet, Le retour de la comète, Jean-Marie Homet explique fort bien ce phénomène sociologique, quasiment obligatoire avant l'époque scientifique, et qui a même survécu bien après :

" Les inondations, la sécheresse, les orages, les vents, le froid, la chaleur, la mort des personnages illustres, c’est la comète. Les incendies, les tremblements de terre, les raz de marée, les ouragans, c’est la comète. Les guerres, les défaites, les meurtres, les crimes, les hérésies, c’est la comète. Elle annonce tout, elle informe de tout, elle est la cause de tout. Elle est à la fois la parole et la main de Dieu, courroucé par le comportement des hommes. En effet, la comète est perçue comme le signe de la colère divine et une punition nécessaire. " (4)

Il faut avoir à l’esprit ce parti pris anti-comète (cette peur) venu du fond des âges pour bien comprendre l’importance de la découverte fondamentale de Edmond Halley (1656-1742) : les comètes sont des astres périodiques comme les autres, dont on peut prévoir le retour. Ce fut une véritable révolution épistémologique, en 1759, quand la comète annoncée par Halley réapparut dans le ciel près de la position et dans les délais annoncés.

Anatomie et composition des comètes

Plusieurs milliers de spécialistes, depuis des siècles, ont fait le maximum pour que les comètes soient enfin compréhensibles par les hommes, pour qu’elles laissent déchiffrer les détails cachés de leur anatomie et de leur composition. Ce n’est que dans le dernier quart du XXe siècle que des progrès décisifs ont pu être accomplis, notamment grâce aux sondes spatiales envoyées à la rencontre de P/Halley lors de son passage près du Soleil en 1986.

Les différents modèles de noyaux

On sait depuis longtemps que les noyaux cométaires sont des petits corps célestes, d’un diamètre ordinairement de taille kilométrique ou moins souvent décakilométrique, constitués principalement de glace d’eau, de roches et de poussières dans des proportions variables.
Progressivement, à partir de ce constat sommaire, plusieurs modèles ont été proposés pour répondre aux observations (5/6), sans jamais perdre de vue que, là comme ailleurs en astronomie, la réalité peut être multiple et évoluer avec le temps. Ainsi un noyau "nouveau" est très différent d’un noyau "usé" qui devient progressivement astéroïdal (7) quand il a perdu la quasi-totalité de ses éléments volatils.
On reconnaît actuellement quatre principaux modèles de noyaux. Selon leur configuration, leur densité et leur composition, les conséquences en cas d’impact peuvent être différentes.
Le conglomérat de glaces. C’est le fameux modèle de la boule de neige sale, proposé par Fred Whipple (1906-2004) en 1950. En fait, il s’agirait d’un mélange de glace d’eau, de grains de poussière de toutes tailles, de dioxyde de carbone et d’autres gaz gelés, avec parfois des molécules plus complexes, comme le formaldéhyde et le cyanoacétylène. Selon les spécialistes actuels, les éléments volatils n’existeraient pas sous la forme de glace pure, mais sous celle d’hydrates et de clathrates (8).
L’agrégat de flocons. C’est le modèle fractal, proposé par Bertram Donn en 1985. Des flocons de matière interplanétaire et interstellaire s’agglutinent pour former des corps de taille cométaire.
L’amoncellement de débris primitifs. C’est le modèle de l’empilage progressif de blocs primordiaux et hétéroclites, proposé par Paul Weismann en 1986.
Le modèle mixte : roches + glace collée. C’est le modèle mi-roches/mi-glaces, proposé par Tamas Gombosi et Harry Houpis en 1986 (9), et qui paraît le mieux répondre à la majorité des observations. C’est un agglomérat de particules d’origines diverses, liées entre elles par un "ciment" et qui peuvent retrouver leur autonomie après une fragmentation ou une désintégration. Des parties de comètes (les roches) n’ont pas d’activité cométaire, seules les parties glacées sont soumises à la sublimation.

L’activité des noyaux

Depuis l’observation de P/Halley en 1985-1986, on a eu la confirmation que l’activité cométaire prend naissance dans un nombre limité de zones à la surface du noyau et uniquement du côté tourné (chauffé) vers le Soleil. Cette activité se caractérise par des émissions de matière (poussières) et de gaz à partir des quelques plages actives. Les spécialistes ont noté que les jets se désactivent rapidement lorsque les plages actives retournent dans l’hémisphère non éclairé, du fait d’un phénomène classique de recondensation.
L’activité cométaire est très variable selon l’âge de la comète, ce qui paraît assez logique. Les comètes neuves, même minuscules comme C/Sugaino-Saigusa-Fujikawa (diamètre de 800 mètres seulement), ont une activité maximale pouvant atteindre de 40 à près de 100 % de la surface. P/Halley, comète à mi-vie active, avait une fraction active de 20 % environ à son dernier passage, ce qui n’est pas négligeable. Par contre, les comètes usées, comme P/Schwassmann-Wachmann 1 ou P/Encke, n’ont plus que 1 ou 2 % de surface active. Les comètes à l’agonie (qui sont déjà quasi astéroïdales), comme P/Neujmin 1, P/Tempel 2, P/Arend-Rigaux ou C/IRAS-Araki-Alcock, ont moins de 1 % de surface active. Ces comètes sont presque des comètes mortes, ou seulement en sommeil pour certaines, car un impact peut percer parfois la croûte protectrice accumulée au fil des passages près du Soleil et libérer provisoirement un résidu de matières volatiles. On a quelques exemples de ces "réveils", toujours de courte durée.

La sublimation des éléments volatils

Au fur et à mesure qu’une comète se rapproche du Soleil, son noyau se réchauffe. Vers 600 MK (soit 4,0 UA), les glaces sont sujettes à la sublimation, libérant par là même une quantité variable de gaz et de poussières. C’est ainsi que se forme progressivement la chevelure de la comète dont le diamètre peut approcher 100 000 km, et même plus dans certains cas. Dans un deuxième temps, c’est la queue qui se forme à partir de la chevelure, une queue double, on le sait, l’une dite queue de plasma et l’autre dite queue de poussières.
La sublimation des éléments volatils (10) est la conséquence directe du chauffage du noyau par le Soleil. Ces éléments volatils donnent d’abord des molécules mères (du genre HCN, H2O, CO, CO2, CH3OH, H2CO), qui elles-mêmes se dissocient en molécules filles, qui sont des radicaux, des ions et des atomes (du genre CN, H, OH, O, CO+, C, CO, CH, CH3O). Toute cette matière est libérée dans l’espace et vient enrichir la poussière cosmique au sens large. Quand la sublimation ne peut plus se faire (comètes mortes ou en sommeil), la comète se présente sous la forme d’un astéroïde cométaire qui est le stade final avant la désintégration, ou éventuellement l’impact cosmique.

Les fortes approches des comètes à la Terre

L'apparition des ordinateurs et des logiciels de calcul a facilité d'une manière incroyable le calcul des orbites cométaires, permettant d'atteindre une précision impensable jadis. Il a été possible de calculer toutes les approches à la Terre pour toutes les comètes connues depuis l'Antiquité, mais avec une précision différente selon le nombre d'observations disponibles pour chacune d'entre elles. Pour les comètes anciennes, on doit se limiter souvent à trois ou quatre bonnes observations qui ne permettent d'obtenir que des éléments orbitaux approximatifs, et donc des approches du même ordre. Par contre, pour les approches modernes, ces approches sont souvent connues avec une grande précision.
Les approches sûres recensées à moins de 15 millions de km (= 0,100 UA) de la Terre, ce que l'on considère comme des fortes approches (11) sont rares. On en compte seulement une vingtaine, ce qui est vraiment très peu, et montre bien que les approches serrées des comètes actives à notre planète sont beaucoup plus rares que celles des astéroïdes (astéroïdes cométaires inclus) qui se chiffrent, elles, par milliers par siècle. On connaît également une douzaine d'autres fortes approches possibles antérieures à l'année 1500, mais les éléments orbitaux qui ont servi pour les calculs sont peu fiables.

