CHAPITRE 16

LA VIE ET LA MORT VIENNENT DU COSMOS


Dans ce chapitre, j'étudie plusieurs aspects, quelque peu hétéroclites, des rapports de la Terre avec la vie et la mort en provenance du cosmos, dont je n'ai pas encore parlé, ou qui ont été seulement survolés dans certains des chapitres précédents. J'examine aussi quelques hypothèses astronomiques qui se rapportent à ce vaste sujet.

Conséquences biologiques de l'impactisme

Si la Terre, comme les autres planètes d'ailleurs, n'est pas un astre fragile en dépit des innombrables catastrophes qui de tout temps ont modelé et remodelé sa surface, la vie qui s'est progressivement développée sur cette surface est sérieusement tributaire, elle, de l'environnement. Cette vie a dû souffrir à de fréquentes reprises, disparaître partiellement et peut-être même totalement à la suite de cataclysmes d'origine cosmique de grande envergure. L'homme actuel est encore menacé lui aussi, à court et à long terme, par les conséquences de nombreux cataclysmes probables ou potentiels (1/2), aussi bien terrestres d'ailleurs qu'astronomiques.

Dans La Terre bombardée de 1982, j'écrivais ceci au chapitre IX :

" Nous allons étudier dans ce chapitre certaines conséquences biologiques et humaines de l'impactisme. Elles sont si importantes que l'on peut dire d'ores et déjà que la vie en général, et l'homme en particulier, sous leurs formes actuelles, ne sont que des sous-produits de l'impactisme terrestre, contrairement à ce qui se passe sur la planète Mars, par exemple, où l'impactisme est probablement l'obstacle numéro 1 à l'apparition ou au maintien de la vie. En d'autres termes, nous affirmons que le catastrophisme d'origine cosmique est l'un des moteurs essentiels de l'évolution. Conclusion qui fera bondir de nombreux scientifiques de notre époque, notamment ceux qui connaissent mal le volet astronomique du problème, mais à coup sûr évidence de demain.

Les preuves, arguments et corrélations que nous allons soumettre au lecteur laissent peu de place à l'erreur de diagnostic, et se boucher éventuellement les yeux pour ne pas voir l'aveuglante réalité ne serait qu'un signe de peur ou d'obscurantisme d'un autre siècle. La science évolue et rien n'est en mesure de l'arrêter. A temps nouveaux, arguments nouveaux et hypothèses nouvelles, quoi de plus logique ? " (3)

Il est bien clair aujourd’hui que l'évolution ne concerne pas seulement les sciences de la vie. Elle a des rapports étroits avec les sciences de la Terre et surtout avec les sciences de l'espace. Que le catastrophisme d'origine cosmique soit l'un des moteurs de l'évolution est une évidence, quasi acceptée par tous les chercheurs qui lisent la presse scientifique en général, et pas seulement leurs revues spécialisées. La multidisciplinarité est indispensable pour comprendre le problème de l'évolution dans sa globalité. L'association entre les diverses disciplines est obligatoire.

D'énormes progrès ont été enregistrés dans ce domaine, grâce surtout aux recherches sur la mort des dinosaures tout au long des années 1980, et évidemment les résultats ont suivi, des résultats inespérés, qui vont tous dans le même sens et qui ont permis à une nouvelle génération de chercheurs de s'imposer et de faire l'actualité. Il est sûr que les pionniers ont du mal à se faire entendre et reconnaître, même s'il s'agit de savants de l'envergure de Hoyle ou Crick, et les précurseurs des années 1950 et 1960 sont déjà oubliés. Mais leurs écrits restent, et il est à souhaiter que les historiens des sciences de l'avenir leur rendent le mérite qui leur est dû. Ils ont été à la base d'une grande (et irréversible) révolution scientifique.

Le danger cosmique est multiforme, quasi insaisissable, souvent même totalement invisible quand il s'agit de radiations. Mais le cosmos n'est pas que danger et mort. Il est aussi source de vie avec ce Soleil sans qui nous n'existerions pas, et qui permet à notre biosphère d'être accueillante pour tous ces êtres vivants qu'elle a façonnés, pièce par pièce, depuis plus de trois milliards d'années. Cette biosphère aujourd'hui menacée pour la première fois depuis qu’elle est viable par la plus sophistiquée de ses créatures, qui est devenue un prédateur menaçant, l'homme.

La biosphère, siège de la vie terrestre

On considère en général la biosphère comme étant la partie de l'écorce terrestre et de l'atmosphère où il existe une vie organique. Cette notion de biosphère est relativement récente puisqu'elle a été réellement mise en évidence à partir des années 1920 seulement, notamment par le biochimiste soviétique Wladimir Vernadsky (1863-1945) qui en a défini le concept et les principaux critères dans son livre de référence, paru en 1926, La biosphère (4). Vernadsky, qui était contemporain de Oparine et Haldane, les deux autres grands biochimistes de cette époque (qui ont travaillé sur l'origine de la vie et sur l'atmosphère primitive de la Terre), s'est rendu compte de l'extrême importance pour la vie de cette fine enveloppe qui donne à la Terre son unicité. Tant et si bien qu'on le considère souvent comme le père de l'écologie.

Vernadsky, le premier, insista sur l'importance des rayonnements venus de l'espace :

" La Terre reçoit de tous les points des espaces célestes un nombre infini de rayonnements divers, dont les rayonnements lumineux visibles pour nous ne forment qu'une part insignifiante. "

Il mit aussi en évidence les rapports très étroits de la biosphère avec l'environnement cosmique de notre planète. :

" La biosphère peut, de par son essence, être considérée comme une région de l'écorce terrestre, occupée par des transformateurs qui changent les rayonnements cosmiques en énergie terrestre active, énergie électrique, chimique, mécanique, thermique, etc. Les rayonnements cosmiques qui jaillissent de tous les astres célestes embrassent la biosphère, la pénètrent toute, ainsi que tout ce qui se trouve en elle...

L'étude de l'action des radiations solaires sur les processus terrestres nous permet déjà d'envisager la biosphère en première approximation, d'une manière scientifiquement précise et profonde, comme un mécanisme à la fois terrestre et cosmique. Le Soleil a complètement transformé la face de la Terre, transpercé et pénétré la biosphère. Dans une large mesure, la biosphère est la manifestation de ses rayonnements ; c'est un mécanisme planétaire qui convertit ceux-ci en des formes nouvelles et variées d'énergie terrestre libre, énergie qui change entièrement l'histoire, ainsi que la destinée de notre planète. "

Depuis les travaux de Vernadsky, d'innombrables études ont été faites sur la biosphère (5), que l'on connaît très en détail aujourd'hui et que l'on sait d'une extrême fragilité. Bien entendu, comme le savait déjà Vernadsky et les astronomes de son époque, elle est totalement sous la coupe du Soleil, le maître absolu de notre petit secteur cosmique.

La biosphère étant le domaine de la vie, comme l'expliquait avec beaucoup de sagesse Vernadsky, qui prêchait pour que les hommes la respectent (il ne fut pas toujours écouté !), il est nécessaire d'en connaître avec précision les différents constituants susceptibles d'être les victimes directes ou indirectes d'agressions cosmiques inhabituelles.

L'hypothèse Gaïa ou la Terre est un "système"

Vernadsky pensait que la biosphère était un "mécanisme" à la fois terrestre et cosmique. Longtemps après lui, certains scientifiques ont cru pouvoir affirmer, avec des arguments plus ou moins crédibles, que la Terre est un "système" capable de créer et de contrôler tous ses paramètres et de s'adapter en fonction de paramètres extérieurs imposés par le Soleil et autres corps cosmiques, étant entendu que notre planète n'est qu'un système minuscule parmi des milliards d'autres équivalents dans l'Univers.

C'est l'hypothèse Gaïa, hypothèse culte des écologistes, due au biologiste et cybernéticien anglais James Lovelock qui la proposa pour la première fois en 1969 (6). On sait qu'elle est très sérieusement contestée par une majorité de géophysiciens et autres spécialistes des sciences de la Terre, qui n'y voient qu'une élucubration sans fondement. Par contre, elle reste très populaire dans les milieux écologistes non scientifiques, qui trouvent avec elle, au contraire, un moyen efficace de sensibilisation contre tous les excès de pollution et de lutte globale au niveau de la planète. En effet, Lovelock a clairement démontré qu'en trois siècles seulement, l'humanité a davantage modifié le visage de la Terre que l'évolution naturelle (catastrophes exclues) en des centaines de milliers d'années. Ce qui est vrai. Mais pour ce qui est de la valeur de l'hypothèse prise d'une manière globale, à savoir le caractère "vivant" de la Terre, la vérité est intermédiaire entre les deux affirmations extrêmes, et il est donc nécessaire de préciser ce dont il s'agit.

Dans son approche maximaliste (qui a encore quelques supporters acharnés, qui ne sont rien d'autres que d'indécrottables géocentristes), la Terre est une entité volontaire, qui gère elle-même au gré de ses exigences un climat et une atmosphère qu'elle s'est confectionnés. Lovelock a toujours répété son credo : " La Terre est vivante ", ce dont personne ne doute d'ailleurs. Il reste à savoir à quel niveau ! Selon lui, notre planète est un être vivant ayant une individualité propre, un super organisme qui s'est forgé un environnement sur mesure, un "système" auto-régulé dont les éléments biologiques interviennent régulièrement pour maintenir une stabilité assurant la survie.

Les anti-Gaïa répondent, au contraire, qu'il est tout à fait impossible que la biosphère, qui n'est qu'une infime partie de notre globe, puisse commander les phénomènes terrestres. Mais quelques observations passées semblent contredire partiellement cette réponse péremptoire dans la mesure où l'on sait, par exemple, que c'est grâce aux végétaux marins (des membres de la biosphère) que l'atmosphère primitive réductrice s'est progressivement enrichie en oxygène pour permettre à la vie de s'installer, et surtout de se diversifier et de se complexifier, il y a deux milliards d'années.

En fait, le dilemme entre pro et anti-gaïens repose sur l'importance de l'impact que peut avoir la vie sur les conditions qui règnent sur la Terre. Quasiment tous les scientifiques admettent que la Terre est bien un "système" qui a une importante capacité d'auto-organisation et d'auto-régulation. La Terre et sa biosphère, comme la vie, ont en temps normal une évolution gradualiste, tout à fait conforme à ce que l'on est en droit attendre dans un système non perturbé. Mais dès que ce système est soumis à des anomalies de parcours (impact cosmique, inversion géomagnétique, impactisme particulaire, volcanisme important...), les conditions deviennent provisoirement catastrophistes, et même parfois carrément mutagènes pour certains de ses composants vivants.

