Le Lion     (Leo)
Leo  (nis)     (947 degrés carrés)

                   
    "De quel Lion, parlez-vous ?"  - "Du Grand Lion. Le Petit n'est qu'un jouvenceau sorti tardivement des reins de son père." - "J'entends bien, mais parlez-vous du Grand Lion des Anciens ?" - "Des Anciens ? Serait-il différent ce Lion-là du félin de nos atlas, grandiose, au coeur de feu, la crinière fringante et... la queue basse." - "Vous ne savez pas, qu'autrefois, il était deux fois plus grand ?..." - "Eh non ! Eudoxe, Hipparque, Ptolémée, le décrivent, ce me semble, comme nos cartes actuelles !" - "Oui d’accord, mais les Babyloniens non ! eux qui, deux à trois mille ans plus tôt, l’inscrivaient sur la voûte étoilée." - "Alors ? Comment le voyaient-ils ?" - "Eh bien, considérez le ciel et dites-moi : quelle constellation précède le Lion dans sa marche nocturne." - "Le Cancer." - "Exact ! "Karkinos" pour les grecs, "le Crabe" pour tous les francophones... Eh bien, cette constellation n'existait pas dans les premiers temps du Zodiaque." - "Vous voulez dire que le Lion s'étendait jusque là ?" - "Vous avez compris ! Les yeux du Crabe étaient les mâchoires du Lion (Gamma et Delta Cancri), les pinces (Alpha et iota) marquaient son front et sa patte avant. Savez-vous qu'au Xème siècle de notre ère, les Arabes les appelaient "Les étoiles du Lion" ?" - "Tout bien pensé, cher maître, votre explication me comble d'aise... cette constellation du Cancer, si faible, si quelconque..." - "Eh, oubliez-vous, mon cher, que c’est mon signe du Zodiaque !... Il fallait bien douze constellations pour satisfaire aux douze mois de l'année !... Mais revenons au Lion.  Il s'étendait comme je vous l'ai dit, vers l'ouest, mais aussi vers l'est." - "Comment cela ? Il ne pouvait tout de même pas engloutir l'élégante et puissante Vierge ?" - "Non ! mais de ses pattes arrière, il empiétait sur son domaine, et sa queue atteignait jusqu’aux boucles de Bérénice !" - "Oh ! Est-ce possible ?"- "Oui ! Eratosthène place encore "les sept obscures"  : les 7 étoiles faibles des cheveux de la princesse dans la constellation du Lion." - "Ca alors ! Je ne le savais pas !"...

    Voici notre Lion rendu à ses vraies dimensions. Il convenait de lui faire justice... Bien sûr, le Bélier dans son maigre pâturage, le Crabe sur sa plage étroite, la Balance aux plateaux exigus grignoteraient volontiers l'immense propriété du Roi des animaux... Avec la Grande Ourse, l'Hydre femelle, Orion et la Vierge... il règne par son étendue, et la beauté de sa forme. Pour le trouver, rien de plus simple : il a établi son territoire sous les pattes de l'Ourse  : la Grande. Sa tête sort la première du gîte oriental, dès le mois de Janvier. Puis son corps tout entier se faufile dans les ombres nocturnes. Sa saison préférée : le printemps. Il ne gagnera son repère à l’ouest, qu'aux heures tardives de l'été, accompagnant à pas lents le mouvement annuel. Dans sa marche, la noblesse ! Dans sa carrure, la puissance ! Il occupe 30° en déclinaison, 4 h en ascension droite (de 9 h à 12 h), le Lion actuel, j'entends.  Son coeur "Régulus" flamboie comme une torche, prêt à séduire le promeneur. Dénébola - la queue - ferme la marche, à l'Est. La patte arrière, paresseuse, glisse très bas sous l'écliptique. Au total, 947 degrés carrés : superficie immense...

    Un lion  : pouvait-on dessiner là autre chose ? Il y est, voilà tout ! Les Grecs l'identifièrent avec le Lion qui, jadis, ravageait la vallée de Némée. Un ogre ! Qui tuerait l'insatiable ?  - "Hercule !", ordonna le roi de Tyrinthe. Armé de sa massue, ayant pour seul atout sa force et son courage, il frappa l'animal. Le coup bien asséné lui fut irrémédiable. Les grands bois de Némée retrouvèrent le calme, et l'on put à nouveau s'y adonner aux jeux.

