Le  Taureau    (Tau)
Taurus  (i)      (797 degrés carrés)


    Il me faut prendre le Taureau par les cornes !  Exercice périlleux ! Avez-vous déjà vu les cornes de ce Taureau céleste ? Ouvrage immense, démesuré... Leur extrémité gît à plus de 20° du crâne ! Elles couvrent, à elles seules, une surface égale au Taureau tout entier ! Tournées délibérément contre le géant Orion, elles le menacent d'un coup fatal. Parviendra-t-il à maîtriser la bête ? Sa lourde massue parait bien dérisoire !

    Quant à moi,  je dois dompter l'animal pour vous l'offrir en pâture. Rude tâche !

    Quand il se lève, sa queue apparaît la première. Inutile de la chercher en été. C'est au mois de septembre qu'elle commence à sortir de l'horizon Est, le soir, pour briller jusqu'au mois d'avril suivant.  Le nom de cette queue : "Les Pléiades", amas célèbre entre tous ! (1)  Repère immédiat sur la voûte étoilée, que les Anciens surent exploiter. Et pour cause ! Figurez-vous que les Pléiades, il y a plus de 4000 ans passaient par le méridien origine du ciel (0h), et se trouvaient, qui plus est, à la jonction de l'équateur et de l'écliptique (0°). Si bien qu'à l'équinoxe d'automne, elles culminaient à minuit.C'est pour elle que les Egyptiens construisirent le couloir sud de la grande pyramide de Khéops. Ce jour-là, elles s'enfilaient dans l'étroite ouverture. Merveilleux ! Il était alors 0h, à l'heure sidérale, heure des Pléiades.

    "Les Pléiades"... Quel rôle primordial cette "grappe juteuse" a joué dans les temps reculés ! On n'en a plus idée aujourd'hui. Lors des premiers temps du "monde", du monde humain j'entends, historique bien sûr, l'année commençait avec le lever matinal des Pléiades au printemps, l'automne avec leur lever vespéral. En Egypte, en Chaldée, chez les Hébreux... le mois de novembre portait leur nom  : "Athor" en égyptien, du nom de la déesse. De grandes festivités honoraient leur apparition  : on célébrait ce signe prometteur, non seulement au Moyen Orient, mais aussi en Australie, au Pérou, au Mexique... En Polynésie, l'année connaissait la même division : la première moitié s'appelait "les Pléiades dessus", l'autre moitié "les Pléiades dessous". Pas compliqué le calendrier ! Les Latins, qui s'intéressaient surtout à leur lever matinal, les appelaient "Vergiliae" : "les astres du printemps". Les grecs les scrutaient avec attention pour leurs travaux des champs... etc... On ne saurait dire combien cet amas d'étoiles eut de succès !

    "Les Pléiades", mais que signifie ce mot aux voyelles aériennes ? On s'est beaucoup interrogé sur son origine. Vient-il du verbe grec "Pleïn"  : naviguer, du fait que les navigateurs attendaient leur lever printanier pour prendre la route ? On l'a dit. Il semble plus probable qu'il dérive tout simplement du mot "pléias"  : la pluralité, les "Plurielles", pourrait-on dire. Car il y a du monde, du beau monde dans cet amas, jusqu'à 500 étoiles pense-t-on aujourd'hui... On dit aussi qu'il dérive leur nom de celui de leur mère : "Pléione". Telle mère, telles filles ! Pas mal... Nos paysans l'appellent familièrement "La Poussinière", aujourd'hui encore ! Beaucoup de poussins pour une seule poule !... Appellation ancienne, puisque les Arabes parlaient déjà de "La poule avec ses petits".

    Voici que j'ai saisi le Taureau par la queue.  Malheur à moi !  Quelle idée aussi de marcher à reculons ! ... "Aldébaran", l'oeil rouge, sort enfin de l'horizon. Son nom signifie "la suivante", parce qu’elle suit les Pléiades, tout simplement. La tête de notre bovin épouse une forme triangulaire, un V couché, ouvert vers le nord-est, bien reconnaissable. C'est, lui aussi, un amas d'étoiles  : "Les Hyades", très étendu sur le ciel, saisissant aux jumelles. 6° de diamètre, pour 2° aux Pléiades. Pourquoi ce nom ? Parce qu'elles se levaient autrefois au printemps, annonçant la saison des pluies ("huein" en grec = pleuvoir) :  les "Pluvieuses" donc.

