Mise en évidence du Pulsar du Crabe
B0531+21



Le pulsar de la nébuleuse du Crabe répertorié sous la référence B0531+21 a été détecté dans les années 60 par son émission radio. Il présente également une émission dans le visible.
Sa courbe d'émission (ci-contre) présente deux pics bien séparés avec une période de environ 33.5ms. On voit que si l'on veut tenter une détection par la méthode stroboscopique on peut adopter deux partis.

  • La détection pure et simple du Pulsar en ouvrant l'obturateur durant les périodes d'émission de l'un et de l'autre pic. Ceci conduit à prevoir une fenêtre d'une demi periode de large.
  • La détection des deux pics séparèment ce qui nécessite une lucarne plus courte de l'ordre de 1/6 à 1/8 de période de largeur.

Selon cette méthode l'obturateur stroboscopique sera actionné par un signal en creneaux avec un rapport cyclique prenant la valeur 1/2 dans le premier cas et 1/6 à 1/8 dans le second cas. La seconde méthode semble paradoxalement plus favorable car on capte alors le seul flux du pulsar pendant l'ouverture ce qui semble devoir augmenter le rapport signal/bruit.

 

Evaluation des difficultés et principe de fonctionnement

Il est impératif de commander l'obturateur avec un signal parfaitement calibré, délivrant une impulsion de durée bien déterminée par la valeur du rapport cyclique et de période très voisine de la période du Pulsar soit 33.547ms. Notons tout d'abord que cette valeur de période du pulsar évolue très lentement au cours du temps: le pulsar ralentit en rotation, de l'ordre de 0.4 nanoseconde par jour, il est donc nécessaire tout d'abord de trouver des éphémerides du pulsar. On trouve des éphémerides mensuelle issues du radio-telescope de Jodrell-Banks sur:

Les valeurs prévisionnelles de la période du pulsar peuvent être alors facilement déduites grâce à un tableur, la courbe de décroissance étant très sensiblement linéaire. On peut en déduire la formule de calcul suivante:

Période (ms) = 3.63511677858522E-05*(JJréduit) + 31.6314733479109

Le jour julien "réduit" (JJréduit) représente les 5 derniers chiffres du jour julien: exemple pour JJ=2452713, alors JJ réduit= 52713

Voici un formulaire de calcul ultra-simple utilisant cette formule (ce qui ne dispense pas de vérifier avec les dernières éphémerides):

Jour Julien réduit = 24

(ms)

 

L'obturateur stroboscopique (un disque percé de fenêtres) sera donc commandé par un signal de période très voisine de celle du pulsar à l'instant de l'observation. Il y aura bien sûr toujours une petite différence entre ces deux périodes: cette trés légère dérive résiduelle et souhaitable servira à balayer lentement le signal pour en déterminer le profil.

Afin d'expliquer la méthode, supposons que le quartz du générateur de fréquence que nous utilisons délivre un signal de fréquence précise et connue .

Un jeu de roues codeuses permet alors d'obtenir en sortie du générateur un signal rectangulaire de période très voisine de la période du Pulsar soit 33.489ms (par exemple). Ce réglage pouvant être effectué à la microseconde près. Notons cependant que la fréquence réelle du quartz n'est jamais connue précisement: d'après les données du constructeur elle a une imprecision de +/- 100ppm, soit +/- 3us environ en sortie dans notre cas.

La trés légère dérive (en fréquence) résiduelle et souhaitable sert à balayer lentement le signal pour en déterminer le profil.
Si l'on décide de faire une série d'images on peut essayer de poser chacune d'elles pendant une durée de l'ordre de la minute. Le pic de lumière du Pulsar doit donc rester dans la fenêtre durant un durée de cet ordre. Par exemple avec un rapport cyclique de 1/8 (ratio de largeurs entre fenêtres et obturations), l'obturateur est ouvert pendant 4.18ms et fermé pendant 29.28ms. Si la fenêtre balaye une période tous les 8 images soit 8x60 = 480s, il se sera produit 480/0.03348 = 14337 périodes plus ou moins une période de décalage. La véritable période de l'obturateur doit donc être de 33.482ms ou 33.477ms.
On voit que le générateur d'impulsions doit pouvoir être réglé à 5 microsecondes près, ce que permet le dispositif utilisé par le moyen de ses roues codeuses. Si donc on peut affiner la période à la microseconde près, pendant une durée de T secondes on a N périodes du pulsar de période t et on a N+1 périodes de l'obturateur si celui-ci a une période de t-dt. Prenant t = 33.489ms et dt = 0.001ms on trouve que la durée de l'exploration stroboscopique ne peut pas dépasser n+1 =t /dt = 33489 périodes du pulsar soit une durée d'exploration de 33.489x33489 = 1121513.1ms ou 18mn et 41s, disons 18 mn.
La pose maximum pour un découpage de la période en 8 ou10 images sera de 108s (1mn et48s) ou 135s (2mn 15s). A noter que pendant tout ce temps le flux du pulsar ne parvient au capteur que durant 1/8 du temps (en raison de la valeur du rapport cyclique).
La partie semble donc à priori jouable mais bien sûr délicate. Le point le plus délicat étant de déterminer la véritable période du quartz: ceci ne pourra être fait que par expérience sur le Pulsar, qui servira alors d'étalon rigoureux.