Historique des huit très fortes approches cométaires à la Terre

Sur les vingt fortes approches certaines recensées, seulement huit sont considérées comme des très fortes approches, inférieures à 7,5 millions de km (= 0,050 UA = 1/20 d'unité astronomique). Ce sont les suivantes (12/13).
1P/Halley. La plus célèbre des comètes est connue depuis l'Antiquité (14/15) et ses trente approches près du Soleil depuis 240 av. J.-C. ont pu être calculées avec précision à partir des années 1970. Elle a eu trois fortes approches, mais une seule très forte, celle du 10 avril 837, date à laquelle elle est passée à 5,0 millions de km de la Terre. Elle était alors un astre superbe dans le ciel, de magnitude –3,5, et fut considérée comme un signe de Dieu par toute une population toujours angoissée par les "prodiges" visibles dans le ciel, à une époque particulièrement obscurantiste. On rapporte que le roi de France de cette époque, Louis le Débonnaire (778-840), fils de Charlemagne, y vit le présage de sa mort prochaine (il dut quand même attendre trois ans !).
55P/Tempel-Tuttle. C'est la comète mère des Léonides, dont on sait qu'elle perd depuis longtemps une partie substantielle de sa matière. Elle a eu deux fortes approches. à la Terre, dont une très forte le 26 octobre 1366 à 3,4 millions de km, sous le règne de Charles V le Sage (1338-1380), tout en ne dépassant pas la magnitude 2.
–- C/1702 H1 (comète La Hire). Cette comète a eu une approche à 6,5 millions de km le 20 avril 1702, qui fut observée par Louis XIV (qui avait créé en 1666 l'Observatoire de Paris pour promouvoir l'observation astronomique) et sa cour. A cette époque, il n'y avait plus de peur panique à l'apparition d'une comète, mais au contraire (tout au moins dans les milieux cultivés) intérêt et même passion. Celle-ci fut spectaculaire (m = –1,3), mais ne fut visible que peu de temps.
C/1743 C1 (comète Grischow). Cette comète à orbite parabolique a eu une approche à 5,8 millions de km le 8 février 1743, sans être vraiment spectaculaire, ce qui signifie qu'il s'agissait d'une comète de taille relativement modeste. Sa très faible inclinaison (i = 2,3°) semble indiquer une origine dans la ceinture de Kuiper.
D/Lexell. Cette très remarquable comète, dont il a été question au chapitre 3, car elle a eu une importance considérable sur les idées de l'époque, détient le record des approches (pour les objets bien connus). Elle s'est approchée à seulement 2,3 millions de km le 1er juillet 1770 et eut une magnitude négative (–1,3). Elle n'est plus accessible actuellement, du fait d'un périhélie proche de Jupiter, mais elle sera peut-être de nouveau observable dans le futur.
3D/Biela. Cette célèbre comète, découverte par l'astronome autrichien Wilhelm von Biela (1782-1856), est la comète mère des Biélides. Elle a eu une très forte approche à la Terre le 9 décembre 1805 : 5,5 millions de km. Il s'agissait d'une comète à courte période qui fut observée auparavant en 1772. Elle a joué un rôle très important dans le renouveau des idées catastrophistes (surtout religieuses), quand à l'occasion de son troisième retour observé, en 1826, Olbers signala pour la première fois qu'elle s'approchait à seulement 28 000 km de l'orbite terrestre et que les deux orbites se coupaient donc pratiquement à l'échelle astronomique, avec les risques possibles de contamination et même de collision que cela comportait à l'occasion de passages ultérieurs. Cette catastrophe quasiment annoncée (et reprise au vol par les nombreux partisans d'une fin du monde imminente) fut évitée puisque, dès 1845, la comète Biela se cassa en deux morceaux avant de se désintégrer complètement et de produire les deux célèbres averses météoriques de 1872 et 1885.
7P/Pons-Winnecke. C'est une comète à courte période très intéressante, connue depuis 1819 mais observée ensuite plus ou moins épisodiquement. Elle a la particularité de subir des modifications orbitales très sévères, notamment la distance périhélique qui a varié de près de 0,50 UA en moins de deux siècles, ce qui est énorme, dues en partie à des perturbations non gravitationnelles importantes. Elle a eu une très forte approche à la Terre le 26 juin 1927, à 5,9 millions de km, tout en restant à cette occasion relativement peu brillante (m = 3,5).
C/IRAS-Araki-Alcock. Cette comète récente est restée célèbre pour s'être approchée à 4,5 millions de km de la Terre le 11 mai 1983, la plus forte approche depuis celle de D/Lexell en 1770. Elle se caractérise par une très forte excentricité (e = 0,99) et une très forte inclinaison (i = 73°) qui rend l'orbite dynamiquement très stable. Elle était quasiment ponctuelle lors de sa découverte et fut même prise pour un astéroïde dans un premier temps. D'abord considérée comme une comète minuscule, du fait de son faible éclat si près de la Terre (m = 1,5), elle a vu son diamètre réévalué par les mesures radar : noyau de l'ordre de 6 km. Cela s'explique par le fait que cette comète est un astre "usé" qui n'émet plus que très peu de poussières. C'est la conséquence de milliers de révolutions autour du Soleil (sa période actuelle est de l'ordre de 1000 ans). D'ici quelques dizaines de milliers d'années, elle deviendra un authentique astéroïde cométaire, avec un demi-grand axe qui n'évoluera probablement pas beaucoup, autour de 100 UA. Tous les 1000 ans environ, elle viendra près du Soleil, et peut-être à nouveau viendra frôler la Terre comme elle l'a fait en 1983.

L'histoire de la comète P/Schwassmann-Wachmann 3

L'histoire de cette comète périodique est très intéressante. Il s'agit d'une comète à courte période (a = 3,06 UA ; P = 5,4 ans ; e = 0,69 et i = 11°) découverte lors de son passage au périhélie en 1930 par les deux astronomes allemands dont elle porte le nom. Elle est passée à 9,3 millions de km de la Terre le 31 mai. On l'a associée par la suite à l'essaim de météores connu sous le sous des Tau herculides qui est actif entre le 19 mai et le 30 juin, avec un pic centré sur le 9 juin.
P/S-W3 s'est brisée sous les yeux des astronomes lors de son retour de 1995. La fragmentation du noyau principal (composants A, B et C) eut lieu autour du 11 novembre, 16 jours avant le passage au périhélie, entraînant un sursaut d'éclat de 6 magnitudes très spectaculaire. Le fragment E s'est séparé du fragment B autour du 16 décembre. Ce fragment s'est désintégré lors du passage suivant en 2001.
La surprise est venue avec le nouveau passage près du Soleil en 2006. Les fragments principaux se sont littéralement "émiettés", sous l'effet des perturbations plus fortes dues à la Terre et au Soleil. Et, phénomène extraordinaire, jamais vu auparavant, c'est une soixantaine de mini-comètes, dont certaines ne dépassaient pas 50 mètres de diamètre, qui se sont succédé près de la Terre entre le 12 et le 28 mai. Certains fragments se sont désintégrés en nuages de poussière cosmique. Les deux fragments principaux sont passés au plus proche de la Terre à deux jours d'intervalle, le fragment C le 12 mai à 11,8 millions de km, et le fragment B le 14 mai à 10,0 millions de km. Les autres fragments ont eu des approches de même grandeur.
Cette désintégration inespérée à proximité de la Terre a naturellement été mise à profit par les astronomes pour étudier en détail ce processus naturel que constitue la mort d'une comète. Combien de fragments vont-ils survivre et effectuer quelques révolutions supplémentaires autour du Soleil ? Dans 100 ans, P/S-W3 n'existera probablement plus en tant que comète. Mais l'histoire n'est pas encore finie pour autant. Et on annonce déjà l'épisode suivant, un spectacle grandiose pour le 31 mai 2022 : le passage de la Terre à travers la traînée de poussières des passages cumulés de 1882, 1897 et surtout 1995, année de la première fracturation, à seulement 60 000 km (= 0,0004 UA) de la trajectoire centrale des particules cométaires. Compte tenu de la jeunesse et de l'abondance de ces poussières, cette rencontre devrait déboucher sur une "tempête météorique" semblable à celles provoquées dans le passé par les Léonides.

