L a     C o u r o n n e     B o r é a l e     (CrB)
C o r o n a   (ae)     B o r e a l i s  (is)     (179 degrés carrés) 


    "Ariane, enlevée par Thésée et abandonnée sur le rivage de la mer, assourdissait les échos de ses plaintes. Bacchus vint à son secours, et, pour qu'elle brillât d'un éclat immortel au milieu des astres, il détacha la couronne de son front et la lança dans les cieux. Tandis qu'elle traversait rapidement les airs, soudain, les pierreries dont elle était parsemée se changèrent en autant de feux, qui se fixèrent dans l'Empyrée et conservèrent la forme d'une couronne.  Sa place est entre Hercule à genoux, et celui qui porte le serpent (Ophiucus)."
 
    Exact, Ovide qui a écrit ce texte, ne s'est pas trompé : cette constellation dessine bel et bien une couronne semi-circulaire, très facile à trouver. Elle borde le bouvier, à l'est de celui-ci, visible dans le ciel de printemps et d'été.
 
    Une étoile se détache de cette ronde harmonieuse, "Margarita" (mot grec)  =  "la Perle", "Gemma" en latin, le joyau rare qui éclaire le front d'Ariane, cette perle que les chinois découvraient dans leurs huîtres et exploitaient pour le commerce. Aussi donnèrent-ils à cette constellation le nom de : "Coquille de l'huître". On peut y voir cela... On y a vu aussi "L’Ecuelle des pauvres, ou des orphelins" (en arabe), la "Couronne de Vulcain",  façonnée par ce Dieu du feu, bien sûr, le "Diadème du ciel", la "Couronne de Thésée"...

    Le 13 mai 1866, monsieur Courbebaisse, astronome français, assis sur la terrasse de son observatoire, examinait, comme à son habitude, le ciel des fixes... Soudain, il aperçut, dans la Couronne, une étoile presque aussi brillante que la Perle (magnitude 2 environ).  Illusion ? Réalité ? Il se frotta les yeux. Elle étincelait au sud de l'étoile Epsilon (e). T sur la carte. "Serai-je en présence d'une étoile nouvelle ?"  Son coeur se mit à sauter dans sa poitrine trop étroite pour contenir l'émotion qui l'étreignait.  La veille, le ciel était couvert, le plafond bas, il n'avait rien observé. Mais l'avant-veille, il jura ses grands dieux qu'aucune étoile particulière ne brillait en cet endroit. "Je courus annoncer la nouvelle à ma famille.  - Eh, me répliqua-t-on, ce n'est pas possible, c'est une illusion !  - Venez la voir vous-mêmes.  - Il fait trop froid...   Je les entraînais sur la terrasse ; ces dames la virent comme moi".  Ce n'était pas un rêve mais la réalité que les cartes déployées confirmaient tout à fait. "Je vous en fais marraines, dis-je en riant. - Donnons-lui votre nom, me répondirent-elles. - Mon nom ne signifie rien, il faut lui donner un nom qui rappelle l'une des aspirations de l'époque. - Eh bien, dirent-elles, qu'elle se nomme "Pax", la paix ! - Très bien, dis-je, d'autant plus qu'elle pourrait être d'un bon conseil pour une "couronne boréale" (Guillaume II) inquiétante pour la paix de l'Europe". "Mais la pauvre pax, conclut-il, a été aussi éphémère au ciel que sur la terre."

    Oui, éphémère  : 9 jours après cette soirée mémorable, elle disparaissait aux regards. Mais quand, à quel moment précis, avait-elle surgi du néant ?  Il faisait beau la veille au soir, en Angleterre, et l'astronome Birmingham, observateur confirmé, ravit au français l'honneur de la découverte.  Non pas qu'il l'ait vue s'allumer, mais briller d'un feu plus intense encore que ne l'avait vu Courbebaisse.
 
    La guerre de 1870 passa par là, et vit notre défaite cuisante... Adieu l'Alsace et la Lorraine ! En 1946 - au diable Hitler ! - l'astre au nom éphémère rejaillit comme un doux présage d'une paix durable, après le débordement des passions sanguinaires. Il brilla intensément pendant quelques jours (m = 2), pour retomber rapidement au rang des étoiles de dixième magnitude (10,8).  On a noté depuis deux sursauts d'éclat de moindre intensité, en 1963 et 1975.

