AVANT-PROPOS

PRÉSENTATION DU LIVRE

LA TERRE BOMBARDÉE, un livre d'astronome

S'il fallait résumer ce gros livre en une seule phrase, on pourrait écrire qu'il est une étude historique et scientifique de l'impactisme et du catastrophisme faite par un astronome.

C'est dire l'éclectisme ouvertement affiché de ce livre qui, s'il n'ambitionne pas de devenir la "Bible du catastrophisme scientifique " des prochaines années, se veut néanmoins un jalon historique, un bilan de fin de millénaire. Un jalon seulement, car la science évolue vite (trop vite aux yeux de certains), malgré de puissantes forces contraires, comme le lobby du créationnisme qui lutte désespérément pour sauver la crédibilité d'un dogme usé par le temps : celui de la Création, et qui doit trouver maintenant des appuis politiques pour le faire perdurer encore, les appuis scientifiques, quoique nombreux et parfois prestigieux, s'avérant notoirement insuffisants.

Comme l'ont écrit naguère François Arago (1786-1853) et Camille Flammarion (1842-1925) : " Croire tout découvert est une erreur profonde, c'est prendre l'horizon pour les bornes du monde ". Ces deux chantres de l'astronomie populaire avaient bien compris que les connaissances de leur époque allaient être, sinon balayées, tout au moins totalement renouvelées en quelques décennies. On peut dire la même chose aujourd'hui, et la réalité de demain pourrait bien dépasser la fiction la plus échevelée dans certains domaines étudiés dans ce livre.

Bien qu'il se veuille résolument multidisciplinaire, il n'en demeure pas moins que La Terre bombardée est un livre d'astronome. Il ne peut pas en être autrement. C'est la raison principale pour laquelle il est sensiblement différent de ceux qui ont été (ou qui auraient pu être) écrits par un paléontologue, un géologue, un physicien, un astrophysicien, un biologiste, un historien des sciences ou un autre scientifique. L'impactisme et le catastrophisme (scientifique) sont des sujets d'étude multiformes et complexes, ce qui fait à la fois leur intérêt et leur difficulté. Personne ne peut en effet prétendre connaître les diverses spécialités concernées (une grosse dizaine) avec une profondeur suffisante et les approches sont forcément parcellaires, sélectives, chaque scientifique privilégiant obligatoirement sa spécialité au détriment des autres qu'il connaît moins bien.

Il n'empêche que l'impactisme est avant tout un problème astronomique, car nous vivons dans un Univers, et donc dans un Système solaire et localement sur une Terre, où le cataclysme est la règle permanente, comme nous le montrerons tout au long de ce livre. Le catastrophisme terrestre n'est que l'expression locale, infinitésimale dans l'espace et dans le temps, d'un phénomène global qui défie l'imagination la plus débridée. Le cataclysme est la règle, PARTOUT, TOUJOURS. Cette vérité essentielle doit être martelée sans relâche et enseignée dès maintenant aux jeunes générations. Elle sera l'un des nouveaux dogmes scientifiques du XXIe siècle, et pas seulement un dogme astronomique, à usage restreint, pour les seuls connaisseurs des choses du ciel.

Définitions de l'impactisme et du catastrophisme

Si l'on ouvre trois dictionnaires usuels comme le Robert, le Larousse ou le Hachette, on a déjà une mauvaise surprise. Les trois ignorent totalement le concept d'impactisme. Le Robert ne connaît pas non plus le catastrophisme qui, par contre, figure dans le Larousse avec la définition suivante :

" Théorie qui attribuait à des cataclysmes les changements survenus à la surface de la Terre. "

Le Hachette est un peu plus explicite avec la définition suivante :

" Ancienne théorie selon laquelle les changements de faune et de flore se seraient faits brusquement à la faveur de catastrophes géologiques de très grande ampleur. La théorie de l'évolutionnisme de Darwin s'opposait au catastrophisme. "

Il y a fort à faire, on le voit, avant de faire reconnaître ces deux concepts au rang de théories scientifiques actuelles (ce qu'elles sont déjà, n'en déplaise à certains). D'une façon plus moderne et plus scientifique, on peut donner les définitions suivantes :

Catastrophisme : théorie scientifique qui étudie les causes et les conséquences astronomiques, géologiques, écologiques, biologiques, humaines et historiques de cataclysmes de grande ampleur qui ont eu lieu et qui pourraient encore avoir lieu sur la Terre.

Impactisme : théorie scientifique qui étudie l'ensemble des phénomènes liés à l'impact sur les planètes des astéroïdes et des comètes, mais aussi plus largement de tous les autres corps et particules venus du cosmos, ainsi que tous leurs effets annexes. L'impactisme terrestre n'est qu'un cas particulier, celui qui concerne notre planète.