Les éléments orbitaux des comètes qui ont frôlé la Terre

L'examen des éléments orbitaux des comètes qui ont frôlé la Terre donne des indications intéressantes sur les orbites (11). Il faut noter une particularité importante : toutes les catégories de comètes peuvent générer des approches serrées, aussi bien des comètes de type Halley, que des comètes périodiques à longue période et des comètes à orbite parabolique de différents types : à faible inclinaison, à inclinaison moyenne ou forte et à inclinaison rétrograde (> 90°).
Plusieurs de ces comètes à longue période seront capturées par les grosses planètes dans l'avenir (surtout par Jupiter) à l'occasion d'approches futures dans le Système solaire intérieur. Elles verront donc leur période diminuer, et leur orbite (quasi) parabolique se transformer progressivement en orbite elliptique à moyenne, puis courte période.

Comètes à courte période et astéroïdes cométaires

Les comètes à courte période perdent continuellement de leur matière. De ce fait, elles deviennent rapidement à l'échelle astronomique, et d'autant plus vite que leur période de révolution et leur distance périhélique sont faibles et leur diamètre petit (formule de Öpik (16)), des objets astéroïdaux : des astéroïdes cométaires. Sauf celles, naturellement, qui disparaissent par désintégration comme D/Biela, qui n'a pas survécu à une première fragmentation simple, ou par émiettement progressif du fait d'un noyau "solide" à faible cohésion, conséquence d'une configuration structurale de mauvaise qualité.
Quand on parle de comètes, il faut donc bien prendre en compte deux épisodes successifs de leur vie, d'abord une phase active, ensuite une phase astéroïdale. Ces astéroïdes cométaires continuent d'avoir de fortes approches à la Terre (et aux autres planètes), en nombre beaucoup plus important que durant leur courte vie de comète active. On sait en effet depuis longtemps que la phase inactive finale peut être 1000 fois plus longue que la phase active initiale.
On connaît plus de 7000 NEA en 2010. Parmi ceux-ci, un nombre très significatif (le pourcentage de 25 % donné dans les années 1970 paraît insuffisant et pourrait en fait atteindre les 40 %) concerne des astéroïdes cométaires. De tels objets peuvent parfois être repérés, de trois manières : 1/ par leurs éléments orbitaux (excentricité et/ou inclinaison cométaire) ; 2/ par leur association avec des familles de météores ; 3/ par leur type physique particulier (D ou C notamment).
Ainsi on connaît des objets à très courte période qui sont probablement d'anciennes comètes et qui continuent de frôler la Terre plus ou moins épisodiquement. On voit bien qu'en fait la distinction entre astéroïdes et comètes ne se justifie que par certains points incontestables (origine, apparence cométaire, constitution physique...), mais une fois le dégazage terminé, les choses deviennent moins évidentes.
Le problème des approches est un de ces dilemmes. Doit-on considérer les approches des astéroïdes cométaires comme des approches d'astéroïdes ou comme des approches de comètes ? La réponse n'est pas forcément évidente pour les spécialistes, car ils savent bien que l'impactisme cométaire et l'impactisme astéroïdal ont des conséquences différentes, du fait de la composition des divers objets. Un astéroïde ferreux ou rocheux n'a pas les mêmes caractéristiques qu'une simple boule de glace ou qu'un pseudo-noyau de particules hétéroclites plus ou moins bien agglomérées.

Le dénombrement des comètes

Plusieurs listes d'apparitions cométaires ont été publiées à partir du XVIIIe siècle. Depuis les années 1970, un catalogue de comètes, le Catalogue of cometary orbits (17), publié par le Minor Planet Center, sous la double signature de Brian Marsden (1937-2010) et Gareth Williams, est constamment mis à jour, et les orbites des comètes nouvelles, mais aussi des anciennes, sont calculées avec le plus grand soin. En ajoutant les divers retours des comètes périodiques, on aboutit actuellement à un nombre de plusieurs milliers d'apparitions différentes.
Il est certain que le nombre de comètes actives existant dans le Système solaire est extrêmement élevé. On cite, en général, le nombre approximatif de 100 milliards d'objets différents. On connaît deux grands réservoirs de comètes, tous deux très différents et tout à fait inépuisables : le nuage de Oort et la ceinture de Kuiper.
Une fraction très faible de ces 100 milliards de comètes peut, suite à des perturbations stellaires qui se produisent de temps à autre, venir au voisinage du Soleil et de la Terre. Parmi celles-ci, seule une petite partie est susceptible d'être capturée par les grosses planètes (surtout par Jupiter) et donc de devenir des comètes périodiques. Mais compte tenu du réservoir de base extrêmement important, la très faible partie de comètes concernées se chiffre encore par millions. Elles ont été dans le passé, sont actuellement et seront dans l'avenir susceptibles de devenir, pour une période assez courte à l'échelle astronomique, des éléments permanents du Système solaire intérieur.
D'abord comètes actives durant quelques milliers ou dizaines de milliers d'années, puis pour certaines d'entre elles astéroïdes cométaires pendant quelques millions d'années, ces objets capturés pourront frôler la Terre, ou l'une ou l'autre des planètes voisines, et participer à leur manière, différente de celle des astéroïdes authentiques, à l'impactisme planétaire.

Les orbites des comètes

Les comètes observables de la Terre parcourent des orbites qui sont soit elliptiques (e < 1,0), soit paraboliques (e = 1,0), soit légèrement hyperboliques (e > 1,0). Les inclinaisons ont toutes les valeurs possibles entre 0 et 90° (orbites directes) et 90 et 180° (orbites rétrogrades), en opposition avec les orbites planétaires qui sont toujours directes, avec un maximum de 17° pour Pluton, devenu planète naine en 2006.
Par convention, on appelle comètes à courte période, celles qui ont leur période de révolution P inférieure à 200 ans. Les comètes à très courte période sont celles qui ont P inférieure à 12 ans, valeur de la période de Jupiter, la planète géante, de loin la plus massive et par conséquent la principale responsable de leur capture, même si l'influence de Saturne, Uranus et Neptune n'est pas négligeable pour autant.
Ce phénomène de capture (18) a été étudié par simulation sur ordinateur et il est maintenu bien connu. Les comètes à courte période ne peuvent exister qu'à partir d'orbites primitivement extérieures à celle de Neptune, à partir des deux "réservoirs" différents : le nuage de Oort et la ceinture de Kuiper. Au début des années 1970, Edgar Everhart (1920-1990) a montré que la majorité des comètes capturées avec une courte période ont une faible inclinaison (i < 9°) et une distance périhélie originelle (c'est-à-dire en entrant pour la première fois dans le Système solaire intérieur) proche de l'orbite de Jupiter (probablement entre 4,0 et 6,0 UA). Ce volume d'espace voisin de Jupiter, mais cependant relativement vaste, est appelé zone de capture et a été retenu par Everhart pour ses tests et ses simulations.
Cependant, depuis les travaux de Everhart, les choses se sont compliquées dans la mesure où les astronomes ont bien compris la réalité d'une double source pour les comètes, et aussi l'existence d'une nouvelle catégorie de comètes-astéroïdes. Ces objets de Kuiper passent la majorité de leur vie dans la ceinture de Kuiper, mais leur orbite évolue à la suite de perturbations catastrophiques et ils sont propulsés sur des orbites plus petites. Certains de ces objets mixtes, dont le diamètre dépasse couramment 100 km, passent souvent par une étape intermédiaire : l'étape centaure (du nom des premiers objets connus : Chiron et Pholus) (19).