    Revenons aux cornes... Elles se lèvent en dernier, aux étoiles Bêta et Dzêta, très éloignées de la tête. La première taquine le Cocher, au point de laisser croire qu'elle appartient à cette constellation. La seconde, beaucoup plus dangereuse, menace directement Orion, le chasseur invincible. "La lutte était ardente et noire, il avait l'offensive et presque la victoire..." (Victor Hugo) Ce Taureau acrobatique passe entre 4 et 5 heures sidérales, à 20° de latitude nord. Je dois ici donner une explication indispensable. Si vous regardez le Taureau sur un atlas ancien, vous ne verrez - en général - que la partie avant de l'animal, les Pléiades caracolant sur le dos ou l'épaule de la bête. Mais lorsque, entre les années 4000 et 2000 avant Jésus-Christ, le Taureau marquait l'origine des signes du Zodiaque, il était représenté tout entier, les Pléiades dessinant la queue, comme dit ci-dessus.

    Il présidait alors, en cette lointaine époque, à la multiplication du genre humain, assistant à l'explosion démographique des fils d'Adam, passivement rangés sous son mode de reproduction. Quelle folle aventure ! Elle dure encore aujourd'hui... Un culte fut rendu au "géniteur suprême"  : le Taureau ! L'Egypte adorait "Apis", que l'on momifiait à sa mort. Les "Cherubim", taillés dans le marbre ou le porphyre, ornaient, gigantesques, les palais des Assyriens. Quiconque caressait leurs ailes se savait béni. Même les Hébreux coulèrent le veau d'or et se prosternèrent sottement devant son échine. Plus tard, Julien l'apostat - l'empereur - dans une cérémonie idolâtrique sans précédent, voulut être baptisé dans le sang tout chaud d'un taureau. Il en devint plus bête qu'avant. Aujourd'hui encore, l'Inde vénère ses vaches pendant que la famine s'étend sur ses terres. L'Espagne délire lorsqu'un taureau s'ébranle dans l'arène chauffé à blanc. Nîmes porte en triomphe son "veau d'or" sur une stèle énorme, aux pieds des boulevards. On n'en finirait pas d'énumérer ces cas de folie collective... Même culte, même idolâtrie, aujourd'hui comme hier...

    Revenons aux Pléiades, où se joue le drame de cet épisode céleste. Au nombre de neuf étoiles (7+2), visibles à l'oeil nu, elles regroupent dans cet étroit habitacle une famille entière : celle du géant Atlas et de sa femme Pléione, avec leurs sept filles. Que font-ils ici, dans la queue chevelue du Taureau, transfigurés en étoiles ? On raconte qu’un jour, alors que maman promenait ces filles dans les forêts de Boétie, qu’elles rencontrèrent Orion, le chasseur redoutable. "Dieu ! qu’elles sont belles !" se dit-il. La flamme d’un amour passionné s’alluma dans son coeur, pour elles toutes ! Pendant 5 ans, il usa de tous les artifices pour les séduire. Rien à faire ! Non seulement elles refusèrent ses avances, mais elles se transformèrent en colombes, lorsqu’il voulut s’emparer d’elles. Ainsi libérées de la pesanteur terrestre – en partie – Zeus acheva leur mue définitive en les transformant en étoiles. Il s’était ému de leur sort.
 
Au ciel que voyons-nous ? La suite du combat, semble-t-il... Regardez Orion - toujours lui ! Il brandit sa massue de la main droite, une toison dans la main gauche, contre le Taureau précisément, qui lui, défend mordicus son trophée enchâssé dans sa queue. Qui aura la victoire ?... Le combat n'est pas simple  : la bête charge de ses cornes altières. "Alcyone", l'aînée - la plus lumineuse - tente de regrouper autour d’elle ses soeurs d’infortune. "Astérope" la benjamine - la moins lumineuse - rate son évasion. "Electre, Maïa, Mérope, Taygète, Celaene"  : les cinq autres, se morfondent dans cette étrange enclos... "Atlas et Pléione", depuis l'extrémité de cette queue, assistent impuissants au drame qui se noue. Le décor est planté... reste la scène à jouer...

