CHAPITRE 6

LA COMÈTE BRISÉE


Les deux réservoirs de comètes

On distingue deux réservoirs très différents de comètes qui ont été mis en évidence au début des années 1950 (1), le premier par Jan Oort (1900-1992) et le second par Gerard Kuiper (1905-1973). Mais le second n'a vu sa réalité confirmée qu'au début des années 1990, grâce à la révolution technologique apportée par l'utilisation de caméras CCD très performantes, couplées avec des télescopes de grand diamètre sur des sites d'observation privilégiés (2). Les noms des deux pionniers de ces découvertes doivent être mentionnés ici, car ils ont permis une nouvelle avancée fondamentale. Ce sont David Jewitt et Jane Luu, deux astronomes américains qui travaillaient sur le site de Mauna Kea, à Hawaii, avec un télescope de 2,2 mètres d'ouverture.

Le nuage de Oort

C'est une "coquille" sphérique dont le Soleil est le centre (les inclinaisons ont toutes les valeurs possibles), que l'on peut situer en gros entre 2000 et 100 000 UA, c'est-à-dire une tout autre population que celle existant dans le Système solaire intérieur. On a tendance, de nos jours, à le diviser en deux parties bien distinctes : le nuage externe, compris entre 10 000 et 100 000 UA et le nuage interne, compris entre 2000 et 10 000 UA. Le nuage de Oort contient un nombre illimité d'objets (plusieurs milliards à coup sûr). Celles qui sont "précipitées" dans le Système solaire intérieur le sont à la suite de perturbations stellaires (passage d'une étoile à proximité relative du Soleil).
Le diamètre de ces objets peut varier de quelques km à plusieurs milliers de km. Mais en règle générale, la quasi-totalité des membres de ce groupe n'ont aucune raison de venir dans le Système solaire interne. Ce sont des astres primordiaux, c'est-à-dire directement issus de la formation du Système solaire, amorcée il y a plus de 4,6 milliards d'années par la condensation du disque de gaz et de poussière présolaire, en rotation sur lui-même, et qui engendra, outre le Soleil, les planètes et leurs satellites, d'innombrables résidus qui n'ont pas tous disparus par la suite.

Les statistiques ont montré que certaines comètes "neuves" (celles qui viennent pour la première fois dans le Système solaire intérieur) arrivent prioritairement d'une région située entre 40 000 et 50 000 UA (dans le nuage externe donc). Cela tendrait à montrer qu'il existe certaines zones plus denses en noyaux cométaires vers cette distance. On considère, en général, qu'une comète dont le demi-grand axe est inférieur à 10 000 UA (issue du nuage interne donc) n'est pas une comète neuve au sens strict, et que celles qui ont un tel demi-grand axe ont déjà effectué quelques (rares) apparitions près du Soleil.
De telles comètes ont déjà évolué dynamiquement. Ainsi la fameuse comète West, l'une des plus belles du XXe siècle, qui est venue près du Soleil en 1976 et donc le demi-grand axe (= la distance moyenne au Soleil) était de l'ordre de 6800 UA (d'où une période voisine de 560 000 ans) n'était pas une comète neuve, puisqu'elle nous a déjà rendu plusieurs visites dans le passé, fort espacées dans le temps à l'échelle humaine, mais pas à l'échelle astronomique. Du fait de sa rupture en quatre morceaux lors de sa dernière visite, elle ne reviendra plus.

Les perturbations ne sont pas seulement dues aux passages erratiques d'étoiles près du Soleil, même si l'on sait que celles-ci en sont les responsables essentielles, ni aux forces de marée générées par la rotation de la Galaxie. L'astrophysicien allemand Ludwig Biermann (1907-1986) a montré le premier que les grands nuages moléculaires que traverse parfois le Système solaire contribuent eux aussi à perturber sensiblement les comètes du nuage de Oort. Certains de ces nuages moléculaires sont très massifs et peuvent atteindre plusieurs centaines de milliers de fois la masse du Soleil, dans un volume de plus de 100 années-lumière de diamètre.
Depuis leur formation, il y a 4,6 milliards d'années, le Soleil et sa nombreuse famille ont pu traverser ce genre de nuage géant une bonne dizaine de fois. Il n'est pas exclu alors qu'une quantité anormale de comètes ait pu être injectée en peu de temps dans le Système solaire intérieur. La traversée de nuages moléculaires plus petits, de l'ordre de 1000 à 10 000 fois la masse du Soleil, est bien sûr beaucoup plus fréquente. Elle serait de l'ordre d'une fois tous les 10 millions d'années (c'est-à-dire d'une centaine de fois par milliard d'années), avec des conséquences moindres, mais cependant nullement négligeables.

On voit ainsi que ces perturbations, qui peuvent être de nature différente, sont largement suffisantes pour permettre un renouvellement permanent de la matière cométaire près du Soleil, et aussi expliquer l'extraordinaire cratérisation qu'ont subi les diverses planètes et satellites, cratérisation qui, on le sait maintenant, était à la fois d'origine planétaire, mais aussi cométaire.

La ceinture de Kuiper

C'est en fait un disque relativement plat (quelques degrés pour les inclinaisons) situé entre environ 38 et 100 UA (peut-être même 200 UA) du Soleil, donc incontestablement une composante du Système solaire interne. Il pourrait contenir plusieurs millions d'objets (comètes et/ou astéroïdes), dits objets de Kuiper, de 10 à plus de 1000 de km de diamètre, composés de glace mais aussi probablement de roches. Ceux qui "décrochent" de cette ceinture le font à la suite de perturbations planétaires, mais en général les excentricités sont modestes (très souvent inférieures à e = 0,20) et les orbites stables. Ce qui signifie que beaucoup de membres de ce groupe pourraient être des objets primordiaux.
Le bond technologique décisif du début des années 1990 a permis de découvrir plus d’une centaine d'objets de Kuiper, parmi lesquels on distingue différents groupes aux caractéristiques orbitales distinctes que l'on regroupe en deux catégories principales :
– les Plutinos qui forment la bordure interne de la ceinture. Ces objets qui ont a compris entre 38 et 42 UA apparaissent très nombreux. Comme Pluton (et son satellite Charon), ils ont la particularité très importante d'être en résonance 3/2 avec Neptune. Ils sont donc protégés de toute approche avec cette planète qui pourrait s'avérer dangereuse et signifier pour eux "le début de la fin", c'est-à-dire la plongée dans le Système solaire intérieur, avec les conséquences qui en découlent sur leur espérance de vie.
– les autres KBO (pour Kuiper Belt Objects) qui ont entre 40 et 100 UA (et même plus pour certains) et qui ne bénéficient pas de cette résonance 3/2. Ce sont des membres de la ceinture de Kuiper qui ont en principe une orbite très stable et beaucoup doivent exister depuis la formation du Système solaire. C'est parmi eux que, suite à des perturbations, principalement dues à Neptune, certains objets voient leur excentricité augmenter et leur périhélie diminuer, avec les risques majeurs que cela comporte : approche à Neptune et injection sur une orbite plus petite, souvent dans un premier temps de type centaure, ou injection directe avec une excentricité quasi parabolique dans le Système solaire intérieur et avec un périhélie à l'intérieur de l'orbite de Jupiter.
Les objets de Kuiper sont soit des astéroïdes, soit des comètes, soit des objets mixtes qui ont à la fois des caractéristiques physiques planétaires (noyau rocheux notamment) et cométaires (enveloppe de glace et de poussières agglomérées). Bien sûr, il existe des milliards d'objets plus petits que les quelques milliers qui sont observables de la Terre avec les moyens actuels et qui doivent avoir quelques centaines de mètres seulement dans le bas de la fourchette. La quasi-totalité de ces petits objets resteront à jamais indécelables, sauf s'ils sont éjectés de la ceinture de Kuiper et survivent ultérieurement sur des orbites beaucoup plus petites (familles cométaires de Jupiter et Saturne). Ils pourraient être alors découverts comme des NEA classiques s'ils s'approchent suffisamment de l'orbite terrestre.

