CHAPITRE 7

LES COMÈTES


Un danger connu depuis la nuit des temps

Les comètes sont connues depuis la plus haute Antiquité (1/2). Elles ont toujours été considérées avec crainte par les peuples anciens et ceux du Moyen Age (3), qui les soupçonnaient, et peut-être pas toujours à tort, nous le verrons au chapitre 16, d'apporter sur Terre toutes sortes de maladies et notamment la peste.

Leur intérêt auprès des foules les plus ignorantes des choses de l'astronomie est toujours venu, bien sûr, de leur aspect spectaculaire et parfois effrayant. Il suffisait, en effet, aux gens de regarder le ciel nocturne avec un minimum d'attention pour détecter ces visiteuses indésirables, dont l'éclat pouvait souvent être comparé à celui des étoiles les plus brillantes.

Nous avons déjà parlé du sujet dans la première partie, car les comètes, bien plus encore que les astéroïdes qui sont une découverte récente (1801 à 1807 pour les quatre premiers : Cérès, Pallas, Vesta et Junon), ont fait fantasmé toutes les générations de scientifiques depuis plus de 2500 ans avec l’émergence de la science grecque. Aristote, enfant, a observé la fameuse comète qui porte son nom et dont nous étudierons plus loin le processus qui, à partir d’une première scission simple, l’a conduite à une extraordinaire désintégration. Il ne l’a jamais oubliée. Pline a rappelé l’existence de la terrible comète qui a ravagé l’Égypte et coloré la mer Rouge. Beaucoup plus tard, c’est Whiston qui a fait des comètes l’instrument du Déluge et de la fin du monde à venir.

A toutes les époques, les comètes ont fait peur. La comète, c’est la peur du cataclysme, c’est la peur d’un monde inconnu, c’est la peur du monde extérieur, c’est la matérialisation de la colère divine. Dans son livre sur le sujet, Le retour de la comète, Jean-Marie Homet explique fort bien ce phénomène sociologique, quasiment obligatoire avant l'époque scientifique, et qui a même survécu bien après :

" Les inondations, la sécheresse, les orages, les vents, le froid, la chaleur, la mort des personnages illustres, c’est la comète. Les incendies, les tremblements de terre, les raz de marée, les ouragans, c’est la comète. Les guerres, les défaites, les meurtres, les crimes, les hérésies, c’est la comète. Elle annonce tout, elle informe de tout, elle est la cause de tout. Elle est à la fois la parole et la main de Dieu, courroucé par le comportement des hommes. En effet la comète est perçue comme le signe de la colère divine et une punition nécessaire. " (4)

Il faut avoir à l’esprit ce parti pris anti-comète (cette peur) venu du fond des âges pour bien comprendre l’importance de la découverte fondamentale de Halley : les comètes sont des astres périodiques comme les autres, dont on peut prévoir le retour. Ce fut une véritable révolution épistémologique, en 1759, quand la comète annoncée par Halley réapparut dans le ciel près de la position et dans les délais annoncés.

Anatomie et composition des comètes

Plusieurs milliers de spécialistes, depuis des siècles, ont fait le maximum pour que les comètes soient enfin compréhensibles par les hommes, pour qu’elles laissent déchiffrer les détails cachés de leur anatomie et de leur composition. Ce n’est que dans le dernier quart du XXe siècle que des progrès décisifs ont pu être accomplis, notamment grâce aux sondes spatiales envoyées à la rencontre de P/Halley lors de son passage près du Soleil en 1986.

Nous allons en dire quelques mots, car il est indispensable de connaître l’essentiel à ce sujet.

Les différents modèles de noyaux

On sait depuis longtemps que les noyaux cométaires sont des petits corps célestes, d’un diamètre ordinairement de taille kilométrique ou moins souvent décakilométrique, constitués principalement de glace d’eau, de roches et de poussières dans des proportions variables.

Progressivement, à partir de ce constat sommaire, plusieurs modèles ont été proposés pour répondre aux observations (5/6), sans jamais perdre de vue que, là comme ailleurs en astronomie, la réalité peut être multiple et évoluer avec le temps. Ainsi un noyau "nouveau" est très différent d’un noyau "usé" qui devient progressivement astéroïdal (7), comme nous l’avons vu au chapitre précédent, quand il a perdu la quasi-totalité de ses éléments volatils.

Nous allons dire quelques mots sur les principaux modèles de noyaux, car selon leur configuration, leur densité et leur composition, les conséquences en cas d’impact peuvent être différentes.

– Le conglomérat de glaces. C’est le fameux modèle de la boule de neige sale, proposé par Fred Whipple en 1950. En fait, il s’agirait d’un mélange de glace d’eau, de grains de poussière de toutes tailles, de dioxyde de carbone et d’autres gaz gelés, avec parfois des molécules plus complexes, comme le formaldéhyde et le cyanoacétylène. Selon les spécialistes actuels, les éléments volatils n’existeraient pas sous la forme de glace pure, mais sous celle d’hydrates et de clathrates (8).

– L’agrégat de flocons. C’est le modèle fractal, proposé par Bertram Donn en 1985. Des flocons de matière interplanétaire et interstellaire s’agglutinent pour former des corps de taille cométaire.

– L’amoncellement de débris primitifs. C’est le modèle de l’empilage progressif de blocs primordiaux et hétéroclites, proposé par Paul Weismann en 1986.

Le modèle mixte : roches + glace collée. C’est le modèle mi-roches/mi-glaces, proposé par Tomas Gombosi et Harry Houpis en 1986 (9), et qui paraît le mieux répondre à la majorité des observations. C’est un agglomérat de particules d’origines diverses, liées entre elles par un "ciment" et qui peuvent retrouver leur autonomie après une fragmentation ou une désintégration. Des parties de comètes (les roches) n’ont pas d’activité cométaire, seules les parties glacées sont soumises à la sublimation.

L’activité des noyaux

Depuis l’observation de P/Halley en 1985-1986, on a eu la confirmation que l’activité cométaire prend naissance dans un nombre limité de zones à la surface du noyau et uniquement du côté tourné (chauffé) vers le Soleil (figure 7-1). Cette activité se caractérise per des émissions de matière (poussières) et de gaz à partir des quelques plages actives. Les spécialistes ont noté que les jets se désactivent rapidement lorsque les plages actives retournent dans l’hémisphère non éclairé, du fait d’un phénomène classique de recondensation.

L’activité cométaire est très variable selon l’âge de la comète, ce qui paraît assez logique. Les comètes neuves, même minuscules comme C/Sugaino-Saigusa-Fujikawa (diamètre de 800 mètres seulement), ont une activité maximale pouvant atteindre de 40 à près de 100 % de la surface. P/Halley, comète à mi-vie active, avait une fraction active de 20 % environ à son dernier passage, ce qui n’est pas négligeable. Par contre, les comètes usées, comme P/Schwassmann-Wachmann 1 ou P/Encke, n’ont plus que 1 ou 2 % de surface active. Les comètes à l’agonie (qui sont déjà quasi astéroïdales), comme P/Neujmin 1, P/Tempel 2, P/Arend-Rigaux ou C/IRAS-Araki-Alcock, ont moins de 1 % de surface active. Ces comètes sont presque des comètes mortes, ou seulement en sommeil pour certaines, car un impact peut percer parfois la croûte protectrice accumulée au fil des passages près du Soleil et libérer provisoirement un résidu de matières volatiles. C’est ce qui est arrivé à P/Elst-Pizarro en 1996, comme nous l’avons expliqué au chapitre 6.

La sublimation des éléments volatils

Au fur et à mesure qu’une comète se rapproche du Soleil, son noyau se réchauffe. Vers 600 MK (soit 4,0 UA), les glaces sont sujettes à la sublimation, libérant par là même une quantité variable de gaz et de poussières. C’est ainsi que se forme progressivement la chevelure de la comète dont le diamètre peut approcher 100 000 km, et même plus dans certains cas.

Dans un deuxième temps, c’est la queue qui se forme à partir de la chevelure, une queue double, on le sait, l’une dite queue de plasma et l’autre dite queue de poussières.

La sublimation des éléments volatils (10) est la conséquence directe du chauffage du noyau par le Soleil. Ces éléments volatils donnent d’abord des molécules mères (du genre HCN, H2O, CO, CO2, CH3OH, H2CO), qui elles-mêmes se dissocient en molécules filles, qui sont des radicaux, des ions et des atomes (du genre CN, H, OH, O, CO+, C, CO, CH, CH3O). Toute cette matière est libérée dans l’espace et vient enrichir la poussière cosmique au sens large.

Quand la sublimation ne peut plus se faire (comètes mortes ou en sommeil), la comète se présente sous la forme d’un astéroïde cométaire qui est le stade final avant la désintégration, ou éventuellement l’impact cosmique.

Les fortes approches des comètes à la Terre

L'apparition des ordinateurs et des logiciels de calcul a facilité d'une manière incroyable le calcul des orbites cométaires, permettant d'atteindre une précision impensable jadis. Il a été possible de calculer toutes les approches à la Terre pour toutes les comètes connues depuis l'Antiquité, mais avec une précision bien sûr différente selon le nombre d'observations disponibles pour chacune d'entre elles. Pour les comètes anciennes, on doit se limiter souvent à trois ou quatre bonnes observations qui ne permettent d'obtenir que des éléments orbitaux approximatifs, et donc des approches du même ordre. Par contre, pour les approches modernes, ces approches sont souvent connues avec une grande précision (toujours avec au moins quatre décimales) et sont d'une fiabilité remarquable.

Le tableau 7-1 donne, par ordre chronologique, toutes les approches sûres recensées à moins de 0,100 UA de la Terre, ce que l'on considère comme de fortes approches (11). On en compte seulement vingt, ce qui est vraiment très peu, et montre bien que les approches serrées des comètes actives à notre planète sont beaucoup plus rares que celles des astéroïdes (astéroïdes cométaires inclus) qui se chiffrent, elles, par centaines par siècle. On connaît également douze autres fortes approches possibles antérieures à l'année 1500, que nous donnons, uniquement à titre d'information, dans la seconde partie du tableau.

Le tableau 7-1 est très instructif et mérite quelques commentaires d'ordre général. Il y a lieu d'abord d'insister sur la rareté de ces fortes approches. On en connaît six au XVIIIe siècle, quatre au XIXe et quatre au XXe, en dépit d'une multitude de découvertes. Elles peuvent se produire n'importe quand : aucune entre 1930 et 1983 et deux coup sur coup en mai et juin 1983. Elles ne concernent pas forcément des objets très brillants, ainsi les magnitudes absolues ont varié entre –3,5 (P/Halley en 837) et 6,0 (C/Sugano-Saigusa-Fujikawa en 1983). Seules P/Halley et P/Tempel-Tuttle figurent à plus d'une reprise (respectivement trois et deux fois). Le record des approches est déjà vieux de plus de deux siècles (D/Lexell en 1770).

Historique des huit très fortes approches cométaires à la Terre

Sur les vingt fortes approches certaines recensées, seulement huit sont considérées comme des très fortes approches. Ce sont celles inférieures à 0,050 UA (1/20 d'unité astronomique ou 7,5 MK). Nous allons les passer en revue rapidement (12/13).

– 1P/Halley. La plus célèbre des comètes est connue depuis l'Antiquité (14/15) et ses trente approches près du Soleil depuis 240 av. J.-C. ont pu être calculées avec précision à partir des années 1970. Elle figure trois fois dans le tableau 7-1, mais elle a eu une seule très forte approche, celle du 10 avril 837, date à laquelle elle est passée à 0,0334 UA (5,00 MK) de la Terre. Elle était alors un astre superbe dans le ciel, de magnitude –3,5, et fut considérée comme un signe de Dieu par toute une population toujours angoissée par les "prodiges" visibles dans le ciel, à une époque particulièrement obscurantiste. On rapporte que le roi de France de cette époque, Louis le Débonnaire (778-840), fils de Charlemagne, y vit le présage de sa mort prochaine (il dut quand même attendre trois ans !).

