L' Ecu de Sobieski (Sct)
Scutum (i) (109 degrés carrés)
Qu'elle est blanche la Voie Lactée en cet
endroit ! Hévélius résolut d'en faire une
constellation, même si aucune étoile relativement
brillante ne la signale. Un écu : pour tout dire un blason
en forme de bouclier, illustre désormais ce coin de ciel. Il
brille encore des exploits qu'il a vaillamment remportés. De
quoi s'agit-il ? De qui s'agit-il ?
"La queue d'un Aigle, ça ? Une queue de pie
plutôt, trop longue, inconvenante pour cet oiseau de choix ! " -
Qu'il faisait bon être astronome en ce temps-là... On
pouvait, d'un jet d'encre sur un papier couché, changer la face
du monde... Ce que fit Hévélius. Il décida de
sectionner la queue de l'Aigle pour placer là l'écu de
son idole : "Sobieski". Botté, casqué, cuirassé,
le général victorieux -devenu roi - fit une
entrée remarquée dans les cieux, après avoir
triomphé vaillamment de l’ennemi
héréditaire : les Turcs. L'Aigle royal
écorché au croupion s'étonna : "Le ciel serait-il
fait pour les habitants de la Terre ?..."
Sobieski, "Jean III" pour ses sujets, roi de
Pologne, redoutable guerrier, cavalier intrépide,
accomplit l'exploit que l'Europe attendait. La bataille fut longue,
cruelle, sous les portes de Vienne. L'armée turque, forte de 250
000 hommes, recula. Nous étions en 1683 : Louis XIV
déguisé en Soleil, Pierre 1er, dit le Grand, gouvernaient
d'une poigne de fer les terres du couchant et celles du levant.
Juché sur son cheval, Sobieski, le petit roi, écarta
seul, tout seul, le spectre du Croissant. Il était temps !
Grâce à lui, l'Europe respira ! Restait à faire
sauter les gonds de la Sublime Porte... ce sera chose faite quelques
années plus tard.
Eperdu d'admiration et de reconnaissance pour son
roi, héros drapé de gloire, Hévélius de
Dantzig lui donna un petit coin de paradis, là-haut, très
haut, dans les étoiles. Sa décision ne fut jamais remise
en cause. Bien au contraire ! Elle acquit ses titres de noblesse, en
1930, lors du partage définitif de la voûte céleste
en 88 constellations, dont : "l'Ecu de Sobieski".
Sept étoiles, noyées dans le fond
laiteux de la Galaxie, décorent ce bouclier vainqueur.
Très peu lumineuses : magnitude 4 et 5. "L'une de ces
étoiles, dit Hévélius, représente sa royale
personne, l'autre la reine, la troisième leur fille unique, la
princesse ; on voit également les quatre princes actuellement
vivants, tous immortels." Heureuse famille ! Son sort ferait bien
des jaloux...
Comment repérer l'Ecu de Sobieski ? Inutile
de compter sur la clarté de ses étoiles, présentes
par milliers, que dis-je, par millions, dans ce blason céleste.
Nous sommes en effet dans la Voie Lactée. Et c'est justement
leur grand nombre qui rend le fond du ciel lumineux. Découvrez
cet endroit très blanc, au pied de l'Aigle, (= la queue
actuelle), à 35° de hauteur lorsque l'Ecu passe au
méridien.
"Pointez une jumelle ou une petite lunette munie
d'un vaste champ, et la fascination sera complète", écrit
Flammarion. Par milliers, les étoiles jusque là
invisibles, jaillissent à vos yeux, en rangs serrés,
comme en un superbe bouquet coloré. Les compter ?
Impossible... William Herschel tenta sa chance. Il voulait savoir
combien d'étoiles peuplaient notre Galaxie. Grâce à
un quadrillage de fils très fins tendus au foyer de son
télescope, il se mit à la tâche. Sur une
étendue de 5 degrés carrés, dans la constellation
de l'Ecu précisément, il totalisa 330 000 étoiles.
Un record !
Signalons, avant de quitter cette constellation,
l'amas ouvert qu'elle contient, découvert par Messier, et
portant le numéro 11 dans son catalogue : un jaillissement de
lumières, sillonné de rubans sombres – longs
sillons de poussières - dominé en son centre par une
étoile rouge, plus lumineuse que ses compagnes - en avant plan
probablement. Superbe !