Les centaures et autres objets apparentés

Il est apparu, depuis l'utilisation des caméras CCD qui permettent de repérer des astres beaucoup plus faibles que précédemment, qu'il existe de nombreux objets circulant d'une manière autonome (comme des mini-planètes) entre les orbites de Jupiter et de Neptune. Tous sont enregistrés comme astéroïdes (puisque n'ayant pas d'activité physique apparente), mais quasiment tous peuvent être considérés comme d'origine cométaire (ou astéroïdo-cométaire pour les objets mixtes), puisque issus très probablement des deux réservoirs cométaires. Ce sont les centaures.
Cette étape centaure semble être une étape intermédiaire "normale" pour les objets du Système solaire externe. Certains objets de Kuiper éjectés de la ceinture sont injectés dans le Système solaire intérieur sur des orbites provisoires et chaotiques. Ces orbites évoluent ensuite sans cesse au gré des perturbations planétaires, avec une tendance à la diminution progressive du demi-grand axe. Leurs jours, à l'échelle astronomique, sont comptés. La fragmentation, l'émiettement, la désintégration, la disparition totale à long terme (parfois aussi une expulsion salvatrice) les guette.
Deux objets sont représentatifs des centaures et des objets apparentés (ceux qui circulent entre les orbites de Jupiter et Uranus) : Chiron et Damocles. Leur histoire permet de comprendre les différentes étapes de la vie d’objets extérieurs perturbés et qui peuvent se retrouver en fin de vie dans le Système solaire intérieur avec une espérance de vie, avant fragmentation ou impact direct dans certains cas, très faible à l'échelle astronomique : quelques millions d'années au maximum.

Damocles

Il s'agit d'une ancienne comète, découverte en 1991 par Robert McNaught, qui est issue du nuage de Oort et qui ensuite, à l'occasion d'une intrusion dans le Système solaire intérieur, a été capturée par Uranus (3). N'ayant pas d'activité cométaire, cet objet a été catalogué comme un astéroïde, bien que son origine cométaire ne fasse pas de doute. Ses éléments orbitaux sont exceptionnels : a = 11,9 UA (il circule donc en moyenne entre Saturne et Uranus), e = 0,87 et i = 62°. Damocles s'approche de l'orbite de Mars au périhélie (q = 1,58 UA). Les calculs montrent que cette orbite chaotique est très provisoire et qu'elle va évoluer, avec une diminution de la période et du demi-grand axe. Damocles deviendra un objet Apollo dans quelques dizaines de milliers d'années.
Il est devenu le prototype des "objets venus d'ailleurs" qui peuvent devenir dangereux à long terme pour la Terre (et les autres planètes intérieures) dont on soupçonnait depuis longtemps l'inclusion possible dans le Système solaire proche. Bien qu'il soit l’un des plus petits "astéroïdes" extérieurs actuellement connus, son diamètre est de l'ordre de 15 km, ce qui fera de lui le plus gros des objets Apollo, dont le diamètre n'atteint qu'exceptionnellement 10 km. Avec une vitesse au périhélie qui sera de l'ordre de 40 km/s, il pourrait devenir à long terme un objet dangereux pour la Terre et la vie qu'elle abrite. Mais nous n'en sommes pas encore là !
Damocles a permis de montrer l'un des mécanismes d'introduction (et de renouvellement permanent) d'anciennes comètes à longue période dans le Système solaire intérieur. Ce mécanisme comporte quatre étapes principales :
1. perturbations stellaires qui les chassent du nuage de Oort et en précipitent certaines dans le Système solaire intérieur ;
2. capture de l'une d'entre elles par l'une des grosses planètes (Jupiter principalement, mais aussi Saturne, Uranus et Neptune) sur une orbite chaotique à courte ou moyenne période ;
3. évolution de cette orbite, avec parallèlement diminution progressive, puis disparition totale des éléments volatils, et possibilité d'approches serrées aux planètes ;
4. impact possible sur une planète avec éventuellement formation de cratère et conséquences sur la vie s'il s'agit de la Terre.
Ce
t enchaînement d'événements explicite fort bien les "morts en masse" mises en évidence par les spécialistes des sciences de la vie. Damocles permet de montrer que ce mécanisme de capture n'est pas une "vue de l'esprit", et surtout de rappeler que si les comètes et les astéroïdes "dangereux" n'existent pas forcément actuellement, ils peuvent être introduits épisodiquement (et non pas cycliquement) dans le Système solaire intérieur à la suite de perturbations stellaires.

Chiron

Cet objet est le prototype des centaures. Il a été découvert en 1977 par Charles Kowal (4) et catalogué comme un astéroïde, puisqu'il s'était jusqu'alors toujours montré ponctuel. En effet, on l'a retrouvé sur plusieurs plaques photographiques prises antérieurement, la plus ancienne remontant à 1895. Ce n'est que bien plus tard, en 1988, que l'on commença à soupçonner une activité cométaire, liée à un sursaut anormal de magnitude (son éclat doubla quasiment) en relation avec le rapprochement de Chiron vers son périhélie. Apparemment, le léger réchauffement de la surface a été suffisant pour "réveiller" la grosse boule de glace et de roches en léthargie sur la plus grande partie de son parcours, et il a bien fallu (re)considérer Chiron comme une comète.
Cet objet circule sur une orbite instable avec a = 13,7 UA, e = 0,38 et i = 6,9°. Sa période est donc de 51 ans. Il vient au périhélie à 8,5 UA (la dernière fois en février 1996). Tous les calculs montrent que l'orbite est chaotique et donc obligatoirement récente. Il a décroché d'une orbite stable dans la ceinture de Kuiper à la suite de perturbations exceptionnelles, pour suivre provisoirement une orbite de type centaure comme actuellement.
Chiron est le premier spécimen d'une nouvelle population d'objets, beaucoup plus gros que les comètes normales, et à la fois comète et astéroïde (5) . Des observations dans l'infrarouge ont montré qu'il s'agit d'un objet de forme grossièrement sphérique, mais qui présente quand même des variations régulières de 9 % dans sa courbe de lumière, avec une période de rotation de 5,9 heures et un albédo de l'ordre de 0,10. Un tel albédo suggère que Chiron est probablement constitué en surface d'un mélange de roches, de poussières, de gaz gelés et aussi de glace. C'est celle-ci qui se sublime et qui provoque les sursauts d'éclat observés. La présence d'une légère chevelure de glace et de poussières prouve qu'un mécanisme, que l'on suppose être dû principalement à la sublimation, éjecte de la surface de Chiron ses composants les plus volatils. On a noté entre autres la présence de cyanogène (CN) dans cette chevelure.
Le diamètre de Chiron n'est pas encore connu avec précision. Il a H = 6,0, mais comme son albédo est nettement plus élevé que celui des objets de type C et D, ce diamètre pourrait être de l'ordre de 200 km. Ce n'est pas un diamètre de comète classique, telle qu'on la concevait jusqu'alors, qui sauf rares exceptions, ne dépasse pas 50 km. En fait, toutes les comètes périodiques ont plutôt des diamètres de l'ordre de 5 ou 10 km, souvent moins même.
Chiron fut le premier centaure repéré, mais on en connaît déjà de nombreux autres, tels Pholus et Nessus. Le XXIe siècle permettra d'en découvrir des centaines d'autres.