55P/Tempel-Tuttle. C'est la comète mère des Léonides, dont on sait qu'elle perd depuis longtemps une partie substantielle de sa matière. Elle figure deux fois dans le tableau. Elle a eu une très forte approche à la Terre le 26 octobre 1366 à 0,0029 UA (0,43 MK), sous le règne de Charles V le Sage (1338-1380), tout en ne dépassant pas la magnitude 2.

–- C/1702 H1 (comète La Hire). Cette comète a eu une approche à 0,0437 UA (6,54 MK) le 20 avril 1702, qui fut observée par Louis XIV (qui avait créé en 1666 l'Observatoire de Paris pour promouvoir l'observation astronomique) et sa cour. A cette époque, il n'y avait plus de peur panique à l'apparition d'une comète, mais au contraire (tout au moins dans les milieux cultivés) intérêt et même passion. Celle-ci fut spectaculaire (m = –1,3), mais ne fut visible que peu de temps.

C/1743 C1 (comète Grischow). Cette comète à orbite parabolique a eu une approche à 0,0390 UA (5,83 MK) le 8 février 1743, sans être vraiment spectaculaire, ce qui signifie qu'il s'agissait d'une comète de taille relativement modeste. Sa très faible inclinaison (i = 2,3°) semble indiquer une origine dans le disque de Kuiper (voir plus loin).

D/Lexell. Cette très remarquable comète, dont nous avons déjà parlé au chapitre 3, car elle a eu une importance considérable sur les idées de l'époque, détient le record des approches (pour les objets bien connus). Elle s'est approchée à seulement 0,0151 UA (2,26 MK) le 1er juillet 1770 et eut une magnitude négative (–1,3). La figure 7-2 explique l'histoire complexe de cette comète qui a donné bien du fil à retordre aux calculateurs de l'époque. Elle n'est plus accessible actuellement, du fait d'un périhélie proche de Jupiter, mais elle sera peut-être de nouveau observable dans le futur.

3D/Biela. Cette célèbre comète aujourd'hui désintégrée, comète mère des Biélides, a eu une très forte approche à la Terre le 9 décembre 1805 : 0,0366 UA (5,48 MK). Il s'agissait d'une comète à courte période qui fut observée auparavant en 1772. Elle a joué un rôle très important dans le renouveau des idées catastrophistes (surtout religieuses), quand à l'occasion de son troisième retour observé, en 1826, Olbers signala pour la première fois qu'elle s'approchait à seulement 28 000 km (0,0002 UA) de l'orbite terrestre et que les deux orbites se coupaient donc pratiquement à l'échelle astronomique, avec les risques possibles de contamination et même de collision que cela comportait à l'occasion de passages ultérieurs. Cette catastrophe quasiment annoncée (et reprise au vol par les nombreux partisans d'une fin du monde imminente) fut évitée puisque, dès 1845, la comète Biela se cassa en deux morceaux avant de se désintégrer complètement et de produire les deux célèbres averses météoriques de 1872 et 1885.

7P/Pons-Winnecke. C'est une comète à courte période très intéressante, connue depuis 1819 mais observée ensuite plus ou moins épisodiquement. Elle a la particularité de subir des modifications orbitales très sévères, notamment la distance périhélique qui a varié de près de 0,50 UA en moins de deux siècles, ce qui est énorme, dues en partie à des perturbations non gravitationnelles importantes. Elle a eu une très forte approche à la Terre le 26 juin 1927, à 0,0394 UA (5,89 MK), tout en restant à cette occasion relativement peu brillante (m = 3,5) (figure 7-8).

C/IRAS-Araki-Alcock. Cette comète récente est restée célèbre pour s'être approchée à 0,0312 UA (4,67 MK) de la Terre le 11 mai 1983, la plus forte approche depuis celle de D/Lexell en 1770. Elle se caractérise par une très forte excentricité (e = 0,990) et une très forte inclinaison (i = 73,3°) qui rend l'orbite dynamiquement très stable. Elle était quasiment ponctuelle lors de sa découverte et fut même prise pour un astéroïde dans un premier temps. D'abord considérée comme une comète minuscule, du fait de son faible éclat si près de la Terre (m = 1,5), elle a vu son diamètre réévalué par les mesures radar : noyau de l'ordre de 6 km. Cela s'explique par le fait que cette comète est un astre "usé" qui n'émet plus que très peu de poussières. C'est la conséquence de milliers de révolutions autour du Soleil (sa période actuelle est de l'ordre de 1000 ans). D'ici quelques dizaines de milliers d'années, elle deviendra un authentique astéroïde cométaire, avec un demi-grand axe qui n'évoluera probablement pas beaucoup, autour de 100 UA. Tous les 1000 ans environ, elle viendra près du Soleil, et peut-être à nouveau viendra frôler la Terre comme elle l'a fait en 1983.

Les éléments orbitaux des comètes qui ont frôlé la Terre

Le tableau 7-2 donne les éléments orbitaux correspondant aux 20 approches sûres du tableau 7-1, dans le même ordre. A noter que 7 comètes ont une orbite rétrograde (i > 90°) et 8 une orbite quasiment parabolique (e est très proche de 1,0 et donc a ne peut être calculé avec une précision acceptable). Pour celles qui ont un demi-grand axe mesurable, 4 circulent dans l'anneau principal des astéroïdes (2,08-3,58 UA) et 5 autres entre 10 et 250 UA. Enfin signalons que deux comètes ne pénétraient pas à l'intérieur de l'orbite terrestre l'année de leur forte approche.

L'examen des orbites des 17 comètes différentes concernées par les fortes approches à la Terre permet de faire une constatation fondamentale : toutes les catégories de comètes peuvent générer des approches serrées. Le détail est le suivant :

– des comètes à courte période (4) : Lexell, Biela, Pons-Winnecke et Schwassmann-Wachmann 3 ;
– des comètes de type Halley (2) : Halley et Tempel-Tuttle ;
– des comètes périodiques à longue période (3) : Schweizer, Tempel et IRAS-Araki-Alcock ;
– des comètes à orbite parabolique de différents types :
– à faible inclinaison (2) : La Hire et Grischow ;
– à inclinaison moyenne ou forte (2) : Charles Quint et Messier ;
– à inclinaison > 90° (4) : Cassini, Bouvard-Herschel, Schmidt et Sugano-Saigusa-Fujikawa.

Plusieurs de ces comètes à longue période seront capturées par les grosses planètes dans l'avenir (surtout par Jupiter) à l'occasion d'approches futures dans le Système solaire intérieur. Elles verront donc leur période diminuer, et leur orbite (quasi) parabolique se transformer progressivement en orbite elliptique à moyenne, puis courte période.

Comètes à courte période et astéroïdes cométaires

Rappelons que les comètes à courte période perdent continuellement de leur matière. De ce fait, elles deviennent rapidement à l'échelle astronomique, et d'autant plus vite que leur période de révolution et leur distance périhélique sont faibles et leur diamètre petit (formule de Öpik (16)), des objets astéroïdaux : des astéroïdes cométaires. Sauf celles, naturellement, qui disparaissent par désintégration comme D/Biela, qui n'a pas survécu à une première fragmentation simple, ou par émiettement progressif du fait d'un noyau "solide" à faible cohésion, conséquence d'une configuration structurale de mauvaise qualité.

Quand on parle de comètes, il faut donc bien prendre en compte deux épisodes successifs de leur vie, d'abord une phase active, ensuite une phase astéroïdale. Ces astéroïdes cométaires continuent d'avoir de fortes approches à la Terre (et aux autres planètes), en nombre beaucoup plus important que durant leur courte vie de comète active. On sait en effet depuis longtemps que la phase inactive finale peut être 1000 fois plus longue que la phase active initiale.

La liste, sans cesse réactualisée et augmentée, des objets Aten-Apollo-Amor contenait plus de 700 objets fin 1998. Parmi ceux-ci, un nombre très significatif (le pourcentage de 25 % donné depuis plus d'un quart de siècle paraît être un minimum aujourd'hui qui sera peut-être largement dépassé) concerne des astéroïdes cométaires. De tels objets peuvent parfois être repérés, de trois manières : 1/ par leurs éléments orbitaux (excentricité et/ou inclinaison cométaire) ; 2/ par leur association avec des familles de météores ; 3/ par leur type physique particulier (D ou C notamment).

Ainsi on connaît des objets à très courte période (y compris parmi le type Aten dont la période de révolution est inférieure à 1 an) qui sont probablement d'anciennes comètes et qui continuent de frôler la Terre plus ou moins épisodiquement. On voit bien qu'en fait la distinction entre astéroïdes et comètes ne se justifie que par certains points incontestables (origine, apparence cométaire, constitution physique...), mais une fois le dégazage terminé, les choses deviennent moins évidentes. Le problème des approches est un de ces dilemmes. Doit-on considérer les approches des astéroïdes cométaires comme des approches d'astéroïdes ou comme des approches de comètes ? La réponse n'est pas forcément évidente pour les spécialistes, car ils savent bien que l'impactisme cométaire et l'impactisme astéroïdal ont des conséquences différentes, du fait de la composition des divers objets. Un astéroïde ferreux ou rocheux n'a pas les mêmes caractéristiques qu'une simple boule de glace ou qu'un pseudo-noyau de particules hétéroclites plus ou moins bien agglomérées.

Le dénombrement des comètes

Plusieurs listes d'apparitions cométaires ont été publiées à partir du XVIIIe siècle. Depuis les années 1970, un catalogue de comètes, le Catalogue of cometary orbits (17), publié par le Minor Planet Center, sous la double signature de Brian Marsden et Gareth Williams, est constamment mis à jour, et les orbites des comètes nouvelles, mais aussi des anciennes, sont calculées avec le plus grand soin. En ajoutant les divers retours des comètes périodiques, on aboutit actuellement à un nombre largement supérieur à 2000 apparitions différentes.

Il est certain que le nombre de comètes actives existant dans le Système solaire est extrêmement élevé. On cite, en général, le nombre approximatif de 100 milliards d'objets différents. On connaît deux grands réservoirs de comètes, tous deux très différents et tout à fait inépuisables : le nuage de Oort et le disque de Kuiper. Nous les étudierons en détail.

Une fraction très faible de ces 100 milliards de comètes peut, suite à des perturbations stellaires qui se produisent de temps à autre, venir au voisinage du Soleil et de la Terre. Parmi celles-ci, seule une petite partie est susceptible d'être capturée par les grosses planètes (surtout par Jupiter) et donc de devenir des comètes périodiques. Mais compte tenu du réservoir de base extrêmement important, la très faible partie de comètes concernées se chiffre encore par millions. Elles ont été dans le passé, sont actuellement et seront dans l'avenir susceptibles de devenir, pour une période assez courte à l'échelle astronomique, des éléments permanents du Système solaire intérieur.

D'abord comètes actives durant quelques milliers ou dizaines de milliers d'années, puis pour certaines d'entre elles astéroïdes cométaires pendant quelques millions d'années, ces objets capturés pourront frôler la Terre, ou l'une ou l'autre des planètes voisines, et participer à leur manière, différente de celle des astéroïdes authentiques, à l'impactisme planétaire.

Les orbites des comètes

Les comètes observables de la Terre parcourent des orbites qui sont soit elliptiques (e < 1,0), soit paraboliques (e = 1,0), soit légèrement hyperboliques (e > 1,0). Les inclinaisons ont toutes les valeurs possibles entre 0 et 90° (orbites directes) et 90 et 180° (orbites rétrogrades), en opposition avec les orbites planétaires qui sont toujours directes, avec un maximum de 17° pour Pluton. Seuls quelques astéroïdes ont des inclinaisons plus fortes, avec un maximum connu pouvant atteindre 68° pour un EGA (1973 NA) qui est d'ailleurs très probablement d'origine cométaire.

