CHAPITRE 17

LES FAUSSES PISTES


Des érudits et des charlatans réécrivent l'histoire du monde

Avant d'étudier en détail les cataclysmes terrestres (chapitre 18) et les cataclysmes cosmiques (chapitre 19) récents, il est nécessaire de "faire le ménage", car d'innombrables hypothèses et élucubrations interfèrent avec des informations certaines, plausibles ou seulement possibles mais crédibles. Ce chapitre a pour but d'éliminer quelques hypothèses qui ont eu, et ont encore parfois, un succès d'estime, mais qui se sont avérées fausses. C'est parfois ce qui arrive pour certaines idées qui apparaissaient d'abord riches de promesses, mais qui ne résistent pas à l'analyse et aux données d'observation, comme par exemple l'hypothèse Némésis, dont nous avons parlé au chapitre 16, qui semblait à certains probable dans les années 1980, mais qui s'est dégonflée progressivement et est aujourd'hui quasiment abandonnée sauf par quelques derniers partisans obstinés.

D'autres hypothèses, par contre, furent jugées fausses par les scientifiques dès leur parution, comme la comète Vénus de Velikovsky par exemple. Cette hypothèse, étonnamment, eut un succès populaire inversement proportionnel à ses bases scientifiques inexistantes. Certaines idées enfin reposent seulement sur des fantasmes, comme les cataclysmes millénaristes ou les alignements et les groupements de planètes, dont les effets sont totalement inexistants. Pourtant, même parmi ces élucubrations, certaines d'entre elles ont la vie dure, entretenues par des rêveurs, des astrologues ou des charlatans, pour qui la science est un sujet trop étroit (!) pour leur donner satisfaction, mais qui cependant refusent de la laisser aux seuls spécialistes et proposent leurs propres solutions.

Parallèlement à ces hypothèses farfelues, de nombreux érudits, des scientifiques, des ingénieurs ou des historiens, ont également, tout au long du XXe siècle, proposé des hypothèses personnelles pour prendre en compte des idées et des découvertes nouvelles et pour pallier l'insuffisance des théories "officielles", qui bien souvent pêchaient par manque d'imagination et n'avaient pas une crédibilité suffisante. Certaines de ces solutions proposées étaient totalement révolutionnaires, mais presque toutes présentaient des insuffisances et ne pouvaient expliquer les observations. Or, toute hypothèse doit s'appuyer sur des observations incontestables pour être plausible, à défaut d'être certaine et définitive, ce qui est une tout autre histoire. D'autant plus que l'on sait bien aujourd'hui, dans la communauté scientifique, que la vérité du jour n'est pas obligatoirement celle du lendemain.

Nous allons étudier sommairement certaines de ces hypothèses dans les sections ci-dessous qui sont caractéristiques de problèmes qui se sont posés aux chercheurs et dont certains d'ailleurs ne sont pas encore résolus.

La comète Vénus de Velikovsky

Parmi tous ces érudits qui ont voulu réécrire l'histoire du monde, l'un d'entre eux est particulièrement célèbre. C'est Immanuel Velikovsky (1895-1979) qui a brossé, dans ce qu'il a appelé un "essai de cosmologie historique", une fresque qui a obtenu un succès commercial mondial, mais non sans contrepartie. Son livre fameux, Worlds in collision, traduit en français sous le titre Mondes en collisions (1), paru en 1950, a eu un double effet. Il a plu au grand public par son côté mystérieux, son vernis scientifique et aussi par le parfum d'érudition qu'il dégage en première lecture. Mais, revers de la médaille, il a contribué à faire passer Velikovsky pour un charlatan qui s'est mis la quasi-totalité de la communauté scientifique de l'époque à dos.

Car il faut bien le redire, même si cet auteur passe encore parfois pour un martyr de la science (2/3) (de moins en moins souvent !), son livre est totalement inacceptable sur un plan strictement scientifique, bien que le côté historique soit assez remarquablement intéressant.

La méconnaissance de Velikovsky sur la partie astronomique du sujet est flagrante et l'a conduit à des excès impardonnables, que les astronomes américains des années 1950, notamment Harlow Shapley (1885-1972) qui fut son adversaire n° 1, ne lui ont jamais pardonné. Vouloir faire de Vénus une ancienne comète éjectée par Jupiter, il y a seulement quelques milliers d'années, a fait crier à l'imposture tous les astronomes qui ont lu ou entendu parler de son livre. Car le Système solaire est un système stable depuis plusieurs milliards d'années qui ne se prête en aucune manière à des improvisations de ce genre. Les sondes spatiales américaines et soviétiques qui ont étudié Vénus de près n'ont eu aucune peine à confirmer que cette planète n'a absolument rien d'une comète capturée il y a 3500 ans, même si elle a ses particularités propres, comme chacune des sept autres planètes principales (Pluton n'en fait plus partie et elles ne sont donc que huit).

La découverte récente du volcanisme permanent et extraordinairement violent qui existe sur Io, le satellite galiléen n° 1 de Jupiter, dont nous avons parlé au chapitre 5, ne semble pas être en mesure de pouvoir relancer le débat sur l'injection possible de matière volcanique (sous forme de comètes) dans le Système solaire, hypothèse qui avait été envisagée par plusieurs scientifiques, notamment soviétiques, dans les années 1950 (4).

Les quatre lunes de Hörbiger

Cette théorie (5) qui remonte au début du XXe siècle a eu un extraordinaire succès en Allemagne et en Autriche jusqu'au début des années 1930, grâce au fait qu'elle était popularisée par le cosmologiste autrichien Hans Hörbiger (1860-1931), pseudo-scientifique et prophète nazi de triste mémoire, et qu'elle faisait quasiment partie de la propagande scientifique des Allemands entre les deux guerres. Hörbiger était l'auteur d'une cosmologie sur la formation de l'Univers, basée sur l'antagonisme entre la Glace et le Feu, connue sous le nom de Glazialkosmogonie.

Il postulait que quatre satellites de la Terre s'étaient succédé, les trois premiers s'écrasant sur notre planète à la fin des trois grandes ères géologiques, et y ayant provoqué d'innombrables dégâts, comme l'avaient signalé les géologues des générations précédentes. Une première lune se serait écrasée à la fin du Primaire, permettant l'apparition des insectes géants et de végétaux tout aussi démesurés. Une seconde lune l'aurait ensuite remplacée (à la suite d'une capture) avant de heurter la Terre à son tour, provoquant la fin du Secondaire, cataclysme lié avec l'apparition des premiers hommes : des Géants et celle des grands animaux aquatiques. C'est la troisième lune qui aurait provoqué l'Apocalypse à la suite d'un nouvel impact à la fin du Tertiaire, il y a environ 150 000 ans, provoquant la disparition des Géants et l'apparition d'une nouvelle humanité dégénérée (!). Pendant 37 000 ans, ensuite, la Terre n'aurait pas eu de satellite, ce qui aurait entraîné la décadence de la vie terrestre. La Lune actuelle daterait de seulement 13 000 ans et serait donc très récente, il s'agirait d'une ancienne planète circulant auparavant entre la Terre et Mars et qui serait aussi plus grosse que les lunes précédentes.

Nous sommes là en pleine élucubration. Que des scientifiques aient pu soutenir une telle théorie paraît invraisemblable. Hörbiger était bien en peine pour justifier le renouvellement de ces lunes successives, privilégiant la théorie de la capture, à la mode à son époque. Mais une quadruple capture rendait déjà de son vivant cette théorie totalement inacceptable.

On sait aujourd'hui qu'il est très peu probable qu'il ait pu exister une seconde lune durablement. Si quelques astéroïdes ou comètes ont été satellisés autour de notre planète durant les quatre derniers milliards d'années, ils furent à coup sûr éliminés très rapidement, et il ne pouvait s'agir en tout état de cause que de petits objets, de taille kilométrique au maximum.

L'explosion de Sirius B et la cosmogonie des Dogons

Il s'agit d'une autre hypothèse assez fantastique (6), basée sur deux bizarreries différentes concernant Sirius, non liées entre elles, qui a encore des partisans dans la mouvance parascientifique, mais qui ne repose pas sur une argumentation convaincante et surtout scientifique.

L'histoire de Sirius B, version Dogons, a été connue à partir de 1931, grâce surtout aux remarquables travaux de l'ethnologue français Marcel Griaule (1898-1956) (7), et elle est depuis source de polémique bien qu'elle n'ait jamais été prise très au sérieux par les scientifiques. Mais le mystère demeure. Un livre remarquable, The Sirius mystery (8), lui a été consacrée en 1976 par le linguiste astronome américain Robert Temple, dans lequel l'auteur reprenait toutes les connaissances sur le sujet et les diverses hypothèses possibles.