La désintégration des comètes

Nous allons voir maintenant le problème de la fragmentation et de la désintégration des comètes, à travers deux exemples différents mais très significatifs. Il faut bien comprendre, en effet, que ce problème est crucial pour expliquer le renouvellement constant de la matière dans le Système solaire intérieur. Des comètes sont capturées, elles se fragmentent, certains débris heurtent les planètes, d'autres se désagrègent en poussière cosmique, c'est la règle immuable depuis des milliards d'années et pour des milliards d'années encore car la matière disponible dans le nuage de Oort et dans la ceinture de Kuiper est inépuisable.

La comète d'Aristote et le groupe de Kreutz

On connaît cette comète (et ses multiples résidus ultérieurs) depuis l'époque d'Aristote (6) qui l'observa lui-même en –371 alors qu'il n'était qu'un enfant de 12 ans. Elle fut observée très près du Soleil à l'horizon ouest et, paraît-il, sa queue s'étendit sur un tiers du ciel. Il est certain qu'il s'agissait alors d'un astre très impressionnant, d'une très grosse comète unique qui se divisa à l'occasion de ce passage dans la banlieue solaire en deux fragments, observation capitale rapportée par l'historien grec Ephorus (~400-330) (7). C'était le premier acte d'une fragmentation due principalement aux forces de marée solaire, prélude à un véritable émiettement ultérieur.
En 1880, Daniel Kirkwood (1814-1895) suggéra que la Grande comète de Mars 1843 et la Grande comète australe de 1880 pouvaient être associées avec la comète de –371, du fait de la similarité du mouvement. On sait que la comète de 1843 passa à seulement 820 000 km (= 0,006 UA) du Soleil, sur une orbite inclinée à 144,4°, donc rétrograde, et la comète de 1880 à 820 000 km également, avec = 144,7°. La parenté de ces deux comètes ne faisait aucun doute. Les considérer comme des "descendantes" de la comète d'Aristote était plus hardi, mais cette hypothèse de Kirkwood a été largement confirmée par tous les travaux ultérieurs sur le sujet.
Par la suite de très nombreuses comètes se révélèrent avoir des éléments orbitaux quasiment identiques et donc avoir une origine commune. C'était donc un véritable chapelet de comètes qui revenaient au périhélie, à proximité immédiate du Soleil, vestiges de la comète mère d'Aristote.
On doit à l'astronome allemand Heinrich Kreutz (1854-1907) d'avoir montré que les quatre comètes des années 1880 avaient des orbites similaires et qu'elles descendaient directement de la comète de 1106, elle-même fragment de la comète d'Aristote à son quatrième passage près du Soleil. Cette comète de 1106 avait P = 370 ans environ et a = 51,5 UA environ, donc un demi-grand axe à l'intérieur de la ceinture de Kuiper (bien qu'elle n'en soit pas originaire). C'est lui qui donna son nom à ce groupe de comètes, véritables Sun-grazers : le groupe de Kreutz. Ce groupe est une véritable famille puisque tous ses membres ont un progéniteur commun. Kreutz identifia également les comètes de 1668 et de 1695 comme faisant partie de ce groupe.
Au cours du XXe siècle, de nombreux nouveaux membres du groupe ont été identifiés (8), notamment la fameuse comète Ikeya-Seki de 1965 qui atteignit la magnitude –10. A partir de 1979, ce sont les satellites Solwind et SMM qui  remplacèrent les découvertes terrestres. Depuis 1996, plus d'un millier de nouveaux fragments du même groupe ont été repérés (9) très près du Soleil par le satellite SOHO, destiné principalement à l’étude de notre étoile, mais capable aussi d’annoncer des impacts minuscules à sa surface et des passages à proximité immédiate de sa surface. SOHO s'est avéré un surveillant du ciel très efficace et un formidable découvreur de comètes.

Il semble bien que ce soient des milliers de fragments minuscules qui ont été successivement engendrés par les résidus principaux de la comète mère, qui devait être un astre d’envergure, d’un diamètre centaurien (plusieurs centaines de km).

La généalogie complète de cette grande famille de comètes a été établie par Brian Marsden qui a montré que les comètes du groupe de Kreutz se rangent aujourd'hui en deux sous-groupes principaux. Il apparaît clairement que le progéniteur de tous ces résidus cométaires est bien la comète de –371, et que la majorité des fragments connus sont directement issus de la comète de 1106. Celle-ci s'est fragmentée depuis en plusieurs morceaux de tailles inégales, certains de ceux-ci s'étant eux-mêmes fragmentés à leur tour. La comète de 1882 s'est scindée en quatre fragments, celle de 1965 (Ikeya-Seki) en trois fragments. On assiste donc à un véritable émiettement progressif. Certains fragments reviendront encore près du Soleil, d'autres l'ont déjà heurté et n'existent plus, d'autres encore se sont littéralement désintégrés et sont redevenus poussière cosmique. L'exemple du groupe de Kreutz est extrêmement instructif et montre clairement la réalité et l'importance de ce problème de fragmentation et d'émiettement et celui des comètes apparentées, c'est-à-dire issues d'un progéniteur unique, parfois d'un gros diamètre comme c'était obligatoirement le cas pour la comète d'Aristote.
D'où venait-elle : nuage de Oort ou ceinture de Kuiper ? Probablement du nuage de Oort, compte tenu de l'inclinaison rétrograde de 145° (180 - 145 = 35°). Elle semble, dès le début, avoir dû subir une fragmentation du fait d'une cohésion physique insuffisante des glaces et des poussières la composant. La comète d'Aristote et ses innombrables débris sont uniquement composés de matière fragile et elle s'est quasiment désintégrée en moins de 2500 ans et quelques passages à proximité du Soleil. Il est quasiment certain que d'ici quelques millénaires, il ne restera rien de la fameuse comète d'Aristote. Tout redevient poussière, parfois à une vitesse accélérée pour les comètes, surtout si elles viennent frôler le Soleil.

La fragmentation de Hephaistos

Il existe un autre cas de fragmentation, très différent de celui que nous venons de voir qui concernait une comète de glace venant du nuage de Oort. Hephaistos, la comète brisée à laquelle est consacrée ce chapitre, était un objet de plusieurs dizaines de kilomètres de diamètre au minimum, issu de la ceinture de Kuiper, à la fois comète et astéroïde, qui a certainement subi provisoirement l'étape centaure, de quelques millions d'années tout au plus, avant de venir se faire piéger dans le Système solaire intérieur où ses jours en tant qu'objet unique étaient comptés. Ce n'est qu'à partir du début des années 1990 qu'on a pu saisir les diverses étapes de la vie de tels objets.
La surprise est venue du fait qu'une comète active fait partie de cette famille. Il s'agit de P/Encke, une comète à courte période qui doit son nom à l'astronome allemand Johann Franz Encke (1791-1865) qui ne l'a pas découverte, mais qui calcula son orbite en 1819. A l'époque, elle étonna les astronomes car elle aurait dû être découverte beaucoup plus tôt. En fait, les spécialistes se persuadèrent, probablement avec raison, que cette comète venait de se "réveiller" suite à un choc dans l'espace et qu'auparavant elle était comme beaucoup d'autres objets semblables une comète en sommeil, protégée par une carapace épaisse de poussières qui bloquait son dégazage.