    Les meilleurs yeux verront 9 et jusqu'à 14 étoiles, en comptant celles qui environnent l'amas. Galilée, avec sa lunette, en découvrit 36. Les télescopes modernes en totalisent près de 500 !

    Cet amas est visible à l'oeil nu, chose rare ! On dirait un cerf-volant, parti sous d'autres cieux. Le voici à 370 a-l - dernière mesure Hipparcos (2) , ce qui donne à son diamètre apparent (2 degrés) une dimension réelle de 12 a-l. Superbe voilure ! Comment explique-t-on l'origine de cet essaim ? - Il était une fois une vaste nébuleuse composée de poussières et de gaz - de l’hydrogène moléculaire - qui voguait sans souci dans l'espace. Quand un rayon cosmique, puis deux, puis trois... l'attaquèrent. Le précieux équilibre de sa fine texture fut rompu. Ici et là, naquirent de joyeux tourbillons qui grossirent dans le temps. Des embryons stellaires prenaient corps dans ce nuage obscur et froid : les "pré-étoiles". Jusqu'au jour où le cocon noir qui les enveloppait se dissipa. Apparurent les "proto-étoiles", lumineuses, radieuses. Elles méritèrent leur titre définitif "d'étoile" lorsque craqua en leur coeur la première allumette nucléaire. La boite à bijoux était née, superbe ! On pense que ces diamants, bleus, très chauds, massifs, en mouvement de rotation très rapide, ont 50 millions d'années, pas davantage. La plaque photographique fait apparaître les nébulosités qui les environnent comme d'un écrin et rehaussent encore leur éclat.  (3)

    Voyons maintenant la Tête de l'animal : l'amas des "Hyades". Il a connu le même processus de formation, mais beaucoup plus tôt. Ces filles d'Atlas - car elles sont du même père, nées celles-ci d'une nymphe de la mer, une "océanide" - auraient 500 millions d'années. Vieilles demoiselles... Si elles couvrent, sur le ciel nocturne, une étendue si grande : 6°, c'est uniquement parce qu'elles sont proches, à 130 a-l seulement, 3 fois plus proche que les Pléiades, si bien que leur diamètre réel ne dépasse pas en fait 14 a-l  (12 pour les Pléiades). S'il est vrai que les amas dits "ouverts" s'épanchent dans le milieu sidéral et se dispersent avec le temps, comment expliquer que celui-ci ait si peu grandi par rapport aux Pléiades. Eh ! Avez-vous mesuré son diamètre initial ? Et le nombre d'étoiles qui l'habitent ? - Une centaine tout au plus, amas pauvre comparé aux Pléiades. Pas étonnant que sa dispersion soit lente !
    Les Pléiades naviguent toutes ensemble dans leur barque sidérale, en direction du sud-est, alors que les Hyades filent vers l'est. Les premières s'éloignent de  nous à 10 km/s (en moyenne), les secondes à 40 km/s.

    La "nébuleuse du Crabe", vous connaissez sans doute... Très belle à l'oculaire, superbe en photo ! Lorsque cette étoile - car c'en est une - a explosé, la Chine fut en émoi ! C'était le 4 juillet 1054, année du "grand schisme" (4) . Ce jour-là, deux guetteurs, préposés à l'observation des astres, surveillaient l'horizon. Soudain, l'un d'eux vit surgir, se levant à l'est, aux premières lueurs de l'aube, un astre si lumineux qu'il resta visible tout le jour. Stupeur ! Admiration ! Les deux hommes bondirent au palais :  "Majesté, un heureux présage... un heureux présage !..."  Et de raconter ce que leurs yeux avaient saisi. L'astre resta visible en plein jour pendant 23 jours, dans le Taureau, puis il déclina jusqu'à disparaître complètement 22 mois plus tard.  Qu'était-ce ?... Au XVIIIème siècle, Messier, l'astronome de sa Majesté Louis XV, repéra dans sa lunette la trace laissée par cette explosion titanesque : une nébuleuse aux formes tourmentées. Magnitude 8,4. Il ne comprit pas. Il chassait les comètes. Cette tache bizarre n'en était pas une ! Queue inexistante, déplacement tangentiel nul... Qu'était-ce ? Il catalogua l'objet dans un registre à part, lui donnant le numéro 1. Il y en aura 104 de ces "objets célestes" à la fin de sa vie, sur son registre. Au siècle suivant, Lord Rosse pointa son miroir de bronze de 1,80 m de diamètre, sur M1. Il n'en crut pas ses yeux. Des volutes de gaz, des structures filamenteuses, des formes tentaculaires, composaient la "nébuleuse du Crabe", nom qu'on lui donna dès lors, fort à propos. L'analyse de sa lumière, de son agitation interne, ne fit aucun doute : il s'agissait bien de gaz : hydrogène oxygène, azote... éjectés de la région centrale. Une supernova ? Oui ! Tout concorde  : et la vitesse actuelle des gaz (1000 km/s), et la grandeur apparente de cette nébuleuse (6' x 4'), compte tenu de sa distance : 6400 a-l. Ce flash prodigieux atteignit, pense-t-on, la magnitude apparente -6, ce qui signifie pour l'étoile, au moment du grand crash, une magnitude absolue de -17  : 400 millions de soleils en puissance. Epoustouflant ! Le diamètre actuel de la  nébuleuse est de 10 a-l.