La mythologie des Dogons plonge ses racines dans une antiquité impossible à déterminer avec précision, mais au moins millénaire. Etonnamment les membres de cette tribu soudanaise savent qu'autour de Sirius circule une autre étoile qui est, elle, invisible, et aussi que sa période de révolution est de 50 ans. Tous les 50 ans d'ailleurs, les Dogons font une fête spéciale pour commémorer un nouveau cycle orbital qui démarre. Cette fameuse étoile invisible c'est Sirius B, une étoile de magnitude 8,7 dont l'existence fut annoncée en 1844 par Friedrich Bessel (1784-1846), du fait des perturbations qu'elle fait subir à l'étoile principale, mais observée seulement en 1862 par l'opticien américain Alvan Clarke (1804-1887) à l'endroit exact calculé par Bessel. On sait qu'en gros l'éclat de Sirius A est près de 10 000 fois supérieur (10 magnitudes) à celui de Sirius B, ce qui rend l'observation de cette dernière extrêmement délicate puisqu'elle est totalement noyée dans l'éclat aveuglant de l'étoile principale.

Plus étonnant encore, les Dogons annoncent qu'une troisième étoile tournerait dans le système et que celle-ci aurait un satellite. Cette troisième étoile, baptisée Sirius C, soupçonnée dès 1894 pour expliquer des variations résiduelles de Sirius A, a été confirmée en 1995. Il s'agirait d'une naine rouge gravitant à très faible distance de Sirius A et qui est repérable uniquement par les perturbations, faibles mais bien réelles, qu'elle crée dans le système de Sirius.

Sirius pose un autre problème agaçant et non résolu : sa couleur aurait changé depuis l'Antiquité, époque à laquelle elle était notée comme étant une étoile rouge. On sait qu'aujourd'hui Sirius est une superbe étoile blanche (de type spectral A0).

Dans son Dictionnaire de l'astronomie, Philippe de La Cotardière explique (9) :

" D'après certaines observations anciennes, Sirius serait apparue jadis rougeâtre (alors qu'elle est blanche de nos jours). Cette modification de teinte, si elle est réelle, pourrait être l'indice d'une évolution particulièrement rapide de Sirius B : celle-ci aurait été jadis une géante rouge dont l'éclat surpassait celui de Sirius A, mais qui, entre la fin du VIe siècle et le début de XVIe siècle, se serait effondrée pour devenir la naine blanche connue aujourd'hui. "

Quel rapport entre les connaissances des Dogons et le fait que Sirius aurait changé de couleur durant la période historique ? Apparemment aucun. Concilier les deux relève de la fiction pure et simple. En fait, toute corrélation entre deux faits bizarres concernant la même planète paraît assez invraisemblable. Les connaissances des Dogons et l'origine de leur mythologie si compliquée concernant le système de cette étoile restent inexpliquées, et on comprend qu'elles aient fort surpris un ethnologue comme Griaule qui croyait enquêter sur une tribu comme les autres. Bien sûr, le doute a poussé les partisans des êtres supérieurs du cosmos à postuler la venue de visiteurs venus du système de Sirius qui auraient enseigné aux ancêtres des Dogons quelques données concernant leur étoile. D'autres, partisans de la panspermie dirigée pensent que cette visite les auraient poussé à "perfectionner" l'homme par des croisements "interstellaires".

Le changement de couleur de Sirius ne s'explique pas non plus très bien. Il paraît impossible qu'une nova si proche n'ait pas laissé de trace, encore que les manifestations de celle-ci aient pu être partiellement masquées par l'éclat global du système. Mais les bouffées de matière et de radiations crachées par Sirius B auraient dû entraîner une crise terrestre, avec une augmentation très sensible de l'impactisme particulaire, et notamment une recrudescence marquée de phénomènes atmosphériques. Rien de tel n'a, semble-t-il, été observé. L'effondrement de Sirius B en naine blanche, en fait, doit remonter à plusieurs centaines de millions d'années, peut-être même davantage. Un cataclysme stellaire récent dans la proche banlieue solaire n'est pas crédible, d'où la place de l'histoire de Sirius dans le chapitre " Fausses pistes ".

Vela X, l'étoile de Sumer et la légende d'Oannès

Dans le même genre d'idées fantastiques, il faut parler de l'hypothèse de l'érudit américain George Michanowsky, popularisée dans un livre à succès paru en 1977 : The once and future star (10) (traduit en français sous le titre : Le retour de l'étoile de Sumer). Son idée de base repose sur le lien possible entre la grande supernova de la constellation des Voiles (perpétuée par son résidu cosmique, le pulsar Vela X, dont nous avons parlé brièvement au chapitre 8) et les origines de la civilisation. Michanowsky était un remarquable spécialiste des langues anciennes et son approche, différente de celle des astronomes, est très intéressante et aurait pu déboucher sur une découverte majeure, à la fois sur le plan historique et sur le plan mythologique.

D'abord, il faut préciser deux choses pour bien situer cet événement en tous points exceptionnel, unique même. La supernova fut visible quasiment comme un deuxième soleil, situé très près de 45° de latitude sud. Le pulsar qui en résulte est catalogué sous le nom de PSR 0833-45 (-45 signifiant 45° de latitude sud). Durant plusieurs mois, tous les habitants de l'hémisphère sud et ceux de l'hémisphère nord vivant en dessous de 35° suivirent l'évolution de cette gigantesque source de lumière totalement imprévue. Il s'agissait d'un des phénomènes cosmiques les plus grandioses dont l'homme a été le témoin depuis 15 000 ans, et il a eu obligatoirement un impact psychologique énorme et débouché sur la création de mythes et de légendes dont certains, souvent déformés, sont arrivés jusqu'à nous.

Deuxième chose, les Sumériens et avant eux les autres peuplades protohistoriques de la région, qui observaient chaque nuit le ciel vers le sud, connaissaient obligatoirement les étoiles de la Croix du Sud et les autres étoiles principales visibles sous leur latitude. Il ne peut donc y avoir confusion sur l'identification des étoiles brillantes.

Quand il eut connaissance par des articles de la presse scientifique de la probable association génétique entre la nébuleuse Gum, la supernova des Voiles et le pulsar Vela X, Michanowsky entreprit des recherches pour savoir si la supernova avait été observée et notée par les Anciens sous une forme quelconque. D'après lui, un phénomène de cette importance n'avait pu passer inaperçu. Il songea à se référer aux textes originaux qui traitent du ciel de l'ancienne Mésopotamie. Comme les autres spécialistes des textes cunéiformes, il connaissait l'existence d'une tablette sumérienne appartenant à la riche collection du British Museum connue sous le nom de tablette BM-86378. Cette tablette exceptionnelle avait déjà été exploitée par des érudits au début du XXe siècle, notamment par le grand spécialiste allemand de l'astronomie cunéiforme Franz-Xavier Kugler (1862-1929). Son contenu est astronomique et concerne surtout un catalogue d'étoiles mésopotamien.

Michanowsky savait par la presse que l'âge le plus probable pour l'explosion était –9000, mais il savait aussi que certaines variations ou "dérapages" dans la fréquence des pulses auraient pu intervenir et autoriseraient ainsi une date plus récente, possible jusqu'à –4000. Tant et si bien que dans les années 1970, certains chercheurs pensaient même que la date historique permettrait de déterminer la date astronomique de l'explosion.

D'après Michanowsky, l'astrophysicien britannique Antony Hewish, expert en radioastronomie et codécouvreur des pulsars en 1967, acceptait vers 1975 l'idée d'une possibilité d'un ralentissement de la fréquence des signaux d'un pulsar dans quelques cas particuliers.

" Le professeur Hewish explique les "dérapages" dans le ralentissement des signaux d'un pulsar de la façon suivante : on suppose que le pulsar a une forme ellipsoïdale lorsque sa rotation est extrêmement rapide et qu'il devient plus sphéroïde au fur et à mesure que sa vitesse diminue. Il est constitué d'éléments solides et peut donc changer de forme assez brusquement par un processus de fractionnement. C'est ce qu'on appelle la théorie du tremblement d'étoiles. " (11)

La distance de Vela X a été évaluée à environ 400 parsecs, soit 1300 années lumière, ce qui reste assez proche pour une supernova, mais l'intensité des rayons X, gamma et cosmiques est probablement insuffisante pour avoir des conséquences vraiment sérieuses sur la vie, puisque la magnétosphère et, en deuxième rideau, l'atmosphère terrestre en absorbent et neutralisent la plus grande part. Par contre, l'effet de surprise et de terreur passé, les conséquences psychologiques ont dû être énormes.