Les scientifiques ont vite compris que la grosse faiblesse de l'hypothèse de Lovelock et de ses adeptes (on peut parler de disciples pour certains d'entre eux), est de très mal s'accorder aux grands changements climatiques qui ont, si souvent à l'échelle géologique, affecté notre planète. Ainsi, comme l'ont fait remarquer certains adversaires de l'hypothèse :

" Gaïa, la déesse "thermostat", la puissance régulatrice garante de l'équilibre global, n'a pas pu empêcher les quatre glaciations du Quaternaire. Or les ères glacières n'étaient pas dues à des circonstances extérieures, telles qu'une diminution du rayonnement solaire, mais à des causes proprement terrestres qui ont déstabilisé notre climat. " (7)

La Terre n'est, en effet, nullement en mesure de faire face aux variations climatiques d'ampleur astronomique (telles que prévues par Milankovic), qui sont du seul ressort de la mécanique céleste, gigantesque mécanique dans laquelle la Terre et les autres planètes (même Jupiter et Saturne) sont des instruments dociles, en aucune manière capables d'interférer.

Tant et si bien que, face aux arguments scientifiques et aussi de bon sens de ses nombreux contradicteurs, Lovelock est passé de l'hypothèse maximaliste des années 1970, qui virent la montée en flèche de son hypothèse, à une hypothèse "basse" (un peu tristounette) pour sauvegarder un minimum de crédibilité dans le monde scientifique et aussi certains adeptes. Dans sa version haute, l'hypothèse Gaïa est quasiment religieuse, donc antiscientifique, mais dans sa version basse (qui existait bien avant Lovelock), elle est acceptable puisque tout le monde est bien d'accord pour admettre que la Terre est un "système", et qu'elle présente donc bien certaines caractéristiques de régulation interne.

Contrairement à ce que prétend Lovelock, c'est la vie qui doit s'adapter à la Terre et non l'inverse. Cette Terre qui existait déjà bien avant la vie et qui, n'en doutons pas, lui survivra de beaucoup.

Les colères du Soleil

Il est incontestable que notre étoile, qui est notre principale source de vie, reste aussi, de loin, l'astre le plus menaçant pour l'espèce humaine, même si ses colères semblent relativement rares à notre échelle. On n'a pas dans toute l'histoire de l'humanité de traces indiscutables d'une activité solaire vraiment anormale, même si l'on sait que certaines éruptions ont été exceptionnelles de par l'énergie dégagée.

Mais le Soleil est bel et bien, malgré tout, les astronomes le savent, une étoile légèrement variable, avec tout ce que cela comporte comme dangers à moyen et surtout à long terme (8). En période normale, il est un formidable et inépuisable fournisseur de rayonnements de toute nature, comme nous l'avons vu au chapitre 8.

Nous allons voir successivement les principaux dangers pouvant provenir de notre étoile et les conséquences biologiques qui en découlent.

En période normale (dite de Soleil calme), il n'y a rien de particulier à signaler. Les éruptions solaires font partie de la vie quotidienne de notre étoile. Le rayonnement solaire ordinaire maintient l'ionosphère terrestre, couche située entre 80 km et 500 km, dans un état d'ionisation partielle, la magnétosphère terrestre intercepte la grande majorité des rayonnements nocifs. Contrairement à ce que croient certains, les légères variations du rayonnement solaire n'ont pas d'effet significatif particulier sur la météorologie, pas plus, semble-t-il que sur le climat.

Lors de très fortes éruptions solaires et de l'expulsion d'un vent solaire particulièrement énergétique (voir le chapitre 8), les choses sont un peu différentes. De brusques décharges d'énergie peuvent atteindre 1025 joules et le plasma, composé de protons, d'électrons et de noyaux d'hélium, et une vitesse de plus de 1000 km/seconde. Au niveau de la Terre, cela se traduit par des orages magnétiques capables de perturber très sérieusement l'ionosphère, sans pour autant se révéler réellement dangereux pour la vie.

Au niveau biologique, il a été relevé qu'en période de forte activité solaire, liée au fameux cycle d'environ onze ans, une corrélation certaine existe entre le nombre de Wolf (nombre de taches) et la croissance des arbres. Cela signifie une croissance accélérée liée à l'activité solaire, mais on peut assimiler ce phénomène à une évolution gradualiste, tout à fait normale, et en aucun cas à un phénomène catastrophiste.

Pour atteindre ce niveau quasi catastrophiste, il faudrait une protubérance solaire géante (non encore observée à l'échelle humaine, mais plausible à l'échelle géologique) qui projetterait dans l'espace, suite à un phénomène solaire interne particulièrement énergétique, un plasma dont l'énergie serait suffisante pour forcer le "paravent" que constitue la magnétosphère et détruire la couche d'ozone.

On s'est aussi posé la question de savoir, suite à quelques observations surprenantes remontant parfois à quelques siècles, si le diamètre du Soleil était constant et les conséquences qui découleraient d'une variation, en plus ou en moins, ce diamètre. Entraînerait-elle une augmentation ou une diminution de l'énergie diffusée dans l'espace, et en conséquence une variation de la température incidente reçue à la surface terrestre ? Quelles conséquences biologiques entraînerait une variation d'une dizaine de degrés ?

Enfin, il faut signaler que, pour les astrophysiciens pour une fois unanimes, le risque que le Soleil se transforme un jour en nova n'existe pas et peut être totalement écarté. Son avenir, on le sait depuis longtemps, est une transformation progressive, dans plusieurs milliards d'années, en géante rouge, mais d'ici là la vie aura totalement disparu de la Terre.

Conclusion de cette section : en fait, en période normale et à l'échelle humaine, le Soleil est beaucoup plus un "ami" qu'un ennemi, ce qui semble assez logique dans la mesure où la vie n'existe que grâce à lui. La vie terrestre est entièrement acclimatée à la biosphère, elle-même inféodée au Soleil. Tout est en règle et fonctionne "comme sur des roulettes". Quelques petites perturbations (petites au niveau terrestre) dans la magnétosphère, l'atmosphère, le climat ne remettent nullement en cause la pérennité de la vie et celle de l'évolution gradualiste. La destruction de la couche d'ozone peut, par contre, entraîner des désagréments particuliers comme nous le verrons plus loin.

Si le Soleil est un "ami" indispensable en période normale, il en va tout autrement quand, au niveau terrestre (et à l'échelle géologique), le mécanisme se grippe.

Inversions géomagnétiques et évolution

Le danger, sinon mortel du moins mutagène, arrive surtout avec une diminution significative, et à plus forte raison la disparition, du champ magnétique. La magnétosphère terrestre ne fait plus son travail de paravent et de soupape et peut disparaître totalement. Conséquence immédiate, la couche d'ozone, elle aussi, diminue ou disparaît totalement, les radiations cosmiques, principalement solaires mais aussi galactiques (rayons cosmiques), atteignent la surface terrestre. C'est alors la catastrophe, tout au moins pour les espèces autochtones. Par contre, pour la vie en général, cela va être une période et un moyen de se régénérer. L'évolution va pouvoir passer à la vitesse supérieure. L'évolution catastrophiste va provisoirement se superposer à l'évolution gradualiste darwinienne, la complexité va gagner quelques "points" précieux, de nouvelles espèces vont apparaître (9).

Comme je l'ai dit au chapitre 15, c'est le bruit de fond de l'extinction, prémice elle-même à une nouvelle étape, à un nouveau départ. C'est le rituel immuable depuis que la vie existe. La vie et la mort viennent bien du cosmos.

Ce problème des inversions géomagnétiques est un sujet très important, de par ses conséquences cruciales sur l'évolution des êtres vivants, qui est étudié par des équipes de spécialités différentes. Pour autant, les causes des inversions, qui doivent être multiples, restent mal connues. Sont-elles externes, internes, ou les deux ? En 1982, dans La Terre bombardée, je tablais résolument pour des causes à la fois externes et internes. Aujourd'hui, force est de constater que la grande majorité de ces inversions doivent être en fait à d'importantes perturbations liées au noyau terrestre (10) et donc principalement d'origine terrestre.

Mais les questions restent nombreuses et souvent sans réponse. On peut en citer deux, concernant des hypothèses dont il serait urgent de savoir si, oui ou non, elles restent crédibles : 1. " Un impact d'astéroïde ou de comète important peut-il inverser le champ magnétique ? ". 2. " Quel est le rôle du chaos dans certaines de ces inversions ? " (11).

La couche d'ozone et l'impactisme

L'impactisme particulaire a aussi, à certaines époques, des effets significatifs sur un constituant primordial de notre atmosphère : la couche d'ozone (12) qui s'étend entre 20 et 30 km d'altitude. L'ozone est un gaz formé par l'association de trois atomes d'oxygène qui a la particularité, fort importante pour la vie terrestre, de filtrer le rayonnement ultraviolet du Soleil dont on connaît les effets particulièrement nocifs. Il n'est pas sûr que cette couche d'ozone résiste bien à des agressions exceptionnelles, comme par exemple l'arrivée massive de rayonnements causés par des éruptions solaires cataclysmiques ou à des explosions de novae ou de supernovae, voisines (relativement) de la Terre, qui éjectent dans l'espace des quantités fantastiques de matière et de rayons cosmiques. On pense, en effet, que des flux très importants de protons sont capables d'entraîner une diminution de la concentration d'ozone.

Et maintenant, on soupçonne l'homme lui-même, du fait de certaines de ses activités, de détruire involontairement la couche d'ozone. On connaît le problème de l'apparition du fréon dans la basse atmosphère, un gaz qui n'existe pas à l'état naturel et qui est dû à l'utilisation des bombes aérosols, des systèmes réfrigérants et des climatiseurs. Ce fréon est un ennemi mortel pour l'ozone, puisqu'il se décompose pour former du chlore qui après combinaison avec l'ozone entraîne sa dissociation.

D'autres ennemis ont été recensés depuis longtemps, notamment l'aviation stratosphérique et les explosions nucléaires dans l'atmosphère (heureusement en voie de disparition). L'ozone est ainsi menacée à la fois par la Terre et par l'espace, et elle n'est le fruit (indispensable mais provisoire) que d'un équilibre fort délicat, souvent mis à mal probablement, avec toutes les conséquences biologiques qui en découlent.

Rayons cosmiques : rayons de mort et/ou de vie ?