On connaît actuellement environ 400 comètes à orbite elliptique, 400 à orbite parabolique et 200 à orbite hyperbolique, et bien sûr ce nombre augmente constamment. Par convention, on appelle comètes à courte période, celles qui ont leur période de révolution P inférieure à 200 ans. Les comètes à très courte période sont celles qui ont P inférieure à 12 ans, valeur de la période de Jupiter, la planète géante, de loin la plus massive et par conséquent la principale responsable de leur capture, même si l'influence de Saturne, Uranus et Neptune n'est pas négligeable pour autant.

Ce phénomène de capture (18) a été étudié par simulation sur ordinateur et il est maintenu bien connu. Les comètes à courte période ne peuvent exister qu'à partir d'orbites primitivement extérieures à celle de Neptune, à partir de deux "réservoirs" différents : le nuage de Oort et le disque de Kuiper. Au début des années 1970, Edgar Everhart (1920-1990) a montré que la majorité des comètes capturées avec une courte période ont une faible inclinaison (i < 9°) et une distance périhélique originelle (c'est-à-dire en entrant pour la première fois dans le Système solaire intérieur) proche de l'orbite de Jupiter (probablement entre 4,0 et 6,0 UA). Ce volume d'espace voisin de Jupiter, mais cependant relativement vaste, est appelé zone de capture et a été retenu par Everhart pour ses tests et ses simulations. Sur environ 7700 comètes ayant leur périhélie originel dans cette zone, les simulations montrent que la plupart d'entre elles furent envoyées sur des orbites hyperboliques après le premier passage, qui s'avère très souvent décisif. Quelques-unes furent suivies sur 2000 retours successifs et seulement une soixantaine (sur 7700 rappelons-le) furent capturées définitivement avec des orbites à très courte période, tout à fait compatibles avec celles des orbites connues. Ainsi, il semblerait que pas plus de 1 comète sur 100 est capturée et devient un membre provisoire du Système solaire intérieur.

Cependant, depuis les travaux de Everhart, les choses se sont compliquées dans la mesure où les astronomes ont bien compris la réalité d'une double source pour les comètes, que nous allons étudier dans la section suivante, et aussi l'existence d'une nouvelle catégorie de comètes-astéroïdes, qui passent la majorité de leur vie dans le disque de Kuiper, mais qui ensuite évoluent à la suite de perturbations catastrophiques et qui sont chassés de ce disque, sur des orbites plus petites. Certains de ces objets mixtes, dont le diamètre dépasse couramment 100 km, passent souvent par une étape intermédiaire : l'étape centaure (du nom des premiers objets connus : Chiron et Pholus) (19).

Les deux réservoirs de comètes

Nous avons dit que l'on distingue deux réservoirs très différents de comètes qui ont été mis en évidence au début des années 1950, le premier par Jan Oort (1900-1992) et le second par Gerard Kuiper (1905-1973). Mais le second n'a vu sa réalité confirmée qu'au début des années 1990, grâce à la révolution technologique apportée par l'utilisation de caméras CCD très performantes, couplées avec des télescopes de grand diamètre sur des sites d'observation privilégiés. Les noms des deux pionniers de ces découvertes doivent être mentionnés ici, car ils ont permis une nouvelle avancée fondamentale. Ce sont David Jewitt et Jane Luu, deux astronomes américains qui travaillaient sur le site de Mauna Kea, à Hawaii, avec un télescope de 2,2 mètres d'ouverture.

Le nuage de Oort

C'est une "coquille" sphérique dont le Soleil est le centre (les inclinaisons ont toutes les valeurs possibles), que l'on peut situer en gros entre 2000 et 100 000 UA, c'est-à-dire une tout autre population que celle existant dans le Système solaire intérieur. On a tendance, de nos jours, à le diviser en deux parties bien distinctes : le nuage externe, compris entre 10 000 et 100 000 UA et le nuage interne, compris entre 2000 et 10 000 UA. Le nuage de Oort contient un nombre illimité d'objets (plusieurs milliards à coup sûr). Celles qui sont "précipitées" dans le Système solaire intérieur le sont à la suite de perturbations stellaires (passage d'une étoile à proximité relative du Soleil). Le diamètre de ces objets peut varier de quelques km à probablement plusieurs milliers de km. Mais en règle générale, la quasi-totalité des membres de ce groupe n'ont aucune raison de venir dans le Système solaire interne. Ce sont des astres primordiaux, c'est-à-dire directement issus de la formation du Système solaire, amorcée il y a plus de 4,6 milliards d'années par la condensation du disque de gaz et de poussière présolaire, en rotation sur lui-même, et qui engendra, outre le Soleil, les planètes et leurs satellites, d'innombrables résidus qui n'ont pas tous disparus par la suite.

Les statistiques ont montré que certaines comètes "neuves" (celles qui viennent pour la première fois dans le Système solaire intérieur) arrivent prioritairement d'une région située entre 40 000 et 50 000 UA (dans le nuage externe donc). Cela tendrait à montrer qu'il existe certaines zones plus denses en noyaux cométaires vers cette distance. On considère, en général, qu'une comète dont le demi-grand axe est inférieur à 10 000 UA (issue du nuage interne donc) n'est pas une comète neuve au sens strict, et que celles qui ont un tel demi-grand axe ont déjà effectué quelques (rares) apparitions près du Soleil. De telles comètes ont déjà évolué dynamiquement. Ainsi la fameuse comète West, l'une des plus belles du XXe siècle, qui est venue près du Soleil en 1976 et dont le demi-grand axe était de l'ordre de 6800 UA (d'où une période voisine de 560 000 ans) n'était pas une comète neuve, puisqu'elle nous a déjà rendu plusieurs visites dans le passé, fort espacées dans le temps à l'échelle humaine, mais pas à l'échelle astronomique. Du fait de sa rupture en quatre morceaux lors de sa dernière visite, elle ne reviendra plus.

Les perturbations ne sont pas seulement dues aux passages erratiques d'étoiles près du Soleil, même si l'on sait que celles-ci en sont les responsables essentielles, ni aux forces de marée générées par la rotation de la Galaxie. L'astrophysicien allemand Ludwig Biermann (1907-1986) a montré le premier que les grands nuages moléculaires que traverse parfois le Système solaire contribuent eux aussi à perturber sensiblement les comètes du nuage de Oort. Certains de ces nuages moléculaires sont très massifs et peuvent atteindre plusieurs centaines de milliers de fois la masse du Soleil, dans un volume de plus de 100 années-lumière de diamètre. Depuis leur formation, il y a 4,6 milliards d'années, le Soleil et sa nombreuse famille ont pu traverser ce genre de nuage géant une bonne dizaine de fois. Il n'est pas exclu alors qu'une quantité anormale de comètes ait pu être injectée en peu de temps dans le Système solaire intérieur. La traversée de nuages moléculaires plus petits, de l'ordre de 1000 à 10 000 fois la masse du Soleil, est bien sûr beaucoup plus fréquente. Elle serait de l'ordre d'une fois tous les 10 millions d'années (c'est-à-dire d'une centaine par milliard d'années), avec des conséquences moindres, mais cependant nullement négligeables.

On voit ainsi que ces perturbations, qui peuvent être de nature différente, sont largement suffisantes pour permettre un renouvellement permanent de la matière cométaire près du Soleil, et aussi expliquer l'extraordinaire cratérisation qu'ont subi les diverses planètes et satellites, cratérisation qui, on le sait maintenant, était à la fois d'origine planétaire, mais aussi cométaire.

Le disque de Kuiper

C'est un disque plat (quelques degrés pour les inclinaisons) situé entre environ 38 et 100 UA (peut-être même 200 UA) du Soleil, donc incontestablement une composante du Système solaire interne (figure 7-3). Il pourrait contenir plusieurs millions d'objets (comètes et/ou astéroïdes) de plusieurs dizaines (ou plus) de km de diamètre, composés de glace mais aussi probablement de roches. Ceux qui "décrochent" de ce disque le font à la suite de perturbations planétaires, mais en général les excentricités sont modestes (très souvent inférieures à e = 0,20) et les orbites stables. Ce qui signifie que beaucoup de membres de ce groupe pourraient être des objets primordiaux, des planétésimales.

Le bond technologique décisif du début des années 1990 a permis de découvrir plusieurs dizaines d'objets appartenant au disque de Kuiper, et on distingue déjà deux groupes aux caractéristiques orbitales distinctes :

– les Plutinos qui forment la bordure interne du disque. Ces objets qui ont a compris entre 38 et 40 UA apparaissent très nombreux. Comme Pluton (et son satellite Charon), ils ont la particularité très importante d'être en résonance 3/2 avec Neptune et sont donc protégés de toute approche avec cette planète qui pourrait s'avérer dangereuse et signifier pour eux "le début de la fin", c'est-à-dire la plongée dans le Système solaire intérieur, avec les conséquences qui en découlent sur leur espérance de vie.

– les autres Kuiperoïdes qui ont entre 40 et 100 UA (ou même probablement plus) et qui ne bénéficient pas de cette résonance 3/2. Ce sont d'authentiques membres du disque de Kuiper qui ont en principe une orbite très stable et beaucoup doivent exister depuis la formation du Système solaire. C'est parmi eux, cependant, que suite à des perturbations, principalement dues à Neptune, mais aussi à celles des autres membres du disque, que certains objets voient leur excentricité augmenter et leur périhélie diminuer, avec les risques majeurs que cela comporte : approche à Neptune et injection sur une orbite plus petite, souvent dans un premier temps de type centaure, ou injection directe avec une excentricité quasi parabolique dans le Système solaire intérieur et avec un périhélie à l'intérieur de l'orbite de Jupiter.

La grande majorité des objets actuellement connus du disque de Kuiper ont une magnitude absolue H comprise entre 5,0 et 9,0, ce qui, combiné avec un type physique C ou D, correspond à un diamètre compris entre 500 et 100 km. Ce sont donc des gros astéroïdes/comètes, souvent des objets mixtes qui ont à la fois des caractéristiques physiques planétaires (noyau rocheux notamment) et cométaires (enveloppe de glace et de poussières agglomérées). Bien sûr, il existe des milliards d'objets plus petits qui peuvent atteindre quelques dizaines de mètres dans le bas de la fourchette. Beaucoup des objets de taille kilométrique resteront à jamais indécelables, sauf bien sûr s'ils sont éjectés du disque de Kuiper et survivent ultérieurement sur des orbites beaucoup plus petites (familles cométaires de Jupiter et Saturne).

Les centaures et autres objets apparentés

Il est apparu, depuis l'utilisation des caméras CCD qui permettent de repérer des astres beaucoup plus faibles que précédemment, qu'il existe de nombreux objets circulant d'une manière autonome (comme des mini-planètes) entre les orbites de Jupiter et de Neptune. Tous sont enregistrés comme astéroïdes (puisque n'ayant pas d'activité physique apparente), mais quasiment tous peuvent être considérés comme d'origine cométaire (ou astéroïdo-cométaire pour les objets mixtes), puisqu'issus très probablement des deux réservoirs cométaires que nous venons d'étudier.

Le tableau 7-3 regroupe tous les objets connus circulant entre Jupiter et Neptune. Ceux qui sont originaires du disque de Kuiper ont droit au qualificatif générique de centaures. Ceux qui viennent directement du nuage de Oort, et qu'on repère principalement au fait qu'ils ont une très forte excentricité et une très forte inclinaison, n'ont pas droit au nom de centaures, mais ils leur sont quand même apparentés.

Cette étape centaure semble être une étape intermédiaire "normale" pour les objets du Système solaire externe (figure 7-4). Certains d'entre eux sont capturés sur des orbites provisoires et chaotiques qui évoluent sans cesse au gré des perturbations planétaires, avec une tendance à la diminution progressive du demi-grand axe, avant une capture possible, mais pas systématique, dans le Système solaire intérieur, où leurs jours, à l'échelle astronomique, sont comptés. Nous en parlons plus loin : la fragmentation, l'émiettement, la désintégration, la disparition totale à long terme (parfois aussi une expulsion salvatrice) les guette. Nous en avons un exemple actuel dont nous parlons longuement plus loin, car il concerne l'histoire des hommes : c'est HEPHAISTOS.