Michanowsky reprit l'étude très détaillée de la tablette BM-86378 et comme ses prédécesseurs du début du XXe siècle, il comprit qu'elle reflète certains aspects de la connaissance astronomique remontant vers –3000, et même beaucoup plus parfois. Deux lignes de cette tablette font référence à une étoile géante située à l'endroit même où s'est produite l'explosion de la supernova. Kugler, le premier historien astronome à avoir disséqué le contenu de la tablette avait fait remarquer que le texte s'appliquait à une région du ciel austral que la mythologie assimilait comme étant l'équivalent céleste de la cité d'Eridu, demeure sacrée du dieu sumérien E-A.

Michanowsky a défini la région comme étant le triangle céleste formé par les étoiles dzéta de la Poupe (m = 2,3) et gamma (m = 1,8) et lambda (m = 2,2) des Voiles. C'est précisément à l'intérieur de ce triangle d'étoiles relativement brillantes que le pulsar PSR 0833-45 a été localisé, ce qui paraît, à première vue, plus qu'une simple coïncidence. Cette région céleste était considérée comme particulièrement importante dans la tradition céleste mésopotamienne, alors qu'aujourd'hui rien n'y attire l'attention particulière d'un observateur, puisque les étoiles principales sont de magnitude 2.

Dans son livre, Michanowsky explique l'importance de ce triangle céleste :

" L'ancienne étoile, maintenant écoutée, lance à travers l'espace des signaux que rythment les battements puissants de son cœur. Comme le dit exactement l'ancienne tablette, la demeure céleste de Nin-Mah, la Très Haute Dame, est située juste au nord de ce qui fut un jour l'étoile géante d'E-A, dans la constellation des Voiles, la céleste et sainte Eridu. " (12)

La fameuse légende d'Oannès, être mythique mi-homme, mi-poisson a été transmise par le prêtre chaldéen Bérose (dont nous avons parlé au chapitre 1), qui lui-même la tenait d'une multitude de devanciers. Oannès était considéré comme le dieu qui surgissant du golfe Persique aurait enseigné aux premiers habitants de Mésopotamie les arts de la civilisation (écriture, mathématiques, science des étoiles). Les érudits relient aujourd'hui E-A et Oannès, considérés comme le poisson divin (!).

Comme conclusion de sa minutieuse analyse des textes anciens et de sa connaissance de l'astronomie, Michanowsky propose la solution suivante :

" J'en suis venu à la conclusion que la légende d'Oannès devait ses origines à la grande étoile des Voiles et que l'apparition de ce prodige céleste était finalement resté dans les mémoires comme la visite d'une entité surnaturelle à forme semi-humaine. Quand la supernova fut observée au ras des eaux de la vaste mer des Sumériens, la réflexion lumineuse sur la surface de l'Océan s'étendit comme un ruban brillant depuis l'horizon du sud jusqu'au littoral. Les habitants de la côte ont réellement cru voir l'étoile qu'ils considéraient comme une divinité s'avancer vers eux en marchant sur l'eau. En tant que dieu mésopotamien, une telle apparition aurait été retenue sous une forme humaine. Etant venue par la voie maritime, elle aurait également projeté une image suggérant les caractères d'un poisson. Nous avons là un modèle ancien des êtres hybrides de la mythologie et du rêve, associé au rayonnement céleste émanant d'une source située près de l'horizon. " (13)

Michanowsky explique encore que l'art mésopotamien représente souvent Oannès associé avec une étoile et que plus tard, dans les mythes ultérieurs, cette légende sera transformée en un homme céleste surgissant de l'océan et venant du sud.

L'hypothèse de Michanowsky est très astucieuse, d'autant que certaines de ses conclusions sont troublantes (notamment la présence du pulsar dans le triangle d'étoiles des Sumériens) et comporte probablement une partie de vérité. Il est bien certain que les Anciens, à quelque époque qu'ils aient vécu, ont dû être terrorisés en voyant apparaître en quelques jours seulement une étoile aussi brillante que la pleine Lune, et qui brilla durant plusieurs mois comme un phare dans le ciel du sud. Effet garanti ! La baisse d'éclat très progressive et sa disparition ont dû aussi inspirer de nombreuses questions aux Anciens.

Le gros (et quasi insoluble) problème en ce qui concerne l'étoile des Voiles (perpétuée depuis par Vela X) est celui de la datation, car l'époque –4000 ne tient pas. Tout semble indiquer au contraire une explosion vers –9000, ce qui n'est pas du tout la même chose. Hewitt, lui-même, qui a découvert les pulsars, semblait admettre vers 1975 que la corrélation entre la période des pulsars et leur ancienneté n'était peut-être pas obligatoire dans tous les cas, mais cette exception concernant Vela X n'a jamais été confirmée. D'un autre côté, la très importante dispersion de la nébuleuse Gum semble également indiquer une explosion remontant bien à 11 000 ou 12 000 ans.

Exit donc la liaison génétique entre la supernova des Voiles et la légende d'Oannès, à moins que cette légende ait survécu dans l'imaginaire et les traditions des Anciens à la suite d'une transmission orale durant 5000 ans (200 générations en gros) avant d'être enfin traduite par écrit par les premiers utilisateurs de l'écriture. Peut-être une autre nova ou supernova plus tardive, issue de la même région du ciel, pourrait expliquer la légende et l'explication de Michanowsky, mais nous ne le saurons probablement jamais.

Cet auteur rappelle, à juste titre, l'effet produit sur Hipparque et ses contemporains par l'apparition d'une étoile nouvelle (une simple nova) en –133. L'événement parut si fabuleux qu'il encouragea Hipparque à entreprendre son fameux catalogue de positions d'étoiles (il en retint 1025), le premier du genre, pour permettre à ses successeurs de comparer si elles évoluaient, oui ou non, dans le temps en position et en éclat (il les classa pour la première fois en six "grandeurs", nos magnitudes d'aujourd'hui).

Si un petit doute subsiste concernant cette affaire, signalons que nous écartons, par contre, toute possibilité d'évolution "psychique" et encore moins "génétique" qui serait en rapport avec des radiations en provenance de l'étoile. A grande échelle, l'impactisme particulaire n'est réellement dangereux que durant les périodes où la magnétosphère ne joue pas son rôle de bouclier. Que ce soit il y a 6000 ans ou 11 000 ans, aucune disparition de cette magnétosphère n'a été signalée par les géophysiciens. Quant à la couche d'ozone, il est probable qu'elle a dû avoir du mal à neutraliser les rayons cosmiques associés à la supernova, mais compte tenu de l'éloignement de l'étoile, les risques de catastrophe globale à l'échelle humaine étaient quand même relativement limités et les mutations génétiques quasiment nulles.

1916-1988 : le mythe de la météorite géante de l'Adrar

L'histoire de cette célèbre météorite fantôme à laquelle trois noms restent étroitement attachés, ceux de Gaston Ripert (1881-1957), Alfred Lacroix (1863-1948) et surtout Théodore Monod (1902-2000) qui lui a consacré un petit livre passionnant : Le fer de Dieu (14) (écrit en collaboration avec la minéralogiste Brigitte Zanda), mérite d'être rapidement racontée, car elle est exemplaire. Pendant plus de 70 ans, elle a été un point d'interrogation irritant pour les spécialistes, même si beaucoup n'y croyaient plus depuis longtemps, à commencer par Théodore Monod lui-même, qui dès les années 1930 faisait partie des sceptiques, après une visite infructueuse de plusieurs semaines sur le terrain.

On s'est longtemps demandé si la sidérite de Hoba, découverte seulement en 1920 en Namibie, était bien la plus grosse météorite terrestre et s'il était possible qu'on en retrouve encore de plus grosses dans un désert encore inexploré (15). Et surtout, les spécialistes se demandaient quel pouvait être le diamètre maximal d'une météorite après son impact à la surface terrestre.