En fait, ces définitions ne sont que des approximations acceptables. Si l'on entre plus dans le détail, on reconnaît deux sortes de catastrophisme et trois sortes d'impactisme.

On distingue, en toute logique, le catastrophisme d'origine cosmique, dû comme son nom l'indique à des cataclysmes dont l'origine est extérieure à la Terre, et le catastrophisme d'origine terrestre dû à des cataclysmes générés par notre planète elle-même pour des raisons diverses. Ce catastrophisme peut être cependant considéré comme astronomique dans la mesure où la Terre est une planète parmi d'autres, à la fois un "système" et une planète vivante que nous privilégions simplement parce qu'elle est "notre" planète et que l'on sait qu'elle abrite la vie.

L'impactisme se divise en trois composantes différentes selon les objets concernés et les effets résultant de l'impact :

– l'impactisme macroscopique qui concerne les astéroïdes et les comètes et qui peut avoir des conséquences catastrophistes ;

– l'impactisme microscopique qui concerne les météorites et les météores et qui n'a pas de conséquences catastrophistes ;

– l'impactisme invisible qui concerne les rayonnements divers générés par les étoiles, dont le Soleil, et appelé impactisme particulaire, et aussi les gaz et les poussières d'origine cosmique qui rencontrent la Terre au cours de son périple dans le Système solaire et dans la Galaxie.

Enfin, il faut bien préciser qu'il peut y avoir impactisme sans qu'il y ait catastrophisme, et inversement qu'il peut y avoir catastrophisme (d'origine terrestre et maintenant d'origine humaine) sans qu'il y ait impactisme. Dans ce livre, nous parlons surtout du catastrophisme comme corollaire de l'impactisme macroscopique.

Quelques sigles et symboles

Pour bien comprendre toutes les données de ce livre, le lecteur doit connaître la signification de quelques sigles et symboles utilisés dans certains chapitres. Les sciences ont toutes leur propre "jargon" qui se complique continuellement et s'enrichit de sigles, et celui-ci n'est pas toujours connu même des scientifiques des disciplines connexes.

Nous donnons donc ci-après une liste de sigles et de symboles (1/2/3) qu'il est nécessaire d'avoir en mémoire (si ce n'est pas le cas, le lecteur pourra toujours se référer de nouveau à cette liste en cours de lecture).

Sigles

AAA = objets Aten-Apollo-Amor. Ces trois grands groupes d'astéroïdes qui peuvent venir à proximité immédiate ou relative de la Terre constituent globalement les NEA. Tous ont un aspect astéroïdal, c'est-à-dire ponctuel, quel que soit le grossissement utilisé pour les observer, mais certains d'entre eux sont d'origine cométaire.

EGA = Earth-Grazing Asteroid, astéroïde qui frôle la Terre. On réserve ce terme pour les astéroïdes dont l'orbite s'approche à moins de 0,100 UA de l'orbite terrestre (soit 1/10 de la distance Terre-Soleil ou 15,0 MK).

NEA = Near-Earth Asteroid, astéroïde proche de la Terre. Ce terme plus général englobe tous les astéroïdes dont la distance périhélique est inférieure à celle de Mars.

NEO = Near-Earth Object, objet proche de la Terre. Ce terme générique englobe les astéroïdes et les comètes.

PHA = Potentially Hazardous Asteroid, astéroïde potentiellement dangereux (pour la Terre). Cette nouvelle catégorie d’objets concerne les NEA avec H £ 22,0 (diamètre > 130 mètres) qui peuvent passer à l’intérieur d’un cercle de 0,05 UA (7,5 MK) situé dans le plan de l’écliptique à 1,0 UA du Soleil. Les objets avec H > 22,0 (diamètre < 130 mètres) ne sont pas considérés comme des PHA, leur énergie étant insuffisante pour causer des dégâts "sérieux" sur la Terre.

Symboles astronomiques

concernant les éléments orbitaux

UA = unité astronomique = 149 597 870 km (149,6 millions de km en chiffres ronds). C'est l'unité de distance, égale au demi-grand axe de l'orbite de la Terre autour du Soleil, couramment utilisée pour exprimer les distances dans le Système solaire. 1 année lumière = 63 241 UA.

a = demi-grand axe d'une orbite. C'est la distance moyenne en UA d'un astre (planète, astéroïde, comète) au Soleil.

e = excentricité d'une orbite planétaire. Elle est comprise entre 0 (orbite circulaire) et 1 (orbite parabolique). Une orbite hyperbolique aurait e > 1,0.

i = inclinaison, en degrés, d'une orbite sur le plan de l'écliptique. Une orbite rétrograde a i compris entre 90 et 180°.

q = distance périhélique en UA = plus courte distance au Soleil.