Le tableau 7-3 rappelle le nom et les caractéristiques d'objets encore peu connus en dehors des spécialistes, mais qui sont appelés à connaître une certaine "célébrité" dans la mesure où l'impactisme va devenir un sujet d'étude beaucoup plus général au XXIe siècle. Nous allons donner quelques renseignements sur deux d'entre eux particulièrement intéressants : Damocles et Chiron, qui sont assez représentatifs puisque originaires chacun d'un des deux réservoirs de comètes.

Damocles

Il s'agit d'une ancienne comète, découverte en 1991 en Australie par Robert McNaught, qui est issue du nuage de Oort (figure 7-5) et qui ensuite, à l'occasion d'une intrusion dans le Système solaire intérieur, a été capturée par Uranus (20). N'ayant pas d'activité cométaire, cet objet a été catalogué, comme c'est toujours le cas dans cette situation fréquente, comme un astéroïde, bien que son origine cométaire ne fasse pas de doute. Ses éléments orbitaux sont exceptionnels, uniques actuellement : a = 11,89 UA (il circule donc en moyenne entre Saturne et Uranus), e = 0,87 et i = 62°. Damocles s'approche de l'orbite de Mars au périhélie (q = 1,58 UA). Les calculs montrent que cette orbite chaotique est très provisoire et qu'elle va probablement évoluer, avec une diminution de la période et du demi-grand axe. Damocles deviendra un objet Apollo, avec un périhélie à l'intérieur de l'orbite terrestre.

Il est devenu le prototype des "objets venus d'ailleurs" qui peuvent devenir dangereux à long terme pour la Terre (et les autres planètes intérieures) dont on soupçonnait depuis longtemps l'inclusion possible dans le Système solaire proche, mais dont on attendait avec impatience le premier exemplaire. Bien qu'il soit l’un des plus petits "astéroïdes" extérieurs actuellement connus, son diamètre est de l'ordre de 15 km (H = 13,3, type physique D probable), ce qui fera de lui le plus gros des objets Apollo, dont le diamètre n'atteint qu'exceptionnellement 10 km. Avec une vitesse au périhélie qui sera de l'ordre de 40 km/s, il pourrait devenir à long terme un objet dangereux pour la Terre et la vie qu'elle abrite. Mais nous n'en sommes pas encore là !

Damocles a permis de montrer aux astronomes, mais aussi aux autres scientifiques concernés, l'un des mécanismes d'introduction (et de renouvellement permanent, inéluctable à l'échelle astronomique) d'anciennes comètes à longue période dans le Système solaire intérieur. Ce mécanisme comporte quatre étapes principales :

1. perturbations stellaires qui les chassent du nuage de Oort et en précipitent certaines dans le Système solaire intérieur ;

2. capture de l'une d'entre elles par l'une des grosses planètes (Jupiter principalement, mais aussi Saturne, Uranus et Neptune) sur une orbite chaotique à courte ou moyenne période ;

3. évolution de cette orbite, avec parallèlement diminution progressive, puis disparition totale des éléments volatils, et possibilité d'approches serrées aux planètes ;

4. impact possible sur une planète avec éventuellement formation de cratère et conséquences sur la vie s'il s'agit de la Terre.

Cet enchaînement d'événements explicite fort bien les "morts en masse" mises en évidence par les spécialistes des sciences de la vie, et symbolisées par la mort des dinosaures, il y a 65 millions d'années, dont nous parlerons en détail au chapitre 12. Damocles permet de montrer une bonne fois pour toutes que ce mécanisme de capture n'est pas une "vue de l'esprit", et surtout de rappeler que si les comètes et les astéroïdes "dangereux" n'existent pas forcément actuellement (et à certaines époques en général), ils peuvent être introduits épisodiquement (et non pas cycliquement) dans le Système solaire intérieur à la suite de perturbations stellaires.

Chiron

Cet objet est le prototype des centaures. Il a été découvert en 1977 à Palomar par Charles Kowal (21) et logiquement catalogué comme un astéroïde, puisqu'il s'était jusqu'alors toujours montré ponctuel. En effet, on l'a retrouvé sur plusieurs plaques photographiques prises antérieurement, la plus ancienne remontant à 1895. Ce n'est que bien plus tard, en 1988, que l'on commença à soupçonner une activité cométaire, liée à un sursaut anormal de magnitude (son éclat doubla quasiment) en relation avec le rapprochement de Chiron vers son périhélie. Apparemment, le léger réchauffement de la surface a été suffisant pour "réveiller" la grosse boule de glace et de roches en léthargie sur la plus grande partie de son parcours, et il a bien fallu (re)considérer Chiron comme une comète.

Cet objet circule sur une orbite instable avec a = 13,74 UA, e = 0,38 et i = 6,9°. Sa période est donc de 51 ans. Il vient au périhélie à 8,54 UA (la dernière fois en février 1996). Tous les calculs montrent que l'orbite est chaotique et donc obligatoirement récente. Il a décroché d'une orbite stable dans le disque de Kuiper à la suite de perturbations exceptionnelles, pour suivre provisoirement une orbite de type centaure comme actuellement.

Chiron est le premier spécimen d'une nouvelle population d'objets, beaucoup plus gros que les comètes normales, et à la fois comète et astéroïde (22) . Des observations dans l'infrarouge ont montré qu'il s'agit d'un objet de forme grossièrement sphérique, mais qui présente quand même des variations régulières de 9 % dans sa courbe de lumière, avec une période de rotation de 5,92 heures et un albédo de l'ordre de 0,10, le double de ceux des objets de type C. Un tel albédo suggère que Chiron est probablement constitué en surface d'un mélange de roches, de poussières, de gaz gelés et aussi de glace. C'est celle-ci qui se sublime et qui provoque les sursauts d'éclat observés. La présence d'une légère chevelure de glace et de poussières prouve qu'un mécanisme, que l'on suppose être dû principalement à la sublimation, éjecte de la surface de Chiron ses composants les plus volatils. On a noté entre autres la présence de cyanogène (CN) dans cette chevelure.

Le diamètre de Chiron n'est pas encore connu avec précision. Il a H = 6,0, mais comme son albédo est nettement plus élevé que celui des objets de type C et D, ce diamètre pourrait, en fait, ne pas être supérieur à 200 km. Ce qui, rappelons-le, n'est pas un diamètre de comète classique, telle qu'on la concevait jusqu'alors, qui sauf rares exceptions, ne dépasse pas 50 km. En fait, toutes les comètes périodiques ont plutôt des diamètres de l'ordre de 5 ou 10 km, souvent moins même.

Chiron fut le premier centaure repéré, mais on en connaît déjà d'autres, tels Pholus et Nessus. Le XXIe siècle permettra d'en découvrir des centaines d'autres.

La désintégration des comètes

Nous allons étudier le problème de la fragmentation et de la désintégration des comètes à travers deux exemples différents mais très significatifs. Il faut bien comprendre, en effet, que ce problème est crucial pour expliquer le renouvellement constant de la matière dans le Système solaire intérieur. Des comètes sont capturées, elles se fragmentent, certains débris heurtent les planètes, d'autres se désagrègent en poussière cosmique, c'est la règle immuable depuis des milliards d'années et pour des milliards d'années encore car, nous l'avons vu, la matière disponible dans le nuage de Oort et dans le disque de Kuiper est inépuisable.

La comète d'Aristote et le groupe de Kreutz

On connaît cette comète (et ses multiples résidus ultérieurs) depuis l'époque d'Aristote (23) qui l'observa lui-même en –371 alors qu'il n'était qu'un enfant de 12 ans. Elle fut observée très près du Soleil à l'horizon ouest et, paraît-il, sa queue s'étendit sur un tiers du ciel. Il est certain qu'il s'agissait alors d'un astre très impressionnant, d'une très grosse comète unique qui se divisa à l'occasion de ce passage dans la banlieue solaire en deux fragments, observation capitale rapportée par l'historien grec Ephorus (24). C'était le premier acte d'une fragmentation due principalement aux forces de marée solaire, prélude à un véritable émiettement ultérieur.

Dès 1880, Daniel Kirkwood (1814-1895), l'un des spécialistes de mécanique céleste de l'époque, suggéra que la Grande comète de Mars 1843 (1843 I) et la Grande comète australe de 1880 (1880 I) pouvaient être associées avec la comète de –371, du fait de la similarité du mouvement. On sait que la comète 1843 I passa à seulement 0,0055 UA (soit 820 000 km) du centre du Soleil, sur une orbite inclinée à 144,4°, donc rétrograde, et la comète 1880 I à 0,0055 UA également, avec = 144,7°. La parenté de ces deux comètes ne faisait aucun doute. Les considérer comme des "descendantes" de la comète d'Aristote était plus hardi, mais cette hypothèse de Kirkwood a été largement confirmée par tous les travaux ultérieurs sur le sujet.

En 1882, deux nouvelles comètes, la comète Tewfik (1882 I) et la Grande comète de Septembre (1882 II), qui atteignit l'incroyable magnitude de –15, passèrent elles aussi très près du Soleil avec des inclinaisons similaires (i = 142-144°). Cinq ans plus tard, une troisième comète, la Grande comète australe de 1887 (1887 I) les suivit avec un parcours analogue. C'était donc un véritable chapelet de comètes qui revenaient au périhélie, à proximité immédiate du Soleil, vestiges de la comète mère d'Aristote.

On doit à l'astronome allemand Heinrich Kreutz (1854-1907) d'avoir montré que les quatre comètes des années 1880 avaient des orbites similaires et qu'elles descendaient directement de la comète de 1106, elle-même fragment de la comète d'Aristote à son 4e passage près du Soleil. Cette comète de 1106 avait P = 370 ans environ et a = 51,5 UA environ, donc un demi-grand axe à l'intérieur du disque de Kuiper (bien qu'elle n'en soit pas originaire). C'est lui qui donna son nom à ce groupe de comètes, véritables Sun-grazers : le groupe de Kreutz. Il convient de noter que ce groupe est en fait une véritable famille, puisque tous ses membres ont un progéniteur commun. Kreutz identifia également les comètes de 1668 et de 1695 comme faisant partie de ce groupe. A la fin du XIXe siècle, on connaissait donc neuf membres du groupe de Kreutz, fragments de la comète d'Aristote.

Au cours du XXe siècle, de nombreux nouveaux membres du groupe ont été identifiés (25), comètes du Toit (1945 VII), Pereyra (1963 V), la fameuse comète Ikeya-Seki (1965 VIII) qui atteignit la magnitude –10 et White-Ortiz-Bolelli (1970 VI), toutes sur des orbites similaires facilement identifiables. De plus, entre 1979 et 1984, six comètes non observées de la Terre furent enregistrées par le satellite Solwind, faisant partie de la même famille. Toutes heurtèrent le Soleil qui récupère souvent une petite partie du monde dont il a la charge.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Entre 1987 et 1989, dix nouveaux fragments, qui heurtèrent eux aussi pour la plupart le Soleil, furent repérés par le satellite SMM. Ces comètes non observées reçurent les désignations Solwind 1 à 6 et SMM 1 à 10. Enfin, entre 1996 et 1998, une trentaine de nouveaux fragments du même groupe ont été repérés (26) très près du Soleil par le satellite SOHO, destiné principalement à l’étude de notre étoile, mais capable aussi, accessoirement, d’annoncer des impacts minuscules à sa surface.

Il semble bien que ce soient des milliers de fragments minuscules qui ont été successivement engendrés par les résidus principaux de la comète mère, qui devait être un astre d’envergure, d’un diamètre centaurien (plusieurs centaines de km).

