L  e    B o u v i e r     (Boo)

B o o t e s     (is)         (907 degrés carrés)


    Est-il constellation plus facile à trouver – hormis la Grande et la Petite Ourse, Cassiopée peut-être...? Le Bouvier  : "le gardien des boeufs", des 7 boeufs qui autrefois ornaient les régions arctiques de la voûte étoilée, "7 boeufs" - romains d'origine  - transformés pour nous en Ourse des neiges  : la Grande Ourse précisément... Les temps ont changé.
    Scrutant la zone qui s'étale avec nonchalance derrière la Grande Ourse - derrière sa queue - une étoile bientôt s'impose : "Arcturus" de son nom, orange de son état. Il paraît qu'elle surpasse Véga par en éclat (apparent), de peu certes... éclairant nos nuits printanières, puis estivales...  Arcturus : ce nom aux consonnes si sonores, que signifie-t-il ? - "La queue de l'Ourse", a-t-on cru, "arctos-oura". Amusez-vous en effet à prolonger la queue de l'Ourse  : vous tomberez sur elle ! Sauf... qu'il s'agit d'un  tout autre mot grec : "arctos-ouros"  : le "gardien de l'Ourse" (arktos = ourse, d’où le mot arctique  ; ouros = gardien , du verbe oraô = voir, surveiller  ; oura = queue).  Je veux bien...

    Arcturus trouvé, dessinez vous-même le corps du Bouvier : comptez 6 étoiles principales, rangées en cornet, mieux  : un cerf-volant, dont Arcturus serait la pointe, au sud. Vous le voyez l'objet de vos rêves, libre et léger comme un papillon, gagnant les cimes du ciel nocturne. Voile grandiose, sensible à l'onde sidérale, n'en doutons pas... Qui a tenté l'aventure ! Le Bouvier, pardi !

    Ce jouet royal – par ses dimensions – incarne donc le corps du Bouvier  : Alpha (Arcturus) et Eta sa jambe gauche, Pi sa jambe droite, Bêta sa tête. Regardez-le conduire ses Ourses – non ses boeufs - à la baguette  : muni d'une lance ou d'une houlette, suivant les figures, qui borde la Couronne Boréale. Et elles tournent et tournent encore, infatigables, dans les sombres prairies, chacune à sa place assignée, jusqu'à l'aube naissante. Rude métier !

    Le Bouvier, le pasteur, le moissonneur, le cultivateur, le chasseur, le voyageur... tour à tour cette constellation a reçu ces noms-là. Pas étonnant que les gravures diffèrent tant à son sujet ! Sur les atlas du XIXème, il tient dans sa main gauche la faucille du moissonneur - aux étoiles proches de la queue de la Grande Ourse - sur sa droite la houlette ou la lance, une gerbe de blé couchée à ses pieds. Virgile conseille de labourer à l'époque d'Arcturus, mais de semer les lentilles au temps de son coucher ! Marins, ne sortez pas lorsque l'étoile se lève, moins encore si elle s'en va coucher, car elle attire avec elle la tempête ! C'était vrai sans doute du temps d'Homère, d'Hésiode... où la saison des pluies coïncidait avec cette étoile. Depuis la précession a quelque peu changé la donne...

bouvier


    a    Alpha  Bootis    :  Arcturus

    a  : 14 h 15 m 39 s       d  : 19° 10'  57"    Sp  : K2  III p    T  : 4500 K     (BC  : -0,7)
    m = -0,05    M = -0,31      L = 110    p = 88,85    Dist  : 37 a-l      double serrée

    Commençons par elle, "Arcturus" = "la Gardienne de l'Ourse"... Lorsque Morin, astrologue de sa Royale Majesté Louis XIII, dénicha l'étoile en plein jour, avec sa lunette astronomique, le monde entier retint son souffle. Quoi ? une étoile à midi ! Pour sûr, ces petites machines bardées de lentilles allaient changer la face du monde, et du ciel ! Nous étions en 1635. L'ère astronomique moderne commençait.

    Edmund Halley, au siècle suivant - 1717 - constata une chose non moins surprenante. Arcturus bougeait, oui, parmi ses compagnes  : elle se déplaçait... Nouveauté ! Jusqu'alors, aucun mouvement propre d'étoiles n'avait été signalé. Comparant ces mesures à celles des catalogues anciens, il vit qu'en l'espace de 800 ans, l'étoile avait parcouru une distance égale au diamètre de la Lune  : 30 minutes de degré ! chemin qui brouillait les cartes, dûment établies, de la "sphère des fixes" !  Par an, elle dérive en effet de 2"3 sur la voûte céleste  : nombre incontournable. Le vertige gagna la communauté scientifique. A cette époque, personne ne connaissait encore la distance des étoiles, d'aucuns pensaient sérieusement qu'elles étaient bel et bien accrochées sur la sphère étoilée, à leur place immuable... Et si Arcturus se déplaçait, pourquoi pas les autres ? Et pour aller où ? Et à quelle vitesse ? Mystère... Le tournis devint contagieux. Que restait-il d'Aristote, et de son univers statique, inaltérable ? Pas grand chose... Depuis Hipparque (IIème siècle avant J.C.) jusqu'à nos jours, le "bolide" flamboyant a franchi 1°20' vers le sud-ouest. Un jour - dans 36 000 ans - il franchira l'équateur et s'enfoncera peu à peu dans les mers australes - alors qu'il est encore à 19° Nord ! Nouveaux cieux, nouvelle terre, assurément...
 