    Qu'est devenue l'étoile centrale ?  On ne le savait pas... jusqu'à ce qu'intervienne une demoiselle, Jocelyn Bell, anglaise, stagiaire, affectée au radiotélescope de Cambridge. A l'endroit supposé de cette étoile, elle reçut un message bizarre : une série de bips, à une cadence infernale : trente-trois par seconde. Qu'était-ce ? Ces astres - on en connaît aujourd'hui plus de 500 - furent dès lors appelés "pulsars". Pourquoi pulsaient-ils ? That is the question ! Quel mécanisme entrait en jeu ? Vu en optique, le pulsar du Crabe brille comme une étoile très faible, (m = 16, 17...) légèrement variable.  Qu'y a-t-il en son sein ? Et les astrophysiciens de se chamailler : "Du fer ! puisqu'il s'agit d'un coeur d'étoile" - "Des neutrons ! parce que les électrons ont neutralisé le coeur de fer en pénétrant dans les noyaux atomiques, lors de la contraction finale." - "Les électrons ?... Mais n'ont-ils pas pris la poudre d'escampette depuis longtemps ? Ils auraient fait sauter la marmite !... Surtout que ces pulsars sont fortement magnétiques : 1012 Gauss (5)  ; une étoile à neutrons magnétique ? et à ce point !" - "D'accord, la surface est de fer, mais le coeur de neutrons." - "Facile à dire ! " - "Quant à l'étoile - ce qu'il en reste - ratatinée sur elle-même - quelques dizaines de km de diamètre – elle  doit tourner à une vitesse folle - loi du "viriel" oblige. (6)  Si bien que sa lumière est canalisée dans les lignes de force du champ magnétique  : on ne la voit qu'aux pôles de ce champ, et à condition que l'un d'eux soit dirigé vers la terre.  D'où ces flash-radio, trente-trois fois par seconde dans le cas du Crabe !" - "Fréquence folle !" – Notons que la densité de ces astres compacts  est de l'ordre de 1 million de tonnes par centimètre cube ! – Autre hypothèse  : "Pourquoi ne pas penser que ce coeur de fer - s'il s'agit de cela - très magnétique - vibre comme une corde, sous l'impact du choc qui l'a ébranlé, selon cette pulsation que l'on reçoit ?... Rappelons, pour conclure, que dans bien des cas, ces signaux s'avèrent irréguliers, leur période augmentant presque toujours avec le temps. Pour le pulsar du Crabe, sa période grandit de 0,012 milliseconde par an."
    Reste encore bien des mystères à éclaircir...

    Voilà le Taureau dépecé. Bon appétit !...


    a    Alpha Tauri  : Aldébaran

    a = 4 h 35 m 55 s        d = 16° 30' 33"     Sp  : K5  III    T  : 3700 K    (BC  : -0,9)
    m = 0,87    M = -0,63    L = 150    p = 50,09    Dist  : 65 a-l     5 compagnons