La généalogie complète de cette grande famille de comètes a été recherchée par Brian Marsden, le spécialiste bien connu du calcul des orbites et auteur du catalogue général des comètes. Il a montré que les comètes du groupe de Kreutz se rangent aujourd'hui en deux sous-groupes principaux. Il apparaît clairement que le progéniteur de tous ces résidus cométaires est bien la comète de –371, et que la majorité des fragments connus sont directement issus de la comète de 1106. Celle-ci s'est fragmentée depuis en plusieurs morceaux de tailles inégales, certains de ceux-ci s'étant eux-mêmes fragmentés à leur tour. Marsden a montré que les comètes de 1843, 1880, 1882 I et 1887 qui se sont succédé en moins d'un demi-siècle sont des fragments de la comète fantôme (non observée mais bien réelle) de 1487, qui s'est scindée en au moins quatre gros blocs, notamment la Grande comète de Septembre 1882 qui a atteint la magnitude –15 et qui était encore elle-même une comète d'un diamètre appréciable.

La comète 1882 II s'est scindée en quatre fragments, celle de 1965 (Ikeya-Seki) en trois fragments. On assiste donc à un véritable émiettement progressif. Certains fragments reviendront encore près du Soleil, d'autres l'ont déjà heurté et n'existent plus, d'autres encore se sont littéralement désintégrés et sont redevenus poussière cosmique. L'exemple du groupe de Kreutz est extrêmement instructif et montre clairement la réalité et l'importance de ce problème de fragmentation et d'émiettement et celui des comètes apparentées, c'est-à-dire issues d'un progéniteur unique, parfois d'un gros diamètre comme c'était obligatoirement le cas pour la comète d'Aristote. D'où venait-elle : nuage de Oort ou disque de Kuiper ? Probablement du nuage de Oort, compte tenu de l'inclinaison rétrograde de 145° (180 - 145 = 35°). Elle semble, dès le début, avoir dû subir une fragmentation du fait d'une cohésion physique insuffisante des glaces et des poussières la composant. La comète d'Aristote et ses innombrables débris sont uniquement composés de matière fragile et elle s'est quasiment désintégrée en moins de 2500 ans et quelques passages à proximité du Soleil. Il est quasiment certain que d'ici quelques millénaires, il ne restera rien de la fameuse comète d'Aristote. Tout redevient poussière, parfois à une vitesse accélérée pour les comètes, surtout si elles viennent frôler le Soleil.

La fragmentation du centaure HEPHAISTOS

Nous allons étudier maintenant un autre cas de fragmentation, mais très différent de celui que nous venons de voir qui concernait une comète de glace venant du nuage de Oort. HEPHAISTOS, lui, était un objet de plusieurs dizaines de kilomètres de diamètre au minimum, issu du disque de Kuiper, à la fois comète et astéroïde, qui a certainement subi l'étape centaure, une étape intermédiaire et très provisoire de quelques millions d'années tout au plus, avant de venir se faire piéger dans le Système solaire intérieur où ses jours en tant qu'objet unique étaient comptés. Ce n'est qu'à partir du début des années 1990 qu'on a pu saisir les diverses étapes de la vie de tels objets.

Le tableau 7-4 comprend les objets (avec e > 0,70 (27)) connus ou soupçonnés être des fragments et résidus de ce progéniteur dont la capture ne peut excéder quelques millions d'années et la fragmentation initiale quelques centaines de milliers d'années, c'est-à-dire une durée insignifiante à l'échelle astronomique. L'émiettement se poursuit encore de nos jours et entraîne une dispersion des éléments orbitaux, notamment les valeurs des nœuds ascendants, des arguments et longitudes des périhélies qui s'écartent les uns des autres à une vitesse de 4° par millénaire (1° tous les 250 ans en moyenne) et qui finiront par prendre toutes les valeurs possibles entre 0 et 360°.

L’existence de deux groupes principaux apparaît clairement à l’examen du tableau 7-4. Ils sont issus d’une rupture globale récente, mais on peut aussi mettre en évidence des dislocations ultérieures (l’émiettement permanent). On peut ainsi "reconstituer" des objets intermédiaires qui existaient encore il y a quelques dizaines de milliers d'années et même quelques milliers d'années pour certains d'entre eux, c'est-à-dire quelques petites "secondes" à l'échelle astronomique.

Ce n'est que dans le courant des années 1980 que les astronomes ont compris que des objets qui paraissaient différents comme P/Encke et Oljato ne formaient en fait qu'un seul objet il y a seulement 9500 ans, c'est-à-dire vers –7500 (figure 7-6). Dès 1978, Lubor Kresak (1927-1994) avait envisagé une parenté entre P/Encke et l'objet de la Toungouska qui a heurté la Terre le 30 juin 1908. En octobre 1978, peu de temps après sa découverte par Ludmila Chernykh, l'astéroïde 1978 SB (baptisé par la suite Hephaistos) attira l'attention des spécialistes du fait d'éléments orbitaux caractéristiques (a, e et i ) identiques pratiquement à ceux de P/Encke, mais tout de suite se posa le problème des diamètres. Rappelons ce que nous écrivions à ce sujet en 1980 sur ce point très important qui a fait douter les spécialistes sur l'origine commune aujourd'hui quasiment admise par tous :

" Cette ressemblance frappante des éléments orbitaux a fait émettre l'hypothèse, par certains astronomes, que les deux objets seraient deux fragments d'une ancienne comète brisée lors d'un passage près du Soleil. Mais cela est plus que douteux pour la raison suivante : il se trouve que le g de 1978 SB est relativement élevé (15,2), ce qui correspond à un diamètre voisin de 7,2 km pour un astéroïde cométaire. Au contraire, le noyau solide (non sublimable) de P/ Encke est probablement inférieur à 1,5 km de diamètre. En bonne logique, P/Encke aurait dû brûler ses derniers éléments volatils au moins 2000 ou 3000 ans avant 1978 SB et devenir un astéroïde avant lui. Or, c'est l'inverse que l'on observe, puisque P/Encke est encore une comète active pour 100 ou 200 ans, alors que 1978 SB ne présente aucune activité cométaire suspecte et n'est plus sujet aux forces non gravitationnelles qui sont caractéristiques des comètes dont le noyau est encore actif. Il est pratiquement certain que 1978 SB a été injecté dans le Système solaire proche longtemps avant P/Encke, et donc l'hypothèse d'une origine commune pour ces deux objets est fausse. La similitude des deux orbites, bien que très frappante, est un argument tout à fait insuffisant pour conclure à la fragmentation d'un objet unique. " (28)

Comme quoi la "vérité" d'un jour n'est pas forcément celle du lendemain ! Aujourd'hui, au contraire, nous sommes persuadé de la parenté étroite de ces deux objets. Reste à résoudre la question que nous posions : pourquoi P/Encke est-elle encore une comète active et Hephaistos déjà un astéroïde cométaire ? Il est obligatoire de trouver une solution satisfaisante à ce problème. Les spécialistes dans leur majorité (29) optent maintenant pour l'idée suivante : le fragment P/Encke qui a préservé certains éléments volatils a été en sommeil durant plusieurs millénaires et n'est de nouveau actif que depuis peu de temps. Il ne se serait "réveillé" que quelques dizaines d'années avant sa découverte au XVIIIe siècle. Il paraît impossible en effet qu'il ait été actif en permanence depuis l'Antiquité. Découvert seulement dans les années 2100, P/Encke aurait été cataloguée directement comme un astéroïde comme l'est son frère jumeau Oljato, qui a peut-être lui aussi eu des sursauts cométaires durant les siècles passés, mais qui semble aujourd'hui définitivement "éteint" et privé de toute matière encore susceptible de se sublimer et donc de présenter un caractère cométaire.

Le tableau 7-4 mentionne parmi la famille HEPHAISTOS, l'éventuelle comète à courte période D/Helfenzrieder qui a été découverte en 1766 par Johann Helfenzrieder (1724-1803), mais qui n'a pas été réobservée depuis. Qu'est devenue cette comète ? S'est-elle totalement désintégrée ? Survit-elle sous la forme d'un astéroïde minuscule que l'on découvrira peut-être un jour ? A-t-elle bénéficié à l'époque d'un sursaut exceptionnel de courte durée qui a permis sa découverte ? Autant de questions qui restent sans réponse, mais la parenté avec les astéroïdes de la famille reste possible.

Notons encore, pour terminer avec le problème de la désintégration des comètes, que quasiment chaque fragment volumineux engendre à son tour une famille de météores associés. Comme nous le verrons dans le chapitre qui leur est consacré, plusieurs essaims sont liés génétiquement aux fragments de HEPHAISTOS, et notamment celui très important connu sous le nom de Complexe des Taurides, qui est associé à P/Encke et qui comporte encore des objets de taille substantielle. L'objet de la Toungouska était probablement l'un d'eux.

La famille HEPHAISTOS

Une famille mi-cométaire/mi-planétaire

Revenons au tableau 7-4 qui est appelé à grossir sans cesse ces prochaines années, puisqu'on découvre des nouveaux membres régulièrement. Un seul de ses composants est une comète active : P/Encke. Nous avons vu que D/Helfenzrieder n'est connue que d'après son passage de 1766 et qu'elle n'existe plus (tout au moins en tant que comète active). Son appartenance réelle à la famille HEPHAISTOS n'est d'ailleurs pas prouvée, elle est seulement possible.

Tous les autres objets recensés le sont comme astéroïdes puisqu'ils n'ont plus actuellement d'activité cométaire perceptible. La plupart sont des astéroïdes cométaires, c'est-à-dire qu'ils ont été actifs à une certaine période de leur vie d'astres indépendants. Quelques-uns, par contre, n'ont peut-être jamais eu d'activité cométaire et sont de vrais astéroïdes. C'est le paradoxe de ces gros objets venus du disque de Kuiper qui ont une composition hétérogène et qui sont à la fois des comètes et des astéroïdes (figure 7-6). Certaines parties sont composées de glace, capables après fragmentation de se sublimer et de présenter provisoirement une activité de type cométaire, d'autres parties sont rocheuses et donc astéroïdales. On retrouve donc cette double composition dans les débris. HEPHAISTOS est une famille mixte, mi-cométaire et mi-planétaire.

Tous les objets de la famille ont une très forte excentricité (voisine de 0,80 et toujours supérieure à 0,60) et une faible inclinaison (comprise entre 0 et 13°), mais avec des différences qui deviennent sensibles avec le temps qui passe et les perturbations parfois sévères que certains débris peuvent subir à l'occasion d'approches serrées aux planètes. Il faut aussi se rappeler que certains fragments ont subi des perturbations de type non gravitationnel, alors qu'ils étaient encore actifs, qui les ont éloignés des éléments types qui étaient ceux de l'objet primitif HEPHAISTOS avant sa première fragmentation.

Car il est certain, comme c'est le cas pour le groupe de Kreutz, que la fragmentation s'est constamment répétée, chaque morceau devenu autonome générant à son tour de nouveaux fragments plus petits et une infinité de poussières. Pour ce qui est du demi-grand axe (et de la période), les écarts sont plus importants, certains fragments s'étant retrouvés sur des orbites plus petites à la suite de l'accélération du mouvement subie à l'occasion de fortes approches aux planètes. On peut penser qu'une valeur assez proche de 2,17-2,20 UA (qui est celle de Hephaistos, Oljato et P/Encke) était la valeur de base, mais on constate que certains fragments ne font plus partie de l'anneau principal des astéroïdes (2,08-3,58 UA) et circulent en moyenne entre Mars et l'anneau principal (ils sont donc de sous-type 2, voir le chapitre 6). Il n'y a pas lieu de vraiment s'en étonner, et cela ne doit pas masquer une origine commune probable.