La comète la plus dangereuse : P/Swift-Tuttle

L’histoire d’une comète imprévisible

P/Swift-Tuttle a été découverte le 16 juillet 1862, avec une magnitude 7,5, par Lewis Swift (1820-1913) et, indépendamment le 19 juillet, par Horace Tuttle (1837-1923), deux astronomes américains. Très spectaculaire tout l’été 1862, elle atteignit la magnitude 2 début septembre, avec une queue de 25 à 30°, avant de décliner rapidement et de disparaître définitivement le 31 octobre. Quatre ans plus tard, Giovanni Schiaparelli (1835-1910) démontra que le fameux essaim météorique des Perséides est associé à cette comète, ce qui signifie qu’elle est en mesure, parfois, de passer très près de la Terre.
Plusieurs spécialistes de l’époque calculèrent l’orbite de P/Swift-Tuttle qui s’avéra être rétrograde. Sa période était de l’ordre de 120 ans, avec un périhélie à 0,96 UA, une excentricité voisine de 0,96 et une inclinaison de 114°. Son prochain retour était donc attendu pour le début des années 1980.
En 1973, Brian Marsden reprit toutes les données concernant cette comète (22) pour préparer son prochain passage. Il rechercha parmi les comètes anciennes celles qui pouvaient correspondre à d’anciens passages de P/Swift-Tuttle. Il retint comme candidat possible la comète Kegler 1737 II, observée en Chine du 2 au 16 juillet 1737. Pour que cette liaison fût possible, il était nécessaire d’envisager des forces non gravitationnelles exceptionnelles, forces, on le sait, dues à l’activité propre du noyau. Cette identification, seulement possible en 1973, conduisait à une période de révolution nettement supérieure à celle envisagée : 130 ans au lieu de 120. Dix ans d’écart, c’est beaucoup, aussi l’identification restait alors très incertaine.
Marsden postulait pour des passages antérieurs en 1610 (à l’époque de Kepler et Galilée), 1479, 1348, et 1213 et beaucoup plus anciennement en 188 et –68, ces deux années correspondant à des observations de comètes qui pouvaient correspondre à Swift-Tuttle, ce qui n’était pas le cas pour les quatre autres, pour lesquelles aucune comète connue avec une orbite analogue n’avait été signalée.
Ce n’est que le 26 septembre 1992, alors qu’on ne l’attendait plus, que Tsuruhiko Kiuchi, un amateur japonais, retrouva la comète avec une magnitude de 11,5, alors qu’elle était circumpolaire dans la Grande Ourse.

L’importance des jets cométaires et les forces non gravitationnelles

En 1981, l’expert américain Zdenek Sekanina (23) étudia les nombreux dessins effectués en 1862 pour déterminer la rotation du noyau et pour analyser la nature des diverses structures observées par les spécialistes de l’époque, notamment les fameux jets associés aux zones actives. La période de rotation du noyau fut établie à 2,77 jours et huit zones actives différentes furent repérées, cause de perturbations non gravitationnelles sans cesse variables et donc imprévisibles à moyen terme.
Par contre, pour l’approche de 1992, pour laquelle la comète ne s’approchait pas à moins de 1,1 UA de la Terre, les spécialistes, pourtant beaucoup mieux équipés que leurs prédécesseurs du siècle dernier, n’ont décelé que deux jets : un fort, très spectaculaire et un faible (24).
De nombreuses observations ont confirmé que les noyaux cométaires sont des corps très hétérogènes dans lesquels des régions très sombres (albédo 0,02 à 0,05) côtoient des zones plus brillantes et actives, appelées parfois plages, souvent très petites, d’où sont émis d’une façon irrégulière des gaz et des poussières. Les zones sombres, elles, ne sont jamais actives.
On comprend beaucoup mieux maintenant le principe des comètes en sommeil : les gaz et les poussières ne peuvent s’échapper que des plages actives, ceux existant sous les régions sombres, protégés par une croûte (d’abord peu épaisse mais qui peut devenir progressivement une véritable carapace) de silicates, peuvent restés bloqués des milliers d’années. C’est ce qui a dû se produire pour P/Encke, redevenue active il y a quelques siècles seulement, probablement à la suite d’un impact dans l’espace.
Les forces non gravitationnelles sont également mieux comprises. On sait qu’à long terme elles sont obligatoirement éphémères, mais on sait aussi qu’à court terme elles sont épisodiques, cessant dès que la comète s’éloigne à plusieurs unités astronomiques du Soleil. Pour les comètes à longue période, le processus de dégazage complet doit se poursuivre sur une période se chiffrant en millions d’années, et non en milliers comme c’est le cas pour les petites comètes à courte période.

Le futur d’une comète à risque

L’importance des forces non gravitationnelles de P/Swift-Tuttle est compatible avec un noyau solide de l’ordre de 5 km, ce qui n’est pas négligeable, même si l’on est loin des 40 km de Hale-Bopp, diamètre au demeurant rarissime pour les comètes connues.
C’est au niveau des apparitions futures que P/Swift-Tuttle trouve son intérêt. Marsden a calculé une très forte approche pour le mois de juillet 2126, c’est-à-dire lors du prochain passage. Compte tenu de l’irrégularité et de l’importance des forces gravitationnelles, il est exclu de toute manière de prévoir les circonstances exactes et précises de l’approche de 2126. On a parlé, prématurément et imprudemment, d’impact possible, mais cela est peu vraisemblable. Ce qui est sûr c’est que cette comète pourrait s’avérer très dangereuse au cours des siècles prochains.
Cela bien sûr fait déjà fantasmer les prophètes et charlatans de tout poil qui attendent depuis longtemps l’objet cosmique capable d’engendrer le jugement dernier annoncé dans l’Apocalypse. On imagine : une comète de 5 km avec une vitesse de 60 km/s ! Avec une densité de 1,0, cela fait une énergie d’impact de 1,2 x 1023 joules, une superbe fin du monde annoncée. Du papier à vendre en perspective, des gogos à terroriser.
Pour désamorcer cette pseudo-fin du monde cométaire, il sera à nouveau question de P/Swift-Tuttle au chapitre 8 consacré aux fausses pistes. En effet, il ne faut pas confondre approche très serrée, et même orbite de collision, avec impact obligatoire. Ce n’est pas la même chose. Il est heureux que personne n’ait prévu, en 1983, l’approche très serrée de C/IRAS-Araki-Alcock, comète de 6 km de diamètre. Ç’eût été une panique digne du Moyen Age.

Les astéroïdes : le vrai danger

On sait que le Système solaire se compose principalement du Soleil, des planètes et de leurs satellites. Mais on connaît également quatre grandes catégories d'objets secondaires qui sont plus ou moins liées entre elles : les astéroïdes, les comètes, les météorites et les poussières.
Les astéroïdes ou petites planètes (25) sont des petits objets qui circulent principalement entre les orbites de Mars et de Jupiter, les quatrième et cinquième planètes par ordre d'éloignement du Soleil, mais aussi en deçà et au-delà de cette ceinture principale, notamment dans la ceinture de Kuiper. On en connaît plusieurs centaines de milliers (26), découverts visuellement jusqu'en 1892 par les chasseurs d'astéroïdes, sur des plaques photographiques ensuite jusqu'au milieu des années 1980 et depuis avec des caméras CCD couplées avec des télescopes. Mais surtout, on sait depuis longtemps qu'ils existent par dizaines de millions (27).
Dans la ceinture principale, leurs diamètres varient de quelques mètres à 940 km pour le principal d'entre eux, Cérès, qui est aujourd'hui catalogué aussi comme une planète naine et qui est connu depuis 1801 (28). Dans la ceinture de Kuiper, dont font partie Pluton et Charon, on connaît des astéroïdes, les KBO (sigle de Kuiper-Belt Objects), les objets de Kuiper en français, qui dépassent les 1000 km de diamètre. Les trois principaux sont Haumea, Makemake et surtout Eris dont le diamètre pourrait être supérieur à 2500 km. Tous les trois et Pluton sont catalogués comme planètes naines depuis 2006 (29).
On sait maintenant qu'il y a continuité entre l'espèce planète et l'espèce météorite (30), puisqu'il y a tous les intermédiaires possibles, que l'on appelle parfois des météoroïdes. Le Système solaire est donc peuplé de milliards d'objets de toutes tailles, avec bien sûr une prépondérance marquée pour les petits objets. Il est important d'insister sur ce point fondamental : le Système solaire n'est pas un système propre, avec son étoile, ses huit planètes (depuis que Pluton a été rétrogradé comme planète naine) et quelques dizaines de satellites. Il est sillonné par toutes sortes de débris qui se meuvent sur des orbites qui peuvent être beaucoup plus excentriques que celles des grosses planètes. Ces débris ont donc des possibilités d'approches aux astres principaux et les collisions sont fréquentes à l'échelle astronomique.
Les astéroïdes ont joué, et jouent encore, un rôle important dans le Système solaire et ils sont, avec les comètes, la clé de l'impactisme planétaire, dont l'impactisme terrestre n'est qu'un cas particulier, celui qui concerne notre planète. Les milliers de clichés transmis par les sondes spatiales ont montré la réalité de cet impactisme planétaire, puisque toutes les planètes et tous les satellites à surface solide, sauf ceux dont la surface est constamment renouvelée par des phénomènes internes (notamment Io et Europe, deux des quatre gros satellites de Jupiter), sont criblés de cratères d'impact de toutes tailles et de tous âges.