   
"Aldébaran" = "la suivante", car elle suit, dans sa course diurne, l'amas des Pléiades, sagement, posément, comme un mouton... Attention ! c'est ici un taureau  : l’oeil redoutable du bovin ! "Prenez garde, vous tous qui passez sur le chemin"...  Pour l'heure, Orion l'occupe  : quand prendra fin cette corrida céleste, ce face à face, cette lutte à mort implacable ?... "C’est l'oeil de Dieu, disaient les Hébreux, qui scrute tout, même les profondeurs du coeur"....
Alors, dis-nous, belle star, toi qui brilles plus que tes compagnes les "Hyades", est-ce toi qui gouvernes ce joyeux troupeau ? - "Non pas ! répond-elle  ; alors que mes consoeurs d’apparat se trouvent à 130 a-l, moi je demeure à 65 a-l  : deux fois plus près - pour mieux vous plaire et vous séduire ! D'où mon bel éclat de feu. Suis-je en réalité plus puissante qu’elles ? Non. Cependant considérez  : 150 soleils jaillissent de mon oeil de lumière, de 44 diamètres solaires - soit 30 millions de km de rayon ! Géante je suis ! 5 masses solaires entrent dans ma constitution stellaire, d’une densité minime  : 0,00006."

    "Vers le sud, sud-est, en route toutes, à raison de 0"20 par an, soit 20 secondes de degré par siècle  : tel est mon mouvement propre. Car Orion, le torero intrépide, m’affronte  : je me dois de contre-attaquer ! Dans mon élan guerrier, je m’éloigne de vous à raison de 54 km/s. "

    Cinq compagnons, de faible éclat, accompagnent Aldébaran dans sa course sidérale - du moins en apparence, le plus brillant de magnitude  11,1.  Vous le trouvez à 2' d'écartement. Cette petite étoile a décidé de s'échapper, dans une direction opposée, vers le Nord, grignotant 15" par siècle sur la sphère céleste. Double optique. Son composé est double, à 1"7 d'écartement (magnitude de la secondaire : 13,5).


    Eta Tauri  :  Alcyone

    a =  3 h 47 m 29 s        d = 24° 06' 18"     Sp  : B7  III    T  : 15 000 K     (BC  : -1,1)
    m = 2,85    M = -2,41    L = 780    p = 8,87    Dist  : 368 a-l     3 compagnons

    "Alcyone", la poule aux oeufs d'or. Non ! aux poussins dorés  : ils sont tous nés.  Alcyone, la grande soeur, qui joue son rôle à merveille... Console-toi, belle princesse, bientôt tu seras colombe, et plus tard étoile. - "Ca y est ! C'est fait. Me voici transformée en soleil bleu, au coeur de l'amas des Pléiades. 3 compagnons me serrent de près, ce qui m'identifie aussitôt  : ma vue au télescope est très belle. J'ai choisi de rester au coeur de l'amas, mes soeurs regroupées autour de moi  : je demeure à 368 a-l, à égale distance des plus lointaines (387 a-l) et des plus proches (334 a-l). Pour sortir de cette prison close, nous avons trouvé une astuce  ; car maintenant que nous sommes étoiles, nous pouvons fuir en douceur,  nous disperser subrepticement dans l'espace - puisque tel est l'instinct des étoiles d'amas. Vous verrez  : dans quelques milliers d'années, le Taureau aura perdu sa queue, et nous, gagné la liberté !

    Toutes mes soeurs sont  bleues, comme moi. Poussins tombés dans l'encre de la nuit, jeunes filles vêtues de ces froides couleurs. Froides ?  Vous rêvez !  Touchez ma robe : 15 000 kelvins ! 780 soleils sortent de mes plis, sans compter le rayonnement ultraviolet (2000 soleils !)  ; 8 masses solaires dans mes formes, un peu rondes, il est vrai, un peu joufflues, un peu dodues, un peu grasses... un peu...  7 rayons solaires. Ma densité est modérée : 0,028.


    l    Lambda Tauri

    a = 4 h 00 m 40 s        d = 12° 29' 25"    Sp  : B3  V et  A4  IV       T  : 19 000 et 8900 K
    m = 3,41    M = -1,87    L = 500    p = 8,81    Dist  : 370 a-l         Algolide
   
    "Lambda Tauri",  la langue, baveuse, tirée contre cet insolent fils d'homme qui ose braver sa force... bleue de colère. Muscle fourchu, composée de deux étoiles cachées dans ce petit membre. Comment les voir ? Impossible sans un spectroscope. Chair vivante, trépidante, au rythme de la danse des composantes, qui s'éclipsent mutuellement. Période  : 3,95 jours. Courte période ! Il s'agit là d'une algolide. Magnitudes de 3,3 à 3,8. 500 soleils unissent leur force pour l'emporter sur le chasseur : rêve de tout gibier... Dans ce couple, on compte seulement quelques millions de km d'un astre à l'autre. Ouragans de feu !