On connaît plus d'une centaine d'objets (avec e > 0,70 (10)) connus ou soupçonnés être des fragments et résidus de Hephaistos, ce progéniteur aujourd’hui disparu, dont la capture dans le Système solaire proche (à l’intérieur de l’orbite de Neptune) ne peut excéder quelques millions d'années et la fragmentation initiale quelques centaines de milliers d'années, une durée insignifiante à l'échelle astronomique. L'émiettement se poursuit encore de nos jours et entraîne pour les membres de la famille une dispersion des éléments orbitaux, notamment les valeurs des nœuds ascendants, des arguments et longitudes des périhélies qui s'écartent les uns des autres à une vitesse de 4° par millénaire (1° tous les 250 ans en moyenne) et qui finiront par prendre toutes les valeurs possibles entre 0 et 360°.
L’existence de deux groupes principaux a été mise en évidence. Ils sont issus d’une rupture globale récente, mais on peut aussi mettre en évidence des dislocations ultérieures (l’émiettement permanent). On peut ainsi "reconstituer" des objets intermédiaires qui existaient encore il y a quelques dizaines de milliers d'années et même quelques milliers d'années pour certains d'entre eux, c'est-à-dire quelques petites "secondes" à l'échelle astronomique.
Ce n'est que dans le courant des années 1980 que les astronomes ont compris que des objets qui paraissaient différents comme P/Encke et Oljato ne formaient en fait qu'un seul objet il y a seulement 9500 ans, c'est-à-dire vers –7500. Dès 1978, Lubor Kresak (1927-1994) avait envisagé une parenté entre P/Encke et Ogdy, l'objet de la Toungouska, qui a heurté la Terre le 30 juin 1908. En octobre 1978, peu de temps après sa découverte par Ludmila Chernykh, l'astéroïde 1978 SB (baptisé par la suite Hephaistos) attira l'attention des spécialistes du fait d'éléments orbitaux caractéristiques (a, e et i ) identiques pratiquement à ceux de P/Encke, mais tout de suite se posa le problème des diamètres. En 1980, sur ce point important qui a fait douter les spécialistes sur l'origine commune aujourd'hui quasiment admise par tous, j'écrivais ceci :

" Cette ressemblance frappante des éléments orbitaux a fait émettre l'hypothèse, par certains astronomes, que les deux objets seraient deux fragments d'une ancienne comète brisée lors d'un passage près du Soleil. Mais cela est plus que douteux pour la raison suivante : il se trouve que le g de 1978 SB est relativement élevé (15,2), ce qui correspond à un diamètre voisin de 7,2 km pour un astéroïde cométaire. Au contraire, le noyau solide (non sublimable) de P/ Encke est probablement inférieur à 1,5 km de diamètre. En bonne logique, P/Encke aurait dû brûler ses derniers éléments volatils au moins 2000 ou 3000 ans avant 1978 SB et devenir un astéroïde avant lui. Or, c'est l'inverse que l'on observe, puisque P/Encke est encore une comète active pour 100 ou 200 ans, alors que 1978 SB ne présente aucune activité cométaire suspecte et n'est plus sujet aux forces non gravitationnelles qui sont caractéristiques des comètes dont le noyau est encore actif. Il est pratiquement certain que 1978 SB a été injecté dans le Système solaire proche longtemps avant P/Encke, et donc l'hypothèse d'une origine commune pour ces deux objets est fausse. La similitude des deux orbites, bien que très frappante, est un argument tout à fait insuffisant pour conclure à la fragmentation d'un objet unique. " (11)

Aujourd'hui, au contraire, la parenté étroite entre ces deux objets ne fait plus guère de doute. Il reste à résoudre la question : pourquoi P/Encke est-elle encore une comète active et Hephaistos déjà un astéroïde cométaire ? Il est obligatoire de trouver une solution satisfaisante à ce problème. Les spécialistes dans leur majorité (12) optent maintenant pour l'idée que j'ai rappelée plus haut : le fragment P/Encke qui a préservé certains éléments volatils a été en sommeil durant plusieurs millénaires et n'est de nouveau actif que depuis peu de temps. Il ne se serait "réveillé" que quelques dizaines d'années avant sa découverte au XVIIIe siècle. Il paraît impossible en effet qu'il ait été actif en permanence depuis l'Antiquité. Découvert seulement dans les années 2100, P/Encke aurait été cataloguée directement comme un astéroïde comme l'est son frère jumeau Oljato, qui a peut-être lui aussi eu des sursauts cométaires durant les siècles passés, mais qui semble aujourd'hui définitivement "éteint" et privé de toute matière encore susceptible de se sublimer et donc de présenter un caractère cométaire.
Parmi les membres possibles de la famille Hephaistos, on cite parfois la comète à courte période D/Helfenzrieder, découverte en 1766 mais qui n'a pas été réobservée depuis. Qu'est devenue cette comète ? S'est-elle totalement désintégrée ? Survit-elle sous la forme d'un astéroïde minuscule que l'on découvrira peut-être un jour ? A-t-elle bénéficié à l'époque d'un sursaut exceptionnel de courte durée qui a permis sa découverte ? Autant de questions qui restent sans réponse, mais la parenté avec les astéroïdes de la famille reste possible.
Notons encore, pour terminer avec le problème de la désintégration des comètes, que quasiment chaque fragment volumineux engendre à son tour une famille de météores associés. Plusieurs essaims sont liés génétiquement aux fragments de Hephaistos, et notamment celui très important connu sous le nom de Complexe des Taurides, qui est associé à P/Encke et qui comporte encore des objets de taille substantielle. Ogdy, l'objet de la Toungouska, était probablement l'un d'eux.

La famille Hephaistos

Une famille mi-cométaire/mi-planétaire

Tous les membres connus, excepté P/Encke, sont recensés comme astéroïdes puisqu'ils n'ont plus actuellement d'activité cométaire perceptible. La plupart sont des astéroïdes cométaires, c'est-à-dire qu'ils ont été actifs à une certaine période de leur vie d'astres indépendants. Quelques-uns, par contre, n'ont peut-être jamais eu d'activité cométaire et sont de vrais astéroïdes. C'est le paradoxe de ces gros objets venus de la ceinture de Kuiper qui ont une composition hétérogène et qui sont à la fois des comètes et des astéroïdes. Certaines parties sont composées de glace, capables après fragmentation de se sublimer et de présenter provisoirement une activité de type cométaire, d'autres parties sont rocheuses et donc astéroïdales. On retrouve donc cette double composition dans les débris. Hephaistos est une famille mixte, mi-cométaire et mi-planétaire.
Tous les objets de la famille ont une très forte excentricité (voisine de 0,80 et toujours supérieure à 0,60) et une faible inclinaison (comprise entre 0 et 13°), mais avec des différences qui deviennent sensibles avec le temps qui passe. Des perturbations, parfois sévères, que certains débris peuvent subir à l'occasion d'approches serrées aux planètes, peuvent entraîner des modifications dans les éléments orbitaux. Il faut aussi se rappeler que certains fragments ont subi des perturbations de type non gravitationnel, alors qu'ils étaient encore actifs, qui les ont éloignés des éléments types qui étaient ceux de l'objet primitif Hephaistos avant sa première fragmentation.
Car il est certain, comme c'est le cas pour le groupe de Kreutz, que la fragmentation s'est constamment répétée, chaque morceau devenu autonome générant à son tour de nouveaux fragments plus petits et une infinité de poussières (13). Pour ce qui est du demi-grand axe (et de la période), les écarts sont plus importants, certains fragments s'étant retrouvés sur des orbites plus petites à la suite de l'accélération du mouvement subie à l'occasion de fortes approches aux planètes. On peut penser qu'une valeur assez proche de 2,17-2,20 UA (qui est celle de Hephaistos, Oljato et P/Encke) était la valeur de base, mais on constate que certains fragments ne font plus partie de l'anneau principal des astéroïdes (2,06-3,58 UA) et circulent en moyenne entre Mars et l'anneau principal. Ils forment la famille Heracles. Il n'y a pas lieu de vraiment s'en étonner, et cela ne doit pas masquer une origine commune probable.
La comète, puis probablement centaure,  progéniteur de la famille Hephaistos était un gros objet, de plusieurs dizaines de kilomètres de diamètre au minimum, mais qui pouvait peut-être atteindre ou dépasser en fait 100 km, comme c'est le cas pour Chiron, Pholus et quasiment tous les objets connus de la ceinture de Kuiper. Cette réalité incroyable a été une révélation pour tous ceux qui se sont penchés sur la menace réelle que présentent les astéroïdes et les comètes pour la Terre et l'humanité qu'elle abrite. Plusieurs fois par million d'années, des nouveaux objets sont transférés dans le Système solaire intérieur et leurs fragments ultérieurs renouvellent le stock des objets susceptibles de heurter l'une des planètes ou l'un de leurs satellites dans les quelques millions d'années qui suivent ce transfert.