    "Juda est un jeune Lion...Il s'est couché comme un lion. Qui le fera lever ?..." Cette bénédiction de Jacob (Gen.49) sur son fils Juda - ancêtre du Messie - était-elle, oui ou non, inscrite dans les cieux ? Oui ! disent les Hébreux  : chaque année – et aujourd'hui encore - ils attendent le retour du félin, comme le Sauveur ! Pour les disciples du Christ, ce Lion est celui de Daniel, jeté dans la fosse  : lion affamé et paisible, doux comme un agneau, pour le prophète injustement livré... Reste les astrologues  : ce signe revêt pour eux toutes les faveurs, toutes les grâces  : puissance, fortune, honneurs... heureux qui est né sous ses auspices ! Seul point noir – il y en a un tout de même - plutôt brillant  : le Soleil passait naguère dans cette constellation aux plus fortes chaleurs de l'été. Canicule, insolation, brûlures... Le Lion fut dès lors associé à la force intrépide d'un soleil de plomb.



    a    Alpha  Leonis  : Régulus

    a = 10 h 08 m 22 s       d = 11° 58' 02"     Sp = B7  V    T = 15 000 K     (BC  : -1,04)
    m = 1,36    M = -0,52    L = 140    p = 42,09    Dist  : 77 a-l     3 compagnons

    Vous voulez savoir où circule l'écliptique  : la route du soleil ? Regardez Régulus. La nuit, son phare bleuté éclaire ce trajet somptueux  ; puis regardez "l'Epi" de la Vierge, car elle emprunte aussi ce grand axe. Toutes deux - les plus brillantes sur cette ligne imaginaire - se suivent sagement, le Lion commandant la marche. Ce "Petit Roi" = Régulus, borde les plages de la grande avenue à 30 minutes de degré seulement, alors que l’Epi s’en écarte de 2°. Copernic latinisa le nom que lui donnaient les grecs : "Basiliscos" = "le Petit Roi". A cette étoile, toutes les faveurs :  beauté, puissance, réussite, bonheur... Les Chaldéens et les Babyloniens réglaient leur calendrier sur l'apparition de sa flamme. Sur elle, clepsydre en main, ils déterminaient les jours équinoxiaux et les solstices. Ils firent plus : ils mesurèrent sa longitude. Quel angle la séparait du point vernal origine ? Grâce à leurs astrolabes et bâtons de Jacob, forts de leur acuité visuelle, les Babyloniens trouvèrent 92° 30'.
     Les Grecs, mieux équipés, plus méthodiques, reprirent les mesures. Timocharis et Aristillus trouvèrent : 117° 54'. Ceci, au troisième siècle avant notre ère. Au siècle suivant, Hipparque de Nicée entreprit quant à lui de cataloguer les étoiles les plus brillantes : un millier. Un record pour l'époque ! Régulus y tenait sa place, dans les premiers rangs. Comme chacune de ses compagnes, il la mesura : 119° 50'. Il répéta l'opération, même résultat. 2° d’écart avec la mesure des Grecs, 27° avec les Babyloniens ! Mais pourquoi donc ?... Il s’attaqua bien vite à l'Epi de la Vierge (Alpha Virginis), et constata la même dérive, et dans les mêmes proportions. Que se passait-il ?... Une loi céleste, inconnue, avait-elle modifié le décompte ? "déréglé" l'horloge sidérale ?... Laquelle ?... Il chercha. Il accusa bientôt la Terre : son axe réputé immobile ne l'était-il pas. Rien d’étonnant, dans ces conditions, à ce que les coordonnées des astres changent, liées qu’elles sont aux pôles terrestres ! Hipparque découvrait, ce faisant, ce que l'on nomme aujourd'hui la "précession des équinoxes"  : le pivotement de l'axe terrestre qui chaque année précipite le printemps... Il l’évalua à 36 secondes de degré,  dans le sens rétrograde. Les mesures modernes donnent 50"25, soit 20 minutes grignotées sur l’année. Un petit rien, une bêtise, mais qui, au bout d'un siècle, modifie notablement la carte des étoiles. Bravo Hipparque !  Bien avant la lunette, tu as trouvé la fantaisie de la planète bleue, qui se plaît à jouer, comme un enfant, à la toupie ! Actuellement (an 2000) la longitude de Régulus est de 152°05' (soit 10 h 08 m 22 s). Nous avons gagné 32° depuis Hipparque. Considérable !