Le tableau 7-4 classe les NEA retenus par valeur croissante des longitudes du périhélie et donne les éléments orbitaux actuels pour les membres de la famille. H est la magnitude absolue qui est liée au diamètre. On voit ainsi que les deux objets répertoriés les plus importants sont Hephaistos et Heracles qui ont H = 13,9 correspondant à un diamètre moyen de l'ordre de 7 à 10 km selon l’albédo. Ce sont donc des "gros NEA", capables de causer des dégâts tout à fait considérables s'ils viennent percuter la Terre dans l'avenir.

Cela montre bien que le centaure progéniteur de la famille HEPHAISTOS était un gros objet, de plusieurs dizaines de kilomètres de diamètre au minimum, mais qui pouvait peut-être atteindre ou dépasser en fait 100 km, comme c'est le cas pour Chiron, Pholus et quasiment tous les objets connus du disque de Kuiper. Cette réalité incroyable a été une révélation pour tous ceux qui se sont penchés sur la menace réelle que présentent les astéroïdes et les comètes pour la Terre et l'humanité qu'elle abrite. Plusieurs fois par million d'années, des nouveaux objets sont transférés dans le Système solaire intérieur et leurs fragments ultérieurs renouvellent le stock des objets susceptibles de heurter une des planètes ou l'un de leurs satellites dans les quelques millions d'années qui suivent ce transfert.

Une fragmentation obligatoirement récente

Une question que l'on se pose est la suivante : " Depuis quand a commencé la fragmentation de HEPHAISTOS ? " Et une autre vient immédiatement après : " Peut-on dater approximativement la fragmentation des différents objets actuellement recensés ? " Bien sûr, il est exclu de répondre avec précision à ces deux questions puisqu'on ignore les perturbations gravitationnelles et aussi non gravitationnelles qu'ils ont subi, mais on peut avoir un ordre de grandeur très intéressant. Celui-ci se chiffre seulement en dizaines de milliers d'années pour la première question, et en milliers d'années pour les fragmentations les plus récentes, comme nous allons le voir.

On ne sait pas quand HEPHAISTOS a été définitivement injecté dans le Système solaire intérieur, suite à des perturbations catastrophiques dues à l'une des quatre grosses planètes externes (Neptune, Uranus, Saturne ou Jupiter). Cet événement peut remonter à plus de 100 000 ans. Mais le début de la fragmentation a pu être sensiblement plus tardif et remonter à seulement quelques dizaines de milliers d'années. On pense qu’elle doit être liée à une très forte approche à l’une des trois planètes intérieures : Mercure, Vénus ou même la Terre. En tout cas, il s’agit d’un événement très récent à l’échelle astronomique.

Un détail intrigue les astronomes : de nombreux fragments peuvent s'approcher très près de Mercure (c'est encore le cas de P/Encke et surtout de Hephaistos notamment), ce qui est assez rare quand même en général pour les astéroïdes et les comètes. Cela a-t-il un rapport possible avec la fracture initiale ou est-ce pure coïncidence ? En règle générale, les astronomes n'aiment pas trop les coïncidences, surtout si elles se répètent de façon anormale. Se pourrait-il que ce soit une approche rasante à Mercure qui ait fait exploser HEPHAISTOS et, en accélérant fortement son mouvement, diminuer d'une manière drastique la période de révolution qui est anormalement faible pour une comète, puisque l'aphélie de P/Encke et celui des autres fragments devenus astéroïdaux sont largement inférieurs au demi-grand axe de Jupiter. On sait que les comètes de la famille de Jupiter ont quasiment toutes leur aphélie à l'extérieur de l'orbite de la planète géante. Il s'est donc passé pour HEPHAISTOS un événement unique (non encore identifié) qui a permis une réduction très importante des valeurs de l'aphélie et du demi-grand axe. Par contre, le périhélie n'aurait pas beaucoup évolué. Ce détail laisse à penser que le cataclysme responsable a eu lieu près du Soleil.

Une dispersion des éléments inexorable

On considère qu'en moyenne la dispersion des longitudes du périhélie s'effectue à raison de 4° par millénaire, soit en gros 1° tous les 250 ans. Donc, pour les 360° de la sphère céleste, le processus complet demande environ 90 000 ans, pour 180° 45 000 ans, et pour 90° 22 500 ans. Quand on compare entre eux les chiffres du tableau 7-4, on a donc une première indication sur les fractures successives des différents fragments. Certains groupements serrés (moins de 20°) pourraient signifier une rupture datant de 5000 ans seulement. Les calculs ont montré que P/Encke et Oljato dont les périhélies diffèrent de seulement 12° formaient encore un seul astre il y a 9500 ans (soit vers -7500). Mais la dispersion des autres éléments orbitaux montre que leur histoire ultérieure (surtout celle d'Oljato d'ailleurs) a été très agitée, et que Jupiter y a joué un rôle prépondérant.

En règle générale, l'espérance de vie de tous ces fragments est très faible. Vont-ils heurter une des quatre planètes intérieures, être expulsés ou s'émietter encore ? Nous montrerons au chapitre 19 que certains fragments ont déjà heurté la Terre durant la protohistoire et l'Antiquité.

Deux groupes principaux

De l'examen attentif du tableau 7-4, il ressort plusieurs choses importantes à signaler. D’abord et surtout, il existe deux groupes principaux que nous écrivons en capitales italiques. Ce sont le groupe ENCKE et le groupe HEPHAISTOS.

HEPHAISTOS est un groupe contenant 5 membres retenus avec p compris entre 216 et 255°, soit une dispersion de 39°. Celle-ci, à la vitesse moyenne de 4° par millénaire, a pu s'effectuer en 10 000 ans seulement. Hephaistos est le fragment majeur. Ce groupe contient aussi plusieurs autres objets importants non retenus ici (car ils ont e < 0,70), comme 1990 TG1 et Mithra.

ENCKE est le groupe principal qui comprend 13 objets retenus avec p compris entre 122 et 189°, soit une dispersion de 67° qui a pu s'accomplir en 17 000 ans. Il a été victime de multiples fragmentations plus récentes. Notamment, trois objets : P/Encke, Oljato et Heracles ont leurs p regroupés en 16°, dispersion correspondant à une période de 4000 ans seulement. Le fragment majeur de ce groupe est Heracles. 1982 TA, Jason et Oljato sont également des fragments importants. A noter, parallèlement, l'existence d’un fragment minuscule, 1993 KA2, qui ne dépasse pas 10 mètres de diamètre moyen, mais qui a pu être identifié lors d’une très forte approche à la Terre (30).

D’autres NEA sont isolés et n’appartiennent pas à l’un des deux groupes actuellement recensés, mais au fur et à mesure que l’on découvrira de nouveaux membres de la famille, on pourra probablement mettre en évidence des parentés encore plus récentes. Ainsi, on sait déjà qu’Adonis et 1995 CS sont deux fragments d’un seul NEA cassé il y a moins de 2000 ans (31). Ils sont associés à un essaim météorique issu également de cette fragmentation.

Il est important de noter l'existence de nombreux objets de taille hectométrique et décamétrique parmi les fragments déjà identifiés de HEPHAISTOS. Cela signifie évidemment que des milliers d'autres fragments minuscules restent à découvrir, véritable mitraille cosmique issue de fragmentations successives, et aussi d'un émiettement qui se poursuivra encore pendant plusieurs milliers ou même dizaines de milliers d'années, à partir du moment où le progéniteur de base n'était pas uniquement formé de glace, mais aussi de roches plus résistantes. Cette mitraille existe encore, principalement sous forme microscopique mais pas uniquement, dans les différents essaims associés aux débris des principaux fragments, notamment, comme nous l'avons dit plus haut, dans le Complexe des Taurides associé, lui, directement à P/Encke.

Des approches suspectes aux planètes

Autres renseignements intéressants donnés par le tableau 7-4, les distances minimales des différents objets aux orbites de Mercure, Vénus et la Terre. On voit clairement que les trois planètes sont frôlées par de nombreux fragments de HEPHAISTOS, même Mercure comme nous l'avons déjà dit. Globalement, Mercure est frôlée par 9 objets (sur 29), Vénus par 26 et la Terre par 23. C’est beaucoup. Individuellement, il faut savoir que 1993 KA2 (objet de 10 mètres) est sur une orbite de quasi-collision (Dm < 0,0005 UA) avec Vénus et la Terre et qu’Oljato, 1995 CS et 1998 FW4 ont Dm = 0,001 UA à la Terre, c’est-à-dire une approche possible de l'ordre de 150 000 km, quasiment un cheveu à l'échelle astronomique, puisque la moindre perturbation peut les amener sur une authentique orbite de collision. Comme nous l’avons déjà signalé, Hephaistos frôle l’orbite de Mercure (Dm = 0,007 UA) et P/Encke a également une TFAP (0,022 UA) à la première planète, suspectée d’avoir été responsable de la capture initiale du progéniteur de la famille.

Certaines collisions futures paraissent d'ores et déjà inévitables à moyen terme, poursuite d'un processus qui existe en fait depuis quelques milliers d'années, et appelé à se poursuivre encore sur peut-être plusieurs centaines de milliers d’années. L’émiettement pourrait en être seulement à une phase intermédiaire, puisque de nombreux fragments connus et à découvrir sont incontestablement de taille kilométrique. Avant que tous ces fragments soient redevenus poussières, il y aura encore de nombreux impacts et une infinité de météores associés aux divers courants météoriques liés aux résidus de HEPHAISTOS, notamment le fameux Complexe des Taurides dont nous parlerons au chapitre 10 et associé directement à P/Encke.

Il faut bien l’admettre, les astronomes britanniques Victor Clube et Bill Napier ont levé un lièvre fantastique avec leur hypothèse d’une comète géante éclatée dans l'environnement immédiat de la Terre. C’est probablement la réalité, mais une réalité difficile à cerner et qui ne se laisse appréhender que pièce par pièce. Mais c’est bien connu : les astronomes sont des gens patients.

Les leçons de la comète C/Hale-Bopp

Pour les astronomes, qu'ils soient professionnels ou plus simplement amateurs, la comète Hale-Bopp (C/1995 O1) a été sans conteste la comète du XXe siècle, tant elle a permis d'obtenir une multitude de données (32), souvent inédites, pendant plus de deux ans. Cette grande comète, qui a été observée par des centaines de millions de personnes dans le monde entier, a été visible à l'œil nu pendant plusieurs semaines en mars et avril 1997 dans des conditions atmosphériques souvent très favorables (particulièrement en France et plus généralement en Europe) et a atteint la magnitude négative –1. Et pourtant, sa distance à la Terre n'a jamais été inférieure à 1,315 UA (196,7 MK). Cela montre bien qu'il s'agissait d'une très grosse comète, dont le diamètre du noyau a été estimé à plus de 40 km.

Dès sa découverte, le 23 juillet 1995, alors qu'elle était encore éloignée à plus de 6,5 UA du Soleil, elle brillait d'un éclat 200 fois supérieur à celui de P/Halley à une distance égale. A partir d'août 1995, on a suivi le dégazage de Hale-Bopp au fur et à mesure de son approche au Soleil et observé l'ordre de vaporisation des diverses catégories de glaces qu'elle renferme. A 6,5 UA, l'oxyde de carbone (CO) et le cyanogène (CN) se sublimaient déjà en gaz. Vers 5,0 UA, l'eau se transforma massivement en vapeur. Les astronomes purent observer la dissociation des molécules d'eau (H2O) de la chevelure en radicaux OH et en atomes d'hydrogène, à la suite de leur cassure due au rayonnement ultraviolet du Soleil. Fin septembre 1995, Hale-Bopp fut le siège d'un important sursaut de dégazage, interprété d'abord comme l'éjection d'une partie de la croûte qui recouvre le noyau, puis comme un jet particulièrement puissant émis par l'une des zones actives de la comète. L'étude de ce jet sur une période de plusieurs mois a permis de calculer avec précision la période de rotation du noyau qui est de 11 heures et demie.