Personne n'envisageait véritablement qu'un objet d'une centaine de mètres puisse survivre sans fracturation à la traversée de l'atmosphère, jusqu'au moment où, au début des années 1920, un certain Ripert, capitaine de l'armée française résidant professionnellement à Chinguetti dans le Sahara mauritanien dans les années 1916-1917 raconta au minéralogiste Lacroix (16) avoir recueilli une météorite de 4,5 kg en 1916 " sur une énorme masse métallique mesurant une centaine de mètres de côté et une quarantaine de mètres de hauteur ". Les indigènes et les forgerons de la région la considéraient comme étant d'origine météoritique et l'appelaient le "fer de Dieu". Ripert précisa que la sidérite géante se dressait au milieu de dunes et qu'elle avait la forme d'un parallélépipède compact et sans fissure.

Lacroix fit remarquer qu'en admettant une valeur de 40 mètres pour la troisième dimension qui n'avait pu être mesurée, on se trouvait en présence d'un bloc métallique d'un volume de 160 000 m3 et d'une masse d'environ 1 million de tonnes, ce qui était phénoménal pour une météorite. Pour le petit fragment qu'il examina, il indiqua la composition suivante : 80 % de fer et de nickel et 20 % de silicates. Il s'agissait donc bien d'une sidérite, et l'on pouvait supposer que la composition était la même pour l'énorme bloc.

A partir de 1930, si des doutes apparurent sur l'existence même de la météorite qui ne fut pas retrouvée par les voyageurs de passage dans la région, de nombreux scientifiques croyaient encore à sa réalité. Jean Bosler (1878-1973), un astronome français, qui a été indirectement impliqué dans cette affaire, écrivit dans un compte rendu, après avoir rencontré Ripert en 1932 (17) :

" M. Ripert estime qu'il n'y a point de doute : la grosse météorite vue par lui en 1916, près de Chinguetti (Adrar) était métallique, ce qui écarte l'hypothèse émise un moment d'une roche terrestre émergeant des sables sur laquelle se serait trouvé, par hasard, le petit bloc de 4,5 kg analysé en 1924 par M. A. Lacroix...

Les indigènes de la région appellent la masse de Chinguetti la "Pierre tombée du Ciel", ce qui prouve bien qu'ils en soupçonnent la véritable nature. En tout cas, elle était déjà là, il y a cinquante ans et les forgerons arabes en extraient couramment du fer pour le travailler ; ceci explique, dans une certaine mesure, l'importance qu'ils attachent à ce que les Européens ne viennent pas, d'une manière ou d'une autre, les évincer d'une "mine" considérée par eux comme leur appartenant.

Il serait intéressant de voir si les nombreux fers météoriques dont la région est parsemée possèdent ou non la même composition que le bloc de 4,5 kg analysé par M. Lacroix. "

Bosler qui n'avait jamais été sur le terrain s'avançait sérieusement en prétendant que " les forgerons arabes en extraient couramment du fer pour le travailler ", car en fait personne sur place ne semblait connaître une telle "montagne de fer", surtout si facile d'accès.

Théodore Monod entra en scène deux ans plus tard, à l'occasion d'une longue mission au Sahara occidental effectuée en 1934-1935. Il était alors assistant au Muséum national d'Histoire naturelle, mais aussi un chercheur polyvalent (un vrai naturaliste) passionné de voyages. A peine arrivé à Chinguetti, le 5 juin 1934, il fit apposer l'affiche suivante (18) :

" Aux habitants de la région de Chinguetti "

" Le résident, chef de la subdivision de Chinguetti, fait connaître à tous que le gouvernement a appris qu'il y avait dans la région de Chinguetti une très grande pierre tombée du ciel il y a très longtemps. Cette pierre est en fer, elle est aussi grosse qu'une maison ; au sommet, elle porte plusieurs pointes et si l'on frappe sur ces pointes on ne peut pas les briser mais seulement les plier. La pierre se trouverait à l'est ou au sud-est de Chinguetti, dans les dunes couvertes de sbot : on l'appelle la "pierre tombée du ciel" ou le "fer de Dieu". Le gouvernement a envoyé dans la région Monsieur Monod pour étudier l'affaire et annonce que la personne qui conduira Monsieur Monod à la pierre, que celui-ci recherche, recevra, au bureau de la Résidence, la somme de mille francs. "

Chinguetti, le 5 juin 1934.

Ce fut un fiasco complet, Monod ne trouva personne pour le renseigner ou l'aider, malgré l'annonce d'une prime intéressante, et la météorite géante resta introuvable. Dès cette époque, il fut à son tour intimement persuadé de l'inexistence de la météorite, déjà soupçonnée, nous l'avons dit, par ses prédécesseurs tout aussi bredouilles.

Des reconnaissances furent effectuées par d'autres voyageurs et par des militaires entre 1938 et 1980, mais toujours avec le même résultat négatif. Théodore Monod lui-même, désireux d'en avoir le cœur net une bonne fois pour toutes, reprit ses recherches en 1987 (à l'âge de 85 ans !) et en 1988, avec deux expéditions dans l'année. Malgré un ratissage de toute la région, il n'obtint aucun résultat nouveau, si ce n'est cependant qu'il "identifia" la montagne (soi-disant métallique) observée par Ripert en 1916. Il s'agit d'un " relief rocheux d'une quarantaine de mètres de hauteur, nommé guelb Aouinet ou tarf Aouinet ", constitué en fait de grès et de quartzites et qui n'a strictement rien à voir avec un objet d'origine cosmique.

" Pour Théodore Monod, la question ne se pose plus, Ripert qu'il a toujours soupçonné d'avoir, sinon affabulé, du moins romancé sa découverte, est venu par ici, a contemplé la roche d'un peu loin, l'a associée au petit bloc météoritique ramassé. " (19)

En fait, il semble aujourd'hui impossible qu'un corps céleste d'un diamètre supérieur à une vingtaine de mètres (même une sidérite) puisse arriver à traverser l'atmosphère sans dommage (désintégration ou fracturation). L'inexistence de la météorite géante de l'Adrar n'est donc pas une surprise, elle est tout simplement logique.

Notons encore qu'il faut bien préciser que la météorite d'Aouinet (le morceau de 4,5 kg ramassé par Ripert et étudié par Lacroix) ne peut pas avoir de liaison génétique avec le cratère météoritique d'Aouelloul situé seulement à une vingtaine de kilomètres. Celui-ci a été daté de 3,2 millions d'années, alors que la météorite possède un âge terrestre de 300 000 ans seulement et est donc beaucoup plus jeune. On la considère de nos jours comme une mésosidérite riche en fer plutôt que comme une authentique sidérite.

Cycles cosmiques et groupements et alignements de planètes

Nous avons vu au chapitre 1 que, très tôt dans l'histoire, les Anciens se sont persuadés du bien-fondé de l'astrologie planétaire et de l'importance des cycles cosmiques et aussi de celle des groupements et des alignements de planètes. La fameuse Grande Année était l'un des éléments primordiaux de leur histoire et chaque géomètre de renom a tenté de la mesurer et donc de dater son début et sa fin. On sait que chacun de ces savants de l'Antiquité avait "sa" propre valeur (quelques milliers d'années en général) et ses propres dates, données obtenues de façon totalement arbitraire et sans aucune justification.

Qu'en est-il de ces cycles cosmiques et de ces alignements à la lumière des connaissances modernes ? Dans son livre Mathematical astronomy morsels (20), l’astronome belge Jean Meeus a calculé tous les groupements de planètes pour une période de 4000 ans (0-4000). Le résultat est éloquent et définitif : il n'a pas d'alignements possibles de toutes les planètes comme le prétendait Bérose, et les groupements sont rarissimes. Meeus a calculé pour les huit planètes principales (Pluton est exclu) tous les groupements réels à l'intérieur d'un secteur héliocentrique de 90° (un quadrant centré sur le Soleil représentant le quart de la voûte céleste) et il a trouvé seulement 39 cas au total, ce qui est très peu : 10 au premier millénaire, 7 seulement pour le deuxième, 7 également pour le troisième et 15 pour le quatrième.

Trois groupements sont assez remarquables puisqu'ils sont circonscrits à l'intérieur d'un secteur inférieur ou égal à 50°. Deux ont déjà eu lieu, ce sont celui du 11 avril 1128 avec un secteur minimum de 40° et celui du 14 avril 1307 avec un secteur minimum de 46°. Le troisième aura lieu seulement le 31 juillet 3171 avec un secteur de 50°. Précisons que ces "groupements" concernant des planètes qui circulent à des distances très différentes du Soleil sont en fait totalement artificiels et n'ont aucune incidence ni effet de marée particulier.