Une fragmentation obligatoirement récente

La question que l'on se pose est celle-ci : " Depuis quand a commencé la fragmentation de Hephaistos ? " Et une autre vient immédiatement après : " Peut-on dater approximativement la fragmentation des différents objets actuellement recensés ? " Bien sûr, il est exclu de répondre avec précision à ces deux questions puisqu'on ignore les perturbations gravitationnelles et aussi non gravitationnelles qu'ils ont subies, mais on peut avoir un ordre de grandeur intéressant. Celui-ci se chiffre seulement en dizaines de milliers d'années pour la première question, et en milliers d'années pour les fragmentations les plus récentes, comme nous allons le voir.
On ne sait pas quand Hephaistos a été définitivement injecté dans le Système solaire intérieur, suite à des perturbations catastrophiques dues à l'une des quatre grosses planètes externes (Neptune, Uranus, Saturne ou Jupiter). Cet événement peut remonter à plus de 100 000 ans. Mais le début de la fragmentation a pu être sensiblement plus tardif et remonter à seulement quelques dizaines de milliers d'années. On pense qu’elle doit être liée à une très forte approche à l’une des deux planètes intérieures : Mercure ou Vénus, peut-être même une interaction des deux. En tout cas, il s’agit d’un événement très récent à l’échelle astronomique.
Un détail intrigue les astronomes : de nombreux fragments peuvent s'approcher très près de Mercure (c'est encore le cas de P/Encke et surtout de Hephaistos, notamment), ce qui est assez rare quand même en général pour les astéroïdes et les comètes. Cela a-t-il un rapport possible avec la fracture initiale ou est-ce pure coïncidence ? En règle générale, les astronomes n'aiment pas trop les coïncidences, surtout si elles se répètent de façon anormale.
Se pourrait-il que ce soit une approche rasante à Mercure qui ait fait exploser Hephaistos et, en accélérant fortement son mouvement, diminuer d'une manière drastique la période de révolution qui est anormalement faible pour une comète, puisque l'aphélie de P/Encke et celui des autres fragments devenus astéroïdaux sont largement inférieurs au demi-grand axe de Jupiter. On sait que les comètes de la famille de Jupiter ont quasiment toutes leur aphélie à l'extérieur de l'orbite de la planète géante. Il s'est donc passé pour Hephaistos un événement unique (non encore identifié) qui a permis une réduction très importante des valeurs de l'aphélie et du demi-grand axe. Par contre, le périhélie n'aurait pas beaucoup évolué. Ce détail laisse à penser que le cataclysme responsable a eu lieu près du Soleil.

Une dispersion des éléments orbitaux avec le temps

On considère qu'en moyenne la dispersion des longitudes du périhélie s'effectue à raison de 4° par millénaire, soit en gros 1° tous les 250 ans. Donc, pour les 360° de la sphère céleste, le processus complet demande environ 90 000 ans, pour 180° 45 000 ans, et pour 90° 22 500 ans. Quand on compare la longitude du périhélie, qui est un élément caractéristique, pour les objets connus de la famille, on a une première indication sur les fractures successives des différents fragments.
Certains groupements serrés (moins de 20°) pourraient signifier une rupture datant de 5000 ans seulement. Les calculs ont montré que P/Encke et Oljato dont les périhélies diffèrent de seulement 12° formaient encore un seul astre il y a 9500 ans (soit vers –7500). Mais la dispersion des autres éléments orbitaux montre que leur histoire ultérieure (surtout celle d'Oljato d'ailleurs) a été très agitée, et que Jupiter y a joué un rôle prépondérant.

Des essaims de poussière comme produits de désintégration

L'espérance de vie de tous ces fragments est très faible à l'échelle astronomique. Vont-ils heurter une des quatre planètes intérieures, être expulsés ou s'émietter encore ? Nous verrons  au chapitre 10 que certains fragments ont déjà probablement heurté la Terre durant la protohistoire et l'Antiquité. La comète Sekhmet qui a heurté la Terre au XIIIe siècle avant J.-C. faisait probablement partie de la famille Hephaistos.
Victor Clube et Bill Napier vont encore plus loin. Pour eux, un gros fragment cométaire de Hephaistos pourrait fort bien avoir été le responsable de la dernière glaciation. La grande quantité de poussière cométaire déposée sur la Terre quand celle-ci traversait le nuage cosmique, produit d’une désintégration partielle de l’objet initial, aurait entraîné ce qu'ils ont appelé un hiver cosmique (14).
D'autres essaims de poussières, issus de la désintégration progressive de certains fragments importants, auraient même pu faire de cet hiver cosmique un phénomène à répétition.
Cette hypothèse pourrait être confirmée dans l'avenir (15) par une étude approfondie de la distribution et de la nature exacte de la poussière piégée dans les calottes polaires du Groenland et de l'Antarctique entre –20000 et –10000. Cette poussière, de nature particulière, pourrait fort bien être une poussière d'origine cosmique et non terrestre.
Une étude préliminaire semble indiquer une concentration anormale de certains éléments, notamment en argent et surtout en étain. Ces éléments montrent bien le caractère mixte du progéniteur qui ne pouvait être une simple boule de glace géante.

Une période de pollution cosmique

Il est important de noter l'existence de nombreux objets de taille hectométrique et décamétrique parmi les fragments déjà identifiés de Hephaistos. Cela signifie évidemment que des milliers d'autres fragments minuscules restent à découvrir, véritable mitraille cosmique issue de fragmentations successives, et aussi d'un émiettement qui se poursuivra encore pendant plusieurs milliers ou même dizaines de milliers d'années, à partir du moment où le progéniteur de base n'était pas uniquement formé de glace, mais aussi de roches plus résistantes.
Le résultat est clair et étonnant : nous vivons actuellement, depuis quelques dizaines de milliers d'années, une période de pollution astronomique inhabituelle. Cette mitraille cosmique, issue d'un corps unique, hétérogène par sa composition, existe encore, principalement sous forme microscopique mais pas uniquement, dans les différents essaims associés aux débris des principaux fragments, notamment dans le Complexe des Taurides associé, lui, directement à P/Encke.
Les cataclysmes du passé doivent être un avertissement (16/17). Ils n'étaient pas une fin en soi, mais un aboutissement normal de la désintégration d'un corps cosmique important dans la banlieue solaire. Le catastrophisme d'origine cosmique existe depuis toujours, sous des formes diverses. Avec Hephaistos et ses débris, nous vivons un épisode du billard cosmique à l'échelle locale.
Certaines collisions futures paraissent d'ores et déjà inévitables à moyen terme, poursuite d'un processus qui existe en fait depuis quelques milliers d'années, et appelé à se poursuivre encore sur plusieurs dizaines de milliers d’années. L’émiettement pourrait en être seulement à une phase intermédiaire, puisque de nombreux fragments connus et à découvrir sont incontestablement de taille kilométrique. Avant que tous ces fragments soient redevenus poussières, il y aura encore de nombreux impacts et une infinité de météores associés aux divers courants météoriques liés aux résidus de Hephaistos.

Il faut bien l’admettre, Clube et Napier ont levé un lièvre fantastique avec leur hypothèse d’une comète géante éclatée dans l'environnement immédiat de la Terre. C’est probablement la réalité, mais une réalité difficile à cerner et qui ne se laisse appréhender que pièce par pièce.

