La  Flèche   (Sge)
Sagitta  (ae)       (80 degrés carrés)


    Rapide, vive, agile, perçant de sa pointe aiguisée la voûte étoilée, La Flèche a décidé d'explorer l'infini, ses brillants paradis, aux rives enchanteresses. Lancée dans l'espace sidéral par les anciens, ceux-là même qui du temps de la civilisation mycénienne (2700 av. J.C.) nommèrent les constellations boréales, pense-t-on - eux-mêmes les copiant (pour beaucoup) sur les Babyloniens - elle a parcouru depuis cette lointaine époque une distance considérable, première messagère de notre planète bleue, vaisseau spatial rudimentaire, mais d'une fiabilité exemplaire avant l'heure de l'astronautique moderne. Fidèle, elle nous envoie toujours, grâce à ces 8 étoiles principales des nouvelles de son étonnant voyage.

    "La constellation de la Flèche ignore corde autant que maître", disait le poète Aviénus. Depuis longtemps, elle a fait sauter les amarres de l'arc qui la sous-tendait, et vogue désormais seule, n'occupant sur le ciel qu'une toute petite surface. Elle rivalise en dimension avec la Croix du sud et le Petit Cheval : c'est à celle qui occupera le moins de place. A ce jeu la Croix du Sud est reine, suivie du Petit Cheval.  Trouverez-vous la Flèche aisément ? Oui ! car sa forme la trahit. Quatre étoiles composent l'arme proprement dite (Alpha, Bêta, Gamma, Eta). Vous la voyez passer entre le Cygne et l'Aigle,  tournée vers l'Orient, quittant à tout jamais le lieu qui l'a vue naître : la Voie Lactée.

    Il n'y a aucune étoile brillante dans La Flèche. Cependant l'une d'elle excite beaucoup les neurones des astronomes ; il s'agit de : "FG Sagittae". (FG)
    Cas unique dans les annales astronomiques  : jamais nous n'avions vu une "nébuleuse planétaire" rejaillir de ses cendres  ; leur noyau mis à nu semblait irrémédiablement condamné à une extinction progressive : perte de diamètre, refroidissement lent mais progressif, vouées, croyait-on, à l'entropie la plus certaine, réduites au final au stade amorphe de "naines blanches". Or le coeur de "FG Sagittae", (aux coordonnées 2000  : A.D. = 20 h 11,9 m et déc = 20° 20'), cliniquement mort, s'est remis à battre. Miracle ! Oui, à la fin du XIXème siècle ! Son rythme, depuis, s'est accéléré. De magnitude 13,6 en 1890, elle atteignait la magnitude 8,8 en 1970 ; actuellement, elle oscille entre les magnitudes 8,9 et 9. C'est aujourd’hui une étoile variable, classée aujourd'hui parmi les céphéides (depuis 1962) après avoir été longtemps irrégulière. Son amplitude, ainsi que sa période, n'ont cessé de croître. De 15 jours en 1962, sa période était de 134 jours en 1985. Son spectre a changé tout aussi radicalement. En l'espace de 30 ans (de 1955 à 85), il a traversé six "familles d'étoiles", des bleues aux oranges : (B4 à K8). Quelle chute vertigineuse de température  : 12 500 K à 4000 K ! 300 K par an ! De 20 rayons solaires en 1962, elle a vu son rayon augmenter, atteindre 90 rayons solaires en 1985 (23 ans plus tard). Boulimie inquiétante... A l'évidence, une réaction nucléaire imprévue a secoué le coeur de l'étoile. Sous l'effet de cette énergie nouvelle, l'étoile a gonflé, ses couches se sont à nouveau dilatées. Nous assistons donc en direct, et en un temps remarquablement court, à la renaissance de "FG Sagittae". Extraordinaire...

    Cette étoile étonnante est accompagnée d'une nébulosité qui s'étend sur 1,3 A.L. (soit un diamètre de 35") : restes de sa première expansion. Nébulosité ténue, d'une magnitude que l'on voudrait plus accessible : m = 14. Sa vitesse est de 34 km/s. Calculons la date probable de ce premier événement (en prenant une vitesse moyenne de 50 km/s)  : nous trouvons 4100 ans. Pas très vieux... sachant toutefois que cette étoile se trouve à 8000 a-l (2500 pc), valeur qu’il faut ajouter à notre décompte.

    Dans 10 ou 15 ans, l'étoile centrale de "FG Sagittae" aura un spectre M avancé, d'un rouge caractéristique. Verrons-nous d'autres enveloppes s'échapper de ce coeur emballé ? Déjà, une seconde éjection a eu lieu entre les années 1960 et 65, suivie d'une forte production d'éléments lourds transportés du coeur de l'étoile à la surface. Certains, tel le baryum, le zirconium, le lanthane... ont été multipliés par 25 ! Spectaculaire... Va-t-elle opérer sous nos yeux une nouvelle mue ? C'est assez peu probable...  Une brusque rechute est plutôt à craindre. Reprise par les forces gravitationnelles, elle descendrait en un temps record du stade de géante rouge à celui de naine blanche. Spectacle non moins attrayant.

    Nouvelle vie, nouvelle jeunesse, pour cette étoile unique, époustouflante, qui vient semer le trouble mais aussi l'enthousiasme dans les laboratoires d'astrophysique. Vive "FG Sagittae" !



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