L'influence du bombardement des rayons cosmiques sur les êtres vivants a toujours passionné les biologistes, et de nombreuses études ont été faites à ce sujet (13). On a constaté des modifications sur des cultures de bactéries, sur des œufs de différentes espèces animales et même sur des animaux cobayes exposés à des "averses cosmiques" comme on les appelle. Il est certain que des mutations génétiques ont été observées et que des cancers ont affecté diverses parties du corps des animaux irradiés.

On comprend le danger énorme pour la vie chaque fois que la Terre reçoit une exposition prolongée de rayons cosmiques. C'est le cas, ne l'oublions pas, quand notre planète perd la protection de son bouclier magnétique, lors des inversions géomagnétiques. Rappelons que les périodes d'annulation durent plusieurs milliers d'années et que chacune d'elles est la cause de la disparition de certaines espèces et de l'apparition de nouvelles espèces mutées, consécutivement aux radiations accrues. L'organisme humain souffrira gravement de la prochaine averse de rayons cosmiques. Ce sera d'ailleurs la première fois que notre espèce, Homo sapiens, sera confrontée à un tel danger. La multiplication des cancers de la peau notamment est à craindre, ainsi que des leucémies, le tout couronné par une stérilité probablement accrue qui pourrait s'avérer catastrophique pour la survie de l'espèce, tout au moins sous sa forme actuelle.

De toute évidence, l'amélioration de l'espèce humaine est loin d'être acquise pour l'avenir, une stérilité accrue pourrait même être source de récession. Tant et si bien que des chercheurs actuels croient possible le fait que les premiers Homo, loin de descendre du singe, ou d'un ancêtre commun (le fameux maillon manquant), pourraient avoir engendré eux-mêmes certaines espèces de singes supérieurs qui sont très proches de nous génétiquement. On sait, par exemple, que le chimpanzé, notre plus proche "cousin", partage avec nous plus de 97 % du même programme génétique, ce qui indique clairement une "séparation" définitive il y a très peu de millions d'années.

Certains auteurs ont parlé aussi de sénilité et de débilité accélérées, d'autres de gigantisme sans avenir. Le pire, c'est que les scientifiques sont totalement désarmés face à cette catastrophe qui les dépasse de beaucoup, et qui peut être, nous l'avons vu, d'origine purement terrestre, mais aussi parfois consécutive à un impact sérieux d'un géocroiseur ou d'une comète sur la Terre. Elle est fréquente à l'échelle astronomique, puisque se produisant en moyenne tous les 500 000 ans. Cela signifie que déjà des millions d'espèces terrestres ont eu à souffrir de ses effets depuis l'apparition et la fixation définitive de la vie sur Terre.

On se demande vraiment ce que pourrait être le moyen de parade à la prochaine "averse cosmique". Le mieux serait évidemment de capter, au moins partiellement, ce flux cosmique de très grande énergie et de l'utiliser justement comme une nouvelle source d'énergie perpétuellement disponible. Inutile de dire que la technique humaine n'en est pas encore là, il s'en faut même de beaucoup, et que quelques centaines, ou même milliers d'années, ne seront sans doute pas de trop pour mettre au point la théorie adéquate. Cela vaut quand même la peine d'y penser sérieusement, car la survie de l'espèce humaine sous sa forme actuelle est peut-être à ce prix.

Par contre, en période normale comme actuellement, les rayons cosmiques ne sont plus des "rayons de mort", mais probablement au contraire des "rayons de vie". A petite dose, ils favorisent la croissance des êtres vivants. Leur absence totale déboucherait sans doute sur des effets nocifs, notamment en stoppant ou en retardant tout développement de la vie. Cette absence serait en tout cas un frein pour la montée inexorable vers une complexité accrue des formes vivantes, qui est une nécessité au niveau de l'Univers en général, comme nous l'avons vu au chapitre 14.

Le physicien suisse Jakob Eugster (1891-1974) , qui fut l’un des grands spécialistes des rayons cosmiques, a fait, à ce sujet, dans les années 1960, ce commentaire qui est probablement exact :

" L’exposition aux rayons cosmiques sur la Terre favorise la croissance. Un bombardement de particules primaires dans l’espace peut provoquer des dégâts, spécialement s’il est intense et continu, mais l’absence de radiations influence négativement les organismes vivants en arrêtant ou en retardant tout développement. Peut-être les rayons cosmiques sont-ils aussi nécessaires que la lumière. " (14)

On peut espérer une nette amélioration de nos connaissances à ce sujet au 21e siècle. Ce sera une très bonne chose, car les rayons cosmiques sont un composant de l'Univers présent partout depuis toujours, extraordinairement énergétique, et donc très important, encore bien mal connu dans le détail.

Les comètes, source de vie et de mort ?

J'ai déjà partiellement répondu à cette question dans d'autres chapitres. Au chapitre 14, nous avons vu l'importance que certains chercheurs, comme Hoyle, Wickramasinghe, Delsemme, Crick et d'autres, apportent aux comètes comme facteur d'introduction de la vie sur Terre. Au chapitre 12, nous avons vu qu'une comète pourrait fort bien avoir été la cause du cratère de Chicxulub et de l'extinction de masse qui a suivi. Au chapitre 19, j'étudierai l'aspect historique du problème avec les résidus de Héphaistos, l'objet cosmique le plus préjudiciable depuis l'arrivée d'Homo sapiens et qui lui a causé déjà beaucoup de misères, en très grande partie non encore identifiées.

Il est indéniable que les comètes sont des petits corps dont on a jusqu'à maintenant nettement sous-estimé l'importance. Elles existent par milliards dans le Système solaire, et en nombre illimité dans les espaces interstellaires. Par le jeu des perturbations stellaires, on sait que certaines de "nos" comètes peuvent prendre leur indépendance (grâce à des orbites hyperboliques) et partir dans la Galaxie à la recherche d'une nouvelle étoile qui les capturera et en fera des (mini) satellites. Ainsi la vie et la mort sont des denrées exportables (et réciproquement importables) à l'échelle astronomique, par le biais des comètes et des météorites (qui sont parfois des résidus de comètes).

Pour ce qui est de leurs rapports directs avec la Terre, les comètes agissent en permanence sous deux formes successives. En tant que comètes actives dans un premier temps, avec une queue de gaz et de poussières qui peut jouer un rôle de balayage et d'introduction d'organismes prébiotiques, ou même carrément vivants parfois dans l'atmosphère terrestre. Elles jouent alors un rôle principalement positif : elles véhiculent la vie. En tant qu'astéroïdes cométaires dans un deuxième temps, quand les éléments volatils et les glaces sont sublimés. Leur rôle alors pourrait être alors surtout négatif : elles participent à un impactisme destructif.

Dans un raccourci, peut-être un peu facile, on pourrait dire que la vie est apportée par des comètes et supprimée ensuite par des astéroïdes. Ce scénario pourrait, en particulier, s'être produit sur Mars, que l'on sait avoir été une planète vivante, avant que cette vie ne l'abandonne.

Nous allons voir que les choses sont en réalité bien plus complexes dans la section suivante consacrée à la panspermie microbienne.

La panspermie microbienne, vrai ou faux ?

Le balayage de la Terre par les queues cométaires

Le passage de la comète de Halley à proximité relative de la Terre au mois de mai 1910 a créé une sorte de panique dans les couches les moins instruites de la population. Camille Flammarion, le vulgarisateur numéro 1 de la science astronomique en France au début du XXe siècle, expliquait dans plusieurs articles que la Terre allait être balayée et enveloppée pendant plusieurs heures par la queue de la comète, et que l'empoisonnement de l'humanité par des gaz délétères n'était pas exclu.

" La tête de la comète sera à 26 millions de kilomètres de nous. Or, les queues cométaires ont souvent 30, 40, 50 millions de kilomètre et davantage, et elles sont toujours opposées au Soleil. Cet immense appendice pourra donc nous atteindre, nous envelopper pendant plusieurs heures. Quelles seront les conséquences de cette rencontre, de cette immersion ?

Sans revenir sur l'exposé que j'en ai donné dans mon ouvrage La Fin du Monde, et sur toutes les formes qu'une rencontre cométaire avec notre séjour errant pourrait présenter aux divers points de vue mécanique, physique, chimique, thermodynamique, physiologique, nous pouvons avouer que nous ignorons la forme que le destin nous réserve pour le mois de mai prochain. L'empoisonnement de l'humanité par des gaz délétères n'est pas probable. Sans doute, si l'oxygène de l'atmosphère venait à se combiner avec l'hydrogène de la queue cométaire, ce serait l'étouffement général à bref délai. Si, au contraire, c'était une diminution de l'azote, une sensation inattendue d'activité physique serait éprouvée par tous les cerveaux, et la race humaine périrait dans un paroxysme de joie, de délire et de folie universelles, probablement, au fond, très enchantée de son sort. L'oxyde de carbone, au contraire, pourrait amener l'intoxication de tous les poumons. L'analyse spectrale ne nous indique pas encore quels éléments domineront dans la queue de la comète. Les combinaisons hydrocarburées de l'azote sont fréquentes. " (15)

En fait, le passage de cette queue cométaire dans notre atmosphère dans l'après-midi du 19 mai 1910 ne se traduisit par aucune perturbation d'aucune sorte, notamment atmosphérique. Seules les personnes observant dans des conditions favorables purent déceler un crépuscule d'une splendeur inaccoutumée, rappelant ceux suivant les grandes éruptions volcaniques, comme celle, célèbre, du Krakatoa en 1883. Il est certain que des poussières très ténues, d'origine cosmique, se sont répandues dans l'atmosphère terrestre le 18 et 19 mai 1910, phénomène présentant une analogie singulière avec celui qui fut observé le 1er juillet 1908, après l'explosion de la Toungouska dont j'ai parlé au chapitre 9.

Une authentique interaction entre l'atmosphère terrestre et la queue d'une comète s'était déjà produite quarante-neuf ans plus tôt, le 29 et le 30 juin 1861, période durant laquelle la Terre avait traversé la queue de la Grande comète de 1861, visible sur les deux tiers du ciel dans l'hémisphère sud. Ce phénomène remarquable eut, entre autres, comme témoin l'astronome français Emmanuel Liais (1826-1900), alors en mission en Amérique du Sud, qui écrivit ensuite à ce propos :

" La rencontre de la Terre par la queue d'une comète n'a rien qui doive effrayer... Aujourd'hui que nos connaissances en physique nous permettent d'apprécier l'extrême rareté du milieu gazeux qui forme les appendices cométaires, il est certain que, même quand ces gaz seraient délétères, la quantité mêlée à l'atmosphère serait trop petite pour nuire aux habitants de notre globe. " (16)

Ce premier passage authentique de la queue d'une comète à l'intérieur de l'atmosphère terrestre fut observé dans l'hémisphère nord (où la comète elle-même n'était pas visible) sous la forme d'une bande lumineuse large de 30 à 35°, dirigée exactement suivant la verticale et nettement plus lumineuse que la Voie Lactée, qui fut souvent prise pour une aurore boréale (17). Il n'y eut aucun effet biologique signalé. C'est la raison pour laquelle Flammarion, qui aimait bien "faire peur" à ses lecteurs, n'était pas vraiment inquiet pour le remake de 1910.