    Voir Régulus dans une lunette, ce fut pour les contemporains de Galilée une vraie découverte. Son champ, si riche, orné, "fleuri", décida de son sort : on la catalogua comme une étoile quadruple. Réellement quadruple ? Je doute que ses trois compagnons lui soient physiquement liés, vu leur grand écartement (177" et 217", le plus proche des deux est une paire à 2"5 d’écartement).

    Qu'il est aimable ce Petit Roi, vêtu d'un manteau bleu azur. 140 soleils jouent dans ses franges, et ses boucles de feu. 15 000 K réchauffent ce coeur d'enfant. Sa masse, de l'or  : 5 masses solaires. Son rayon, de l’argent  : 2,7 rayons solaires. Densité :  0,25.  Quant à son royaume, il se situe fort loin, à 77 a-l de nos rivages.

   
    g    Gamma Leonis  :  Algieba.

    a = 10 h 19 m 58 s    d = 19° 50' 30"         Sp  : K0 III et G7 III    T  : 4900 et 5100 K
    m = 2,01 (2,49 et 3,64)    M = -0,92    L = 200    p = 25,96    Dist  : 126 a-l
     (BC  : -0,5 et -0,4)    double

    Quittons l'écliptique, et courons vers "Algieba" = "la Crinière", à la jonction du cou et du dos, belle et fringante, célèbre entre toutes ! "Gamma Leonis" : deux astres flamboyants, orangé et doré, à 4"4 d'écartement (pour l'an 2000). C'est un des plus beaux couples du ciel  : magnitudes 2,49 et 3,64.  Son orbite a pu être calculée par l'astronome Bade qui établit sa période à 618,6 ans et le demi-grand axe de son orbite vraie à 2"5, excentricité : 0,84

    "En la longueur des temps, les géantes lointaines,
    "Semblent ne pas bouger sur leurs orbes sereines.
    "L'unité de leur couple ? Un éternel bonheur !" (J. Grumel, extrait de sonnet)

    Oui, un éternel bonheur. Depuis des millénaires, le couple s'enlace. A distance, il est vrai, puisque, si l'orbite de monsieur Bade est exacte, leur écartement moyen dépasse largement les frontières de notre système planétaire : 2,4  fois. Dans leur ronde, pas d'ennui. Dans leur vie, beaucoup d'énergie. Dieu sait ! La principale brille comme 130 soleils, la secondaire comme 44 soleils.  Caresses de feu qui s'attirent et se fondent. Dialogue constant. Surfaces immenses qui se mirent dans l'éclat de leurs feux : 19 rayons solaires, et 10 rayons solaires. Géantes lointaines, et massives (4,3 et 3,1 m.s.). Rien n'ébranlera  ce couple fidèle. Il habite à 126 a-l.


    z    Dzêta leonis  :   Adhafera.

    a = 10 h 16 m 41 s         d = 23° 25' 02"     Sp = F0 III    T  : 7500 K    (BC  : -0,07)
    m = 3,43    M = -1,08    L = 230    p = 12,56    Dist  : 260 a-l      un compagnon

    "Adhafera"  : (j'ignore le sens de son nom), toujours dans la crinière du Lion. Ses rayons piquants s'enchevêtrent dans les poils soyeux du Lion, comme un graton des champs, ou bien un hérisson égaré dans la laine.  Rien à faire... Ses 9 rayons solaires ont fait leur nid dans ce duvet. Le quitter ? Pourquoi donc ? "Le lion est ma monture pour m’introduire aux jardins célestes. Nous voici à 260 a-l". "Dzêta Leonis" présente au passant astronome son corps tout blanc, très pur qui réjouit les cieux. Son éclat éblouit les yeux : 230 soleils. "Contemplez-moi !" – Oui, mais de loin, ou bien avec un filtre. Sa masse atteint 4,5 m.s, sa densité : 0,006...  "Regardez danser mon lointain compagnon"  : à 5 minutes d'écartement, magnitude 5,8.