    Outre ce déplacement tangentiel, Arcturus possède aussi un mouvement radial  : elle se rapproche de nous à la vitesse de 5 km/s. La composition de ces deux mouvements indique que l'astre se dirige obliquement vers la Terre, à la vitesse réelle de 120 km/s. Par an, combien de kilomètres ?...! D'autant plus intéressant qu'Arcturus est une étoile proche : 37 a-l !

    "Beau feu de camp, qui égaies nos nuits, raconte-nous ton histoire... Parle-nous de ton monde... dis-nous qui tu es...... Sais-tu qu'en éclat, tu es l'étoile la plus brillante de l'hémisphère nord , plus brillante que Véga, ta rivale ? Tu entres dans le clan très réduit des étoiles de magnitude négative  : m =  -0,05 (de justesse, il est vrai)  ; +0,03 pour Véga. Avec Sirius, Canopus et Alpha Centauri, vous êtes 4 à partager ce privilège, sur 6000 étoiles visibles à l'oeil nu. Alors dis-nous quelque chose de toi, de ta vie stellaire... "

    - "Vous le voulez vraiment ? Eh bien, soit ! Concédo ! Certes, le Soleil qui régit votre monde planétaire possède sur moi un léger avantage  : sa température de surface l’emporte sur la mienne : 5700 K pour 4500 K dans mes feux. Mais, ce détail mis à part, je la surpasse en tout ! - excusez ma franchise...

    - "Je suis en effet classée, par vos soins du reste, parmi les étoiles géantes. Avant d'aborder l'exposé de mes charmes - sujet qui me tient très à coeur, bien sûr - je vous dois un aveu. Vous m'avez fait entrer dans le club des aînés : j'en suis flattée, et pleine de reconnaissance. Cependant, la réalité est autre. Car si je franchis la barre des nombres négatifs, c'est en raison de ma duplicité. Nous sommes deux à braver le destin, deux étoiles blotties dans le même foyer, cachées, invisibles à vos yeux trop lointains. C'est Hipparcos, votre satellite astrométrique qui a découvert le pot-aux-roses, pardon aux étoiles... Son oeil incomparable a décelé la paire. Si bien que l'ajout de mes deux magnitudes : 0,16 et 3,49 me propulse au rang des premières. Je vous devais ce mot d'explication... Hipparcos d'ailleurs, lors de son escapade céleste, a mesuré l'écartement de mes feux : 0"26. Quant à connaître leur période, vos spécialistes au sol s'exerceront sur ma flamme mouvante.

    - "Ceci étant dit, revenons à ma personne - je veux dire à mes feux. Ils brûlent comme 110  soleils, allumés au brasier des étoiles. Sur mon diamètre, 21 soleils semblables au vôtre. 4,2 masses solaires dans mon volume, ce qui me confère une densité bien faible de 0,0004. Je sais  : le Soleil fait mieux (1,4). N'est pas géante qui veut !.. ".

   
        Eta  Bootis   :  Muphrid

    a  : 13 h 54 m 41 s        d  : 18° 23' 51"     Sp  : G0 IV    T  : 5900 K    (BC  : -0,03)
    m = 2,68    M = 2,41     L = 9,2    p = 88,17    Dist  : 37 a-l    spectroscopique

    "Muphrid" = "L'isolée", bien sûr ! car à l'extérieur du cerf-volant, dans une région assez sombre, perchée sur la jambe gauche du Bouvier, tel un ruban accroché à ce voilier des grands larges... Dans sa course diurne, elle précède Arcturus, annonçant dès lors la brillante étoile. Remarquez sa distance  : celle même d'Arturus, 37 a-l. Compagne sidérale... Deux étoiles composent son rayon lumineux  : astres spectroscopiques. En 1 an et 4 mois (494,173 jours), ils décrivent une orbite complète l'un par rapport à l'autre, écartés comme la Terre l'est du Soleil, sensiblement... . La principale s'est parée de jaune pour cette danse stellaire, la seconde de rouge, semble-t-il... 9,2 soleils s'échappent de ce joyeux duo.
    "L'isolée" Muphrid ? Allez donc ! l'apparence est trompeuse...


    e    Epsilon  Bootis  :  Izar ou  La "Pulcherrima"

    a  : 14 h 44 m 59 s      d  : 27° 04' 27"    Sp  : K0  II-III et A0     T : 4900 et 10800 K
    m = 2,35    M = -1,69      L = 400    p = 15,55    Dist  : 210 a-l  (BC  : -0,6 et -0,4)     double

    "La "Pulcherrima" = "La plus belle"  : selon Wilhem Struve  ; nom latin. Qui douterait de sa beauté ? Regardez-la à l'oculaire ! Deux feux jaune d'or et bleu turquoise mêlent leurs flammes pour ravir l'observateur. Belle, vraiment ! Entre les deux, un espace minime, du moins en apparence : 2"87. Magnitudes des composantes : 2,65 et 4,85. Ont-elles tourné depuis qu'on les observe ? Pas vraiment, insuffisant du moins pour qu'on puisse établir une orbite.