    Thêta 2   Tauri

a = 4 h 28 m 39 s        d = 15° 52' 15"     Sp  : A7   III    T  : 8000 K    (BC  : -0,1)
m = 3,4    M = 0,1    L = 77        p = 21,89    Dist  : 149 a-l        double optique

    La narine... je savais bien, qu'après l'oeil et la langue, on en arriverait là... Visitons donc ce naseau, le droit - le gauche apparaissant à l'étoile Delta (m = 3,76). Regardez-les tous deux aux jumelles, et admirez le champ qui les environne, peuplé d'étoiles brillantes, visibles à l'oeil nu pour la plupart. Ainsi compte-t-on trois étoiles pour le naseau gauche, deux étoiles pour le droit, celui qui nous occupe ici - doubles optiques - affichant 5'37" à son compteur d'écartement. La plus lumineuse des deux  : Thêta 2, se trouve à 149 a-l, Thêta 1 à 158 a-l. Bleue cette narine, comme la langue. De cet orifice s'échappent des torrents de... lumière : 77 soleils, chassés dans l'espace, entretenus par 3,4 masses solaires. Diamètre :  4,7 soleils. Orion, à ton bouclier !
  

    b    Bêta Tauri  : El Nath

    a = 5 h 26 m 17 s        d = 28° 36' 27"     Sp  : B7  III    T  : 15 000 K    (BC  : -1,1)
    m = 1,65    M = -1,37    L = 300    p = 24,89    Dist  : 130 a-l     un compagnon

    "El Nath" = "Le coup de corne" qui heurte, qui frappe, qui cogne, qui empale... Danger ! Gardez vos distances ! Ouf ! elle est, cette étoile, à 130 a-l. L’animal fou a flairé le matador étoilé  : Orion. 300 soleils arment cette corne titanesque, pour le combat final... 4 diamètres solaires dans ses atours, 6,4 masses solaires dans sa force.
    A 33"4 se trouve une étoile dont j'ignore la magnitude. Cherchez-la...


    z    Dzêta Tauri

    a = 5 h 37 m 38 s        d = 21° 08' 33"     Sp  : B2  IV p   T  : 21 000 K     (BC  : -2,5)
    m = 2,97    M = -2,56    L = 900    p = 7,82    Dist  : 420 a-l         simple

    Nous voici maintenant à la corne méridionale, qui semble moins agressive... N'en croyez rien ! Si vous la voyez moins lumineuse, c’est qu'elle a pris du recul : 420 a-l, pour mieux contre-attaquer. En fait, elle est trois fois plus puissante que "Bêta Tauri", la corne supérieure. 900 soleils partent à l'assaut, pour frapper le grand coup ! Ca va faire mal ! En réserve : 12 masses solaires ; en grandeur : 7 rayons solaires. Elle a forcé sur les amphétamines...


* * * * * * * * *

note 1 - La queue, oui, dans l’ancien Taureau, explication dans le texte, page suivante.
note 2 - En fait les étoiles s'étalent entre 334 a-l pour la plus proche, et 387 a-l pour les plus éloignées, soit une différence de 53 a-l. Voici les distances : Celaene  : 334 a-l     
Mérope  : 359 a-l   Maïa  : 360 a-l   Alcyone  : 368 a-l  
   Electre  : 370 a-l
     Taygète  : 373 a-l      Atlas  : 380 a-l       Astérope et Pléione  : 387 a-l
note 3 - Ces nébulosités sont en avant plan, actuellement de passage devant les Pléiades, et éclairées par elles.
note 4 - Schisme qui divisa l'Eglise d'Orient et l'Eglise d'Occident.
note 5 - Rappelons que le champ magnétique du Soleil est de 1 gauss, celui de la Terre de 0,3 gauss.
note 6 - Ne pas oublier toutefois que le mouvement cinétique de rotation a été considérablement ralenti du fait de l'explosion.