Aujourd'hui, la majorité des spécialistes sont d'accord pour affirmer que ces balayages de la Terre par des queues cométaires ne peuvent, en aucun cas, entraîner des désastres génétiques ou écologiques. Ces queues sont, en effet, d'une teneur si raréfiée (comme le savaient déjà les astronomes de 1860) que l'atmosphère terrestre est pratiquement du plomb en comparaison. Mais quelques auteurs sont d'un avis contraire et pensent que les queues cométaires, tout au moins certaines d'entre elles, pourraient être responsables de plusieurs épidémies inséminées sur la Terre depuis l'Antiquité. Ils rejoignent ainsi certains auteurs anciens qui tenaient la relation queue-de-comète/épidémie pour acquise.

Hoyle et Wickramasinghe et la panspermie microbienne

Aujourd'hui, les comètes ne créent plus la vie (tout au moins sur la Terre), mais elles pourraient bien, par contre, véhiculer la mort. Ce sont encore Hoyle et Wickramasinghe qui se trouvent à la base de cette hypothèse de la panspermie microbienne (18). Ces deux auteurs ont émis l'idée assez étonnante que certaines grandes épidémies de l'Antiquité et du Moyen Age, dont l'origine est toujours restée mystérieuse, pourraient avoir été provoquées par l'apport de germes pathogènes contenus dans des queues de comètes ayant eu une interaction avec l'atmosphère terrestre, au cours d'un passage à proximité relative de notre planète. Dans certains autres cas, ces germes pourraient provenir de débris cométaires récents essaimés le long de leur orbite par des comètes à courte ou longue période, et non encore détruits par les diverses radiations cosmiques.

Cette idée de panspermie microbienne n'est pas nouvelle en fait, contrairement à ce que l'on pourrait croire, et elle a été soupçonnée dès l'Antiquité, avant d'être reprise au XIXe siècle par plusieurs auteurs (19). Tous les méfaits imputés aux comètes ont été recensés vers 1830 par un médecin anglais, Thomas Forster (1789-1850), dans son Essai sur l’influence des comètes sur les phénomènes de la Terre, quand l'astronome allemand Wilhelm Olbers (1758-1840) eut calculé que la comète D/Biela s'approchait à seulement 28 000 km de l'orbite terrestre et que, par conséquent, une interaction avec la queue de cette comète, et même une collision, n'était pas à exclure dans l'avenir. On sait que D/Biela se fragmenta peu après, en 1845, avant de se désintégrer et d'être la source des deux fantastiques averses de Biélides de 1872 et 1885 (voir le chapitre 10).

Il ne faut pas oublier que les comètes ont toujours été considérées avec crainte par les peuples anciens, et cela dans toutes les parties du monde, et le recensement du docteur Forster, qui peut paraître bien dérisoire (Arago s’est moqué de lui à l’époque), n'était que l'expression d'une inquiétude larvée face aux comètes, surtout après la très forte approche de D/Lexell en 1770 et la découverte du fait que D/Biela était sur ce qu'on appelle aujourd'hui une orbite de quasi-collision.

On peut mettre ce sentiment de peur sur le compte d'un obscurantisme millénaire, fléau dont certains ont encore du mal à se soustraire à l'époque présente. Mais ce serait peut-être voir les choses un peu trop sommairement. Car souvent des comètes ont été notées dans le ciel, alors que sévissaient des épidémies sévères, notamment la peste. C'est cette présence simultanée comète-épidémie qui les a fait associer dans l'esprit des peuples victimes et ce n'était peut-être pas toujours sans raison.

La question se pose donc ainsi sur le plan scientifique : " Oui ou non l'arrivée dans l'atmosphère de matériaux cométaires peut-elle encore affecter la biologie terrestre ? " Hoyle et Wickramasinghe sont d'avis que ces invasions biologiques extraterrestres n'ont jamais cessé totalement et se poursuivent de nos jours. Ces invasions peuvent prendre la forme de nouveaux virus et d'infections bactériennes qui frappent notre planète à des intervalles irréguliers et qui tombent au sol dans des poussières d'origine cométaire, ou à l'intérieur de matériaux météoritiques.

Les rapports sur des épidémies inexpliquées sont légion dans l'histoire de nombreux pays. Elles sont toutes différentes, mais beaucoup ont des points communs. Elles débutent soudainement sans cause bien définie, elles affligent des villes entières et se propagent rapidement. Cependant, ces épidémies sont de courte durée, environ un an, et n'affectent jamais la population mondiale dans son ensemble. L'infection primaire pourrait venir du contact direct entre la poussière cométaire contaminée et les humains, ou passer par l'intermédiaire d'autres créatures comme les moustiques ou les rats. Ensuite, la transmission de personne à personne diminue sensiblement la virulence de la maladie qui finit par s'enrayer d'elle-même, non sans avoir fait, parfois, des milliers et même des millions de victimes.

Quoique l'hypothèse de ces épidémies d'origine cosmique soit plausible, et qu'elle ait été reprise dans les années 1970 par deux savants de stature mondiale, il faut cependant signaler qu'elle laisse sceptiques la grande majorité des chercheurs. Il faudra des preuves pour que la panspermie microbienne gagne ses lettres de noblesse dans l'éventail des théories scientifiques indiscutables. Il n'est pas exclu toutefois que ces preuves nous soient apportées dans un siècle futur par une nouvelle comète venue du fond du Système solaire et qui, par l'entremise d'un balayage de la Terre avec sa longue queue de poussières, déposera sur notre planète quelques virus pathogènes. Alors on pourra dire que les Anciens, pour craintifs qu'ils aient été, n'étaient pas aussi arriérés que l'on a trop voulu le laisser croire.

Hiver d'impact et hiver nucléaire

On peut regrouper dans une même section l'étude sommaire de l'hiver d'impact et celle de l'hiver nucléaire. On pourrait aussi leur adjoindre l'hiver volcanique. Ainsi on peut voir que l'espace, la Terre elle-même, et l'homme, phénomène transitoire créé à partir des deux premiers, sont tous les trois capables d'engendrer une période de turbulence très préjudiciable à la vie, sinon dans sa totalité, du moins à certaines espèces plus vulnérables et qui ne peuvent se maintenir qu'à l'intérieur d'une étroite fourchette de caractéristiques écologiques bien précises, notamment en ce qui concerne la composition de l'atmosphère, la température, etc.

Pour la Terre dans sa globalité, par contre, un hiver qu'il soit d'origine cosmique, volcanique (ou même peut-être humaine demain...), n'est qu'un épiphénomène banal, maintes fois répété dans son histoire, sans conséquence pour son intégrité en tant que planète. Pour la vie qu'elle abrite, bien sûr, c'est tout autre chose, et des remaniements, très partiels lorsqu'il s'agit d'impacts mineurs, ou quelquefois substantiels lorsqu'il s'agit d'impacts cataclysmiques, sont inévitables.

Ce sont Luis et Walter Alvarez qui ont créé la notion d'hiver d'impact quand ils prirent conscience que l'excès d'iridium dans la couche K/T était lié à un impact cosmique d'envergure. L'astéroïde ou la comète de 10 km responsable de la fin du Crétacé a eu des conséquences très importantes sur la biosphère, comme je l'ai expliqué au chapitre 12. D'une manière plus globale, l'hiver d'impact se produit chaque fois que l'impacteur a un diamètre moyen de 2,0 km.

Dans la foulée de cette découverte importante, d'autres chercheurs, scientifiques et militaires, y ont associé la notion d'hiver nucléaire, aujourd'hui classique, et qui est caricatural du catastrophisme technologique par ses causes et écologique par ses conséquences. Un livre à succès est paru sur le sujet en 1984 sous la signature commune de quatre scientifiques américains : The cold and the dark, en français Le froid et les ténèbres (20).

Les nombreuses simulations informatiques, dont les scientifiques de toutes les spécialités sont friands et de grands consommateurs, effectuées sur ce sujet particulièrement sensible, ont montré que les conséquences d'une explosion nucléaire de très grande envergure (l'hiver nucléaire) et celles résultant de l'impact d'un objet cosmique de plusieurs kilomètres de diamètre (l'hiver d'impact) étaient assez comparables.

On peut résumer ainsi le scénario de base. La poussière propulsée dans l'atmosphère obscurcit l'atmosphère d'une façon telle que la visibilité à plus de quelques mètres est impossible durant plusieurs mois. Ce sont le froid et les ténèbres qui s'installent d'une manière inéluctable. Sans Soleil, la photosynthèse est totalement interrompue, les diverses chaînes alimentaires disparaissent. En outre, si l'impact est océanique (7 chances sur 10, rappelons-le), une énorme quantité de vapeur d'eau est propulsée dans l'atmosphère. Cette vapeur d'eau est la cause d'un important effet de serre, et au froid initial succède, au contraire, un réchauffement très préjudiciable à certaines espèces rescapées de la période de froid. Le réchauffement brutal peut entraîner une combinaison de l'oxygène et de l'azote de l'air, combinaison pouvant déboucher sur une overdose d'oxyde d'azote sous forme d'une pluie d'acide nitrique, susceptible de détruire ou de perturber sérieusement certaines espèces de plantes et d'animaux marins invertébrés.

Reste le problème des radiations (21). L'hiver nucléaire a été disséqué par tous les scientifiques militaires pour savoir les conséquences d'un conflit nucléaire, pour l'homme en particulier et pour son cadre de vie sur un plan plus général. On le sait, les résultats des simulations effectuées dans les années 1980 ne sont pas brillants, ce qui a quand même poussé (bien tardivement) les militaires et leurs commanditaires politiques à être plus prudents qu'auparavant.