Définitions des différentes catégories d’objets

Des objets plus ou moins dangereux

Il est nécessaire de rappeler quelques définitions concernant les sigles et les types. On appelle NEA (sigle de Near-Earth Asteroids), les astéroïdes proches de la Terre en français, ceux qui ont une distance périhélique inférieure à 1,30 UA. Le statut de NEA dépend donc uniquement de cette particularité. On a découvert le 7000e NEA en juin 2010, et on sait qu'il en existe plus de 100 000 en mesure d'être repérés au cours des années et des décennies à venir.
On appelle EGA (sigle de Earth-Grazing Asteroids), les astéroïdes qui frôlent la Terre en français, ceux qui ont une distance minimale à l'orbite terrestre inférieure à 0,100 UA, soit 15 millions de km en chiffres ronds. 60 % des NEA répertoriés en 2010 sont aussi des EGA, parmi lesquels, évidemment, de très nombreux astéroïdes minuscules (moins de 130 mètres de diamètre) qui ne sont décelables que parce qu'ils s'approchent fortement de la Terre. On en connaît plus de 4000 en 2010.
Ces deux appellations recouvrent des données différentes : la valeur du périhélie (q < 1,30 UA) pour les premiers et la distance minimale à la Terre (Dm < 0,100 UA) pour les seconds.
On appelle PHA (sigle de Potentially Hazardous Asteroids), les astéroïdes potentiellement dangereux (pour la Terre) qui ont une distance minimale à l'orbite terrestre < 0,050 UA (7,5 millions de km) et H < 22,1 (soit plus de 130 mètres de diamètre moyen pour un objet silicaté de type S, mais avec une fourchette de 100 à 200 mètres selon le type physique et l'albédo) . Ce sont eux que l’on cherche à recenser d’une manière quasi exhaustive afin de les détruire (ou les détourner) si le besoin s’en faisait vraiment sentir. Les statistiques montrent que 1 NEA sur 6 est aussi un PHA, ce qui est un pourcentage très important. On en connaît plus de 1100 en 2010.

Trois types orbitaux différents

Depuis 1979, on reconnaît trois types différents de NEA :
– le type Aten concerne les NEA qui circulent en moyenne à l'intérieur de l'orbite terrestre (a est inférieur à 1,000 UA) ;
– le type Apollo concerne les NEA qui pénètrent à l'intérieur de l'orbite terrestre au périhélie (a est supérieur à 1,000 UA et q est inférieur à 1,000 UA) ;
– le type Amor concerne les NEA dont le périhélie se trouve entre 1,000 et 1,30 UA).
Seuls les NEA des types Aten et Apollo peuvent croiser l'orbite terrestre. Ce sont les Earth-crossers. En français, on les appelle les géocroiseurs.
Il est important de signaler que plusieurs objets de type Amor deviennent à certaines époques de type Apollo, du fait de l'augmentation de leur excentricité qui leur permet d'avoir q < 1,000 UA, et inversement des objets de type Apollo deviennent de type Amor. Quelques objets dont le mouvement est en libration avec celui de la Terre passent également du type Aten au type Apollo et inversement. Leur demi-grand axe est légèrement inférieur ou supérieur à a = 1,000 UA selon les époques. La classification en trois types n'est donc valable que pour la période actuelle.
En 2010, on connaît près de 600 NEA du type Aten (8 % du total), plus de 3500 du type Apollo (50 % du total) et plus de 2900 du type Amor (42 % du total). Ces pourcentages restent relativement stables.

Composition et origine des NEA

La composition physique des NEA

Depuis le début des années 1970, les astronomes ont obtenu un résultat fondamental : l'existence de plusieurs types physiques d'astéroïdes (31), que l'on peut associer avec certains types de météorites bien connues. Ce résultat est dès plus logique dans la mesure où l'on sait qu'il y a continuité entre les deux espèces. On a recensé une quinzaine de types physiques différents (32).
Les types S (objets silicatés) et C (carbonés) sont les principaux, mais on trouve des NEA dans certains autres, notamment M (métalliques) et V (objets originaires de Vesta). Les NEA cométaires sont principalement de type C ou D, mais il semble bien que certains soient de type S, car ils pourraient être recouverts d’une fine couche silicatée. On voit que les choses sont loin d’être simples et les surprises à venir nombreuses. On se pose aussi la question de savoir si certains NEA d’origine cométaire, récemment injectés dans le Système solaire intérieur, pourraient être totalement composés de glace.

Une origine double pour les NEA

A la lumière de tous les travaux entrepris depuis le début des années 1970, on sait d'une manière certaine qu'une double solution s'impose pour l'origine des NEA : une origine planétaire et une origine cométaire. En fait, à ces deux origines bien distinctes, on en ajoute une troisième qui cohabite avec les deux autres : les objets mixtes, qui sont à la fois planétaires et cométaires.
On a longtemps pensé que les NEA planétaires existaient dans une proportion de 3 sur 4 (soit 75 %), pour 1 sur 4 (soit 25 %) cométaire (33). Aujourd'hui, ce rapport est considéré comme trop fort. Les spécialistes, dans leur majorité, penchent plutôt pour un rapport 60/40, le nombre des objets d'origine cométaire ayant été probablement sérieusement sous-estimé.
Les NEA planétaires sont considérés comme des objets issus de la fragmentation, relativement récente (car pratiquement aucun NEA n'a une espérance de vie supérieure à 100 millions d'années contre 4,6 milliards d'années au Système solaire) d'astéroïdes de l'anneau principal (2,06-3,58 UA) qui, à l'origine ne venaient pas à l'intérieur de l'orbite de Mars.
Les NEA cométaires sont considérés comme des noyaux de comètes ayant perdu tous leurs éléments volatils. Dans certains cas, il peut s'agir de comètes en sommeil, pour lesquelles le noyau est provisoirement inactif car entouré d'une "carapace" de poussière ou de substance opaque qui empêche toute activité de type cométaire. On sait que l'espérance de vie active des comètes à très courte période (moins de 12 ans) est extrêmement courte à l'échelle astronomique. Elle se chiffre en dizaines de milliers d'années pour des noyaux de taille kilométrique et en milliers d'années seulement pour ceux de taille hectométrique. Les noyaux de comètes survivent donc ensuite avec un aspect astéroïdal pendant plusieurs millions d'années, si le noyau est suffisamment résistant pour éviter la fragmentation ou l'émiettement à l'occasion d'approches serrées aux planètes.
On dispose aujourd'hui de quelques éléments d'appréciation pour distinguer les deux populations qui cohabitent aussi bien dans les trois types de NEA : Aten, Apollo et Amor. On pense notamment que les types physiques S, M et V concernent les vrais astéroïdes et les types C et D les noyaux cométaires. Mais on se base également sur les éléments orbitaux, une très forte excentricité et une très forte inclinaison étant un indice d'origine cométaire. On pense que la grande majorité des nombreux NEA présentant de fortes variations dans leur courbe de lumière sont des vestiges d'objets brisés lors de collisions. A tort ou à raison, les astronomes croient encore (malgré P/Halley) que les noyaux cométaires sont à peu près sphériques en règle générale (ce qui entraîne des exceptions) et qu'ils ne présentent que de minimes variations d'éclat.
Le nombre important de comètes actives à très courte période observées oblige à admettre un nombre de NEA cométaires très élevé, 100 000 de plus de 100 mètres de diamètre moyen d'après les chiffres retenus actuellement (250 000 NEA et 40 % d'origine cométaire). Cependant, il faut signaler que l'on ignore encore la proportion exacte de comètes ayant un vrai noyau solide (34), capables de survivre sous forme d'astéroïdes en évitant la sublimation totale de leurs matériaux (glace et gaz gelés notamment), ainsi que la fragmentation, phénomène assez courant pour les comètes.

Ce problème de la double origine pour les NEA est très important. Compte tenu d'une composition et d'une densité différentes, les conséquences ne sont pas les mêmes quand la Terre entre en collision avec un vrai astéroïde ou un noyau de comète.