Rappelons pour mémoire le fameux rapprochement planétaire du 10 mars 1982, médiatisé sous le nom ronflant et grotesque de " L'effet Jupiter " (21), annoncé à grand renfort de publicité plusieurs années à l'avance par tous les astrologues et tous les charlatans apparentés, et qui se sont couverts de ridicule en annonçant la fin du monde ou des catastrophes épouvantables (qui n'ont pas eu lieu évidemment). Le 10 mars 1982 les neuf planètes (Pluton inclus) se trouvèrent à l'intérieur d'un secteur héliocentrique de 95° (et donc non retenu dans la liste de Meeus qui se limite à des secteurs de 90°). Cette bizarrerie mathématique, spectaculaire sur le papier, mais absolument sans conséquence pour la Terre ou les autres planètes, puisque les effets de marée invoqués pour provoquer les cataclysmes étaient totalement nuls, a eu le mérite de discréditer définitivement cette catégorie de catastrophes imaginaires basées sur les groupements et alignements planétaires qui ne relèvent que du fantasme pur et simple.

Le millénarisme souvent invoqué les siècles précédents pour une éventuelle fin du monde ne peut plus s'appuyer sur ces problèmes cycliques. L'ordinateur en prévoyant tout à l'avance (Jean Meeus a tout calculé jusqu'à l'an 4000 !) avec une précision diabolique, a quasiment enlevé le "pain de la bouche" aux charlatans de tout poil, obligés de se rabattre sur des phénomènes imprévisibles, comme la venue impromptue (toujours possible) d'une comète ou d'un astéroïde.

Fortes approches annoncées = fin du monde

La multiplication des découvertes d’astéroïdes, et dans une moindre mesure des comètes, débouche obligatoirement sur des fortes approches à venir, quelquefois spectaculaires, et même carrément inquiétantes dans certains cas. Dans cette section, nous allons voir deux cas qui ont défrayé la chronique ces dernières années, et permis à la grande presse de faire des titres accrocheurs, susceptibles de faire "frissonner" leurs lecteurs (et donc de vendre). Le premier concerne la comète P/Swift-Tuttle et le second l’astéroïde 1997 XF11.

La fin du monde du 14 août 2126

Les journaux toujours avides de nouvelles à sensation ont fait leurs choux gras, en 1992 et 1993, de l'annonce d'une collision possible avec la Terre de la comète périodique P/Swift-Tuttle le 14 août 2126, en baptisant bien prématurément cette comète de "Comète de l'Apocalypse" ou "Comète de la fin du monde". De telles annonces sont assez fréquentes, en fait, mais elles n'engagent que leurs auteurs, souvent des mythomanes et des gourous de sectes apocalyptiques, et sont vite oubliées.

Ce qui fut différent avec cette annonce, c'est qu'elle fut faite par Brian Marsden, le directeur du Minor Planet Center, et publiée dans la circulaire n° 5636 de l'Union Astronomique Internationale (UAI) en date du 15 octobre 1992. Marsden n'est pas n'importe qui : c'est l'expert mondial n° 1 du calcul des orbites depuis plus d'un quart de siècle, un astronome connu pour sa prudence, qui connaît le problème des approches des astéroïdes et des comètes aux planètes mieux que personne. C'est lui calcula plusieurs mois à l'avance les instants des impacts des fragments de la comète P/Shoemaker-Levy 9 sur Jupiter en juillet 1994, avec la précision que l'on sait.

S'il publia l'annonce d'une collision possible (titre un peu malencontreux dans lequel le possible devint vite quasi-certitude pour tous les médias qui vivent de sensationnel), c'est qu'il y avait une raison. Avec les derniers éléments orbitaux calculés de la comète P/Swift-Tuttle, qui fut retrouvée en 1992 seulement, peu de temps avant la fameuse annonce, et 130 ans après le passage de la découverte en 1862, Marsden trouva que cette comète passera très près de la Terre en août 2126. Personne n'est en mesure de dire exactement à quelle distance, car cette comète subit des forces non gravitationnelles par nature imprévisibles. Le passage prévu pour le 14 août 2126 peut avoir lieu à 8 heures du matin comme à 20 heures le soir.

Suite à l'émotion provoquée dans le grand public par des articles souvent démentiels et grossis à l'extrême avec des titres racoleurs, de nombreux astronomes furent "réquisitionnés" pour calmer un peu ce délire cométaire et faire comprendre aux médias et à leurs lecteurs qu'approche serrée et collision possible ne veulent pas dire collision certaine et fin du monde. L'astronome belge Jean Meeus publia le texte suivant (22) en réponse à l'annonce trop rapide de la catastrophe à venir dans une revue astronomique de son pays :

" Marsden n'a jamais dit qu'en 2126 la comète entrera en collision avec la Terre. Il a donné cette date comme date de collision possible. Mais quelle est la probabilité d'une collision en 2126 ? Pour qu'il y ait effectivement collision, il faudrait que les deux conditions suivantes soient satisfaites simultanément :

a) il faudrait que la plus courte distance entre les deux orbites (celle de la comète et celle de la Terre) soit inférieure à 6378 kilomètres, valeur du rayon de la Terre. Si la plus courte distance est supérieure à cette valeur, aucune collision n'est évidemment possible !

Quelle sera cette plus courte distance ? Il est possible que Marsden l'ait calculée, mais je n'ai jamais vu de valeur publiée. Lors du retour précédent (1862), la plus courte distance entre les deux orbites (et non pas entre les deux astres eux-mêmes !) était de 670 000 km, la comète passant à l'extérieur de l'orbite terrestre. Pour le retour actuel (1992), la distance minimale entre les orbites est de 150 000 km, la comète passant cette fois à l'intérieur de l'orbite de la Terre.

b) la seconde condition est que la comète et la Terre passent pratiquement simultanément au point de plus grand rapprochement. Or, la Terre ne met que huit minutes pour parcourir, sur son orbite, une distance égale à son propre diamètre (12 756 km). La Terre ne se trouve que pendant huit minutes dans la région "dangereuse" ! Non seulement cela représente une très faible probabilité pour une collision, mais en outre il est parfaitement impossible de prédire, à huit minutes près, l'instant de passage de la fameuse comète en l'an 2126. Alors, que l'on ne vienne pas raconter qu'en 2126 la comète sera sur une "orbite de collision" avec notre Terre... "

P/Swift-Tuttle est une comète très remarquable, liée génétiquement, on le sait, aux Perséides qui illuminent chaque année notre ciel nocturne du 10 au 12 août. Elle fut déjà observée en 1737 en Chine, 125 ans avant sa découverte de 1862. On voit qu'à l'époque la période était de 125 ans, cinq de moins qu'actuellement. Son mouvement est particulièrement difficile à prédire à long terme du fait, nous l'avons dit, d'importantes et irrégulières perturbations liées aux forces non gravitationnelles. C'est grâce à Marsden d'ailleurs qu'elle put être retrouvée en 1992, alors qu'elle était attendue dix ans plus tôt, en 1982, période à laquelle elle ne put être réobservée, et pour cause...

Le cas de P/Swift-Tuttle n'est qu'un exemple parmi d'autres d'annonce de cataclysme cosmique à long terme menaçant la Terre. Particulièrement en ce qui concerne les comètes actives, par définition des astres souvent imprévisibles, de telles prédictions sont pour le moins prématurées. Et ne faisons surtout pas dire à Marsden qu'il a annoncé la fin du monde. Comme un astronome extraordinairement précis qu'il a toujours été, il a annoncé une forte approche de P/Swift-Tuttle à la Terre le 14 août 2126, ce qui n'est pas la même chose. Cette approche serrée aura lieu, sauf désintégration de la comète d'ici là. Pour la fin du monde, il faudra encore attendre...

L’astéroïde 1997 XF11 et l’approche de 2028

Cet astéroïde a été découvert le 6 décembre 1997 (23) avec le télescope automatique Spacewatch par l’astronome américain James Scotti. C’est un NEA de sous-type 1 (a = 1,442 UA, e = 0,484 et i = 4,1°) comme on en connaît plus de 200. Le premier intérêt qu’il suscita fut son diamètre : 1,3 km (H = 17,0) et son approche possible à la Terre (Dm = 0,0010 UA). Un objet très intéressant donc, mais à première vue pas vraiment exceptionnel.

Comme toujours après une telle découverte, les astronomes font tourner les ordinateurs pour voir si l’on doit s’attendre à une forte approche réelle dans les décennies à venir. Et c’est de là que vint la surprise. 1997 XF11 doit nous rendre une visite très serrée le 26 octobre 2028. Brian Marsden, l’expert dont nous avons parlé plus haut, annonça une approche possible à 42 000 km seulement de la Terre, insistant bien sur la nécessité de nouvelles observations pour affiner ce résultat brut.