Q = distance aphélique en UA = plus grande distance au Soleil.

P = période de révolution d'un astre, en années.

w = argument du périhélie, en degrés.

W = longitude du nœud ascendant, en degrés.

p = longitude du périhélie (p = w + W).

autres symboles astronomiques

a.-l. = année lumière.

Dm = distance minimale d'un astre à l'orbite terrestre (ou à une autre orbite planétaire) en UA. S'il y a deux approches possibles, on distingue : Dm1 = approche principale et Dm2 = approche secondaire.

H = magnitude absolue d'un astéroïde, fonction du diamètre moyen et du type physique.

km/s = kilomètres par seconde, unité de vitesse pour les astres du Système solaire.

MK = millions de kilomètres, unité commode pour les distances kilométriques dans le Système solaire intérieur.

pc = parsec. Le parsec est l'unité de distance correspondant à la distance d'un astre dont la parallaxe annuelle serait de 1". 1 parsec = 3,2615 années lumière = 206 265 UA = 30 900 milliards de km.

Autres symboles scientifiques

Ec = énergie cinétique. Celle d'un impact se calcule avec la formule Ec = ½ mv2, ce qui signifie qu'elle est égale au demi-produit de la masse de l'impacteur par le carré de sa vitesse d'impact.

J = joule. Unité d'énergie utilisée dans le système international (SI) à la place de l'erg (qui était utilisé dans l'ancien système CGS). 1 joule = 107 ergs = 10 millions d'ergs. 1 calorie = 4,186 joules.

MA = million d'années.

MT = mégatonne. 1 mégatonne (1 MT) = 1 million de tonnes = 1000 kilotonnes.

TNT = abréviation de trinitrotoluène. La mégatonne de TNT (dont l'énergie = 4,2 ´ 1015 J) est l'unité utilisée pour les comparaisons énergétiques avec des événements terrestres ou d'origine cosmique.

Couverture

Avec ce dessin, qui date de 1857, nous faisons un clin d’œil à travers le temps à tous les auteurs du passé qui ont travaillé sur le même sujet que le nôtre. Ils sont des centaines à avoir cherché à comprendre les causes et les conséquences du catastrophisme, et chacun a apporté sa pierre à cet édifice commun et toujours renouvelé qu’est la connaissance.

Cette illustration, reprise par un grand nombre d’auteurs depuis 140 ans, est considérée comme un classique du genre. C’est la partie principale d’une carte postale, intitulée " Actualités Astrologiques " et sous-titrée " Apparition Foudroyante et Désastreuse de la Comète du 13 Juin 1857 ", destinée à ridiculiser certains astronomes de l’époque qui avaient annoncé imprudemment une possible fin du monde causée par la collision d’une grande comète, en fait totalement imaginaire.

De nos jours, on sait que si une comète n’est en aucune manière capable de briser notre planète, comme le suggérait avec un peu d’exagération (et d’humour) cette célèbre carte postale, elle peut par contre détruire, au moins partiellement, la vie qu’elle abrite. Des comètes, au même titre que des astéroïdes, sont associées à des extinctions.

Système de notes

Nous avons regroupé à la fin de chaque chapitre, sous le titre générique de notes :

1. des notes complémentaires sur certains points de détail qui alourdiraient le texte principal si elles y étaient intégrées ;

2. les références des livres, revues et articles que nous avons utilisés pour la rédaction de notre texte principal et des tableaux, ainsi que celles des citations ;

3. les références d'autres livres, revues et articles qui peuvent servir de lecture additionnelle pour le lecteur exigeant qui veut en savoir plus sur certains points particuliers ; il est évident que certains sujets ne sont que survolés ici et que les documents cités permettront d'enrichir très sérieusement les connaissances du lecteur.

Notes de l’avant-propos

1. Ph. de La Cotardière, Dictionnaire de l'astronomie (Larousse, 1996). Le lecteur trouvera dans ce livre de référence indispensable de nombreux renseignements sur l'astronomie et son vocabulaire.

2. I. Ridpath (ed.), A dictionary of astronomy (Oxford University Press, 1997). Un autre excellent dictionnaire collectif d’astronomie de plus de 500 pages et qui comprend 4000 entrées.

3. J. Hermann, Atlas de l'astronomie (Livre de Poche, La Pochothèque, 1995). Atlas très visuel et assez complet qui comprend une liste de symboles et d'abréviations concernant l'astronomie.

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