Souvenir d'un soir de décembre 2003

Une observation de l'occultation de l'étoile HIP23799 par l'astéroïde 925 Alphonsina



    Derrière ce titre un peu long se cache une histoire somme toute pas banale. Elle a commencé il y a plusieurs années lorsque Jean LECACHEUX me parla pour la première fois des observations d'occultations d'étoiles (voir la page précédente pour plus de détails sur ces phénomènes). Il tenta bien de me faire prendre le virus, en m'encourageant en m'envoyant régulièrement les avis d'observation possible sur la France.

    Malgré tout le virus ne m'avais pas encore attrapé... Il le fit un 13 Décembre 2003. Ce jour là je participais à une conférence organisé par l'association Aude à l'observatoire de Paris. Eric FRAPPA y présenta avec brio un bel exposé sur ces fameuses occultations et pour finir invita la salle à participer une observation prévue le 22 Décembre suivant. Jean LECACHEUX, qui était présent, me précisa que l'observation serait possible depuis une bande traversant la France de Wissembourg à Biarritz approximativement.

    Or il se trouvait que je devais me trouver du coté de Metz pour la Noël.

    Je récupérais alors sur le net les infos relatives à l'évènement et m'inscrivait par la même occasion sur la liste PLANOCCULT. Cette liste regroupe tous les fans d'occultation et des informations bien à jour y circulent.

    Le 22 au matin, toute la famille embarquait comme prévu pour la région messine. Par manque de place (le père Noël avait passablement remplis la malle de la voiture), je ne pris pas le télescope. De toute façon, de jumelles devaient suffire pour l'observation prévue. Mais un détail important menaçait mon projet : la météo était plutôt exécrable ce jour là sur le nord de la France. Les prédictions de Météofrance ne me laissait guère de chance. Enfin on verrait...

    Mais dans l'après midi le temps se dégagea et la température chuta. Enfin vers 19h le ciel semblait assez clair. Je sortais avec les jumelles en reconnaissance : oui ! on apercevais bien l'étoile à l'aide de petites jumelles 8x40mm (mag 6.2 tout de même). C'était décidé : je tentai l'aventure.

    Il me restait un point à régler : où observer ? Jan Manek avait fournit une carte mais la prédiction était imprécise. Finalement le site d'Euraster me fournissait une carte de la région orientale de la Moselle avec la bande de centralité. Un message de Jean LECACHEUX avait averti les observateurs que cette prédiction serait assez précise car l'étoile était bien connue (catalogue Hipparcos) et surtout, Alphonsina avait déjà provoqué une occultation quelques semaines auparavant avec de bons résultats : son orbite était donc bien connue.

    L'occultation avait lieu à au moins 80km d'où je me trouvait. Pour gagner du temps de voyage je choisis de prendre l'A4 direction Strasbourg et d'en sortir vers Sarre-Union : la centralité passait quelques km plus au Nord. Vers 20h30 TU, les amarres étaient larguées. Une heure et 100km plus tard, je me positionnais 2 km au sud du village de Keskatel.

    Un chemin de champ complètement gelé et pas trop défoncé me permis de trouver un site en rase campagne. En plein champ, je n'étais pas trop gêné par les lumières des villages environnents. Sur place, je commençais à m'organiser :

    Je prenais quelques repère visuel afin de retrouver ma localisation plus tard.
 
    L'heure ? L'horloge DCF77 était resynchronisée sur le signal de Francfort. Bon. Le chrono était ensuite lancé en cherchant à le déclencher sur des tops de minute pile. La chose faite, l'instant de synchronisation était noté : il était 21h40m00s TU.

    Bon il était temps de sortir, chronomètre et jumelles en main. Malgré le froid (-3° sur le tableau de bord de la voiture), je m'installais contre la porte du véhicule et me calais. L'observation commença. Bigre ! il faudrait tenir 10mn la tête complètement en arrière. L'étoile en question était très proche de Epsilon Aurigae donc à 80° de hauteur à ce moment là....

    Le temps passait. Pas de repère pour me dire où j'en étais...

    Brutalement l'étoile disparu. Petit instant de surprise passé et le chrono était déclenché. Top, top, top, top... L'étoile réapparut. Cette fois, je l'attendais et mon erreur fut bien moindre.

    Encore quelques minutes passaient. La nuque commençant à me dire que cela suffisait, j'arrêtais et me précipitais dans la voiture. Il était 21h55 TU.

    Je notais sur mon carnet l'intervalle de temps entre les deux appuis au chrono : cela donnait 4.85s de temps d'occultation. L'instant final était donné pour 21h51m25.86s. Une simple soustraction donnait 21h51m20.41s pour le moment de début d'occultation.

    L'excitation de la réussite me gagnait : je l'avais donc fait cette observation... Une petite lumière qui s'éteint cinq petites secondes. A l'instant prédit. Fantastique ! La magie de la mécanique céleste avait fonctionné. Pendant quelques instants, mon esprit se balada, me repassant en mémoire ceux qui avaient permis ce que je venais de faire. Ceux dont l'histoire avait retenu le nom et ceux qui m'avaient aidé. J'imaginais ensuite les autres observateurs de Pologne, d'Allemagne, toute proche, de France ou d'Espagne en train de noter leur butin de minutes et secondes, leur déception peut-être car les nuages durent parfois être de la partie.

    Au sortir de ma rêverie, les affaires rangées, la voiture repris le chemin du retour. J'étais heureux.




Marc SERRAU. Cesson. Le 6 Janvier 2004.

Les résultats de cette nuit sont consignés ici et .
Merci à Jean et Eric et à tous les autres.