La catastrophe écologique (et humaine) de Tchernobyl du 26 avril 1986 a clairement démontré la nocivité de l'irradiation nucléaire, même à dose relativement faible, sur les êtres humains, et peut-être plus encore sur leur descendance. Il ne fait pas bon d'être enceinte, même aujourd'hui, pour une femme habitant depuis 1986 le secteur de Tchernobyl. La radioactivité anormale joue un rôle, inimaginable avant 1945 (Hiroshima et Nagasaki), sur la croissance des enfants, qu'ils soient nés avant ou, à plus forte raison, après la catastrophe. Il est indéniable que leur potentiel génétique a été gravement atteint. Au niveau mondial, une irradiation générale à forte dose pourrait entraîner la quasi-extinction de l'espèce humaine en quelques générations seulement.

Pour ce qui est d'un hiver d'impact, les simulations ne peuvent être qu'imparfaites, car de nombreux paramètres sont approximatifs ou même spéculatifs. La nature des impacteurs de taille kilométrique peut être extrêmement variable, de la comète de glace à la sidérite, comme l'astéroïde 1986 DA qui est, nous l'avons vu, sur une orbite de collision avec Mars, en passant par toutes sortes d'objets mixtes. Si réellement le petit impact (objet de 80 mètres au maximum) de la Toungouska a été la cause des mutations et de croissance accélérée signalées par certains chercheurs soviétiques, il y a de quoi s'inquiéter pour l'avenir.

Peut-être faudra-t-il, en cas d'impact majeur, laisser la place à des espèces animales mieux armées que la nôtre pour lutter contre l'irradiation, comme des tortues, des serpents ou des blattes qui ont déjà traversé sans trop de problèmes quelques désastres d'origine cosmique d'envergure et qui ont de grandes chances de nous survivre. L'homme, lui, paraît bien fragile, pour faire "de vieux os" sur cette Terre.

La récurrence des extinctions et les coupables possibles

Cette très intéressante théorie de la récurrence des extinctions, qui a eu son heure de gloire dans les années 1980, est aujourd'hui sérieusement discréditée, quasiment abandonnée même par la communauté scientifique dans son ensemble, bien que certains irréductibles veulent encore y croire. Elle a permis l'apparition de deux hypothèses annexes, celle de Némésis et celle de l'oscillation galactique, dont il est nécessaire de parler en détail, car elles venaient logiquement proposer une double solution crédible à une énigme mise en évidence par les paléontologues.

Au début des années 1980, dès que l'hypothèse des deux Alvarez concernant la fin des dinosaures, il y a 65 MA, prit une telle consistance que la majorité des scientifiques admirent sa vraisemblance, de nombreux chercheurs tentèrent de déterminer si les extinctions pouvaient se produire plus ou moins régulièrement par cycles.

Il faut dire tout de suite que, dès le départ, les spécialistes des NEO ont refusé toute possibilité d'extinctions cycliques. Pour eux, qui connaissent déjà plus de 2000 objets qui frôlent la Terre et qui s'attendent à en connaître 10 000 avant vingt ans, l'impactisme ne peut être que totalement aléatoire. Ces impacts se produisent quand un NEA ou une comète sur une orbite de collision se présente en même temps que la Terre à ce point de croisement des deux orbites. Des comètes nouvellement envoyées par des perturbations, d'où qu'elles proviennent, ne sont pas immédiatement sur des orbites de collision et n'ont aucune raison de s'écraser sur la Terre régulièrement. Le matériel susceptible de heurter les planètes existe (il existe depuis toujours en permanence) puisque près de 100 000 astéroïdes et noyaux cométaires sont déjà en place dans le Système solaire intérieur et sont susceptibles de venir heurter la Terre dès que les lois de la mécanique céleste en auront décidé ainsi. Car c'est elle, la mécanique céleste, et elle seule, qui permet les approches aux planètes et les impacts. Une comète nouvellement arrivée ne choisit pas sa cible ! Elle est d'abord capturée, avant de pouvoir s'approcher fortement des planètes et éventuellement d'en percuter une.

Les paléontologues ne sont pas astronomes et ignorent souvent jusqu'à l'existence même des NEA. Ils ont étudié sur le papier, statistiquement, la fréquence et l'intensité des diverses extinctions, permettant grâce à une telle approche une très importante avancée scientifique. Ce sont eux qui ont découvert les cinq extinctions majeures (dites de masse), une vingtaine d'autres secondaires et quelques autres mineures. Il était tentant de relier entre eux tous ces pics d'extinction datés avec une bonne précision, calés souvent sur des fins de périodes géologiques, et de comparer les datations avec celles des grands astroblèmes.

Les premiers, David Raup et John Sepkoski Jr. (1948-1999) proposèrent l'hypothèse d'extinctions cycliques. Ils présentèrent en 1984 une remarquable étude détaillée (22) de l'histoire des fossiles, depuis le Permien supérieur jusqu'à nos jours. Ils tracèrent une courbe indiquant le pourcentage de familles frappées par les diverses extinctions. Ils mirent ainsi en évidence une étonnante combinaison de crêtes et de dépressions. Sur 39 étages géologiques retenus, 8 crêtes importantes furent privilégiées pour une analyse mathématique et statistique très poussée. Celle-ci paraissait bien indiquer, pour Raup et Sepkoski, une récurrence périodique pour les extinctions.

Ils annoncèrent alors que d'après leurs calculs, il y avait une probabilité de 90 % pour que le taux d'extinction suive un régime cyclique, avec une période de 26 MA entre deux crêtes successives d'extinction. Mais l'examen de leur graphique ne convainquit pas vraiment les scientifiques car la corrélation était très approximative, pour ne pas dire médiocre. Les pics d'extinction sont incontestables, mais la périodicité ne peut être réellement établie. Pour les astronomes, elle est même utopique. D'ailleurs, d'autres données retenues, pour d'autres critères, par d'autres équipes de disciplines différentes, conduisirent à des résultats assez différents (chacune éliminant sans trop de complexes les données qui s'éloignaient quelque peu du canevas retenu a priori). La période même des extinctions variait de 26 MA à 33 MA, en passant par 28 MA et 32 MA selon les critères retenus, ce qui est un comble, et laissait entrevoir des résultats très douteux sur le long terme.

Quoi qu'il en soit, dès qu'une possibilité d'extinctions cycliques fut mise en évidence, il fallut rechercher un coupable : " Qu'est-ce qui provoque les extinctions de masse, les astéroïdes et les comètes ordinaires ne pouvant, en effet, qu'entraîner des extinctions aléatoires ? ".

Fort logiquement, les astronomes (moins les spécialistes des NEO qui n'ont jamais vraiment cru à cette récurrence des extinctions) et d'autres scientifiques concernés pensèrent que les responsables pourraient bien être les comètes du nuage de Oort (à l'époque, on ignorait encore la ceinture de Kuiper mis en évidence à partir de 1992 seulement). Mais encore fallait-il trouver un moyen pour les faire quitter régulièrement leur place où elles circulent depuis près de 4000 MA sur des orbites stables.

C'est là qu'une nouvelle fois l'imagination et la créativité des astronomes firent merveille et que deux belles hypothèses, plausibles à première vue, furent proposées : celle de Némésis, l'étoile sœur du Soleil et celle de l'oscillation galactique. Nous allons les étudier successivement.

Némésis, l'étoile sœur du Soleil

Ce sont trois astronomes américains, Marc Davis, Piet Hut et Richard Muller, qui ont eu l'idée de l'hypothèse Némésis (23/24). Dans cette hypothèse, qui a eu un franc succès d'estime dans les années 1980, Némésis est une étoile encore inconnue, liée au Soleil depuis l'époque de sa formation, et qui perturberait tous les 26 MA le nuage de comètes de Oort, en précipitant un nombre important dans le Système solaire intérieur. Ce nombre accru de comètes entraînerait dans un deuxième temps une augmentation significative du nombre d'impacts et serait en conséquence un important facteur d'extinctions.

Cette hypothèse mérite d'être discutée en détail. Le Soleil et Némésis formeraient un système stellaire binaire, dans lequel le compagnon de faible masse se déplacerait sur une orbite très excentrique autour du centre de gravité commun (que les astronomes appellent le barycentre). On a des exemples de tels systèmes parmi les étoiles voisines du Soleil, à commencer par le système triple formé de a et b Centauri, les deux étoiles principales, et de la minuscule Proxima, éloignée actuellement de 2° 11' des deux autres, une naine rouge de type spectral M 5, dont la masse est de 0,12 masse solaire seulement et qui se trouve à la distance de 4,25 années lumière du Soleil.

Première question : " Quelle pourrait être l'orbite de Némésis dans un tel système ? ", sachant surtout que la fameuse "étoile de la mort" n'a encore jamais été observée, ce qui est, on s'en doute, un très mauvais point, rédhibitoire même pour de nombreux astronomes orthodoxes. Si l'on admet une période de 26 MA pour une révolution complète de Némésis, la mécanique céleste fournit quelques réponses sans ambiguïté. Une telle période correspond à un grand axe voisin de 176 000 UA, soit presque 3 années lumière. Le demi-grand axe vaut donc 88 000 UA (soit 88 000 fois la distance standard Terre-Soleil, ce qui est considérable). Pour que l'étoile sœur du Soleil perturbe suffisamment les comètes du nuage de Oort, il est nécessaire de tabler sur une excentricité importante. Celle-ci serait voisine de 0,70, valeur très forte mais tout à fait acceptable. C'est à l'occasion de son passage au périhélie, dans le nuage de Oort, que les perturbations pourraient être possibles. Le périhélie q serait de l'ordre de 26 000 UA et l'aphélie Q de l'ordre de 150 000 UA. Compte tenu des variations de vitesse très importantes de Némésis sur son orbite, la période durant laquelle elle se trouverait à moins de 40 000 UA du Soleil ne durerait que 1 MA, période nécessaire pour perturber significativement les comètes du nuage de Oort.

Deuxième question décisive : " Quelle est la masse de Némésis ? ". Il est, en effet, impératif de cerner, au moins approximativement, la masse supérieure et inférieure possible de l'étoile sœur, avec le postulat qu'elle se situerait actuellement près de l'aphélie puisque la dernière "crête d'extinction" remonterait à environ à 13 MA, soit un demi-cycle. Les pro-Némésis tablent sur une distance actuelle de 150 000 UA, soit 2,6 années lumière, distance légèrement moindre de la moitié de celle de l'étoile de Barnard que l'on sait se trouver à 6 années lumière et que l'on connaît depuis plus d'un siècle. D'après les pro-Némésis, la masse maximale de leur étoile (extrêmement optimiste) ne saurait être supérieure à 1,2 fois celle de l'étoile de Barnard, c'est-à-dire en gros à 0,12 masse solaire (ou encore l'équivalent de celle de Proxima Centauri). Sa masse inférieure, nécessaire pour perturber valablement le nuage de Oort, serait de seulement 5 fois celle de Jupiter qui, on le sait, est de l'ordre de 1/1000 de celle du Soleil. La masse minimale de Némésis serait donc de l'ordre de 1/200 masse solaire. Les pro-Némésis s'accordent à dire que la masse de leur étoile peut varier d'un facteur 24, entre 0,12 et 0,005 masse solaire.

