AstroDessin

Astronomie Amateur & Observation Visuelle

Méthode

Le matériel

J'utilise comme support un porte-documents rigide muni d'une pince métallique. Il me sert aussi à ranger les papiers vierges et les dessins en cours. Dans une trousse, je dispose d'une gamme de crayons graphite allant du H au 6B, une bonne gomme, de quelques estompes, des crayons de couleurs sélectionnés pour mars et les nébuleuses. Enfin, j'ai bricolé une lampe dont l'intensité lumineuse est réglable, elle est équipée d'une pince afin de la fixer sur le porte-documents. Il est important d'avoir une lumière de qualité, très diffuse et la plus uniforme possible. On le voit, l'investissement est très exactement 259x moindre que l'équipement minimal pour faire de la CCD.

esquisses d'Hélix et du groupe NGC 7332

Le ciel profond, en négatif

Je travaille sur des feuilles de dessin au format A4 pour le ciel profond (parfois A3). Pour une plus grande facilité de mise en oeuvre (visibilité dans le noir, esquisse, corrections), le dessin est effectué en négatif, noir sur fond blanc. Il sera ensuite scanné et subira une opération de négatif pour revenir à un rendu réaliste. Soit j'utilise un champ ré-étoilé comme décrit ci-dessous, soit je place les étoiles les plus brillantes du champ, puis les autres plus faibles. Cette trame me permet de pointer le Dobson, de recadrer le champ et de positionner aux mieux les nébulosités observées.



J'évalue les zones les plus claires, puis les plus faibles à la limite de la perception. J'essaie d'évaluer et classer quelques niveaux de gris intermédiaires. Je ne trace que les contours des zones d'égales intensités lumineuses observées. C'est plus précis et il est plus facile d'effectuer des corrections ainsi.



Quand l'esquisse me semble correcte, je grise les diverses parties au crayon HB et j'estompe rapidement au besoin. Je corrige ce premier résultat à l'oculaire, affirme les contours, définis les détails les plus fins. Je fais les finitions avec des crayons plus gras, la gomme et l'estompe le plus rapidement possible, à bonne lumière et bien installé.



L'usage des filtres interférentiels et colorisation

Certains dessins sont colorisés à partir d'observations réalisées avec des filtres interférentiels. Dans un premier temps, le dessin est fait classiquement, tel que la méthode décrite ci-dessus, avec une vision naturelle sans filtre. Cette vision est reproduite au crayon noir.
L'objet est ensuite observé avec un filtre OIII. Quelques détails supplémentaires apparaissent, d'autres sont accentuées, des structures filamenteuses s'affirment, l'image gagne en contraste. Le dessin est alors complété de ces nouvelles informations avec un crayon violet.
Puis l'observation se termine avec un filtre H-béta. De même, d'autres zones apparaissent, d'autres détails sont accentués et ils sont reproduits sur le dessin avec un crayon vert.

Le choix des couleurs
Ce choix permet une bonne visibilité des tracés sous la lumière rouge et une fois passé en négatif, le dessin prend un aspect colorisé qui n'est pas dénué de sens. Il est facile de trouver exactement la bonne nuance en étudiant soigneusement les négatifs de photos de nébuleuses. Au besoin, les couleurs obtenues sont corrigées et affinées avec un logiciel de traitement d'image pour obtenir une teinte plus satisfaisante avec un outil du genre "remplacement de couleur".
S'il est logique que la vison avec le filtre OIII soit retranscrite en vert, ce qui est sa couleur spectrale spécifique, on peut s'interroger sur le choix du rouge pour le filtre H-béta qui présente une teinte bleu turquoise, assez proche du vert OIII. En y regardant bien, on remarque par analyse de clichés d'objets nébuleux que les zones qui émettent en H-béta émettent aussi en H-alpha de manière dominante, ce qui se traduit par les belles teintes rouges des nébuleuses. On peut dire de façon empirique que les zones où l'hydrogène est excité émettent dans diverses longueurs d'ondes spécifiques de l'hydrogène. Mais visuellement, nous sommes plus à même de percevoir la bande H-béta, proche du maximum de sensibilité de l'oeil que le H-alpha d'un rouge très profond à la limite du seuil de détection de l'oeil, pourtant omniprésent et dominant de ces zones concernées. En bref, là où on voit du bleu avec le H-béta, il y a du rouge à foison !
Au final, j'obtiens un dessin que - pour plagier les images CCD - je qualifierai de L, R(H-béta), V(OIII). Cela se traduit par L = Luminance, exprimée en noir et blanc, R = vision H-béta, exprimée en rouge, V = vision OIII, exprimée en vert.

Il est important de voir combien ces filtres sélectifs modifient la vision initiale. C'est tout leur intéret. Outre un effondrement plus ou moins marqué du fond de ciel, certains détails spécifiques apparaissent là où ils étaient cachés et noyés dans la lueur générale. Tous les objets nébuleux ne réagissent pas de la même façon et il est important de pouvoir essayer les diverses combinaisons. D'où la nécessité d'équiper ses instruments d'un système de passe-filtres afin des les avoir toujours à disposition d'une simple manoeuvre.