Les diamètres des NEA

Les NEA sont de très petits objets comparativement aux grosses planètes et même aux astéroïdes principaux qui ont plus de 100 km de diamètre. On calcule leur diamètre avec plusieurs techniques, et surtout en liaison avec leur magnitude absolue H (35) et leur albédo qui est fonction du type physique et de caractères propres à chaque objet.
Parmi les NEA connus, trois seulement dépassent 15 km de diamètre moyen. Il s'agit de Ganymed, de loin le plus gros, qui a autour de 40 km, d'Eros qui a 23 km de diamètre moyen et de Don Quixote, un astéroïde cométaire de 20 km environ. Tous les trois sont du type Amor et ne présentent aucun danger pour la Terre pour la période actuelle.
Quelques autres NEA des types Apollo et Amor ont entre 5 et 10 km, comme Ivar, Sisyphus et Betulia. Dans la gamme des diamètres compris entre 1 et 5 km, on trouve des objets comme Alinda, Toro, Toutatis, Midas, Phaethon, Geographos, Apollo, Icarus et Hermes et plusieurs centaines d'autres.
On connaît, bien sûr, une multitude d'objets plus petits, avec un diamètre de quelques centaines de mètres. Dans cette gamme de diamètres, on peut citer Amor, Nereus, Asclepius, Orpheus, Quetzalcoatl, et surtout Apophis qui va venir nous rendre visite de très près (30 000 km seulement) en 2029.

Des astéroïdes minuscules (moins de 100 mètres) sont découverts quasiment chaque semaine. Plusieurs dizaines de milliers peuvent être découverts avec les moyens actuels mis en oeuvre par les surveys spécialisés et les NEA repérés ne sont des objets parmi d'autres. Dans le bas des diamètres, on découvre aujourd'hui des objets qui ont moins de 10 mètres. Ce sont de simples "poussières" à l'échelle astronomique. Beaucoup ne seront jamais réobservés.

Le nombre total probable de NEA

Il existe plusieurs méthodes pour calculer le nombre de NEA, et chaque spécialiste a la sienne. Si les résultats peuvent varier dans le détail, une constante ressort inévitablement : leur nombre total est très élevé, et les objets sont d'autant plus nombreux qu'ils sont petits.
On peut calculer le nombre de NEA comme un sous-produit de la distribution des magnitudes absolues (35). On sait depuis longtemps que l'on photographie, et donc qu'il existe, trois fois plus d'astéroïdes chaque fois que l'on augmente d'une magnitude. Cette méthode donne de bons résultats pour les magnitudes brillantes pour lesquelles la grande majorité des objets sont déjà découverts.
En 1982, dans La Terre bombardée, je donnais le nombre de 60 000 pour les NEA de plus de 100 mètres de diamètre moyen et celui de 30 000 (50 % du total) pour les EGA. Ces chiffres correspondaient aux connaissances de l’époque. Il s’est avéré que le nombre de NEA a été très longtemps sous-estimé. L’introduction de méthodes modernes de détection a chamboulé l’ancienne vision et a logiquement débouché sur une nouvelle estimation, revue nettement à la hausse, du nombre de NEA et d’EGA.
Les chiffres à retenir sont les suivants :

          objets de 5 km          NEA = 20                    EGA = 10
          objets de 1 km          NEA = 1500                EGA = 750
          objets de 500 m        NEA = 20 000             EGA = 10 000
          objets de 100 m        NEA = 250 000           EGA = 125 000
          objets de 50 m          NEA = 20 000 000      EGA = 10 000 000
Ainsi, on voit que pour les objets de 100 mètres, les anciennes estimations ont été multipliées par 4,2, ce qui d’ailleurs n’est pas énorme. Pour les objets les plus brillants, il n’y a que très peu de changements. C’est au niveau des objets minuscules que la progression est spectaculaire. En fait, pour les NEA d’une dizaine de mètres, leur nombre se chiffre en milliards et pour les autres astéroïdes de l’anneau principal, il est quasiment illimité. Heureusement que l’atmosphère terrestre est là pour nous protéger de cette mitraille cosmique.

Le XXIe siècle va voir la découverte de dizaines de milliers de NEA de plus de 100 mètres et devrait permettre de repérer la quasi-totalité de ceux dont le diamètre avoisine le kilomètre. Par contre, bien que certains spécialistes semblent y croire, il paraît utopique d’envisager un recensement quasi complet pour tous les NEA de 500 mètres. Certains resteront inconnus pour des siècles encore, et il faut savoir aussi que le renouvellement est constant. Il y aura donc toujours des "nouveaux".

Les très fortes approches réelles à la Terre

De très nombreux EGA connus ont eu des très fortes approches réelles à la Terre (inférieures à 0,050 UA, soit 7,5 millions de km) depuis le début du XXe siècle. Il est quasiment impossible de faire un bilan complet pour tous les objets connus, car on manque trop d'informations sur les orbites passées d'objets qui, pour la plupart, ont été découverts dans les récentes années, et qui surtout, souvent, n'ont pu être observés que quelques jours à l'occasion de leur très forte approche.
Le Minor Planet Center (l'organisme international compétent) tient à jour une liste de toutes les approches réelles observées inférieures à 0,0100 UA (soit 1,5 million de km) (36). Cette liste s'enrichit quasiment chaque mois, mais il s'agit dans la quasi-totalité d'approches concernant des objets avec H > 25,0, c'est-à-dire ayant un diamètre inférieur à 50 mètres.
C'est l’approche historique de Hermes du 30 octobre 1937 (0,0049 UA = 0,73 MK), qui a été le record absolu durant plus d’un demi-siècle. En 2010, elle ne figure plus parmi les vingt approches les plus serrées. D’abord battu par Asclepius en mars 1989 (0,0046 UA = 0,69 MK), le record a été pulvérisé par 1991 BA, un EGA de moins de 10 mètres de diamètre, en janvier 1991 (0,0011 UA = 0,165 MK). Deux autres objets de même calibre l’ont amélioré les années suivantes : 1993 KA2 en mai 1993 (0,0010 UA = 0,150 MK) et 1994 XM1 en décembre 1994 (0,0007 UA = 0,105 MK). Depuis, ce record a encore été amélioré à deux reprises, d'abord par 2003 SQ222 en septembre 2003 (0,00056 UA = 0,084 MK) et ensuite par 2004 FU162 en mars 2004 (0,00009 UA = 0,013 MK). Enfin, le 8 octobre 2008, l'objet 2008 TC3 a heurté la Terre au niveau du Soudan sans faire le moindre dégât. Il avait été découvert la veille seulement. Mais ces approches récentes et cet impact ont concerné des objets insignifiants, de quelques mètres de diamètre seulement.

Il faut aussi savoir que le 10 août 1972, le fameux météore du Montana a frôlé la surface terrestre à 58 km d’altitude, ricochant dans l’atmosphère terrestre avant de repartir dans l’espace. Il s’agissait d’un NEA d’une quinzaine de mètres qui n’a pas reçu de désignation provisoire, car il n’a été observé que durant quelques dizaines de secondes. Ce record ne sera jamais battu, car il constitue pratiquement l’approche minimale possible. Une approche inférieure à 50 km déboucherait obligatoirement sur une désintégration ou un impact.
L’approche de 1994 PC1 en janvier 1933 : 0,0075 UA, soit 1,12 MK, est la plus forte approche connue d'un EGA d’un diamètre supérieur au kilomètre au XXe siècle. Il ne fut pas découvert pour autant, bien qu’il ait été un objet facile à l’époque (cette approche a donc été calculée rétroactivement). Cela montre bien que des objets très dangereux ont longtemps échappé aux observateurs les plus qualifiés. Ceux-ci ont également raté Toutatis l’année suivante, ne pouvant pas le distinguer de la masse des objets anonymes qui ont laissé leur empreinte sur des plaques photographiques.