    L'analyse spectroscopique est formelle. T Coronae Borealis, (A.D.= 15 h 59,5 m , Déc = 25°55') est une étoile "symbiotique"  : composée de deux astres si proches, qu'ils échangent en permanence une partie de leur substance. Que se passe-t-il donc pour que s'allume à intervalles plus ou moins réguliers ces flammes célestes ? Le mécanisme des "novae récurrentes" est aujourd'hui bien connu. Pour qu'il se produise, il faut que l'une des étoiles soit géante, l'autre naine, mais pas n'importe quelle naine : une "naine blanche", ces étoiles qui ont arrêté leurs réactions nucléaires et survivent désormais comprimées sur elles-mêmes. Autre condition impérieuse : la proximité des deux corps, qui va permettre un échange de matière. Si ces trois ingrédients sont réunis, la réaction de cette alchimie céleste se fera sans problème. Les couches externes de l'étoile géante rejoignent d'abord le "point de Lagrange" - cette frontière qui limite le champ gravitationnel d'une étoile. Elles s'engouffrent alors dans le camp voisin, et s'en viennent tourbillonner autour de la naine blanche. Un disque d'accrétion se forme rapidement. Apprécie-t-elle cet assaut, la petite étoile ? Pas du tout ! Gavée de cette substance nouvelle - de l'hydrogène surtout - elle finit par rendre tout ce qu'on l'a contraint d’avaler. Evidemment bien sûr, il fallait y penser... Croyez-vous qu'elle se contente de vomir ? Que non pas ! Une étonnante réaction s'opère dans cette indigestion. L'hydrogène, échauffé par sa course folle, tassé à la surface de l'étoile, entre en fusion, d'où ce sursaut d'éclat spectaculaire. Dans cette explosion nucléaire, l'étoile voit son disque d'accrétion voler en éclat sous l'onde de choc. Une fois crise passée, elle se remet, un temps durant, de ses émotions, reprend ses esprits... jusqu'à ce qu'un nouveau cycle s'amorce... que la géante rouge revienne à la charge, que l'hydrogène afflue en masse...  Et re-belote ! Impossible d'y échapper ! Telle est la vie singulière d'une nova récurrente.

    Géante rouge bien sûr  (M3III)  l'étoile principale... elle s'étire sur un rayon voisin de 150 millions de km, soit une Unité Astronomique ! Son compagnon, invisible, gravite en 227,6 jours, très proche donc. L'écart entre ces deux corps est de 1,5 UA, pense-t-on. Tout est réuni pour que jaillissent de temps à autre ces beaux feux d'artifice. A quand le prochain ?
    T Coronae Borealis se perd dans les profondeurs de l'espace, à 6500 a-l. (d'après le module de distance) Imaginez qu'elle soit à 65 a-l ! Eh ! non, surtout pas !



    a    Alpha Coronae Borealis  :  La Perle  

    a  : 15 h 34 m 41 s          d  : 26° 42' 53"     Sp  : A0 V et G5 V    T  : 10 800 et 5300 K
    m = 2,22    M = 0,42     L = 58   p = 43,65    Dist  : 75 a-l    (BC  : -0,4 et -0,10)
     algolide et spectroscopique

    Mystérieuse "Margarita", cachée dans son huître, ne laissant voir son plein éclat que tous les 17,3599 jours... Que se passe-t-il en vérité ? Deux étoiles gravitent d'un commun accord et s'occultent réciproquement, à la manière des Algolides. Occultation partielle, qui n'affecte l'éclat global du système que d'un facteur minime. La magnitude passe de 2,21 au maximum d'éclat - lorsque les deux astres sont séparés - à 2,32 lorsqu'il y a éclipse de l'une par l'autre, en l'occurrence de la plus lumineuse par la plus faible (minimum principal). Telle est Margarita  : bien visible lorsque l'huître daigne s'ouvrir entièrement – lorsque les deux étoiles sont détachées. Perles bleue et jaune, inséparables au télescope, décelables au spectroscope, dansant au gré des remous de cette mer céleste. Elles se trouvent à 75 a-l, bien loin de nos rivages. 58 soleils composent l'éclat de ce bijou stellaire. De quoi séduire toutes les filles... Mais c'est à  Ariane qu’il appartient !

    On a donné à cette étoile bien d’autres noms  : "Lucida" (latin) ou "Munir" (arabe ) = la Luisante  ; "Munir Alphecca = la Luisante de la Couronne". "Pupilla = la pupille de l’oeil"  ; "Rosa aperta = la rose ouverte"...  Joli comme tout...


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