Triangle Austral, Triangle Boréal...  Comme pour la Couronne, il y en a deux, un dans chaque hémisphère. Si celui des régions australes ne remonte qu'au XVIIème siècle, celui du ciel boréal - qui côtoie la malheureuse Andromède enchaînée vive sur son rocher - est fort ancien. Fin triangle, isocèle, longuement effilé en sa pointe, baptisé par les Grecs  : "Deltôtos", de la lettre "Delta", triangulaire lorsqu'on l'écrit en majuscule. Evidemment bien sûr, il fallait y penser...

    Il faut, pour découvrir cette figure géométrique, revenir à Andromède. Celle-ci enfourche le cheval Pégase, souvenez-vous. Au sud de son corps, aux étoiles si bien alignées (Alpha, Bêta et Gamma), apparaît le Triangle, facilement identifiable. Une étoile à chaque angle  : Alpha, Bêta, et Gamma.

    3 angles, 3 côtés, bien sûr... Dans cette constellation, une galaxie portant le numéro 33, dans le catalogue de Messier. Amusant !... Il opérait, cet infatigable chasseur de comètes, en plein ciel parisien - nous étions, il est vrai, au XVIIIème siècle (1764), bien avant la pollution lumineuse. Si l'éclat global de cette galaxie reste important (magnitude : 6,7), la large dispersion de ses bras rend sa luminosité très faible. Difficile à voir dans un petit télescope. Sa surface apparente couvre deux lunes mises bout à bout (60' x 35'). Rien de mieux que la photographie pour apprécier les contours et la forme de ce monde lointain. On la voit de face, bras ouverts, deux en l'occurrence... De quoi sont-ils faits ? De "poussière lumineuse", disait déjà William Herschel. Il considérait que chaque grain brillant pouvait être un soleil...  Il ne se trompait pas  : neuf milliards d'étoiles ont élu domicile dans cette étrange hélice, neuf milliards seulement, alors que notre Voie lactée en compte au moins 200 milliards ! et celle d'Andromède 400 milliards peut-être ! " A chacun son monde, et ses fantaisies personnelles... Les diamètres, il faut dire, vont du simple au double... 50 000 a-l. pour la galaxie du Triangle, 100 000 a-l. pour la Voie Lactée  ; et 250 000 pour Andromède (1) .

    A quelle distance est-elle cette belle spirale ? A 3 millions d'a-l, aux dernières nouvelles. Très proche donc ! Pas plus éloignée qu'Andromède. Ces "fleurs" célestes, aux pétales largement éclos, baignent dans le giron maternel qui a donné naissance à notre amas local, lequel regroupe une trentaine de galaxies, dont la nôtre bien sûr. Etrange amas, animé d'un mouvement de dispersion beaucoup trop grand - 4 fois trop grand - comparé à sa masse, celle du moins qui nous est accessible. Que se passe-t-il ? Va-t-il se disperser dans "l'éther" cosmique, ou bien garder, contre vents et marées, sa structure interne ? Problème identique à celui des autres amas galactiques et jusqu'aux bras de notre propre galaxie qui tournent trop vite. Vitesse excessive ! inexplicable par la loi ordinaire de la gravitation. Une masse cachée, obscure, inconnue ?... Facile à dire tant qu'on n'a rien trouvé ! Une énergie, c'est un fait, l'emporte sur la gravitation, et de loin ! sans toutefois disperser la matière, et c'est bien là le "miracle"  : ni les étoiles dans les galaxies, ni les galaxies dans les amas, car cette force joue à l'intérieur mais vient aussi de l'extérieur, maintenant les structures en l'état. Constatation... Oui, mais d'où sort-elle cette énergie ? Des étoiles d'abord - puissance de radiation oblige. Quant au surplus... On parle aujourd’hui d’une "énergie sombre"... Il faut croire qu'à grande échelle la gravitation ne joue pas, ou plus, ou différemment... seule demeure "l'énergie", et l'expansion inexorable de l'Univers (2) ... Toi "lumière" quand tu nous tiens !... N'est-elle pas la seule et unique messagère du monde ?...

     Voici les coordonnées de M.33  : A.D. = 1 h 33 m,   Déc = 39° 39'. Des 3 et des multiples de 3, pour vous simplifier la vie !  Pour tout autre renseignement, reportez-vous à la carte 9 et à page 99  de la Revue des Constellations (de Sagot et Texereau. S.A.F.). Triangle jusqu'au bout des ongles !...

    a    Alpha  Trianguli  : Metallah

    a = 1 h 53 m 04 s    d = 29° 34' 44"     Sp = F6  IV    T  : 6550 K    (BC  : -0,04)
    m = 3,42    M = 1,95    L = 14        p = 50,87    Dist  : 64 a-l
    Spectroscopique + un compagnon

    Trois, elles sont trois, comme par hasard, à composer cette étoile brillante, triple pour mieux vous plaire  : "Métallah" = "le Sommet du Triangle". Discernez-vous la plus lointaine à 85" des deux autres ?  Sa magnitude est élevée : 12,7 (étoile faible).
    Quant aux deux autres, elles sont "indivisibles" à l'oeil, accessible aux seuls spectroscopistes. Veinards ! Interrogez-les, et ils vous diront tout sur ce couple. Sa période d'abord : 1,7 jour (1,7365 j). Epoustouflant ! Je n'ose imaginer la vitesse des composantes ! Quant à leur écartement mutuel ? Une broutille !  3 à 4 millions de km, tout au plus, de bord à bord. Qu'est-ce à dire ? sinon que les étoiles se bisent copieusement. Baiser perpétuel, chaud, velouté... Baiser fatal, si la danse vient à ralentir ! Equilibre précaire...
    Métallah se trouve à 64 a-l. Sa luminosité totale s'élève à 14 soleils réunis.


    b    Bêta  Trianguli

    a = 2 h 09 m 32"       d = 34° 59' 14"     Sp = A5   III      T  : 8600 K     (BC  : -0,2)
    m = 3        M = 0,09    L = 78        p = 26,24    Dist  : 124 a-l         simple

    "Bêta Trianguli"  habite deux fois plus loin, à 124 a-l.  Elle a opté depuis longtemps pour une vie tranquille, loin de sa frénétique soeur.  A vivre seule,  loin de l'agitation du monde, elle a pris de l'embonpoint, une mine à réjouir les coeurs. 78 soleils mêlent leurs flammes d’un bleu pastel. 4  soleils peuvent s'aligner sur son diamètre,  3,5 soleils composent sa masse. Beauté...

    "Gamma Trianguli"  :  Jamais "deux sans trois", surtout dans un Triangle ! Je dirai donc un mot de cette étoile - et pour compléter ma figure - quoique son éclat soit faible :  m = 4,01. 28 soleils tissent sa robe de feu, bleue comme le ciel. Son spectre : A0 V rappelle celui de Véga. Elle a établi sa demeure à 118 a-l. Imaginez-là pour ce qu'elle est vraiment : un diamant éclatant, brûlant, dans la nuit glacée.