Aussitôt les médias du monde entier (presse, télévision, radio) se ruèrent sur cette annonce alléchante, rivalisant de superlatifs, d’autant plus que le cataclysme annoncé doit avoir lieu en 2028, ce qui laisse tout le temps pour s’y préparer. En France, le quotidien Libération, qui aime bien commenter les événements scientifiques, fit sa première du vendredi 13 mars 1998 (cette date était le simple hasard, puisque liée à l’annonce de la nouvelle !) avec ce titre : " 26 octobre 2028, Alerte à l’astéroïde. Ce jour-là, un énorme caillou frôlera la terre, sauf si… " et consacrait totalement ses pages 2 et 3 à l’événement (24). Le gros titre de la page 2 sur les cinq colonnes était " Un astéroïde menaçant se dirige vers la planète terre ". Des interviews, heureusement rassurants des spécialistes Alain Maury et Antonella Barucci, permirent aux lecteurs de tout savoir sur ce qui nous attend.

Alain Maury qui traque les NEA depuis des années, et qui connaît parfaitement le sujet qui le passionne depuis toujours, expliquait fort bien la situation :

" C’est un gros, et on n’en a jamais vu passer un si près… Qu’il touche le sol ou l’océan serait spectaculaire. Un impact au sol pourrait détruire en totalité plusieurs départements français. Un choc avec l’Atlantique nord déclencherait un raz de marée qui atteindrait Paris. Dans les deux cas, il injecterait dans l’atmosphère une telle quantité de poussière que le Soleil en serait obscurci six mois à un an. Ce qui provoquerait un "hiver" capable de détruire une saison agricole…

Pour l’instant, la probabilité d’une collision, compte tenu des incertitudes sur la trajectoire, est non nulle, mais faible… Nous sommes certains que l’astéroïde va passer à l’intérieur d’un cercle de 200 000 km de diamètre, où se trouvera la Terre. Imaginez un cercle de 2 m et une cible de 12 cm à l’intérieur. C’est nous. "

Dans cette même double page de Libération, fort intéressante, Antonella Barucci s’employait à rassurer les gens et aussi à tempérer l’ardeur des médias :

Faut-il s’inquiéter ? Une collision avec la Terre serait catastrophique, évidemment. Mais pour l’instant, le calcul ne dit pas que cette collision va survenir. En plus, c’est ce qui est très intéressant et justifie pleinement les opérations de surveillance, nous avons du temps pour réagir. En trente ans, si le risque d’une collision se précise, nous pouvons développer le moyen d’aller détourner la trajectoire de cet objet. Que les médias ne paniquent pas les gens… "

Au-delà du sensationnel, qui passionne ou terrorise le lecteur selon le cas, il y a la réalité incontournable que représente le danger potentiel des approches d’astéroïdes. Dans la double page de Libération, Alain Maury concluait d’une façon pragmatique :

" On s’excite sur XF11, mais peut-être que d’autres astéroïdes sont passés bien plus près la semaine dernière… Des astéroïdes, on en découvre toutes les nuits. Loin, dans la ceinture d’astéroïdes située entre Mars et Jupiter, environ 300 à 400 par nuit. Et une dizaine par mois pour ceux qui vont passer dans la banlieue de la Terre. J’estime qu’à moins de 400 000 km de nous, il y a en permanence une cinquantaine d’objets de plus de 50 mètres de diamètre… Aujourd’hui, on sait que les catastrophes cosmiques ne sont pas réservées au passé. "

Des calculs ultérieurs ont montré que si la très forte approche du 26 octobre 2028 est confirmée, elle sera moins serrée qu’annoncée d’après les premiers éléments orbitaux calculés d’une manière précise. Elle ne devrait pas être inférieure à 800 000 km et ne présentera donc aucun danger pour la Terre. Elle n’en demeure pas moins un événement astronomique d’un très grand intérêt que les astronomes ont tout le temps de préparer à loisir.

Les astronomes sont des gens raisonnables qui n’ont pas vocation d’effrayer le commun des mortels, beaucoup plus enclin à paniquer à la moindre annonce sensationnelle. S’ils annoncent un événement possible, c’est qu’il résulte de calculs réels, mais qui peuvent être issus d’éléments orbitaux préliminaires, et qui doivent donc être longtemps affinés grâce à des observations ultérieures avant de pouvoir être considérés comme définitifs et certains.

Malheureusement, dès qu’une information est lâchée dans la presse, elle ne leur appartient plus totalement. Des requins, sous forme de "gourous" auto-proclamés, s’en emparent et l’exploitent au détriment de gogos (complices de leur propre exploitation) qui aiment se faire peur et attendent un monde meilleur. Pour eux, pas de problème : le préliminaire se transforme immédiatement en certitude. Nous verrons un autre triste exemple de la bêtise humaine, lié celui-là à la comète Hale-Bopp, dans la dernière section de ce chapitre.

L'anneau à éclipses de la Terre

Cette hypothèse de l'existence d'un véritable anneau à éclipses autour de la Terre fut présentée par l'astronome danois Kaare Rasmussen au début des années 1990 (25). Il postulait que de nombreux corps célestes (astéroïdes et comètes) qui passent parfois très près de notre planète pourraient se désintégrer et leur matière se satelliser autour d'elle. Pour arriver à cette conclusion étonnante, il avait étudié statistiquement toutes les données disponibles concernant la fréquence annuelle des pluies de météores, des observations de bolides et des chutes de météorites du VIIIe siècle av. J.-C. jusqu'en 1750, c'est-à-dire sur près de 2600 ans. Il retint 747 pluies qui lui permirent de tracer une courbe d'évolution dans le temps, mettant ainsi en évidence 44 figures remarquables, dont 16 se distinguaient nettement par leur forme caractéristique en "U", soit un pic, un plat, un pic.

Rasmussen retint le scénario suivant pour expliquer ces cycles en "U" :

1. Après une période calme, l'activité météorique augmente brusquement, dessinant un premier pic. La désintégration d'une comète ou d'un astéroïde, lors de son passage à l'intérieur de la limite de Roche, débouche sur une première activité directe : l'entrée dans l'atmosphère d'une bonne partie de la poussière ainsi créée.

2. Cette activité redescend ensuite lentement vers un taux minimal très bas, inférieur même au taux moyen annuel. Cette période intermédiaire correspond à la formation de l'anneau. Sous l'effet de la force centrifuge liée à la rotation terrestre, les particules de l'anneau se concentrent progressivement dans un anneau de plus en plus plat. C'est le plat du "U".

3. Ensuite, par effet de friction avec les particules de la haute atmosphère, la vitesse des particules de l'anneau diminue, et donc celui-ci perd progressivement de l'altitude. Il finit par se désintégrer et son matériau entre à son tour dans l'atmosphère, créant le deuxième pic d'activité.

D'après Rasmussen, la durée de vie d'un anneau varierait de quelques années à près de deux siècles, avec une durée moyenne de l'ordre de 30 ans. Ses 16 figures principales représenteraient autant d'anneaux qui se seraient succédé sur la période considérée de 2600 ans à la moyenne d'un anneau nouveau formé tous les 160 ans.

Malheureusement pour l'astronome danois, ses confrères ne l'ont pas suivi dans sa démarche et ses résultats, et sa théorie de l'anneau à éclipses de la Terre risque fort de prendre définitivement le chemin des oubliettes. On lui a opposé plusieurs réserves sérieuses. D'abord, la fiabilité de ses données historiques qui sont douteuses parfois et surtout incomplètes. Ensuite, son scénario de formation des anneaux successifs manquerait de crédibilité. La capture des comètes et des astéroïdes et leur satellisation autour de la Terre ne peuvent être que des événements très rares. Enfin, il n'est pas du tout prouvé qu'un tel objet satellisé se fragmente pour former le fameux anneau, il pourrait tout aussi bien entrer directement dans l'atmosphère et se fragmenter seulement pendant la traversée de celle-ci, ce qui exclurait toute formation d'anneau extra-atmosphérique.

En fait, les spécialistes préfèrent l'explication traditionnelle à celle de Rasmussen pour expliquer à la fois les impacts passés et l'existence permanente des météores. De nombreux corps célestes passent à proximité immédiate de la Terre, tout le monde en est bien d'accord, et parfois la heurtent. Les météores sont les débris de comètes usées qui suivent l'orbite de la comète mère et rencontrent plus ou moins régulièrement (selon les perturbations qui peuvent les rapprocher ou les éloigner) notre planète au point de croisement des orbites. Rasmussen a bien raison de parler d'une poussière cosmique abondante dans le sillage de la Terre autour du Soleil, mais elle appartient au Système solaire lui-même. On ne peut donc pas parler d'anneau au sens propre, c'est-à-dire comparable à ceux des planètes géantes, qui serait satellisé autour de notre planète.