On sait que la masse minimale pour qu'un corps céleste soit une véritable étoile, capable d'engendrer les réactions nucléaires indispensables, est de 0,05 masse solaire, dix fois supérieure à l'estimation basse de la masse de Némésis. Donc, celle-ci pourrait être une naine brune (astre hybride intermédiaire entre les planètes géantes et les mini-étoiles) qui émettrait seulement dans l'infrarouge, ce qui expliquerait qu'on ne l'ait pas encore découverte dans le ciel malgré sa proximité (à l'échelle astronomique).

Troisième question incontournable : " Où se trouve actuellement Némésis et pourquoi ne l'observe-t-on pas malgré sa proximité ? ". C'est là que les nombreux sceptiques attendent les pro-Némésis, car en bonne logique, cette étoile, même très peu massive, devrait avoir été observée depuis très longtemps. Une chose est bien sûre en tout cas, l'hypothèse Némésis ne peut être acceptée que si l'on découvre enfin cette étoile fantôme. Et plus de vingt ans après les premières recherches, force est de constater que les astronomes sont restés bredouilles !

Même si l'on admet que Némésis est au mieux une naine rouge et au pire une naine brune, on devrait pouvoir la déceler grâce à sa parallaxe. De ce côté-là, le fiasco a été complet, puisque l'étoile fantôme ne figure pas dans le catalogue des 5000 naines rouges les plus brillantes. Les pro-Némésis, pour sauver l'hypothèse, arguent que Némésis étant proche de l'aphélie, sa vitesse orbitale est très faible, inférieure à 100 mètres par seconde (à comparer aux 29,8 km/s pour la Terre en moyenne). De ce fait, cette faible vitesse associée à une distance de près de 3 années lumière lui donnerait un mouvement proche inférieur à 1/1000 de celui de l'étoile de Barnard (qui est la plus rapide du ciel) et donc quasiment indécelable avec les techniques actuelles.

Quand on fait sérieusement le tour de la question, il faut bien admettre que l'hypothèse Némésis est très peu probable. Les spécialistes des NEO n'y ont jamais cru et les autres astronomes ne veulent pas envisager sérieusement le Système solaire comme étant un système avec deux étoiles, même si Némésis ne pourrait être qu'une naine brune. Et une hypothèse pour être crédible doit répondre aux données d'observation. Il est très improbable qu'une étoile comme Némésis ait pu échapper à plusieurs générations d'observateurs bénéficiant d'instruments de plus en plus performants.

L'hypothèse de l'oscillation galactique

Cette deuxième hypothèse est associée à une période de récurrence nettement supérieure à celle de Némésis : 33 MA contre 26 MA, ce qui n'est pas la même chose. D'après ses partisans, une telle période correspondrait également aux pics d'extinction, ce qui montre bien le caractère très approximatif de ces derniers qui, pour bien réels qu'ils soient, ne présentent pas de périodicité marquée, et en tout cas indiscutable. L'idée qui sous-tend cette hypothèse est que le mouvement d'oscillation du Système solaire autour du plan médian de notre Galaxie permettrait à chacun de ces passages de rencontrer des nuages interstellaires, très importants par leur densité, de gaz et de poussières qui perturberaient le nuage de Oort et qui permettraient ainsi la "plongée" de nombreuses comètes dans la partie "planétaire" de notre système.

Ces nuages massifs se situent au voisinage immédiat du plan médian de la Galaxie (un plan bien sûr imaginaire qui divise le disque aplati de notre Voie Lactée en deux parties, dites supérieure et inférieure). Cette oscillation a bien lieu tous les 33 MA, à 1 MA près, et elle permet aux nuages interstellaires traversés d'exercer une force gravitationnelle suffisante pour perturber des astres peu massifs comme les comètes. On pense que certains nuages moléculaires peuvent atteindre des masses de l'ordre de 1 à 10 millions de fois la masse solaire réparties sur des distances considérables pouvant probablement aller jusqu'à 100 années lumière. L'effet maximal des perturbations aurait lieu entre 250 années lumière de part et d'autre du plan médian.

C'est une réalité connue depuis longtemps des astronomes, au lent mouvement du Système solaire autour du centre de la Galaxie (qui se situe à une distance de l'ordre de 30 000 années lumière) se superpose tous les 33 MA environ un inexorable mouvement oscillatoire qui fait passer successivement notre système de la partie supérieure à la partie inférieure du plan médian de la Galaxie et vice versa. Ce mouvement est un vestige remontant à la période même de sa formation à partir d'un nuage présolaire qui se déplaçait perpendiculairement par rapport au plan médian, tout en faisant une révolution complète autour du centre de gravité galactique en une très longue période estimée à 240-250 MA, c'est-à-dire pratiquement 4 révolutions complètes par milliard d'années. Pas moins de 22 grandes révolutions auraient ainsi été effectuées par le Système solaire depuis sa formation, il y a 4,6 milliards d'années autour de notre Galaxie. Par contre, à raison de 3 oscillations pour 100 MA, on en serait déjà à près de 140 oscillations différentes à travers des nuages interstellaires massifs.

Certains chercheurs ont donc tenté de lier l'intervalle de 33 MA avec la période de récurrence des extinctions de masse. En 1984, Michael Rampino et Richard Stothers (25) ont développé cette idée nouvelle, elle aussi bien accueillie par une partie de la communauté scientifique, mais catégoriquement repoussée par d'autres chercheurs, notamment des astrophysiciens, qui jugent l'hypothèse une fois chiffrée avec précision tout à fait insuffisante pour justifier le détournement des comètes, cause des impacts ultérieurs, et aussi pour expliquer la périodicité des extinctions.

Pour pallier la masse insuffisante des molécules, même très nombreuses, des nuages interstellaires, quelques astronomes, jamais à court d'idées nouvelles, ont postulé l'existence de la fameuse matière manquante, connue (théoriquement) depuis longtemps, et qui pourrait se trouver en partie dans ces nuages à proximité du plan médian de la Galaxie, plan traversé régulièrement par le Système solaire. On a parlé de naines rouges ou brunes, d'étoiles "épuisées", de grumeaux rocheux de matière plus ou moins hétéroclite, d'anneaux galactiques, et même de trous noirs et de "cordes". Si l'existence de tout ou partie de ces candidats pour expliquer la matière manquante de la Galaxie s'avérait en fin de compte une réalité, la force gravitationnelle qu'elle pourrait exercer sur les parties centrale et externe du Système solaire (et parmi celles-ci le nuage de Oort) serait capable de créer les perturbations nécessaires au détournement des comètes et à leur introduction comme objets "internes" dangereux pour la Terre et les autres planètes.

Cette hypothèse de l'oscillation galactique est astucieuse, tout comme sa rivale alternative Némésis, mais elle n'est pas plus crédible dans son rapport concret avec les extinctions. Pour les spécialistes des NEO, qui sont quand même nettement les mieux placés pour appréhender le problème d'une manière rationnelle, rien ne vaut des objets bien répertoriés comme Apophis, Hermes et Toutatis pour parler des astéroïdes, Hephaistos et Damocles pour parler des comètes éteintes ou même D/Lexell et D/IRAS-Araki-Alcock pour parler des comètes actives, pour rappeler simplement que les astres menaçants existent déjà dans notre banlieue terrestre, et que tôt ou tard, un de nos petits voisins heurtera la Terre, suite aux perturbations gravitationnelles que lui feront subir les planètes voisines. La mécanique céleste est l'ennemie des cycles éternels. Conclusion quasi certaine : les extinctions ne peuvent être qu'aléatoires.

L’histoire de Geminga

L’histoire de Geminga (26/27) a commencé en 1972 quand le satellite américain Sas 2 a repéré dans le ciel gamma une source ponctuelle très caractéristique, émettant à des intervalles réguliers dans la constellation des Gémeaux, non identifiable avec un objet déjà connu des astronomes. Pourtant cette source de rayons gamma est particulièrement intense avec des photons pouvant avoir une énergie de 100 MeV, soit de l’ordre de vingt millions de fois ceux de la lumière visible.

Pendant des années, cette source résista aux recherches destinées à lui trouver une contrepartie en optique, X ou radio. D’où son nom, donné par des astronomes italiens : Geminga (contraction de Gemini gamma), signifiant en patois milanais : " Il n’y a rien, elle n’est pas là ". Le mystère restait entier et plusieurs hypothèses plus ou moins folles circulèrent à son sujet.

En 1979, une source X fut enregistrée à l’emplacement de la source gamma par le satellite américain Einstein, mais toujours pas de contrepartie optique qui était obligatoirement très faible si elle existait. En 1984, trois points minuscules furent repérés par l’équipe d’astrophysiciens de Saclay avec une caméra CCD ultrasensible, points lumineux baptisés G, G’ et G’’. S’agissait-il de Geminga ? En 1987, l’existence des trois sources fut confirmée, avec la révélation que G’’ est probablement un pulsar. Sa périodicité est de 237 millisecondes, soit un peu moins de quatre rotations à la seconde.

Les astrophysiciens en déduisirent la date approximative de sa formation : environ 350 000 ans, et une distance actuelle de seulement 140 années lumière. Aujourd’hui, la vitesse de fuite de Geminga est estimée à environ 300 km par seconde, et les résidus de l’étoile sont donc beaucoup plus lointains qu’au moment de l’explosion initiale. La distance la supernova génitrice pourrait ne pas avoir dépassé 100 années lumière lors du cataclysme, ce qui est considéré pour comme une explosion proche. Pour les spécialistes, pas de doute : Geminga est une étoile massive qui a explosé près de la Terre et ses effets ont dû être très spectaculaires, et peut-être même décisifs.

En 1993, Neil Gehrels et Wan Chen ont émis l’hypothèse que Geminga serait responsable de la bulle de gaz chauds dans laquelle on pense que baignent le Système solaire et les étoiles environnantes. Les astrophysiciens envisagent sérieusement, en effet, que ces bulles de gaz chauds pourraient être créées par l’onde choc initiale des supernovae.