    A quelle distance demeures-tu, belle étoilée ? - "A 210 a-l, bien loin de votre globe bleu. Aussi mes feux, que vous voyez si proches, se tiennent en fait à distance respectable, encore inconnue de vous autres... Patientez, un jour vous saurez tout... Quant à mes fourneaux, ils brûlent comme 400 soleils rassemblés en un seul : 300 pour le plus grand, 100 pour le secondaire. 22 millions de km s'étirent sur le rayon du premier, 3 ou 4 sur le second, pas davantage. Quel plaisir dans cet échange constant de nos corps flamboyants ! Un délice ! Etre deux, unis par ce lien indéfectible de la gravité, n'est-ce pas ce que l'on pourrait appeler la plénitude de l'être ?... "Toutes choses vont deux par deux, dit le sage, Il n'a rien fait de déficient." (Ben Sirah). Alors, les étoiles simples ?... – Mais elles ont des planètes !... Compagnie tout aussi agréable...
    "Izar" est le nom arabe de cette étoile et signifie les "Hauts-de-chausse". On en portait en cette lointaine époque, Bouvier compris !


    g    Gamma  Bootis   :  Seginus.

    a  : 14 h 32 m 04 s       d  : 38° 18' 30"     Sp  : A7  III    T  : 8000 K    (BC  : -0,1)
    m = 3,04    M = 0,96      L = 35     p = 38,29    Dist  : 85 a-l         double

    "Seginus" : nom latin par excellence, semble-t-il. Eh bien non ! Ce pseudo-latin dérive en fait d'un nom arabe qui veut dire le "crieur". Crier, il le faut pour gouverner si bien le troupeau des étoiles. N'entendez-vous pas un écho lointain ?...

    Alors, écoutons-la, cette voix. Que dit-elle ? "Par ici, par ici, suivez-moi, les yeux fixés sur ma lanterne, dans cette nuit profonde et noire ! Sous vos pas, 35 soleils, pour éclairer la route, et tout blancs de surcroît... suivez-moi, long est le voyage, sombre l'espace... Dans mon phare 3 rayons solaires, en réserve 2,7 masses solaires ! Allez, gardez la cadence. Pour l'heure notre compteur marque 85 A.L."
    Une étoile de faible éclat (m = 12,7) accompagne Seginus à 33"4 d'écartement. Difficile à voir.

    d    Delta  Bootis

    a  : 15 h 15 m 30 s       d  : 33° 18' 53"     Sp  : G8 III    T  : 5000 K    (BC  : -0,4)
    m = 3,46    M = 0,69     L = 45    p = 27,94    Dist  : 117 a-l    un compagnon
   
    "Moi,  je me suis posée sur l'épaule droite du bouvier, comme un oiseau sur une branche, alors que "Seginus" pérore sur l'épaule gauche. J'écoute sagement la leçon de ce savant guide des astres. C'est promis : je resterai très sage sans dévier ni à droite, ni à gauche du chemin qu'il a tracé pour moi. Pour l'instant, je me trouve à 117 a-l. Ma robe dorée, parsemée de paillettes, scintille sous mes feux réunis : 45 soleils. Mon ventre grassouillet abrite 10 rayons solaires, ce qui fait de moi une géante de  3  masses solaires.  A moi le ciel et son vaste domaine !
    Je suis accompagnée par une petite étoile de magnitude  8,7 qui se tient à 104"9 de mes rayons. J'apprécie beaucoup sa présence en ce monde trop vide."


    b    Bêta Bootis  : Nekkar

    a = 15 h 01 m 56 s    d = 40° 23' 26"     Sp  : G8  III    T  : 5000 K    (BC  : -0,4)
    m = 3,49    M = -0,64      L = 150      p = 14,91    Dist  : 220 a-l        simple


    Moi, "Nekkar", mon nom dérive d'un nom arabe qui veut dire le "Bouvier"  : je suis sa tête, tête bien faite et bien pleine, qui règle exactement le mouvement des astres, tel un pâtre émérite. La "mécanique céleste", je connais, j'en suis le savant maître et le fidèle exécuteur. Si d'aventure, il arrivait qu'une loi vous échappe, venez à moi... je vous expliquerai... j'habite à 220 a-l... "

    "Il paraît que je ressemble à Delta Bootis, la précédente. Ceci d'après mon spectre. Cependant, cependant, mon éclat est triple : 150 soleils ! Vous-même me donnez 19 rayons solaires, et 4,4 masses solaires  ; avec ce tour de taille,  ma mine est autrement réjouie !

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