Plus près du Soleil, Hale-Bopp a livré une bonne partie de ses secrets. Une trentaine de molécules différentes ont été identifiées dans sa chevelure, un record pulvérisé puisque le précédent maximum était de six molécules différentes seulement. Près du périhélie, la chevelure avoisinait le million de km de diamètre et il s'échappait du noyau environ 600 tonnes d'eau par seconde. On a noté l'existence d'une atmosphère d'hydrogène atomique sous forme d'une vaste sphère de près de 100 MK de diamètre entourant le noyau. La queue de Hale-Bopp a attiré l'attention puisqu'en fait elle s'est révélée triple. D'abord une queue de poussières, éjectées à la vitesse de 350 mètres/seconde et qui ont échappé à l'attraction du noyau pour se satelliser autour du Soleil sur leur propre orbite. Ensuite, une queue de plasma, c'est-à-dire des atomes et des molécules ionisés emportés par le vent solaire à la vitesse considérable de 500 km/s. Enfin, une queue de sodium, due à un mécanisme de fluorescence, avec des atomes de sodium accélérés par les photons émis par le Soleil et qui s'éloignaient du noyau à près de 100 km/s.

Les spécialistes ont obtenu de précieux renseignements sur l'origine de Hale-Bopp grâce à l'étude exhaustive de son atmosphère, avec l'analyse des diverses molécules et des grains de poussière. La comparaison attendue entre les gaz de la comète et ceux du milieu interstellaire a confirmé des similitudes troublantes, puisque les mêmes glaces ont des proportions voisines. Des mesures dans l'infrarouge ont montré que les glaces de Hale-Bopp s'étaient formées chimiquement à très basse température, vers –250°, ce qui signifie que cette formation n'a pu avoir lieu que très loin du corps central dans la nébuleuse protosolaire, centrée sur le futur Soleil, ou carrément dans le milieu interstellaire avant que le Soleil ne devienne une étoile. Cela prouve une nouvelle fois (on le savait déjà) que les noyaux cométaires sont des objets primordiaux qui existaient déjà au début du Système solaire, tel qu'on le conçoit de nos jours, il y a 4,6 milliards d'années.

Le dégazage de Hale-Bopp a également libéré des grains d'olivine riche en magnésium, sous forme cristalline, grains en principe absents de la matière constituant les nuages interstellaires, mais présents par contre dans certains disques de poussières qui entourent les étoiles jeunes. Les spécialistes en concluent que ces disques de poussières proviennent probablement de la matière des comètes qui gravitent autour de ces étoiles, répétition de ce qui s'est passé lors de la formation du Système solaire primitif. La leçon est très claire : les comètes ont participé pour une part importante à la formation des atmosphères des quatre planètes gazeuses (Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune) et même, mais dans une proportion moindre, à la formation de l'atmosphère terrestre, avec toutes les conséquences que cela implique au niveau de la vie comme nous le verrons au chapitre 14.

Hale-Bopp est une comète originaire du nuage de Oort, comme l'indique clairement son inclinaison, quasiment perpendiculaire au plan de l'écliptique (i = 89,4°). Mais elle a déjà effectué plusieurs passages près du Soleil, et ce n'est donc pas une comète neuve (rappelons que ce terme est réservé pour les objets qui viennent pour la première fois dans le Système solaire intérieur). Au cours des dernières dizaines de milliers d'années, son orbite a été progressivement raccourcie par les perturbations gravitationnelles des grosses planètes. En avril 1996, la comète s'est approchée à 0,77 UA de Jupiter, ce qui a encore très sérieusement raccourci sa période, puisque celle-ci est passée de 4200 ans à 2540 ans. En un seul passage elle a perdu 1660 ans, ce qui est énorme.

Le message transmis par Hale-Bopp aux humains a été primordial pour l'amélioration de nos connaissances, et il méritait bien que nous nous y arrêtions un instant. Comme quoi l'avancement de ces connaissances, traquées sans relâche par des milliers de chercheurs, peut être accéléré épisodiquement par la venue dans la banlieue solaire d'objets exceptionnels. Déjà les astronomes attendent avec impatience la prochaine grande comète qui enrichira encore la banque des données cométaires et qui permettra un nouveau bond en avant.

La comète la plus dangereuse : P/Swift-Tuttle

Après la comète Hale-Bopp, nous allons parler de la non moins célèbre comète 109P/Swift-Tuttle (33) qui a la particularité d’être l’objet connu d’envergure le plus menaçant pour la Terre dans les quelques siècles à venir.

L’histoire d’une comète imprévisible

P/Swift-Tuttle 33 a été découverte le 16 juillet 1862, avec une magnitude 7,5, par Lewis Swift (1820-1913) et, indépendamment le 19 juillet, par Horace Tuttle (1837-1923), deux astronomes américains. Elle reçut la désignation officielle 1862 III. Très spectaculaire tout l’été 1862, elle atteignit la magnitude 2 début septembre, avec une queue de 25 à 30°, avant de décliner rapidement et de disparaître définitivement le 31 octobre. Quatre ans plus tard, Giovanni Schiaparelli (1835-1910) démontra que le fameux essaim météorique des Perséides est associé à cette comète, ce qui signifie qu’elle est en mesure, parfois, de passer très près de la Terre.

Plusieurs spécialistes de l’époque calculèrent l’orbite de P/Swift-Tuttle qui s’avéra être rétrograde. Sa période était de l’ordre de 120 ans, avec un périhélie à 0,96 UA, une excentricité voisine de 0,96 et une inclinaison de 114°. Son prochain retour était donc attendu pour le début des années 1980.

En 1973, Brian Marsden reprit toutes les données concernant cette comète (34) pour préparer son prochain passage. Pas moins de 440 observations étaient utilisables. Il rechercha parmi les comètes anciennes celles qui pouvaient correspondre à d’anciens passages de P/Swift-Tuttle. Il retint comme candidat possible la comète Kegler 1737 II, observée en Chine du 2 au 16 juillet 1737. Pour que cette liaison fût possible, il était nécessaire d’envisager des forces non gravitationnelles exceptionnelles, forces, on le sait, dues à l’activité propre du noyau. Cette identification, seulement possible en 1973, conduisait à une période de révolution nettement supérieure à celle envisagée : 130 ans au lieu de 120. Dix ans d’écart, c’est beaucoup, aussi l’identification restait alors très incertaine, pour ne pas dire improbable.

Marsden postulait pour des passages antérieurs en 1610 (à l’époque de Kepler et Galilée), 1479, 1348, et 1213 et beaucoup plus anciennement en 188 et –68, ces deux années correspondant à des observations de comètes qui pouvaient correspondre à Swift-Tuttle, ce qui n’était pas le cas pour les quatre autres, pour lesquelles aucune comète connue avec une orbite analogue n’avait été signalée. D’autre part, seule l’approche de 188 était inférieure à 0,2 UA, les approches ultérieures étant supérieures à 0,50 UA, jusqu’à celle de 1862 qui fut égale à 0,34 UA.

Ce n’est que le 26 septembre 1992, alors qu’on ne l’attendait plus, que Tsuruhiko Kiuchi, un amateur japonais, retrouva la comète avec une magnitude de 11,5, alors qu’elle était circumpolaire dans la Grande Ourse.

L’importance des jets cométaires et les forces non gravitationnelles

En 1981, l’expert américain Zdenek Sekanina (35) étudia les nombreux dessins effectués en 1862 pour déterminer la rotation du noyau et pour analyser la nature des diverses structures observées par les spécialistes de l’époque, notamment les fameux jets associés aux zones actives. La période de rotation du noyau fut établie à 2,77 jours et huit zones actives différentes furent repérées, cause de perturbations non gravitationnelles sans cesse variables et donc imprévisibles à moyen terme.

Par contre, pour l’approche de 1992, pour laquelle la comète ne s’approchait pas à moins de 1,1 UA de la Terre, les spécialistes, pourtant beaucoup mieux équipés que leurs prédécesseurs du siècle dernier, n’ont décelé que deux jets : un fort, très spectaculaire et un faible (36).

De nombreuses observations ont confirmé que les noyaux cométaires sont des corps très hétérogènes dans lesquels des régions très sombres (albédo 0,02 à 0,05) côtoient des zones plus brillantes et actives, appelées parfois plages, souvent très petites, d’où sont émis d’une façon irrégulière des gaz et des poussières. Les zones sombres, elles, ne sont jamais actives.

On comprend beaucoup mieux maintenant le principe des comètes en sommeil : les gaz et les poussières ne peuvent s’échapper que des plages actives, ceux existant sous les régions sombres, protégés par une croûte (d’abord peu épaisse mais qui peut devenir progressivement une véritable carapace) de silicates, peuvent rester bloqués des milliers d’années. C’est ce qui a dû se produire pour P/Encke, redevenue active il y a quelques siècles seulement, probablement à la suite d’un impact dans l’espace.

Les forces non gravitationnelles sont également mieux comprises. On sait qu’à long terme elles sont obligatoirement éphémères, mais on sait aussi qu’à court terme elles sont épisodiques, cessant dès que la comète s’éloigne à plusieurs unités astronomiques du Soleil. Pour les comètes à longue période, le processus de dégazage complet doit se poursuivre sur une période se chiffrant en millions d’années, et non en milliers comme c’est le cas pour les petites comètes à courte période.

Le futur d’une comète à risque

L’importance des forces non gravitationnelles de P/Swift-Tuttle est compatible avec un noyau solide de l’ordre de 5 km, ce qui n’est pas négligeable, même si l’on est loin des 40 km de Hale-Bopp, diamètre au demeurant rarissime pour les comètes connues.

C’est au niveau des apparitions futures que P/Swift-Tuttle trouve son intérêt. Marsden a calculé une très forte approche pour le mois de juillet 2126, c’est-à-dire lors du prochain passage. Compte tenu de l’irrégularité et de l’importance des forces non gravitationnelles dont nous avons parlé, il est exclu de toute manière de prévoir les circonstances exactes et précises de l’approche de 2126. On a parlé, prématurément et imprudemment, d’impact possible, mais cela est peu vraisemblable. Ce qui est sûr c’est que cette comète pourrait s’avérer très dangereuse au cours des siècles prochains.

Cela bien sûr fait déjà fantasmer les prophètes et charlatans de tout poil qui attendent depuis longtemps l’objet cosmique capable d’engendrer le jugement dernier annoncé dans l’Apocalypse. On imagine : une comète de 5 km avec une vitesse de 60 km/s ! Avec une densité de 1,0, cela fait une énergie d’impact de 1,2 ´ 1023 joules, une superbe fin du monde annoncée. Du papier à vendre en perspective, des gogos à terroriser.

Pour désamorcer cette pseudo-fin du monde cométaire, nous reparlerons de P/Swift-Tuttle au chapitre 17 consacré aux fausses pistes. Rappelons qu’il ne faut pas confondre approche très serrée, et même orbite de collision, avec impact obligatoire. Ce n’est pas la même chose. Pour terminer sur ce sujet, constatons qu’il est heureux que personne n’ait prévu en 1983 l’approche de C/IRAS-Araki-Alcock. Ç’eût été une panique digne du Moyen Age.

L’énergie d’impact des comètes

Pour terminer ce chapitre sur les comètes, nous allons dire quelques mots sur l’énergie des impacts (impacts certains dans l’histoire terrestre, aussi bien passée que future). Le tableau 7-5 indique l’énergie d’impact des comètes pour plusieurs diamètres et densités, et il est à rapprocher du tableau 6-7 qui concerne les astéroïdes.

Il est différent sur trois points principaux :

à les vitesses. La vitesse moyenne retenue pour les impacts cométaires est supérieure : 30 km/s au lieu de 20 km/s pour les astéroïdes, sans perdre de vue d’ailleurs que les vitesses concernant les orbites rétrogrades doivent être doublées (60 km/s), ce qui entraîne alors une énergie multiplié par 4.