Le dessin en positif sur papier noir

Certains dessinateurs excellent dans cette pratique. Elle est souvent utilisé lors d'une mise au propre sur un papier neuf, travail réalisé après coup d'après des croquis ou des notes prises à l'oculaire. Quelques-uns pratiquent de cette façon directement à l'oculaire. On utilise du papier Canson noir, des crayons gras, des craies, des pastels, des feutres blancs. Bien que n'ayant jamais testé cette méthode, je l'envisage et suis prêt à la mettre en oeuvre à chaque observation extrême. En effet, dans les cas limites, le simple fait d'éclairer une feuille de papier blanc dégrade légèrement nos performances de vision nocturne, et cela même avec une source lumineuse de faible puissance. Un travail direct sur papier noir permet de conserver toutes ses capacités en cours de dessin ce qui est un formidable atout.

Les champs pré-étoilés

Dans le cas d'un objet complexe noyé dans un tapis d'étoiles, une trame étoilée est une aide précieuse. Si on ne se fixe comme objectif que la représentation du dit-objet et qu'on ne dispose pas d'un temps d'observation illimité, il est alors opportun d'utiliser des champs pré-étoilés. Il apportera au dessin une précision maximale, la trame étoilée étant parfaitement en place.
On peut faire des tirages d'après des cartes ou des images qu'on traitera pour n'en extraire que les étoiles. Parfois, faute de moyens d'impression à disposition, je dessine ou je décalque au feutre des champs étoilés d'après documents.
Un choix judicieux des limites de magnitude est à bien appréhender et à valider lors de l'observation. Une densité d'étoiles trop forte rend ce document difficilement exploitable car on peut facilement s'y perdre. Une solution est d'exagérer la représentation des étoiles les plus brillantes - sachant qu'il sera aisé de leur rendre un aspect plus réaliste lors de la remise a propre du dessin. Il est important que le champ soit en corrélation avec le travail qu'on projette, tant en cadrage, qu'en dimensions et en orientation. Une observation préalable permet d'analyser ces considérations. Pour les vastes objets, il m'arrive souvent de faire un rapide croquis préalable du dessin souhaité pour établir au mieux la carte de champ pré-étoilée. Le mieux serait de pouvoir disposer d'une imprimante près du télescope.
Une fois le dessin achevé et quelle que soit la technique retenue, on peut y ajouter des étoiles supplémentaires dans la limite de celles réellement perçues pour garnir un champ trop pauvre par rapport à l'observation effectuée.
Quoiqu'on fasse, il est très important de mentionner la méthode employée afin de lever toute ambigüité sur l'appréciation du travail réalisé.

Un dessin plus libre

Il est intéressant d'établir des règles pour pourvoir allègrement les contourner selon les circonstances et les besoins.
Ainsi, le gabarit circulaire qui offre rigueur dans le cadrage et précision peut vite devenir une contrainte gênante. L'objet est parfois bien petit, perdu dans le vaste champ exploré et il est délicat de représenter toutes les finesses perçues. A contrario, pour les très grands objets, c'est un handicap certain, le tracé étant engoncé dans ce corset qui n'est pas à sa taille. Pour résumer, il faut disposer de la surface de papier nécessaire afin de retranscrire toutes les informations que l'on souhaite. C'est vrai si on avait à écrire un texte, c'est aussi vrai pour faire un dessin - à moins d'être un adepte des miniatures. Aussi, je me débarrasse volontiers de ce carcan imposé pour dessiner directement sur une pleine feuille, adaptant l'encombrement de mon tracé selon les situations. Même dans ce cas, il n'est pas rare que le format A4 soit une limite contraignante. Dans ce cas, un format supérieur type A3 est parfois le bienvenu, même s'il devient encombrant à gérer l'oeil à l'oculaire.
Parfois, j'ai une approche plus globale du dessin avec une exécution rapide. L'objet est directement jeté sur le papier. Les étoiles viennent en second lieu et ne servent qu'à meubler le dessin. Si les plus faibles sont top nombreuses, je n'en note que quelques-unes dans un champ restreint et je compléterais ultérieurement d'après un document. Une fois ce préalable réalisé, il est alors bon de souligner les informations de second ordre, celles qui apporteront du détail, de l'information.
D'une manière générale, j'aime porter mon attention sur les détails dans les détails. Assimiler chaque trait à une succession de segments, appréhender leur degré de concavité ou de convexité respectif, détecter les plus fins rehauts, les nodosités, les formes particulières et plus que tout, percevoir des effets de texture, notamment les effets filamenteux des nébuleuses.

Le planétaire, en positif

Pour les planètes, je prépare à l'avance des petites fiches pré imprimées. Les dessins colorés sont directement fait au crayon de couleur, esquisse comprise. En effet, l'utilisation d'un crayon graphite salirait et griserait irrémédiablement le dessin. L'esquisse est faite avec une nuance très claire, les corrections avec un ton un peu plus soutenu. Ces traits de construction disparaîtront lors de la mise en couleur finale. Pour l'opposition martienne de 2005, j'ai utilisé l'aquarelle pour la mise au propre finale. Ca change un peu.

esquisse après 30 mn de travail à l'oculaire résultat finalisé le lendemain