     e   Epsilon Leonis  : Ras Elased

    a = 9 h 45 m 51 s        d = 23° 46' 27"     Sp = G0 II    T  : 5900 K    (BC  : -0,07)
    m = 2,97    M = -1,46    L = 320    p = 13,01    Dist  : 250 a-l     simple

    "Ras Elased" = "la Tête du Lion". N'approchez pas ! Cette gueule engloutit les soleils : 17 rayons solaires, multiplie sa puissance  : 320 soleils dans le gosier de ce cracheur de feu ! Il sévit loin de nous, à 250 a-l. 5 masses solaires dans ses réserves, sa densité : 0,0009.


    d    Delta Leonis  :  Zosma.

    a = 11 h 14 m 06 s           d = 20° 31' 25"     Sp = A4   V    T  : 8900 K    (BC  : -0,17)
    m = 2,56    M = 1,32    L= 25        p = 56,52    Dist  : 58 a-l     2 compagnons

    "Zosma" = "la ceinture" dans le Grand Lion des Babyloniens  ; "les fesses", selon l'expression littérale de Ptolémée. Ce sont elles que le Lion exhibe au regard du poète qui flâne sous les étoiles. La preuve : elles sont à portée  : 58 a-l seulement ! Grasses à souhait : 2,2 rayons solaires, de poids : 2,5 m. s.  Blanches, à peine bleutées, dans ce décor de rêve... 25 soleils.
    2 compagnons, à plus d'une minute de degré, risquent un cliché... Interdit !


     Thêta Leonis  :  Chertan.


    a = 11 h 14 m 14 s        d = 15° 25' 46"     Sp = A2   V    T  : 9800 K    (BC  : -0,25)
    m = 3,33    M = -0,35    L = 120     p = 18,36    Dist  : 178 a-l        simple

    "Chertan"  : (je ne connais pas le sens de ce nom), sur la hanche, à l'articulation de la cuisse et du corps. Un, deux, trois bonds, et voici l'animal propulsé à 178 a-l. L'arrêter ? Rien à faire. Ce ressort a rompu les amarres, cassé les barricades du zoo planétaire, escaladé le ciel, et oublié les hommes. Heureux !... 120 soleils activent le feu de ce moteur puissant. Diamètre  : 4 soleils. Masse : 4 soleils. Une flamme bleutée est visible à l'oeil nu.


    b    Bêta Leonis  :   Dénébola.

    a  = 11 h 49 m 03 s          d = 14° 34' 19"     Sp = A3   V    T  : 9200 K    (BC  : -0,20)
    m = 2,14    M = 1,92    L = 14        p = 90,16    Dist  : 36 a-l     3 compagnons

    "Dénébola" = la "queue du Lion". A tout prendre, mieux vaut un coup de queue, qu'un coup de griffes ou de crocs... Laissez-vous caresser par ce pinceau de poils. Oui ! profitez de la proximité de cette étoile, 36 a-l, la plus proche du Lion. Dans cette touffe, 14 soleils tout chauds. Faites le tour de cette extrémité, pressant le pas, pour apprécier ses dimensions : 1,6 rayon solaire ; voyez sa masse : 2,2 masses solaires, sa densité : 0,5. Vous croiserez en route trois compagnons de faible éclat.
    Roi de la tête à la queue !

       Eta Leonis

    a = 10 h 07 m 19 s        d = 16° 45' 45"     Sp  : A0  Ib    T  : 10 800 K   (BC  : -0,5)
    m = 3,48    M = -5,6    L = 15 000    p = 1,53    Dist  : 2100 a-l     double ?

    "Eta Leonis"  : la poitrine, fière, large, accueillante,  rassemblant sur son sein les rêves éveillés, les désirs légitimes. Allez-y, racontez lui vos peines et vos petits secrets, comme fait un enfant à ses "peluches"... 15 000 soleils composent ce faisceau qui troue les ténèbres du monde sidéral. 2100 a-l nous séparent de son point d'origine, une grande distance ! Alignez bord à bord 42 soleils, et vous aurez une idée juste de son diamètre. Comptez-en 16 et vous apprécierez sa masse. Densité : 0,0002. Cette étoile aurait été vue double, à 0"1. Duplicité à confirmer.


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