On sait, par contre, qu'exceptionnellement un tel anneau pourrait se former, mais certainement pas tous les 160 ans, comme dans la version optimiste de Rasmussen. Sa formation se ferait très rapidement, peut-être en quelques jours seulement. Les fameux anneaux de Saturne, de loin les plus massifs et les plus vastes (300 000 km de diamètre), qui résultent, eux, de la désintégration d'un satellite intérieur, se seraient formés d'après les spécialistes en moins d'un an, c'est-à-dire quasi instantanément à l'échelle astronomique. Ils ne semblent pas pouvoir être détruits dans les quelques millions d'années à venir, mais leur structure varie continuellement au gré des perturbations dues à la planète, mais également aux perturbations mutuelles des fragments principaux qui sont de taille kilométrique.

Mondes antédiluviens et élucubrations extraterrestres

Avec ce sujet, nous sommes là dans le milieu privilégié des ésotéristes qui ont du mal à admettre que notre civilisation ne descend pas d'ancêtres supérieurs et qu'elle est la première à atteindre le niveau culturel, technique et scientifique qui est la sienne. Des centaines de livres ont été écrits sur le sujet, certains d'entre eux étant même intéressants. Mais ils ne reposent sur aucun argument convaincant. Les catastrophes terrestres et cosmiques ne reçoivent pas un début de preuve par ce biais-là.

Nous avons parlé au hasard des chapitres de l'OVNI de Zigel, de la panspermie dirigée de Crick et Orgel, des quatre lunes de Hörbiger et de la cosmogonie des Dogons de Griaule et Temple. Mais il ne faut surtout pas tout confondre. Les grandes catastrophes qui ont eu lieu depuis quelques dizaines de milliers d'années, depuis l'apparition d'Homo sapiens, ont des causes physiques, terrestres et cosmiques naturelles, car comme nous l'avons dit tout au long de ce livre l'Univers est violence, mais absolument rien ne peut les attribuer à l'homme. Parler de conflit nucléaire (26), de la venue d'ancêtres supérieurs (27), ou plus simplement de visite d'extraterrestres (28) dans le passé n'est rien d'autre que de la mauvaise fiction, et en tout cas qui n'a rien à voir avec la science.

Parler de catastrophes de grande envergure, c'est tout autre chose, comme nous le verrons dans les deux chapitres suivants.

Une hypothèse révolutionnaire : le singe descend de l'homme

On sait que l'avenir est assez sombre pour l'homme sur le plan génétique. Tant et si bien que certains chercheurs se posent des questions. Une future inversion géomagnétique est annoncée pour le IVe millénaire et ses conséquences seront probablement importantes sur le monde animal et le monde végétal dans leur ensemble. Des radiations accrues sont à prévoir et elles ne seront pas sans conséquences, car elles devraient durer quelques milliers d'années. On s'attend à la disparition de nombreuses espèces, et à la transformation de nombreuses autres.

Pour l'homme, on s'attend aussi à diverses modifications génétiques, peut-être même à une modification chromosomique que pourraient subir certains individus, sachant que la réaction de l'être humain aux radiations est loin d'être la même pour tous. L'espèce humaine pourrait bien se scinder en deux espèces différentes (non interfécondes). L'homme deviendra-t-il un surhomme ou, au contraire, un être dégénéré (selon nos critères actuels). Déjà plusieurs savants ne sont pas loin de croire que certains de nos singes actuels ne sont en fait que des hommes dégénérés à la suite d'une ancienne modification substantielle de la biosphère terrestre, il y a quelques millions d'années. Ainsi, l'homme ne descendrait pas du singe, mais ce serait l'inverse...

Même si cette affirmation gratuite, et évidemment non prouvée, peut faire sourire, ce qui est certain c'est que l'homme actuel, aussi sûr de lui soit-il et aussi peu soucieux de l'avenir de sa planète, n'est qu'un phénomène transitoire dans l'histoire de la paléontologie. Reste à savoir s'il se détruira lui-même (ce qui paraît assez probable), ou si c'est le cosmos qui aura raison de lui. C'est aussi cela l'histoire cosmique des hommes.

Le tableau 17-1 détaille toute la superfamille des hominoïdes, c'est-à-dire les singes sans queue, dont nous faisons partie, n'en déplaise aux créationnistes. C'est vrai qu'il est tentant de rechercher si le cataclysme a pu interférer dans notre grande famille, en promouvant certaines espèces (en les rendant plus résistantes aux aléas extraterrestres), en en supprimant d'autres (en les fragilisant à l'extrême), et surtout s'il a pu permettre le passage à une autre par mutation chromosomique.

Les hominidés sont notre famille (29), famille qui remonte à 8 MA environ et qui ne comporte que deux sous-familles : les paninés et les homininés. La première regroupe trois espèces actuelles : les gorilles, les chimpanzés et les bonobos, tandis que la seconde ne compte qu'une seule espèce actuelle : l'homme.

" La question est simple : quelles sont les relations de parenté entre les quatre espèces actuelles d'hominoïdes africains que sont l'homme (Homo sapiens), le chimpanzé commun (Pan troglodytes), le chimpanzé pygmée ou bonobo (Pan paniscus) et le gorille (Gorilla gorilla) ? " (30)

On sait aujourd'hui qu'il existe une identité génétique de près de 99 % entre l'homme et les deux espèces de chimpanzés (pourcentage qui fera frémir certains), supérieure à celle existant entre les chimpanzés et les gorilles, eux-mêmes faisant pourtant partie de la même sous-famille des Paninés. Les données génétiques et moléculaires sont formelles sur ce point. Cela tendrait à prouver que les chimpanzés sont nos seuls cousins vraiment directs.

Les savants du XXIe siècle devront chercher si les différentes inversions géomagnétiques des huit derniers millions d'années ont conduit à multiplier les espèces (ce qui pourrait être le cas pour les gibbons pour lesquels on différencie dix espèces non interfécondes) et à en créer de nouvelles. Ainsi les chimpanzés pourraient être issus d'une mutation régressive à partir du dernier ancêtre commun. Homo serait parti dans la "bonne direction" et Pan dans la "mauvaise". En très peu de milliers d'années, le gouffre se serait creusé d'une manière irréversible.

Cette éventualité n'a rien d'invraisemblable pour un catastrophiste moderne. Comme nous l'avons expliqué au chapitre 15, puisque le catastrophisme d'origine cosmique est l'un des moteurs de l'évolution. La "gestion des espèces" (le "bruit de fond" de l'extinction) pourrait être liée à l'impactisme particulaire, alors que les extinctions seraient plutôt associées à l'impactisme macroscopique. Si l'on veut bien admettre cette possibilité, et la malchance aidant (cette malchance avec laquelle tous les scientifiques devront compter maintenant), les chimpanzés pourraient donc être des préhominiens mutés dans une direction régressive.

On ne peut pas dire pour autant que le singe descend de l'homme, et c'est la raison de la présence de cette section dans le chapitre " Fausses pistes ". Les hominoïdes et les cercopithécoïdes, les deux superfamilles de singes, existaient bien avant Homo. Il serait plus juste de dire que Homo est un singe "qui a réussi" parce que, lui, a eu de la chance. Il a réussi provisoirement, car ses divers cousins (moins d'une centaine d'espèces au total, ce qui est peu) ont une très grande chance de lui survivre. Les spécialistes pensent même qu'à long terme les cercopithécoïdes, les singes primitifs, avec leur queue animale, pourraient bien supplanter définitivement les hominoïdes, qui seraient déjà quasiment entrés dans une période de régression, prélude à leur disparition totale (31).

Triste perspective, mais logique en fait. Comme nous le verrons au chapitre 20, pour survivre l'espèce humaine devra peut-être s'expatrier. C'est ce qu'on appelle " l'impératif extraterrestre ".

L'Apocalypse : le fantasme des sectes religieuses

L'avenir sombre qui nous attend monte déjà à la tête de certains qui voudraient voir arriver une apocalypse anticipée, dans laquelle ils seraient eux-mêmes acteurs. C'est le fantasme cosmique de sectes religieuses. Nous avons vu que le phénomène n'est pas nouveau, puisque des prêcheurs ont toujours annoncé une fin du monde proche, il est de tout temps.