Des milliers de petits fragments restent à découvrir

L’hypothèse de la capture, il y a quelques dizaines de milliers d’années, dans le Système solaire intérieur, d’une grosse comète, ou plus probablement d'un objet mixte mi-comète/mi-astéroïde, est probablement fondée. Le nombre d’astéroïdes connus issus de la fragmentation et de l'émiettement ultérieur d'un progéniteur unique est en constante augmentation. Et surtout tous ces objets sont assez facilement identifiables, grâce à leur très forte excentricité (dans la fourchette 0,70-0,85 en général) et leur faible inclinaison (entre 0 et 12°), les valeurs du demi-grand axe étant plus dispersées, suite à des perturbations différentes. Certains membres ont été accélérés et ont vu leur période diminuer, quittant ainsi l’anneau principal où ils ont "commencé leur carrière" pour devenir des NEA circulant entre la Terre et Mars avec < 2,00 UA. Ils font partie de la famille jumelle Herakles.

Une origine dans la ceinture de Kuiper

On penche aujourd’hui pour la capture récente (à l'échelle astronomique) d’un centaure plutôt que d’une comète géante arrivant directement de la ceinture de Kuiper, mais l'origine de Hephaistos est très probablement cette ceinture dans laquelle cohabitent des milliards d'objets de toute taille, certains pouvant dépasser les 1000 km de diamètre. Un objet cosmique ne peut vivre toute son existence en tant que centaure, étape fréquente, mais non obligatoire, qui ne peut excéder quelques dizaines de millions d'années au maximum. Donc Hephaistos venait primitivement d'ailleurs, de plus loin.
On sait que ces centaures sont souvent des objets mixtes et que leurs fragments peuvent être de nature différente, ce qui est moins paradoxal qu’il n’y paraît. Certains ont eu une activité cométaire, mais pas tous. Le type physique de ces fragments est différent selon leur composition de surface, et c’est bien ce que l’on observe avec les divers fragments recensés. Un des fragments de Hephaistos, qui n’est pas le plus gros, loin de là, après une longue période de sommeil durant laquelle il a été un NEA cométaire parmi d’autres, s’est réveillé, peut-être à la suite d’un choc dans l’espace. C’est P/Encke, la fameuse comète périodique qui n’est à nouveau active que depuis trois siècles seulement et pour très peu de temps (deux ou trois siècles au maximum).
La découverte par le calcul que P/Encke et Oljato étaient encore, il y a moins de 10 000 ans, un seul et même fragment de Hephaistos a été une découverte essentielle pour comprendre la complexité de notre histoire cosmique récente. A la fragmentation initiale, il s’est ajouté une fragmentation ultérieure et un véritable émiettement, du fait de la très faible cohésion de certains fragments et des très fortes approches aux planètes qu’ils ont subies. Mais comme la rupture initiale est quasi contemporaine (à l’échelle astronomique), la désintégration est loin d’être terminée et elle se poursuit encore actuellement quasiment sous les yeux des astronomes.
P/Encke est le fragment le plus connu de la famille, et c’est par rapport à cette comète que l’on situe les divers courants météoriques associés, courants déjà dispersés et issus eux-mêmes de l’émiettement d’objets secondaires qui se sont séparés bien après le cataclysme initial qui a donné naissance à des fragments majeurs comme Hephaistos (qui a logiquement donné son nom au progéniteur Hephaistos) et Heracles. Une partie de ces divers courants et de nombreux astéroïdes minuscules (moins de 100 mètres de diamètre) sont des composants du Complexe des Taurides. L’origine commune ne fait pas de doute.
Il n’empêche qu’aujourd’hui la quasi-totalité des fragments générés par Hephaistos sont des astéroïdes, définitivement dégazés pour ceux qui ont eu une activité cométaire. On est en droit d’attendre la découverte de plusieurs centaines de membres de taille kilométrique et hectométrique, ce qui est énorme et montre bien que l’environnement terrestre est pollué par des produits de désintégration cométaire.
Heureusement que notre atmosphère est un écran de protection très efficace pour tout le matériel fragile d’origine cométaire, et qu’elle est en mesure de faire elle-même le plus gros du ménage. Il semble bien que les fragments de glace de taille décamétrique, ainsi que les fragments carbonés (type physique C ou D) soient condamnés à une désintégration quasi complète. Mais d’autres sont composés de roches (type S et même type E), avec une cohésion nettement supérieure. Ogdy aurait été de ce type. Une autre "preuve" que Hephaistos était un objet mixte, et pas totalement cométaire, a été fourni par une météorite, comme nous allons le voir maintenant.

La météorite de Farmington et l'hypothèse Hephaistos

Cette météorite de Farmington, qui pourrait n'être qu'une météorite parmi des milliers d'autres, est en fait d'un intérêt exceptionnel. Elle est tombée le 25 juin 1890, vers 13 heures, près de la ville de Farmington dans le Kansas, aux Etats-Unis, à la position 39°45'N et 97°2'O. Cette chute faisait suite à l'apparition d'un météore très brillant et à des détonations, comme c'est souvent le cas. On connaît deux fragments issus de cette chute, l'un de 85 kg et l'autre de 4 kg.
Les premières études, tout de suite après la chute, montrèrent qu'il s'agissait à l'origine d'une pierre unique, brisée tardivement durant la traversée de l'atmosphère, et qui fut classée plus tard comme une chondrite noire à olivine et hypersthène, fortement bréchée. Il s'agit donc d'une chondrite ordinaire, de type L, à faible teneur en métal libre et de densité de l'ordre de 3,7. Les diverses concentrations pour les éléments analysés dans la météorite de Farmington sont les suivantes (en parts par million) : K = 850, Ba = 9,1, Zn = 102, Sc = 6,0, Ti = 574, Ge = 9,5, V = 72,6, Se = 8,1, Te = 0,150, Cr = 2720, Mn =2760, F = 250, Cl = 170 et Co = 532 (18). Les chondrites à olivine et hypersthène sont les plus courantes dans les collections de météorites, puisqu'elles dépassent, à elles seules, le tiers des spécimens connus (35 % environ).
Beaucoup plus tard, il s'est avéré que cette météorite de Farmington était en fait la plus jeune météorite connue, et de loin, dans la mesure où son âge d'objet indépendant est de 25 000 ans seulement. Cet âge d'exposition dans l'espace, extraordinairement court à l'échelle astronomique, indique la date de la dernière fragmentation dont cet objet a été victime. Les astronomes catastrophistes de l'école britannique, David Asher, Victor Clube, Bill Napier et Duncan Steel (19), à la recherche de tous les phénomènes célestes en rapport avec le Complexe des Taurides, ont pu montrer que cette météorite faisait partie de ce Complexe, lié à P/Encke. Le radiant et la date de la chute, le 25 juin, semblent indiquer une identité probable, sinon incontestable.
Ainsi, on posséderait déjà un fragment du fameux centaure disloqué et dont certains fragments sont entrés en collision avec la Terre durant la protohistoire et l'Antiquité. La composition de ce fragment, composé principalement d'olivine et d'hypersthène, dans une matrice chondritique, indique une composition planétaire et non cométaire. Avec les traces retrouvées dans la résine des arbres de la Toungouska, ce serait le deuxième indice sérieux d'une origine au moins partiellement planétaire pour les débris connus des résidus de Hephaistos. Rien d'étonnant à cela, dans la mesure où 'il s'agissait d'un objet mixte, à la fois planétaire et cométaire. Bien sûr, ce sont les fragments planétaires qui ont la meilleure chance de toucher le sol, et donc d'être récupérés sous forme de météorites, et non seulement sous forme de "mitraille cométaire", de taille tout au plus millimétrique, comme le sont, au contraire, les débris d'origine cométaire.

