Le Verseau (Aqr)
Aquarius (ii) (980 degrés carrés)
Le
Verseau : un homme qui verse de l'eau. Les Grecs, les Latins, les
Arabes ont appelé de ce même nom cette
constellation. Pourquoi cela ? Parce qu'un oeil attentif
voit effectivement deux filets d'étoiles s'échapper d'une
source précise, la bouche du Verseau, non... de l'amphore, tenue
d'une main ferme par l'homme en question. Tout s'explique. Ce courant
impétueux dévale les pentes accidentées du ciel
pour se précipiter dans la "gueule" grande ouverte du "Poisson
Austral" : "Formalhaut". Le noyer ? Rien à faire... Etoile
bien brillante que cette "bouche" du Poisson, et très
méridionale (-30°). Cherchez-la au sud du carré de
Pégase, alignée avec le côté Est du
carré. Entre ces deux constellations, un peu vers l'est, coulent
les eaux tumultueuses du Verseau. La bouche de l'amphore épouse
une forme géométrique plaisante : un triangle
équilatéral marqué en son centre par une
étoile. De là jaillissent des torrents de vie et de
grâce... La "corne d'abondance" : dit-on... porte-bonheur,
échappé au milieu de constellations bien austères
: le Scorpion, le Cancer (crabe), le Capricorne, le Sagittaire... Les
Chinois ont vu dans ce triangle magique le "Bonheur du Royaume",
où coulent à flot le lait et le miel, où
l'épi porte cent pour un, la grappe remplit les cuves... Quand
viendra-t-il ce "paradis " ? Ses flots s'écoulent...
atteindront-ils un jour la Terre ? Je voudrais me baigner dans ses
eaux, sentir leur onction bienfaisante... Il est vrai que le soleil se
hâte - à pas lents ! - vers cette constellation, pour
l'équinoxe de printemps : dès lors, elle prendra la
tête du Zodiaque. Enfin la Terre redeviendra ce qu'elle aurait
dû toujours être : un jardin de délices.
Penchons-nous sur cet heureux signe, riche de toutes les promesses. Les
étoiles y sont faibles, sauf trois qui entrent dans notre
étude. La première, Alpha, dessine l'épaule droite
du Verseau, la seconde Bêta son épaule gauche. Quant
à la troisième - l'étoile Delta - elle brille dans
le filet d'eau. Vers l'ouest, s'étend le bras et la main gauche
(Mu et Epsilon). Chercherait-il, de cette main libre, à saisir
la corne du Capricorne ? On le croirait...
Hélix (NGC 7293), qui ne connaît ce nom qui sonne comme
une cloche ? Quel observateur n'a vu cette curieuse "Hélice", au
télescope j'entends, et avec un filtre si possible, car elle est
faible (mag 9,5) ! C'est une nébuleuse dite "planétaire".
Objet qui devient merveilleusement coloré lorsqu'il est saisi
sur une plaque photographique, ou un capteur photo-sensible ! Alors
tourne-t-elle cette hélice ? Pas vraiment, mais elle
s'étire, elle grandit, augmentant seconde après seconde :
13 km par seconde actuellement. Pourquoi cela, direz-vous ? Parce que,
sous la poussée du flash de l'hélium, elle a
quitté l'étoile qui l'a vue naître, sise au centre
de l'arène. La voyez-vous ? Magnitude : 13,47.
Quand
l'astronome américain Walter Baade dans les années 50
photographia l'objet au télescope du Mont Palomar (5m), il n'en
crut pas ses yeux ! Des "globules cométaires" apparaissaient sur
ses clichés, tapis au sein de la nébuleuse.
Qu'était-ce ? D'authentiques comètes ? Elles en avaient
l'apparence... Longue queue opposée à l'étoile,
chevelure et noyau sans doute, d'une ampleur sans commune mesure avec
les comètes du système solaire : 15 à 45
milliards de km de diamètre ! On crut rêver... "Impossible
! cria-t-on. Il ne s'agit que de grumeaux dans la nébuleuse,
causés par une "instabilité gravitationnelle".
Instabilité gravitationnelle ? qu’est-ce à dire ?
– Oui ! provoquée par le vent stellaire puissant (3000
km/s) qui s’en va percuter la nébuleuse et fragmente ainsi
le milieu. Choc de titans !... Combien sont-ils ces grumeaux ? A-t-on
pu les compter ? Oui, le télescope spatial Hubble a depuis lors
refait des clichés haute définition. Verdict : 3500
"comètes". (1) Alors, comètes, ou pas
comètes ? "Comètes !" Certains y croient dur comme fer...
Le débat est ouvert. A noter que ces objets se trouvent à
0,5 a-l de leur étoile - la distance de notre propre
réservoir de comètes, le "nuage de Oort" - et que leur
masse à chacune est semblable à celle de la Terre.
Grosses, grosses, grosses comètes !