Apophis, l'astéroïde qui fait peur

Cet astéroïde, découvert en juin 2004 et connu dans un premier temps sous l'appellation provisoire 2004 MN4, s'est avéré d'un intérêt extraordinaire (37). C'est lui qui a l'approche calculée la plus faible pour tout le XXIe siècle pour tous les NEA connus de plus de 50 mètres. Le 13 avril 2029, à 21h43' (temps universel), il s'approchera à 0,00023 UA, soit à 33 600 km du centre de la Terre, c'est-à-dire à moins de 28 000 km de sa surface, record absolu pour un PHA. Il sera alors visible à l'oeil nu, comme une petite étoile de magnitude 3 ou 4. Son diamètre est de l'ordre de 400 mètres (H = 19,2).
Apophis, qui était le dieu du mal et de la destruction dans la mythologie égyptienne (sous le nom égyptien d'Apep), est un NEA (et aussi un EGA et un PHA) de type Aten (a = 0,922 UA). Après son approche rasante à la Terre, il va devenir, sous les yeux des astronomes, un NEA de type Apollo (avec a = 1,125 UA). Cet objet est le meilleur exemple de la façon dont un NEA peut passer d'un type à l'autre à la suite d'une très forte approche à une planète. Il est aussi une révélation, dans la mesure où aucun astéroïde connu de plus de 100 mètres ne s'était approché aussi près de la Terre.
Les calculs ont montré que Apophis eu 4 très fortes approches à la Terre (entre 0,024 et 0,032 UA) au XXe siècle, sans être découvert pour autant, et qu'il en aura encore 4 autres au XXIe siècle. C'est l'astéroïde qui fait peur, quasiment "un ennemi extérieur". Certains pensent que les très importantes perturbations qu'il va subir en avril 2009 pourrait le précipiter sur la Terre, lors de son approche suivante en 2036, ce qui est très peu probable, ou qu'il pourrait même se désintégrer s'il est de constitution cométaire. On ignore encore tout de son origine et de sa configuration structurale. A l'échelle astronomique, il est clair que ses jours sont comptés et que la Terre risque d'en faire les frais au cours des siècles prochains, si rien n'est fait pas nos successeurs pour le détourner ou le détruire.

Les impacts terrestres

Fréquence d’élimination individuelle des NEA

En gros, 1 NEA sur 2 croise l'orbite terrestre, soit au total environ 125 000 objets de plus de 100 mètres de diamètre moyen. La combinaison des chiffres concernant le nombre total de NEA et ceux de leur espérance de vie moyenne permet d'obtenir la fréquence d'élimination individuelle d'un NEA, selon son type orbital, sa magnitude absolue et son diamètre (38). Cette espérance de vie moyenne (moyenne car évidemment la fourchette réelle est large) est estimée à 10 millions d'années environ, ce qui est assez peu à l'échelle astronomique.
La part attribuée à chaque planète est obligatoirement assez aléatoire et varie selon la méthode et les chiffres utilisés, mais certaines constantes émergent. Les quatre planètes intérieures récupèrent globalement 50 % du total des NEA : Mars 15 %, la Terre 20 %, Vénus 10 % et Mercure 5 %. Les 50 % restants se répartissent de la façon suivante : Soleil 15 %, astéroïdes, Lune et satellites 5 %, désintégration et émiettement 20 %, expulsion sur une orbite extérieure 10 %. Ces chiffres ne sont évidemment que des ordres de grandeur (39). L’exemple de la comète d’Aristote (génitrice du groupe de Kreutz, voir le chapitre 6) laisse à penser à certains spécialistes que la part du Soleil pourrait être nettement plus importante que 15 %. Certaines simulations semblent montrer que la combinaison : attraction du Soleil + orbite chaotique conduirait pour certains astéroïdes et comètes lacunaires à une collision directe avec le Soleil (devenant très proche de 0,001 UA), ou à une désintégration dans la proche banlieue solaire et à la formation d’une poussière cosmique constamment renouvelée.
Il est possible que la part du Soleil et celle de l’expulsion aient été sous-estimées, de telle sorte que la Terre ne serait plus destinataire de 20 % des NEA existants des types Aten et Apollo, mais seulement de 10 %. Si tel était le cas, la fréquence d’impact serait à diminuer par 2.

Le problème posé par les NEA minuscules

On entend par astéroïdes minuscules, ceux qui ont ont H > 22,0 (valeur correspondant à un diamètre inférieur à 100 ou 200 mètres de diamètre moyen selon le type physique et l'albédo). Il apparaît clairement que ceux-ci doivent être traités différemment des autres. Leur nombre est énorme : 20 000 000 de NEA et 10 000 000 d’EGA de 50 mètres, un nombre embarrassant pour les spécialistes, mais qu’il faut prendre obligatoirement en considération.
Il s’agit ni plus ni moins que de la poussière cosmique à l’échelle astronomique, avec des objets quasiment aussi nombreux que les grains de sable d’une petite plage. S’il n’existait pas de processus de destruction, chaque décennie verrait un impact terrestre, ce qui (heureusement) est contraire aux observations depuis deux siècles.
En fait, il existe trois mécanismes de destruction qui entrent en jeu : désintégration et émiettement dans l’espace et surtout destruction dans l’atmosphère terrestre, mécanismes qui sont beaucoup plus efficients pour les petits objets que pour ceux qui sont de taille hectométrique ou kilométrique, notamment du fait qu’il s’agit très souvent de fragments cométaires dont la cohésion structurale est de mauvaise qualité. Une simple approche très serrée à une planète peut déboucher sur une fragmentation sévère, voire sur une désintégration totale.
On l'a vu avec les météorites de l'armée américaine que cette destruction dans l'atmosphère semble être la règle pour les petits objets, car très peu d'entre eux ont pu parvenir sous forme de météorites sur la surface terrestre. Les autres se sont littéralement désintégrées sans laisser de traces.

Fréquence des collisions sur la Terre

Les données actuelles laissent à penser qu'environ 1 NEA de type Aten et Apollo sur 5 entrera en collision avec la Terre. La combinaison de cette nouvelle information avec celles concernant la fréquence d'élimination individuelle permet de connaître la fréquence des collisions sur la Terre et sur les parties émergées et immergées de notre globe (40).
On peut admettre au vu des données actuelles (comme de simples ordres de grandeur), pour des objets entrant dans l'atmosphère, que, en moyenne :
– 1 EGA de 100 mètres heurte la Terre tous les 350 ans, les océans tous les 500 ans et les terres émergées tous les 1200 ans ;
– 1 EGA de 300 mètres heurte la Terre tous les 3500 ans, les océans tous les 5000 ans et les terres émergées tous les 12 000 ans ;
– 1 EGA de 500 mètres heurte la Terre tous les 10 000 ans, les océans tous les 15 000 ans et les terres émergées tous les 35 000 ans ;
– 1 EGA de 1 km heurte la Terre tous les 50 000 ans, les océans tous les 70 000 ans et terres émergées tous les 170 000 ans.

L'énergie d’impact

On connaît le diamètre approximatif des EGA, ainsi que leur densité probable. Il est donc possible de calculer leur énergie cinétique au moment de l'impact, avec la formule classique : Ec = ½ mv2. Cette énergie cinétique est égale au demi-produit de la masse par le carré de la vitesse d'impact. La vitesse est donc un facteur très important, puisqu'une vitesse double entraîne une énergie cinétique multipliée par 4 (41).
On sait que tous les EGA connus ont des orbites directes et donc que leur vitesse à la distance de la Terre au Soleil ne peut pas être supérieure à 42,1 km/s (vitesse parabolique de la Terre). En fait, leur vitesse à r (rayon vecteur) = 1,00 UA est comprise entre 25 km/s (EGA de type Aten) et 38 km/s (EGA de type Apollo avec a > 2,50 UA et e > 0,70).
La vitesse géocentrique d'un EGA est une vitesse relative qui résulte de la combinaison de la vitesse propre de l'objet avec celle de la Terre (qui varie entre 29,3 et 30,3 km/s du fait de la légère excentricité de l'orbite terrestre). Cette vitesse géocentrique est la vitesse au moment de l'impact. On admet comme moyenne une vitesse d'impact de 20 km par seconde, mais avec des extrêmes qui peuvent atteindre 8 et 35 km/s selon la géométrie des orbites.
Il faut préciser qu'à partir d'une certaine masse (quelques dizaines de milliers de tonnes), les EGA ne sont pratiquement pas freinés durant leur traversée de l'atmosphère et ils gardent donc une fraction très importante (plus de 90 %) de leur vitesse initiale.

Cette énergie d'impact est loin d'être négligeable. Ainsi un EGA de 1 km, comme les astronomes en découvrent régulièrement, de type S, densité 3,5 (aérolithe) avec une vitesse d'impact de 20 km/s, a une énergie cinétique Ec = 3,7 x 1020 joules. Un astre dix fois plus faible (100 mètres) a Ec = 3,7 x 1017 joules et un autre dix fois plus gros (10 km) a cinétique Ec = 3,7 x 1023 joules (38). La conclusion est claire : l'impact d'un EGA de 1 km de diamètre sur la Terre dégage une énergie supérieure à celle de tous les cataclysmes terrestres connus sur Terre depuis l'époque historique.