On croit aujourd’hui que Geminga a été visible en plein jour, avec un éclat qui aurait dépassé la Pleine Lune, il y a 350 000 ans, à une époque où Homo erectus et Homo sapiens cohabitaient encore. Inutile de dire que, pour tous, cette formidable étoile nouvelle visible en plein jour durant plusieurs mois a dû être matière à étonnement et aussi probablement à une sourde crainte, même si on ignore s’ils observaient déjà le ciel avec assiduité.

Les conséquences dues à l’impactisme particulaire associé à l’explosion de Geminga ont pu être décisives, c’est du moins l’opinion de certains chercheurs. Car danger il y a, on le sait, pour la magnétosphère et l’atmosphère terrestres, avec une telle recrudescence de particules accélérées par l’explosion d’une supernova proche, et notamment certains éléments radioactifs. Certains spéculent donc sur des mutations génétiques, qui pour les plus optimistes auraient conduit à l’intelligence et à l’avènement irrésistible d’Homo sapiens. Peu de chercheurs croient réellement à ce scénario. Il paraît plus probable que le bruit de fond de l’évolution est lié à des inversions géomagnétiques.

La retombée des satellites artificiels

Depuis 1957, l'homme a envoyé plusieurs milliers de satellites artificiels autour de la Terre, de toute nature, scientifiques et commerciaux souvent, militaires parfois, nucléaires et très dangereux dans de rares cas. L'espérance de vie de tous ces objets est très variable selon les orbites géocentriques choisies, mais beaucoup ne vivent que quelques années avant de retomber sur la Terre. Ce retour forcé fait de ces objets métalliques de véritables météores et météorites artificiels, qui ont souvent été observés dans de bonnes conditions.

Pour les satellites légers, c'est-à-dire ceux qui ne dépassent pas quelques dizaines de kilos, il n'y a pas de problème : ils brûlent totalement pendant leur traversée des couches denses de l'atmosphère et ne touchent pas le sol. Pour les satellites lourds, ceux pesant plusieurs tonnes, le problème est un peu différent, car ils ne brûlent pas entièrement. Ils peuvent toucher le sol en une masse unique (ce qui est rare) ou disloqués (ce qui est fréquent) et se transformer en météorites artificielles de bonne taille.

Seuls les satellites nucléaires sont vraiment dangereux et je vais en parler plus loin. Mais auparavant, il est intéressant de raconter brièvement l'histoire de Skylab 1 (28-29), tombé sur Terre le 12 juillet 1979, et qui, à l'époque, a fait la une de la presse du monde entier, car c'était la première fois qu'un satellite aussi massif retombait sur Terre d'une manière incontrôlée, ce qui était largement suffisant pour faire peur à tous ceux que la moindre chose anormale alarme inconsidérément.

La chute de Skylab 1 en 1979

La station orbitale Skylab 1 était le plus massif de tous les satellites artificiels construits à l'époque : 77 tonnes. Il fut lancé le 14 mai 1973 et placé sur une orbite presque circulaire : périgée à 427 km d'altitude et apogée à 439 km. D'après les ingénieurs et techniciens américains qui contrôlaient le vol, il était prévu que Skylab 1 resterait en orbite au moins jusqu'en 1983, mais il s'est trouvé que l'activité solaire a été nettement plus forte que prévu. On sait qu'une activité solaire accrue entraîne une plus grande densité de l'atmosphère terrestre supérieure (l'exosphère) et, par conséquent, un frottement aérodynamique plus élevé pour les satellites artificiels et une durée de vie bien plus faible qu'en période normale.

Skylab 1 a été victime de cette résistance de l'air accrue et sa vie a été singulièrement écourtée, puisque dès le début de 1979, on savait qu'il ne passerait pas l'année. Certains journaux en mal de copie, et toujours à la recherche de sensationnel et d'imprévu, avaient lancé des cris d'alarme un peu ridicules, prévoyant des dégâts très sérieux dans la zone d'impact. Celle-ci devait obligatoirement être comprise entre 50° de latitude nord et 50° de latitude sud, puisque l'inclinaison de l'orbite géocentrique de Skylab 1 était de 50°. Mais l'endroit de la chute était impossible à prévoir, même approximativement, du fait des phénomènes complexes et imprévisibles dont notre atmosphère supérieure est le siège en permanence. Il faut savoir qu'une précision de un jour pour l'instant prévu de la chute de Skylab 1 correspondait à quinze fois le tour de la Terre. Pour prédire le point de chute à 1000 km près (ce qui manquait déjà singulièrement de précision), il aurait fallu connaître l'instant de la chute à deux minutes près, ce qui était tout à fait illusoire. Moralité à ne jamais oublier : on ne peut jamais prévoir avec précision le lieu de chute d'un satellite artificiel.

Cette chute de Skylab 1, guettée par les médias du monde entier, eut lieu de nuit le 12 juillet 1979 à 0 h 37 heure locale (mais le 11 juillet à 16 h 37 en temps universel), dans le sud de l'océan Indien. Elle fut observée dans de bonnes conditions par plusieurs témoins, parmi lesquels quelques astronomes, en Australie occidentale. En fait, Skylab 1 s'est disloqué dans l'atmosphère et fragmenté en plusieurs morceaux qui laissèrent chacun une source de lumière distincte, bien visible durant une trentaine de secondes seulement.

Les débris se sont éparpillés dans une large zone orientée sud-ouest/nord-est sur le territoire australien. Le plus gros morceau récupéré est un cylindre de deux mètres de long sur un mètre de diamètre, que l'on croit être l'un des six réservoirs en acier inoxydable qui contenaient l'oxygène destiné aux astronautes. Ce fragment majeur fut retrouvé près de la ville de Rawlinna, à environ 800 km de Perth. Mais il faut signaler que Skylab 1, comme tous les autres satellites de bonne taille déjà retombés sur Terre, n'a pas causé le moindre dégât sérieux, contrairement aux prévisions alarmistes de certains charlatans.

Il faut donc minimiser le risque occasionné pour la Terre et pour les hommes par ces retombées de satellites artificiels ordinaires, bien qu'il soit quasiment impossible de contrôler efficacement leur retour à la surface terrestre. Le danger est pratiquement nul.

Les satellites nucléaires, des bombes au-dessus de nos têtes

Le danger est quasiment nul, sauf s'il s'agit de la retombée des satellites nucléaires lancés dans les années 1970 et 1980 dans le cadre de la trop fameuse guerre des étoiles instituée par les stratèges militaires et politiques américains, soviétiques et chinois durant la guerre froide. Bien que ces satellites militaires ultra-dangereux soient secrets (leur existence n'a jamais été confirmée officiellement et elle est même niée par les États concernés), on sait que certains circulent bel et bien au-dessus de nos têtes, véritables épées de Damoclès. Ils ont été lancés d'une façon totalement inconsidérée par des apprentis sorciers qui ont laissé un triste héritage aux générations à venir qui devront trouver une solution appropriée pour s'en débarrasser définitivement, peut-être en les accélérant sur des orbites hyperboliques. Ainsi la folie des hommes serait "satellisée" autour de la Galaxie pour un voyage sans fin.

Que sont concrètement ces satellites nucléaires ? On ne le sait pas exactement. On a parlé d'authentiques missiles, parqués sur des orbites d'attente et considérés comme une force de frappe "spatiale". Quelle est leur puissance de destruction en terme de mégatonnes ? Peut-être certains pourraient-ils être utilisés (recyclés d'après la terminologie des militaires) pour détruire un astéroïde ou une comète réellement menaçant à court terme. On a fantasmé aussi sur des bombes chimiques ou bactériologiques prévues en "représailles" en cas d'attaque nucléaire de l'ennemi et qui pourraient anéantir toute vie sur un périmètre dont on ignore l'importance. La prolifération des armes nucléaires pourrait, à terme, déboucher sérieusement sur un tel danger, encore semble-t-il (heureusement !) à l'état des préliminaires. Mais avec l'homme, et aujourd'hui l'ère nucléaire, " le ver est dans le fruit ", comme l'ont bien dit plusieurs savants responsables et inquiets pour l'avenir.

Il semble bien, aujourd'hui, que l'homme soit un danger plus grand que la nature elle-même pour le maintien de la vie terrestre à moyen terme. Cruel paradoxe : le catastrophisme terrestre et cosmique naturel, qui a permis à l'évolution de passer de la bactérie à l'homme en quatre milliards d'années, est maintenant quasiment supplanté par le catastrophisme technologique et écologique d'origine humaine, qui risque d'hypothéquer la vie en quelques siècles seulement. Incroyable raccourci, mais il faut le rappeler quand même : uniquement une histoire locale. L'homme n'est rien d'autre qu'un phénomène local. Qu'il se détruise ou non, l'Univers n'en sera pas changé d'un iota.

L'activité solaire, la vie terrestre et l'histoire

J'ai dit quelques mots sur le sujet au chapitre 8, dans la section " Le Soleil et la Terre " concernant les rapports entre l'activité solaire et la vie terrestre. Je reviens dessus pour mieux en apprécier les conséquences.

L'importance exceptionnelle de l'activité solaire durant les années 1979 et 1980 a été mise à profit par certains chercheurs du milieu médical pour faire des statistiques concernant la relation entre l'activité solaire et la recrudescence de certains troubles physiques ou du comportement. Dans un article sur le sujet, publié dans Le Parisien Libéré du 18 février 1980, on pouvait lire le passage suivant :

" Les végétaux ne sont pas les seuls qui soient sensibles aux variations de l'activité solaire. L'homme l'est également ainsi que le montrent les travaux du docteur Faure en France et de son collègue allemand le docteur Dull qui, dès 1935, estimaient que la recrudescence des crises cardiaques est liée à l'intensification de cette activité. Hypothèse confirmée en 1959 par le docteur Viard dans une communication à l'académie des Sciences et en 1978 par les observations du docteur Malin, un médecin anglais.