à les densités. Les densités cométaires sont incontestablement plus faibles que celles des astéroïdes. Nous retenons ici quatre densités typiques pour les noyaux cométaires : 0,1, 0,5, 1,0 et 2,0. On sait que ces noyaux sont souvent de nature hétéroclite (glace et roches notamment), poreux parfois et en général de configuration structurale de qualité médiocre, particularité qui débouche sur la fragmentation ou la désintégration.

à les diamètres. Il apparaît clairement que certaines comètes peuvent avoir un diamètre sensiblement supérieur à ceux des NEA classiques. Hale-Bopp a un diamètre de 40 km, un astéroïde cométaire comme Hidalgo frôle les 50 km et certains centaures, objets mixtes, dépassent les 100 km. A l’échelle astronomique, un impact avec un objet d’un tel diamètre n’est nullement invraisemblable. Les grands bassins d’impact sur certaines planètes et plusieurs gros satellites montrent que de tels impacts ont déjà eu lieu.

Une comète de densité 1,0 de 1 km de diamètre a une énergie de 2,4 ´ 1020 joules. Une autre comète de 5 km a une énergie de 2,9 ´ 1022 joules, que l’on peut comparer aux cataclysmes terrestres, aux équivalents mégatonnes de TNT et aux magnitudes du tableau 4-2.

Quelques conséquences d’impacts cométaires sont à rappeler. D’abord ceux concernant des comètes actives sont beaucoup plus rares que ceux des astéroïdes cométaires. Par contre, ceux-ci débarrassés des éléments volatils après dégazage sont plus denses. S’ils sont des fragments rocheux d’objets mixtes, cette densité peut être quasiment astéroïdale : 2,5 et même 3,5 dans certains cas. Les objets de densité 0,1, 0,5 et même 1,0 n’ont pas la cohésion suffisante pour heurter la surface terrestre, pour eux la désintégration est quasi certaine.

Enfin, qu’est-ce qui différencie un impact d’astéroïde de celui d’une comète ? En quelques mots, on peut dire que ceux concernant ces dernières ont des vitesses supérieures, des densités plus faibles, des diamètres plus gros, une fréquence plus rare, débouchent davantage sur une désintégration et qu’ils enrichissent donc davantage la matière cosmique de gaz et de poussières.

La Terre subit indifféremment les deux types de collisions depuis plusieurs milliards d’années déjà, avec des conséquences que nous étudierons dans la troisième partie de ce livre. Au niveau de la Terre elle-même, tous les impacts courants concernant des astres de taille kilométrique sont de simples pichenettes (37), sans conséquences sérieuses. Au niveau de la vie, il en va tout autrement, l’impactisme étant l’un des moteurs de l’évolution.

Notes

1. D.K. Yeomans, Comets. A chronological history of observation, science, myth, and folklore (John Wiley & Sons, 1991).

2. M. Festou, Ph. Véron et J.-C. Ribes, Les comètes, mythes et réalités (Flammarion, 1985).

3. J.-M. Homet, Le retour de la comète (Imago, 1985 ; préface de M. Vovelle).

4. Le retour de la comète, op. cit., citation p. 16.

5. L.L. Wilkening (ed.), Comets (University of Arizona Press, 1982).

6. J. Crovisier et Th. Encrenaz, Les comètes. Témoins de la naissance du Système solaire (Belin - CNRS Editions, 1995 ; préface de R.-M. Bonnet).

7. J.-C. Merlin et M. Verdenet, Les comètes (Tessier & Ashpool, 1995).

8. Dans les hydrates, les molécules d’eau sont piégées dans une structure cristalline, alors que dans les clathrates, les composants sont piégés dans des cavités situées dans la structure d’un autre composant (exemple : le méthane piégé dans la glace d’eau).

9. T.I. Gombosi and H. Houpis, An icy-glue model of cometary nuclei, Nature, 324, pp. 43-46, 1986.

10. Ph. Rousselot, Les comètes de l'Antiquité à l'ère post-Halley (Broquet, 1996).

11. M.-A. Combes et J. Meeus, Les fortes approches des comètes à la Terre, L'Astronomie, 110, pp. 254-261, 1996.

12. G.W. Kronk, Comets : a descriptive catalog (Enslow Publishers, 1984). Ce livre contient les conditions de découverte et la description de plus de 650 comètes depuis l’Antiquité jusqu’à 1982. Un document indispensable pour avoir des renseignements précis sur les comètes du passé, qui compile d’autres documents plus anciens du même type.

13. F. Arago, Les comètes (1858). Le classique d’Arago qui a été réédité en fac-similé par la librairie Blanchard en 1986.

14. P. Maffei, La comète de Halley. Une révolution scientifique (Fayard, 1985). Titre original : La cometa di Halley (1984). Un livre totalement consacré à l'histoire de la comète de Halley, écrit par l'astrophysicien italien Paolo Maffei.

15. C. Sagan et A. Druyan, Comète (Calmann-Lévy, 1985). Titre original : Comet (1985). Un classique superbement illustré écrit à l’occasion du retour de P/Halley.

16. E.J. Öpik, Interplanetary encounters. Close-range gravitational interactions (Elsevier, 1976).

17. B.G. Marsden and G.V. Williams, Catalogue of cometary orbits (Minor Planet Center, 1997). C'est le catalogue "officiel" des orbites cométaires, qui est constamment mis à jour. La 12e édition est parue en 1997. Toutes les comètes, toutes les orbites sont répertoriées. Un document de base absolument indispensable aux spécialistes.

18. E. Everhart, The origin of short-period comets, Astrophysical Letters, 10, pp. 131-135, 1972.

19. M.-A. Combes et J. Meeus, Les astéroïdes extérieurs à Jupiter, L'Astronomie, 109, pp. 84-92, 1995 et Nouvelles des astéroïdes extérieurs, L'Astronomie, 110, pp. 228-233, 1996. Les deux premiers articles détaillés en langue française consacrés à ces nouveaux objets déjà banalisés.

20. M.-A. Combes et J. Meeus, Chronique des objets AAA (n° 7), Observations et Travaux, 36, pp. 33-41, 1993. Quatre pages de cet article (pp. 37-41) sont consacrées à Damocles. Une intégration numérique de son mouvement pour la période 1800-2154 montre que les éléments orbitaux varient très peu à court terme. Par contre, à long terme, il suffirait d'une diminution de 8° de l'inclinaison pour que Damocles devienne un objet de type Apollo. Un tel objet de 15 km de diamètre, avec une vitesse d'impact de 40 km/s, aurait une énergie cinétique de l'ordre de 2,824 joules et pourrait facilement causer un nouvel hiver d'impact et une extinction de masse.

21. M.-A. Combes et J. Meeus, Un nouvel astéroïde exceptionnel : 1977 UB (Chiron), L'Astronomie, 92, pp. 231-235, 1978.

22. A. Stern, Chiron : Interloper from the Kuiper disk, Astronomy, 22, august 1994. Stern préfère le qualificatif de "disque" plutôt que "anneau" ou "ceinture" pour les astéroïdes transneptuniens, dans la mesure où, en règle générale, les inclinaisons sont faibles. Les rares objets à forte inclinaison de ce disque ne sont pas originaires de la région et sont probablement des objets capturés. Nous le suivons dans cette démarche qui nous semble fondée et pragmatique.

23. Il faut se rappeler qu'Aristote considérait les comètes comme faisant partie du monde sublunaire, c'est-à-dire en fait comme des phénomènes atmosphériques. Son opinion eut malheureusement force de loi jusqu'à ce que Tycho Brahé, en 1577, prouve le contraire.

24. Cette observation rapportée par Ephorus, historien grec du IVe siècle av. J.-C., contemporain de l'événement, est citée par Sénèque dans ses Questions naturelles. Elle avait très étonné les Anciens qui ne croyaient pas possible jusqu'alors la fragmentation d'une comète.

25. Dans leur livre Les comètes (note 7), Jean-Claude Merlin et Michel Verdenet donnent l’arbre généalogique détaillé des comètes du groupe de Kreutz (tableau 4.17, p. 259), à partir de la comète d’Aristote de -371.

26. S. Garro, Activités cométaires, rubrique régulière de la revue Pulsar. Les comètes du groupe de Kreutz repérées dans les années 1996-1998 (une trentaine en trois ans, ce qui est beaucoup) l’ont été par le satellite SOHO. Elles prennent donc logiquement son nom.

27. De nombreux autres membres de HEPHAISTOS pourraient avoir vu leur excentricité initiale (voisine de 0,82) diminuer et se situer actuellement entre 0,60 et 0,70. On connaît dans cette gamme d’excentricités des objets de taille kilométrique comme 4341 Poseidon (a = 1,84 UA, e = 0,68 et i = 12°), 4486 Mithra (a = 2,20 UA, e = 0,66 et i = 3°), 5731 Zeus (a = 2,26 UA, e = 0,65 et i = 12°) et 4183 Cuno (a = 1,98 UA, e = 0,64 et i = 7°), pour ne parler que des seuls objets numérotés.

28. M.-A. Combes et J. Meeus, Nouvelles des Earth-grazers - 4, L'Astronomie, 96, pp. 187-198, 1982. Depuis la rédaction de cet article, certaines données ont évolué (notamment H s’est substitué à l’ancienne magnitude absolue g), mais le fond reste valable. 1978 SB a été baptisé Hephaistos et son diamètre est aujourd'hui estimé à 8 ou 10 km environ. Le diamètre de P/Encke pourrait être supérieur à celui envisagé à l'époque et atteindre 3 ou 4 km. Il n'en demeure pas moins que Hephaistos est un fragment beaucoup plus gros que P/Encke.

29. Certains spécialistes continuent à penser que le problème des diamètres évoqué dans l’extrait de l’article est incontournable et que l’hypothèse ad hoc de la comète en sommeil est spécieuse. Pour eux, la solution serait autre : deux comètes venant du disque de Kuiper et se présentant d’une manière identique seraient capturées et injectées par Jupiter dans un même "corridor" sur une orbite à courte période du type Encke ou Hephaistos, avec a ~ 2,20 UA, e ~ 0,80 et i ~ 5°. Ainsi, ces deux objets pourraient bien être d’origine différente et comme nous l’expliquions, Hephaistos serait plus ancien et donc déjà astéroïdal, alors que P/Encke, plus récente, serait encore cométaire. Ce qui nous a fait changé d’avis c’est la multiplication des découvertes ultérieures identiques, caractéristiques incontestablement d’une fragmentation quasi contemporaine à l’échelle astronomique.

30. Il n’est pas exclu également que 1991 BA, un objet de 10 mètres qui a frôlé la Terre en 1991 fasse partie du groupe P/Encke. 1991 BA a a = 2,24 UA, e = 0,68, i = 2° et p = 190° et se trouve déjà sur une orbite de quasi-collision avec la Terre.

31. M.-A. Combes et J. Meeus, Chronique des objets AAA (n° 13), Observations et Travaux, 42, pp. 11-17, 1995. Sur les astéroïdes jumeaux Adonis et 1995 CS, voir pp. 12 et 13.

32. P. Henajeros, L’adieu à la comète, Science et Vie, 957, pp. 90-101, juin 1997.

33. J.-C. Merlin, L’histoire tumultueuse de la comète P/Swift-Tuttle, L’Astronomie, 107, 146-152, 1993.

34. B.G. Marsden, The next return of the comet of the Perseid meteors, Astronomical Journal, 78, 7, pp. 654-662, 1973.

35. Z. Sekanina, Distribution and activity of discrete emissions areas on the nucleus of periodic comet Swift-Tuttle, Astronomical Journal, 86, 11, pp. 1741-1773, 1981.

36. L. Jorda, J. Lecacheux et F. Colas, Les jets de P/Swift-Tuttle, L’Astronomie, 107, pp. 172-173, 1993.

37. On donne souvent comme comparaison imaginée, la collision d’un moustique avec un gros paquebot pour un impact décamétrique. On voit ainsi le rapport réel des masses en présence.

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