Notes

1. D.K. Yeomans, Comets. A chronological history of observation, science, myth, and folklore (John Wiley & Sons, 1991).
2. M. Festou, Ph. Véron et J.-C. Ribes, Les comètes, mythes et réalités (Flammarion, 1985).
3. J.-M. Homet, Le retour de la comète (Imago, 1985 ; préface de M. Vovelle).
4. Le retour de la comète, op. cit., citation p. 16.
5. L.L. Wilkening (ed.), Comets (University of Arizona Press, 1982).
6. J. Crovisier et Th. Encrenaz, Les comètes. Témoins de la naissance du Système solaire (Belin - CNRS Editions, 1995 ; préface de R.-M. Bonnet).
7. J.-C. Merlin et M. Verdenet, Les comètes (Tessier & Ashpool, 1995).
8. Dans les hydrates, les molécules d’eau sont piégées dans une structure cristalline, alors que dans les clathrates, les composants sont piégés dans des cavités situées dans la structure d’un autre composant (exemple : le méthane piégé dans la glace d’eau).
9.
T.I. Gombosi and H. Houpis, An icy-glue model of cometary nuclei, Nature, 324, pp. 43-46, 1986.
10. Ph. Rousselot, Les comètes de l'Antiquité à l'ère post-Halley (Broquet, 1996).
11. M.-A. Combes et J. Meeus, Les fortes approches des comètes à la Terre, L'Astronomie, 110, pp. 254-261, 1996.
12. G.W. Kronk, Comets : a descriptive catalog (Enslow Publishers, 1984). Ce livre contient les conditions de découverte et la description de plus de 650 comètes depuis l’Antiquité jusqu’à 1982.
13. F. Arago, Les comètes (1858). Le classique d’Arago qui a été réédité en fac-similé par la librairie Blanchard en 1986.
14. P. Maffei, La comète de Halley. Une révolution scientifique (Fayard, 1985). Titre original : La cometa di Halley (1984). Un livre totalement consacré à l'histoire de la comète de Halley, écrit par l'astrophysicien italien Paolo Maffei.
15. C. Sagan et A. Druyan, Comète (Calmann-Lévy, 1985). Titre original : Comet (1985).
16. E.J. Öpik, Interplanetary encounters. Close-range gravitational interactions (Elsevier, 1976).
17. B.G. Marsden and G.V. Williams, Catalogue of cometary orbits (Minor Planet Center, 2005).
C'est la 16e édition de ce catalogue "officiel" des orbites cométaires, qui est constamment mis à jour. Toutes les comètes, toutes les orbites sont répertoriées. Dans la version 2005, on référencie 3031 orbites et un total de 2991 apparitions pour 2221 comètes différentes connues à la mi-août 2005.
18. E. Everhart, The origin of short-period comets, Astrophysical Letters, 10, pp. 131-135, 1972.
19. M.-A. Combes et J. Meeus, Les astéroïdes extérieurs à Jupiter, L'Astronomie, 109, pp. 84-92, 1995 et Nouvelles des astéroïdes extérieurs, L'Astronomie, 110, pp. 228-233, 1996.
20. P. Henajeros, L’adieu à la comète, Science et Vie, 957, pp. 90-101, juin 1997.
21. J.-C. Merlin, L’histoire tumultueuse de la comète P/Swift-Tuttle, L’Astronomie, 107, 146-152, 1993.
22. B.G. Marsden, The next return of the comet of the Perseid meteors, Astronomical Journal, 78, 7, pp. 654-662, 1973.
23. Z. Sekanina, Distribution and activity of discrete emissions areas on the nucleus of periodic comet Swift-Tuttle, Astronomical Journal, 86, 11, pp. 1741-1773, 1981.
24. L. Jorda, J. Lecacheux et F. Colas, Les jets de P/Swift-Tuttle, L’Astronomie, 107, pp. 172-173, 1993.
25. T. Gehrels (ed.), Asteroids (University of Arizona Press, 1979) ; R.P. Binzel, T. Gehrels and M. Shapley Matthews (eds), Asteroids II (University of Arizona Press, 1989) ; W. Bottke, A. Cellino, P. Paolicchi and R.P. Binzel (eds), Asteroids III (University of Arizona Press, 2003). Ce sont les trois gros livres de référence sur le sujet parus à dix ans, puis à quatorze ans d'intervalle. Ils contiennent plusieurs centaines de contributions et plusieurs milliers de références sur tous les domaines concernant les astéroïdes et sont indispensables aux spécialistes.
26. Collection des Minor Planet Circulars (MPC) 1947-2010. Cette collection qui comporte plusieurs dizaines de milliers de circulaires est l'outil de base du spécialiste.

27. M.-A. Combes, Étude sur les magnitudes absolues des astéroïdes, L'Astronomie, 85, pp. 413-433, 1971.
28. M.-A. Combes, Deux siècles de découvertes d'astéroïdes, L'Astronomie, 115, pp. 17-28, 2001. Cet article a été écrit pour le numéro spécial ASTÉROÏDES de la revue L'Astronomie, préparé à l'occasion du bicentenaire de la découverte de Cérès.
29. A. Doressoundiram et E. Lellouch, Aux confins du système solaire (Belin / Pour la Science, 2008). Ce livre étudie les corps célestes découverts au-delà de Neptune. Ils existent par millions avec des orbites très diverses. Les progrès instrumentaux récents ont été décisifs pour sortir de l'ombre tous ces objets qui n'étaient pas observables avant le début des années 1990.
30. O.R. Norton and L.A. Chitwood, Field guide to meteors and meteorites (Springer, 2008). Un livre superbement illustré qui explique clairement la liaison génétique entre astéroïdes et météorites d'une part et comètes et météorites d'autre part.
31. A.S. Rivkin, Asteroids, comets, and dwarf planets (Greenwood Press, 2009). Un très bon livre qui fait le point des connaissances actuelles sur les petits corps du système solaire.
32. D. Benest et C. Froeschlé (éd.), Astéroïdes, météorites et poussières interplanétaires (Eska, 1999). Cet ouvrage collectif explique les processus dynamiques et physico-chimiques liés aux petits corps du Système solaire.
33. M.-A. Combes, Note sur les EGA planétaires et cométaires, L'Astronomie, 94, pp. 131-137, 1980.
34. Z. Sekanina, A core-model for cometary nuclei and asteroids of possible cometary origin, pp. 423-428, in Physical studies of minor planets, op. cit., 1971.
35. On calcule le diamètre moyen d (en km) avec la formule suivante : log d = C – (H/5), dans laquelle C est une constante variable selon le type physique et l’albédo, et H la magnitude absolue. On utilise les constantes suivantes : type D = 4,00 ; type C = 3,90 ou 3,80 ; type M = 3,55 ; type S = 3,50 ; type E = 3,40 et type V = 3,30. Cette formule donne de très bonnes approximations. Quand on ignore le type type physique, on utilise la constante moyenne C = 3,50.
36. Toutes ces listes, actualisées chaque jour, peuvent être consultées sur internet. Voir leurs coordonnées dans la liste publiée en fin de volume.

37. M.-A. Combes et J. Meeus, Apophis, l'astéroïde qui fait peur, L'Astronomie, 119, pp. 488-492, 2005.
38. M.-A. Combes et A. Vincent-Randonnier, La Terre bombardée (version 3), 2007. Le chapitre 6 donne tous les détails sur ce phénomène de l'élimination des astéroïdes.
39. Il ne faut pas trop se focaliser sur cette fréquence d’élimination qui n’est que le résultat et l’analyse de statistiques qui varient sans cesse, mais il s’agit d’un ordre de grandeur acceptable, ou tout au moins, pour les sceptiques, d’une "idée" des chiffres qu’il faut connaître.
40. La Terre bombardée (version 3), 2007, voir le chapitre 6.

41. La Terre bombardée donne plusieurs tableaux concernant l'énergie dégagée par des astéroïdes et des comètes qui heurtent la Terre, ainsi que la comparaison avec des cataclysmes purement terrestre.