Les essaims de météores liés à Hephaistos

Parmi les nombreux essaims de météores connus (20), cinq sont probablement de lointains résidus de la désintégration de Hephaistos, à travers quatre fragments encore existants. Ce sont les suivants :
Sagittarides
. Cet essaim est associé à Adonis et à son frère jumeau 1995 CS et est divisé en plusieurs essaims secondaires, probablement issus de la dernière séparation de quelques parties périphériques plus fragiles. Dans le cas de ces mini-fragments associés à Adonis, on doit plutôt parler d’un émiettement que de désintégration, émiettement qui se poursuit toujours.
Delta Cancrides. Cet essaim, visible à la mi-janvier, est lié à l’astéroïde cométaire Hephaistos, l’un des deux fragments majeurs (avec Heracles) survivants de la fragmentation du progéniteur Hephaistos.
Bêta Taurides. Cet essaim diurne, lié directement à 2P/Encke est l’un des composants du Complexe des Taurides, mis en évidence par Fred Whipple au début des années 1950 et popularisé par les astronomes catastrophistes britanniques. Il est observable fin juin début juillet et on lui associe Ogdy, l’astéroïde qui a explosé dans le ciel de la Toungouska en 1908.
S Taurides. C’est le deuxième essaim du Complexe des Taurides, visible, lui, fin octobre et début novembre, et associé directement à P/Encke. Il est très diffus, preuve qu’il s’agit d’un essaim ancien et d’importance, vestige de la désintégration d’un gros objet, probablement de taille kilométrique, lié génétiquement à P/Encke, fragment qui a pu conserver une cohésion suffisante pour une survie provisoire.
S Khi Orionides. Cet essaim, visible en décembre, est associé à l’astéroïde cométaire Oljato, le frère jumeau de P/Encke, qui a eu une activité cométaire jusqu’à très récemment, et qui a donc pu injecter sur son orbite une multitude de poussières dont la Terre récupère une partie.
Il est probable que d’autres essaims mineurs et récents pourront être associés dans l’avenir à quelques fragments connus ou à découvrir, membres de la grande famille Hephaistos. Ces essaims d'objets minuscules et de poussières innombrables sont la preuve que la désintégration d’un objet unique peut déboucher, à moyen terme (quelques milliers d'années), sur une multitude d’essaims météoriques, disséminés tout autour de la sphère céleste par le jeu d’une dispersion inéluctable.

La formation du cratère lunaire Giordano Bruno en 1178

Parmi les hypothèses crédibles, mais non confirmées, en liaison avec l'hypothèse Hephaistos, figure en bonne place la formation très récente du cratère lunaire Giordano Bruno (21). Certains chercheurs croient que ce cratère de 20 km de diamètre, qui est situé sur la face cachée (latitude 36° N et longitude 103° E), a été créé le 18 juin 1178, c'est-à-dire hier à l'échelle astronomique. Ce cataclysme est rapporté dans une chronique, intitulée " Chronique Mineure ", due à Gervais de Canterbury, un moine anglais du XIIe siècle, dans les termes suivants :

" Alors que dans la soirée du 18 juin de l'an de grâce 1178 j'observais la Lune avec d'autres moines de notre monastère, nous vîmes comme une torche flamboyante jaillir de son croissant. Elle vomit sur une grande distance du feu, des tisons brûlants et des étincelles. Le corps de la Lune palpitait comme en agonie et se tordait comme un serpent coupé. " (22)

Le 18 juin de Gervais est une date julienne qui correspond au 25 juin 1178 dans le calendrier grégorien (23) qui est le nôtre. Cette date est compatible avec l'impact d'un objet faisant partie du "Complexe des Taurides ". Ce texte du frère Gervais n'avait pas jusqu'alors attiré l'attention. Il est pourtant très intéressant et laisse perplexes les astronomes. Que s'est-il passé sur la Lune ce 18 juin 1178 ? Cette "torche flamboyante" serait-elle une colonne de feu provoquée par une explosion consécutive à un impact ?
Ce sont l'astronome française Odile Calame et son confrère américain Derral Mulholland qui ont proposé les premiers cette hypothèse d’un impact sur la face cachée de la Lune. Après avoir étudié attentivement les excellentes photos prises à bord des sondes Apollo, ils proposèrent le cratère Giordano Bruno comme contrepartie lunaire au texte du moine anglais. La fraîcheur de ce cratère et aussi les traînées brillantes qui convergent vers lui indiquent une création très récente, et en tout cas Giordano Bruno est l'un des seuls candidats possibles et nettement le plus probable.
Un cratère terrestre ou lunaire de 20 km peut être causé par un EGA de 500 mètres de diamètre seulement. Un tel impact peut se produire tous les 10 000 ans sur la Terre et il n'est en rien invraisemblable sur la Lune tous les 50 000 ans, notamment dans une période, comme l’actuelle, qui a subi une "pollution" cosmique exceptionnelle, du fait de la désintégration de Hephaistos dans le Système solaire intérieur.
D'autre part, la date rappelée par Gervais a immédiatement attiré l'attention. La deuxième quinzaine de juin fait obligatoirement penser au "Complexe des Taurides" et aux débris de Hephaistos. Certains spécialistes, parmi lesquels l’astronome allemand Jack Hartung (24), qui confirma le bien-fondé de l’hypothèse de Calame et Mullholland, ont rappelé que ce cataclysme lunaire est à rapprocher de l'événement de la Toungouska et des "tempêtes météoritiques" enregistrées par les sismomètres installés sur la Lune par les astronautes des différentes missions lunaires Apollo.
Quels sont les arguments scientifiques qui sous-tendent cette hypothèse d'un impact lunaire quasi contemporain, qui paraissait extravagante et irréaliste à beaucoup avant les années 1990, mais qui a trouvé une certaine crédibilité avec l'impact de la comète P/Shoemaker-Levy 9 sur Jupiter en juillet 1994 ? (25). En effet, avec cet événement imprévu mais arrivé fort à propos, on a eu la confirmation définitive que l'impactisme planétaire est aussi contemporain dans tout le Système solaire, système Terre-Lune compris évidemment. Et de toute manière, il est bien évident que la surface lunaire n'a nullement son aspect définitif, et il qu'il y aura d'autres impacts importants dans l'avenir, de beaucoup supérieurs aux modestes 20 km de Giordano Bruno. Donc, c'est vrai qu'il peut se produire un impact important n'importe quand.
Etonnamment, les astronomes ont trouvé que la Lune résonne comme une cloche. Ce résonnement pourrait être le vestige séculaire d'un impact très récent, qui justement remonterait à quelques centaines d'années seulement. Les 800 ans et quelques qui nous séparent de l'impact supposé sont assez plausibles dans cette optique.
Pourtant, l'hypothèse de l'impact en 1178 n'a pas convaincu pas la majorité des astronomes. Pour ces sceptiques, si le cratère est indéniablement récent (à l'échelle astronomique), il daterait quand même de plusieurs dizaines ou même centaines de milliers d'années, et ils croient surtout que le résonnement observé doit pouvoir s'expliquer par d'autres raisons liées à des phénomènes internes, des problèmes de sismicité, de libration et de résonance (à ne pas confondre avec résonnement).
L'énigme de la formation du cratère Giordano Bruno ne pourra être définitivement résolue qu'après une visite in situ, qui malheureusement n'est pas pour demain, malgré son grand intérêt.

Notes

1. A.S. Rivkin, Asteroids, comets, and dwarf planets (Greenwood Press, 2009).
2. J.-C. Merlin, Les astéroïdes (Tessier & Ashpool, 2003).