Quand a
commencé la grande escapade ? Tout dépend de la dimension
réelle de cette nébuleuse, donc de sa distance à
la Terre - estimée aujourd’hui à 650 a-l - et de la
vitesse des gaz éjectés (13 km/s actuellement). Comme le
diamètre apparent de la nébuleuse est de 13 minutes de
degré, son diamètre réel est de 2,4 a-l. Si nous
prenons une vitesse moyenne des gaz de 50 km/s, nous trouvons 7000
ans.
Coordonnées d'Hélix (2000) : A.D. = 22 h 29,6 m et déc = -20° 48'.
Une
petite histoire avant de passer aux étoiles : il arriva un
jour qu'un astronome du nom de Antonio de Rheita, capucin de son
état, italien, vit Jupiter dans le Verseau tout près de
l'étoile Gamma. Il pointa sa "lunette de Galilée",
et crut voir non pas quatre satellites, comme Galilée l'avait
décrit, mais cinq, autour de la planète
géante. La chose se passait sous le pape Urbain VIII
(Urbanus octavus), du temps même de l'astronome iconoclaste. Foi
d'Antonio, il porterait l'affaire au pape, et décida dès
lors d'appeler ce nouveau quintette : les "Satellites Urbanoctaviens" !
Au diable les "satellites galiléens" ! Erreur, bien vite
dénoncée ! Si au moins il avait vu "huit" satellites,
pour notre pape Urbain ! Du trône dressé pour lui dans les
cieux, Urbain VIII retomba comme une masse sur sa "sedia gestatoria"...
a Alpha Aquarii : Sadalmelik
a = 22 h
05 m 46 s d = -0° 19'
11" Sp : G2 Ib
T : 5700 K (BC : -0,18)
m =
2,95 M = -3,88 L =
3000 p = 4,30 Dist : 760
a-l un compagnon
b Bêta Aquarii : Sadalsund
a = 21 h
31 m 33 s d = -5° 34' 16"
Sp : G0 Ib T :
5900 K (BC : -0,1)
m =
2,9 M = -3,47 L = 2000
p = 5,33 Dist : 610 a-l
2 compagnons
"Sadalmelik" = "l'étoile favorable au Roi" (melik = roi), ou "la
fortune du Roi", pour Alpha, "Sadalsund" = "la Fortune des fortunes",
pour Bêta, à 10° de la précédente. De
quel roi s’agit-il ? – Du roi d’Attique, et fondateur
d'Athènes. Alors, regardons-les ces étoiles favorables...
Honneur au Roi : dans sa flamme, 3000 soleils d’or. "Sire,
mirez vos yeux dans votre compagne de choix. Considérez sa
grâce, sa beauté, sa parure" - "Je vois en effet s'aligner
les soleils sur son rayon : 44 en tout, d'un jaune éblouissant
comme 2000 soleils ! J'estimerai sa masse à 8 masses solaires."
- " Et vous, belle reine, décrivez-nous les feux de votre royal
époux..." - "Je compte pour ma part 60 soleils sur son
diamètre et 10 dans sa masse. Sa couleur est la mienne, ses
charmes sont pour moi." - "Bon vent, beau règne, dans ce palais
céleste, qui étend ces frontières entre 760 et 610
a-l respectivement."
Je vois
deux dames de compagnie auprès de l’heureuse reine,
à 35"4 et 57"2 (magnitude 10,8 et 11,4), et un page
au roi, à 113" (magnitude 12).
d Delta Aquarii : "Skat".
a =
22 h 54 m 38 s d = -15° 49'
15" Sp : A2 III
T : 9800 K (BC : -0,4)
m =
3,27 M = -0,18 L =
100 p = 20,44 Dist : 160 a-l
simple
"Skat" =
"la jambe" du Verseau. Elle se baigne dans le torrent qui jaillit de
l'amphore. Doux rafraîchissement pour le feu qui la brûle.
A sa surface : 9800 K, plus encore en son sein ! Dans sa flamme : 100
soleils, 4 dans son rayon, 4 dans sa masse, simple dans son
composé. "Qu'ils sont beaux tes pieds dans tes sandales, fille
de prince ! La ligne de ta jambe est celle d'un collier, ouvrage d'une
main adroite." A voir dans les eaux thermales du Verseau,
à 160 a-l de nos rivières.
Terminons
notre petit voyage dans le Verseau par une visite touristique à
l'étoile Dzêta, qui marque le centre de gravité du
triangle de l'amphore. Heureuse fonction, place de choix ! En fait,
deux étoiles ont pris possession du lieu, à 2"1
d'écartement (an 2000). Magnitudes : 4,3 et 4,5. Mr. Harrington
a tenté une évaluation de sa période : 856 ans,
pour un demi-grand axe qu'il fixe à 5". Nous verrons, nous
verrons... Hipparcos a situé cette étoile à 103
a-l. A voir sans faute.
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note 1
- estimées sur la surface totale - à partir d'un
cliché d'une portion de la nébuleuse qui lui en compte
300.