Ce dernier, en dressant des statistiques dans un grand hôpital indien, a, en effet, montré que le nombre d'admissions pour infarctus dans cet hôpital croît de 30 % lorsque l'indice géomagnétique, directement lié à l'activité solaire, augmente lui de 14 %. Enfin, d'autres chercheurs travaillant avec les élèves de plusieurs lycées ont montré que le niveau des sanctions s'accroît en période d'orage magnétique dus au Soleil. Ils en déduisent que ces orages accroissent la nervosité des enfants et, également, celle des adultes. " (30)

Ainsi pour tous ceux qui ont étudié le problème de près, la corrélation entre activité solaire et troubles pathologiques divers semble indéniable, et les personnes âgées, les enfants et tous ceux qui présentent une fragilité particulière sont les premiers visés, les premières victimes pourrait-on dire. Des victimes qui peuvent succomber, si l'on en croit la recrudescence significative des infarctus et autres malaises. L'auteur de l'article concluait :

" En modifiant l'environnement humain, les variations de l'activité solaire modifient le comportement des hommes, ce qui entraîne un certain nombre de bouleversements politiques, sociaux et économiques. Le Soleil influe par conséquent sur le déroulement de notre histoire. Certes, ce ne sont pas ses périodes d'activité qui déclenchent les révolutions et les guerres, mais en exacerbant la nervosité humaine elles y contribuent certainement. " (31)

Qu'en est-il de ces "bouleversements politiques, sociaux et économiques" ? Depuis que les astronomes font des statistiques régulières sur le nombre de taches solaires, il a été facile de dater les hauts et les bas de l'activité solaire. Et comme tous les cycles obtenus se prêtent bien aux statistiques, des scientifiques curieux ont tenté de faire des corrélations avec des événements historiques.

La première question qui se pose est évidemment celle-ci : " Y a-t-il vraiment corrélation entre l'activité solaire et les bouleversements historiques ? ". D'accord, les gens sont plus nerveux, s'emportent plus facilement, sont moins réceptifs aux arguments des partenaires ou adversaires, mais après ? La figure 8-1 montre la variation du nombre de taches comptées annuellement à la surface du Soleil pour les 22 cycles recensés entre 1750 et 1997. Le cycle moyen de 11 ans apparaît dans son incontestable réalité avec quelques points hauts spectaculaires.

Le problème c'est qu'il y a tous les ans des bouleversements dans le monde (le monde, ce n'est pas uniquement l'Europe et la France), même en période de Soleil calme. Evidemment, il est tentant de relier quelques grandes dates de l'histoire avec des pics d'activité : révolutions de 1789, 1830 et 1848, guerres de 1870 et 1914, événements de mai 1968, tous événements purement français d'ailleurs, mais quelle corrélation réelle doit-on en tirer ? Les révolutions, guerres, mouvements sociaux, mécontentements divers, dictatures sont de tout temps, de toutes les époques, activité solaire dans le creux ou dans le haut du graphique.

Sur ce sujet particulier, la majorité des chercheurs ne souscrivent pas à cette simple hypothèse permettant de croire à une incontestable relation de cause à effet. En règle générale, il faut se méfier des statistiques (32). Pour eux, cette relation n'est que coïncidence, tout comme est coïncidence une élucubration astrologique qui annonce pour le jour à venir la mort possible d'un artiste, alors qu'il en existe des centaines dont le nom est connu et qui, souvent âgés ou malades, sont susceptibles de "donner raison" à l'astrologue qui se prend pour un voyant inspiré.

L'influence de l'activité solaire sur la biosphère, le monde végétal et animal, les humains ne fait pas vraiment de doute. Il y a des preuves. Une activité maximale fragilise les plus faibles, comme le font également les hivers glaciaux. Dans le futur proche, elle risque aussi (et surtout) d'entraîner parfois une incertitude technologique en perturbant même, dans certains cas extrêmes, la vie normale des gens (panne générale de courant comme cela s'est déjà produit en 1989) et donc susceptible de dégénérer en paniques incontrôlables.

Pour ce qui est de son rapport avec l'histoire, l'activité terrestre semble la dépasser, en ce sens que l'activité solaire, qu'elle soit minimale ou maximale, n'a pas l'influence décisive qu'on lui octroie parfois. Sur la Terre, les contingences politiques, militaires, sociales, économiques, religieuses priment sur le Soleil. Sur Terre, à l'heure actuelle, l'homme fait la loi et les catastrophismes technologique et écologique ont (provisoirement) pris le pas sur les deux autres catastrophismes naturels (terrestre et cosmique) qui font surtout sentir leur influence sur le moyen et le long terme.

Notes

1. P. Kohler, Les derniers jours du monde (France-Empire, 1980).

2. F. Ramade, Les catastrophes écologiques (McGraw-Hill, 1987).

3. La Terre bombardée, pp. 184-185.

4. W. Vernadsky, La biosphère (Diderot éditeur, 1997 ; préface de J.-P. Deléage). Ce classique de l'écologie est paru pour la première fois en russe en 1926 et en français en 1929. Comme le dit fort justement Jean-Paul Deléage dans sa préface (p. 23) : " Le concept de biosphère introduit par Vernadsky présente en définitive l'immense mérite, trop longtemps ignoré, de prendre en considération les interactions réciproques qui unissent les êtres vivants, leur milieu terrestre et les flux d'énergie venus du cosmos et pour l'essentiel de notre étoile solaire ".

5. G. Beltrando et L. Chémery, Dictionnaire du climat (Larousse, 1995). Un excellent dictionnaire pour connaître l'essentiel des problèmes liés au climat et à l'atmosphère terrestres.

6. J.E. Lovelock, La Terre est un être vivant. L'hypothèse Gaïa (Flammarion, 1993). Titre original : Gaia, a new look at life on Earth (1979). On peut lire aussi du même auteur : Les âges de Gaïa  (Robert Laffont, 1990). Titre original : The ages of Gaïa (1988).

7. G. Dupont, La Terre est-elle un astre vivant ?, Science et Vie, pp. 25-33, 1988.

8. P. Lantos, Le Soleil en face (Masson, 1997). Ce livre est sous-titré Le Soleil et les relations Soleil-Terre.

9. Voir notre figure du chapitre 15 sur le bruit de fond de l’extinction et de l’évolution.

10. A. Mazaud et C. Laj, Chaos dans la dynamo terrestre, dans Le chaos, Dossier Pour la Science H6, pp. 91-92, janvier 1995.

11. Pour une majorité de chercheurs, les inversions géomagnétiques sont liées au noyau terrestre, mais il semble probable que d’autres soient dues à des événements extérieurs à la Terre elle-même. Le chaos intervient dans les deux cas sur des périodes de plusieurs millions d’années, jamais les mêmes. Le chaos, par définition, est imprévisible.

12. S. Cieslik, L'ozone stratosphérique, La Recherche, 68, pp. 510-519, 1976.

13. Il appartiendra aux chercheurs du XXIe siècle de prouver la corrélation entre rayons cosmiques et mutations génétiques et chromosomiques. Actuellement, on ne possède pas de preuves formelles, seulement de très forts soupçons. Plusieurs chercheurs pensent maintenant que la Terre serait particulièrement menacée (et avec elle les êtres vivants qu’elle abrite) quand elle traverse, avec tout le Système solaire, les bras de la Galaxie au cours de son périple de 250 MA autour de celle-ci. Ils proposent même parfois une corrélation avec les extinctions de masse. Lire à ce sujet : J.-P. Defait, Extinctions : les nouveaux scénarios cosmiques, Ciel et Espace, 338, pp. 36-43, juillet 1998.

14. Cité par Peter Kolosimo dans La planète inconnue (Albin Michel, 1974), p. 254. Jakob Eugster a préfacé l’édition originale italienne de ce livre : Il pianeta sconosciuto (1969).

15. C. Flammarion, Rencontre probable de la comète de Halley avec la Terre, L'Astronomie, 24, pp. 27-31, 1910. Flammarion raconte dans l’un de ses articles de l’époque qu'en 1910, aux Etats-Unis, on vendait des pilules spéciales censées protéger des effets nocifs à venir causés par l'interaction de la queue de la comète de Halley avec l'atmosphère terrestre. On se demande comment les charlatans qui commercialisaient ces pilules ont pu trouver des clients !

16. E. Liais, L'espace céleste et la nature tropicale (1865). Cette citation a été utilisée par Anny-Chantal Levasseur-Regourd et Philippe de La Cotardière dans leur livre Les astéroïdes et les comètes (p. 44).

17. R. Baer, Passage de la Terre dans la queue de la comète de 1861 (extrait d'une lettre à Camille Flammarion), L'Astronomie, 24, pp. 404-409 (figures 179 et 180), 1910.

18. F. Hoyle and N.C. Wickramasinghe, Does epidemic disease come from space ?, New Scientist, 76, 1078, pp. 402-404, 1977.

19. A. Guillemin, Les comètes, 1875. Un vieux classique, plus que centenaire, encore utilisé de nos jours par les auteurs modernes.

20. P.R. Ehrlich, C. Sagan, D. Kennedy et W. Orr Roberts, Le froid et les ténèbres (Belfond, 1985). Titre original : The cold and the dark (1984). C'est le fameux livre qui traite des conséquences climatiques et biologiques qu'entraînerait un conflit nucléaire.

21. G. Charpak et R.L. Garwin, Feux follets et champignons nucléaires (Odile Jacob, 1997). Lecture indispensable pour mieux connaître le nucléaire, qu'il soit civil ou militaire. Le chapitre 5 intitulé " Les radiations et le vivant " (pp. 142-186) est particulièrement intéressant.

22. D.M. Raup and J.J. Sepkoski Jr, Periodicity of extinctions in the geologic past, Proceedings of the National Academy of Sciences, 81, pp. 801-805, february 1984.

23. D. Goldsmith, Némésis, l'étoile du destin (Robert Laffont, 1986). Titre original : Nemesis, the death-star and other theories of mass extinction (1985).

24. M. Davis, P. Hut and R.A. Muller, Extinctions of species by periodic showers, Nature, 308, pp. 715-717, 19 april 1984.

25. M. Rampino and R. Stothers, Geological rhythms and cometary impacts, Science, 226, p. 1427, 21 december 1984.

26. J.-F. Robredo, La supernova qui a soufflé la Terre, Science et Vie, 908, pp. 68-71, mai 1993.

27. J. Paul, L’homme qui courait après son étoile (Odile Jacob, 1998). Jacques Paul consacre tout un chapitre de son livre (le chapitre V, pp. 137-171) à l’affaire Geminga, affaire dont il fut un des acteurs essentiels.

28. J. Meeus, Skylab 1, L'Astronomie, 93, pp. 502-504, 1979.

29. J. Vercheval, La retombée de Skylab, Ciel et Terre, 95, pp. 225-230, 1979.

30. F. Lancel, Lorsque le Soleil brûle... la Terre s'enflamme, Le Parisien Libéré, p. 26, 18 février 1980.

31. F. Lancel, citation extraite de l'article ci-dessus.

32. J. Meeus, Mathematical astronomy morsels (Willmann-Bell, 1997). Lire le chapitre 53 : Statistics : danger ! (pp. 315-319) et le chapitre 54 : Sunspots and the weather (pp. 319-328) pour bien comprendre que souvent les statistiques, pour intéressantes qu'elles soient, doivent être considérées avec circonspection et esprit critique.

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