3. M.-A. Combes et J. Meeus, Chronique des objets AAA (n° 7), Observations et Travaux, 36, pp. 33-41, 1993. Quatre pages de cet article (pp. 37-41) sont consacrées à Damocles. Une intégration numérique de son mouvement pour la période 1800-2154 montre que les éléments orbitaux varient très peu à court terme. Par contre, à long terme, il suffirait d'une diminution de 8° de l'inclinaison pour que Damocles devienne un objet de type Apollo. Un tel objet de 15 km de diamètre, avec une vitesse d'impact de 40 km/s, aurait une énergie cinétique de l'ordre de 2,824 joules et pourrait facilement causer un nouvel hiver d'impact et une extinction de masse.
4. M.-A. Combes et J. Meeus, Un nouvel astéroïde exceptionnel : 1977 UB (Chiron), L'Astronomie, 92, pp. 231-235, 1978.
5. A. Stern, Chiron : Interloper from the Kuiper disk, Astronomy, 22, august 1994. Stern préférait le qualificatif de "disque" plutôt que "anneau" ou "ceinture" pour les astéroïdes transneptuniens, dans la mesure où, en règle générale, les inclinaisons sont faibles. Les objets à forte inclinaison ne sont pas originaires de la région et sont probablement des objets capturés. Mais c'est l'appellation "ceinture de Kuiper " qui s'est imposée au fil des années et qui est aujourd'hui adoptée par les spécialistes.
6. Il faut se rappeler qu'Aristote considérait les comètes comme faisant partie du monde sublunaire, c'est-à-dire en fait comme des phénomènes atmosphériques. Son opinion eut malheureusement force de loi jusqu'à ce que Tycho Brahé, en 1577, prouve le contraire.
7. Cette observation rapportée par Ephorus, historien grec du IVe siècle av. J.-C., contemporain de l'événement, est citée par Sénèque dans ses Questions naturelles pour la critiquer. Elle avait très étonné les Anciens qui ne croyaient pas possible jusqu'alors la fragmentation d'une comète.
8. Dans leur livre Les comètes, Jean-Claude Merlin et Michel Verdenet donnent l’arbre généalogique détaillé des comètes du groupe de Kreutz (tableau 4.17, p. 259), à partir de la comète d’Aristote de –371.
9. Pour prendre connaissance des multiples découvertes, il faut consulter sur internet le site de la sonde SOHO (voir la liste des sites en fin d'ouvrage). Les comètes du groupe de Kreutz repérées depuis 1996 (plus d'un millier) par SOHO prennent logiquement son nom. Toutes sont des résidus minuscules issus de l'émiettement des fragments de la comète d'Aristote.
10. De nombreux autres membres de Hephaistos pourraient avoir vu leur excentricité initiale (voisine de 0,82) diminuer et se situer actuellement entre 0,60 et 0,70. On connaît dans cette gamme d’excentricités des objets de taille kilométrique comme Poseidon, Mithra, Zeus et Cuno qui pourraient être des fragments de l'objet primordial.
11. M.-A. Combes et J. Meeus, Nouvelles des Earth-grazers - 4, L'Astronomie, 96, pp. 187-198, 1982. Depuis la rédaction de cet article, certaines données ont évolué, mais le fond reste valable. 1978 SB a été baptisé Hephaistos et son diamètre est aujourd'hui estimé à 8 ou 10 km environ. Le diamètre de P/Encke pourrait être supérieur à celui envisagé à l'époque et atteindre 3 ou 4 km. Il n'en demeure pas moins que Hephaistos est un fragment beaucoup plus gros que P/Encke.
12. Certains spécialistes continuent à penser que le problème des diamètres évoqué dans l’extrait de l’article est incontournable et que l’hypothèse ad hoc de la comète en sommeil est spécieuse. Pour eux, la solution serait autre : deux comètes venant de la ceinture de Kuiper et se présentant d’une manière identique seraient capturées et injectées par Jupiter dans un même "corridor" sur une orbite à courte période du type Encke ou Hephaistos, avec a ~ 2,20 UA, e ~ 0,80 et i ~ 5°. Ainsi, ces deux objets pourraient bien être d’origine différente et Hephaistos serait plus ancien et donc déjà astéroïdal, alors que P/Encke, plus récente, serait encore cométaire. Ce qui m'a fait changé d’avis c’est la multiplication des découvertes ultérieures identiques, caractéristiques incontestablement d’une fragmentation quasi contemporaine à l’échelle astronomique.
13. Il n’est pas exclu que 1991 BA, un objet d'une dizaine de mètres seulement et qui a frôlé la Terre en 1991, fasse partie du groupe P/Encke. 1991 BA a a = 2,24 UA, e = 0,68, i = 2° et se trouve déjà sur une orbite de quasi-collision avec la Terre (et avec Vénus aussi). Ce n'est rien d'autre qu'une poussière cosmique qui sera pulvérisée durant sa traversée de l'atmosphère si elle heurte un jour la Terre.
1
4. V. Clube et B. Napier, Hiver cosmique (Le Jardin des Livres, 2006). Ces deux astronomes catastrophistes sont les promoteurs de l'hypothèse d'essaims cosmiques de poussière issus de la désintégration d'une comète géante, poussière surabondante qui aurait pu former un voile suffisamment épais pour masquer partiellement la lumière solaire, notamment dans les régions polaires. Pour eux, certains épisodes du dernier âge glaciaire seraient d'origine cosmique et non terrestre.

15. P. LaViolette, Earth under fire (Bear & Company, 2005).
16. G.L. Verschuur, Impact ! The threat of comets & asteroids (Oxford University Press, 1996).
17. J. Gribbin and M. Gribbin, Fire on Earth (St. Martin Press, 1996).
18. M.H. Hey, Catalogue of meteorites (The British Museum, 1966).
19. D. Steel, Rogue asteroids and doomsday comets (John Wiley & Sons, 1995).
20. C.W. Kronk, Meteor showers, a descriptive catalog (Enslow Publishers, 1988).

21. Il faut se rappeler que la première photographie de la face cachée de la Lune remonte à octobre 1959 seulement. C'est la sonde soviétique Luna 3 qui transmit les premiers clichés tant attendus par les astronomes et qui s'avérèrent extraordinaires dans la mesure où la face cachée est très différente de la face visible. Plus tard, quand les spécialistes furent en possession de clichés détaillés, le cratère Giordano Bruno attira l'attention par sa fraîcheur, signe d'une formation récente.
22. Il y a 800 ans : une fantastique explosion. Historia, 384, novembre 1978. Citation p. 2.
23. L'année julienne vaut 365,25 jours et l'année grégorienne 365,2425 jours (l'année tropique valant, elle, 365,2422 jours). L'écart vaut 0,0075 jour par an, soit 0,75 jour par siècle. Le calendrier julien avait été remis à jour en 325 au Concile de Nicée, date à laquelle les Pères de l'Église enlevèrent 4 jours au calendrier julien pour faire coïncider la date de Pâques avec l'équinoxe de printemps (le 21 mars). En 1178, l'écart entre les deux calendriers était de 7 jours (en réalité 6,65 jours). Il convient donc de rajouter 7 jours pleins au 18 premiers jours de juin 1178. La date du possible impact lunaire est donc bien le 25 juin dans notre calendrier actuel. Cette date laisse à penser que le corps céleste responsable pourrait faire partie de la grande famille de Hephaistos, au même titre que l’objet de la Tougouska en 1908.
24. Au fil des années, d’autres astronomes que les précurseurs de l’école catastrophiste britannique, comme Jack Hartung, admettent le bien-fondé de l’hypothèse du Complexe des Taurides et de l’origine de celui-ci.

25. J.R. Spencer and J. Mitton, The great comet crash (Cambridge University Press, 1995). C'est le livre qui raconte en détail la collision de la comète Shoemaker-Levy 9 avec Jupiter en juillet 1994.