Principalement liée aux cycles cosmiques, l'Apocalypse est quasiment devenue un phénomène de société, de fuite en avant, pour un nombre sans cesse accru de personnes mal dans leur peau. L'exemple de ce qui s'est passé le 26 mars 1997 dans une villa de San Diego, en Californie, en liaison avec l'arrivée dans la banlieue solaire de la belle comète Hale-Bopp, est révélateur à ce sujet. Ce lamentable épisode de la bêtise humaine, qui a fini par un suicide collectif sans précédent, a montré l'extrême fragilité psychologique de certains individus devant "l'appel cosmique".

Pas moins de 38 personnes (17 hommes et 21 femmes) regroupées dans une secte au nom pompeux et grotesque "La Porte du Ciel " et manipulées par un gourou fou et démoniaque, qui promettait à ses adeptes d'atteindre "le niveau supérieur" (sic !), ont accepté sans trop d'état d'âme de se suicider avec la motivation et les arguments suivants qui leur ont paru suffisants :

" Nous sommes venus d'un espace lointain et nous avons maintenant quitté les corps que nous revêtions pour notre tâche terrestre, pour retourner vers le monde d'où nous venons, tâche accomplie. Cette distance de l'espace à laquelle nous nous référons est celle que votre littérature appelle le royaume des Cieux ou le royaume de Dieu...

Vous pouvez nous suivre, mais vous ne pouvez rester ici. La planète Terre va bientôt être recyclée. Votre seule chance de survivre ou d'être évacué est de partir avec nous...

Les clés du ciel sont présentes comme elles l'étaient avec Jésus, il y a 2000 ans...

Alerte rouge... Hale-Bopp annonce la fin. " (32)

Tâche accomplie, Terre recyclée... Cette prose, réellement affligeante, à laquelle ont souscrit près de 40 personnes de 18 à 72 ans qui ont accepté de sacrifier leur vie et de partir pour un "dernier voyage", au nom d'un millénarisme moyenâgeux mâtiné de religion, laisse perplexes les personnes rationnelles et de bon sens. Et ce n'est qu'un exemple, même si le plus souvent, heureusement, les adeptes des sectes millénaristes n'en arrivent pas à une telle extrémité. Ils se contentent d'attendre (et d'espérer parfois) la fin du monde.

Nous avons vu plus haut que deux événements annoncés, les très fortes approches à la Terre à venir de l’astéroïde 1997 XF11 en 2028 et de la comète P/Swift-Tuttle en 2126, sont là pour prendre la relève. Et il y en aura bien d’autres dans les décennies à venir. Les sectes apocalyptiques ont encore de beaux jours devant elles.

Notes

1. I. Velikovsky, Mondes en collision (Stock, 1951). Titre original : Worlds in collision (1950). Classique du catastrophisme non scientifique, ce livre a fait plus de mal que de bien pour la cause du catastrophisme. Les astronomes n'ont eu aucun mal à montrer que l'hypothèse de Velikovsky ne tenait pas debout. Le côté historique du livre, par contre, est très intéressant et contient une foule de détails utiles et un système de notes et de références développé. On peut dire de Velikovsky qu'il était un érudit et un philosophe, mais pas un scientifique et encore moins un astronome.

2. Editors of Pensée, Velikovsky reconsidered (Abacus, 1978). Ce livre plusieurs fois réédité voulait faire passer Velikovsky pour un martyr de la science. " Velikovsky - The most unjustly maligned scientist since Galileo ? " titre la page 4 de couverture. Mais les éléments apportés dans ce livre ne sont pas (ne peuvent pas être) concluants.

3. A. de Grazia, The Velikovsky affair (Abacus, 1978). Autre livre à la gloire de Velikovsky, mais comme le livre précédent, il n'apporte aucun élément concluant sur le plan scientifique, puisque l'hypothèse de Velikovsky est fausse. Vénus n'a jamais été une comète.

4. Y. Riabov, Les mouvements des corps célestes (Mir, 1967).

5. F. Derrey, La terre, cette inconnue (Planète, 1964).

6. E. von Däniken, Mes preuves. Cinq continents témoignent (Albin Michel, 1978). Titre original : Beweise. Lokaltermin in fünf kontinenten (1977). Un classique de l'ésotérisme qui n'a jamais convaincu les scientifiques. Däniken prend souvent ses désirs pour des réalités.

7. M. Griaule et G. Dieterlen, Un système soudanais de Sirius, Journal de la Société des Africanistes, t. XXI, fasc. 1, 1951.

8. R. Temple, The Sirius mystery (Destiny, 1987).

9. Ph. de La Cotardière, Dictionnaire de l'astronomie (Larousse, 1996). Citation article Sirius, p. 357.

10. G. Michanowsky, Le retour de l'étoile de Sumer (Albin Michel, 1980). Titre original : The once and future star (1977). Nous insistons un peu sur ce livre car il aurait pu avoir un impact incroyable si les conclusions de l'auteur s'étaient avérées les bonnes.

11. G. Michanowsky, op. cit., pp. 30-31.

12. G. Michanowsky, op. cit., pp. 66-67.

13. G. Michanowsky, op. cit., p. 74.

14. Th. Monod et B. Zanda, Le fer de Dieu. Histoire de la météorite de Chinguetti (Actes Sud, coll. Terres d'aventure, 1992). Ce petit livre passionnant raconte dans le détail et avec de nombreux documents inédits l'histoire de la pseudo-météorite de l'Adrar. A lire absolument par toutes les personnes intéressées par le sujet. A notre avis, il apporte un point final à la question, même si certains veulent encore croire à une masse métallique enfouie dans les sables de la région.

15. Dans La Terre bombardée, nous écrivions (p. 82) : " Il est possible qu'on en connaisse une nettement plus importante, mais malheureusement, si elle existe vraiment, elle est actuellement enfouie sous les sables du désert saharien ". Des doutes très sérieux existaient depuis longtemps sur l'existence réelle de cette météorite géante, dont le diamètre supposé paraissait trop important pour qu'elle ait pu disparaître sous les sables dans un délai aussi court, et surtout jamais observée de visu par un véritable spécialiste des météorites.

16. A. Lacroix, Sur un nouveau type de fer météorique trouvé dans le désert de l'Adrar en Mauritanie, Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 179, 5, 1924. Il s'agit du premier document scientifique sur le "fer de Dieu", écrit huit ans après la découverte de la météorite.

17. Document publié dans Le fer de Dieu, pp. 54-55.

18. Document publié dans Le fer de Dieu, pp. 11-12.

19. Le fer de Dieu, pp. 93-94. Th. Monod a publié une note à l'Académie des sciences en 1989, dans laquelle il conclut à une erreur d'interprétation de Ripert et à la non-existence de la météorite géante de l'Adrar.

20. J. Meeus, Mathematical astronomy morsels (Willmann-Bell, 1997). Un recueil de "morceaux choisis" parmi plusieurs centaines d'articles écrits par l'astronome belge Jean Meeus.

21. J. Meeus, Un alignement de planètes ?, L'Astronomie, 95, pp.15-19, 1981.

22. Revue du Cercle Astronomique de Bruxelles, 71, p. 1, février 1993.

23. J.V. Scotti, Fleeting expectations : the tale of an asteroid, Sky and Telescope, 96, 1, pp. 30-34, july 1998.

24. Libération n° 5230 du 13 mars 1998. Trois pages sont consacrées à l’événement .

25. J. Guillaume, L'anneau à éclipses de la Terre, Science et Vie, 890, pp. 26-32, 1991.

26. R. Charroux, Le livre des secrets trahis (Robert Laffont, 1965).

27. R. Charroux, Histoire inconnue des hommes depuis cent mille ans (Robert Laffont, 1963). Le premier livre de Robert Charroux, véritable fourre-tout des mystères et pseudo-mystères recensés.

28. R.E. Mooney, Les dieux de l'espace et des ténèbres (Plon, 1976). Titre original : Gods of air and darkness (1975).

29. Historia Spécial, Les origines de l'homme, HS 50, novembre-décembre 1997.

30. V. Barriel, Des molécules entre les singes et l'Homme, op. cit., pp. 21-22. Citation p. 21.

31. P. Picq, Classer les familles n'est pas un jeu d'enfant, op. cit., pp. 26-29

32. L. Zecchini, Le suicide collectif de 39 personnes en Californie a été méticuleusement planifié et exécuté, Le Monde, 29 mars 1997, p. 3.

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