 

Le dispositif électronique de commande de l'obturateur

En raison des vitesses d'obturation mises en jeux un dispositif electro-mécanique (obturateur à base d'électro-aimant) est exclu (vibrations, imprecisions). Il reste le principe de la roue à fentes dont la vitesse de rotation est difficile à contrôler mais qui est plus facile à mettre en oeuvre. Nous avons opté pour l'utilisation d'un moteur synchrone alimenté par une tension alternative générée par un multivibrateur piloté par quartz 2 MHz suivi d'une division par circuits logiques. La fréquence de sortie est ajustable à l'aide de roues codeuses. La période du signal est réglable par pas de 1 microseconde. Le générateur de fréquence à quartz, engendre des créneaux carrés de période voisine de 33.547ms (à la date de l'observation).
Ce générateur, conçu à l'origine par Jean Bourgeois, nous sert normalement pour le pilotage de moteurs pas-à-pas d'entraînement de télescope. Ici, on prélève une sortie signal en créneaux (5V TTL), qui rentre dans un amplificateur de signal pilotant le moteur synchrone (en +/- 24V).

Le signal amplifié va donc directement dans le moteur, sur l'axe duquel est fixé le disque fenêtré. Il s'agit en fait de deux disques identiques muni chacun de trois secteurs vides (30°). Ces deux disques sont positionnés l'un sur l'autre, ce qui permet de régler l'angle d'ouverture, depuis 30° jusqu'à la fermeture totale.

 

Le dispositif opto-mécanique

C'est le coeur du système: le disque fenêtré et son moteur, qui vont réaliser la stroboscopie et "ralentir" le rythme du pulsar.

On voit ici les deux disques (violet) et le moteur (vert).

Nous avons testé deux montages:

  • Dans le premier (ci-contre), la caméra CCD est placée directement au foyer du télescope, et le disque fenêtré coupe donc le faisceau légèrement en avant. Ce système a l'avantage d'être simple, et c'est avec celui-ci que nous avons obtenu nos premiers résultats. Cependant, il n'est pas suffisament précis dans certains cas et provoque un "flou temporel". Nous lui avons donc préféré le second montage.
  • Ce second montage est basé sur un principe de transporteur d'image: le disque fenêtré est maintenant placé rigoureusement au foyer du télescope: ainsi, l'occultation est "franche".
    L'image du foyer est alors reprise par un système de deux objectifs photo (montés face à face) qui la projettent sur le CCD. Ainsi, le "flou temporel" disparait (images du disque et de M1 nettes toutes les deux), et l'on a même la possibilité de générer un léger agrandissement de l'image en choisissant en conséquence les focales des objectifs.

 

Préparation de la manip

La première chose à faire est de bien localiser le pulsar: il s'agit de l'une des deux étoiles doubles au centre de la nébuleuse M1.


Le Pulsar du Crabe (image faite par des professionnels).

Le champ de la nébuleuse M1.

Au T60 du Pic, le Pulsar est déjà aisement visible sur une pose de quelques dizaines de secondes... il va maintenant falloir mettre en évidence le clignotement du Pulsar.

 

La manip au T60

Observation du 6 Mars 2003:

Il s'agit de notre première tentative, avec le premier montage (caméra au foyer et disque en avant), afin de vérifier si l'effet du Pulsar est détectable.
Nous avons réalisé plusieurs poses de temps différents, avec les fenêtres du disque ouvertes en entier (30°), et c'est en enchaînant des poses de 5 secondes que l'effet pulsant a été vu pour la première fois sur les images brutes! Ouf...le principe marche! Nous avons donc enchainé 40 poses de 10 secondes: ce premier résultat a été très encourageant, puisque sur certaines images, le pulsar est visible tandis que sur d'autres il ne l'est pas!
Afin de mettre en évidence cet effet, nous avons tout d'abord classé les images en trois catégories:

  1. Images avec pulsar nettement visible et plus brillant que l'étoile voisine;
  2. Images avec une trace du pulsar visible mais plus faible que l'étoile voisine;
  3. Images sans pulsar visible;

Cette classification des 40 images, met en évidence un "battement" assez régulier visible sur le graphe suivant:

Les images sont classées dans leur ordre de prise de vue, selon les 3 catégories définies précédemment: on voit bien la régularité dans les différences d'éclat du pulsar.

On fait une analyse de Fourier rapide (FFT) sur 32 valeurs, et l'on trouve bien deux pics (harmoniques) confirmant la périodicité du signal:

  • Le pic à la valeur 6 correspond à une période de 32/6 = 5.3 images
  • Le pic à la valeur 13 correspond à une periode de 32/13 = 2.46 images

Cela confirme bien qu'on a une périodicité du signal toutes les 5.3 images.

Ci-dessous, une animation avec les 40 images d'origine, mises à la suite: on voit bien les variations d'éclat du pulsar, bien différenciées du bruit de fond (comparer avec les autres étoiles faibles dans le champ).

Voici ci-dessous le résultat du "repliement" (addition des images de même phase) des 40 images, respectant la périodicité trouvée ci-dessus:

Enfin, on ne résiste pas à l'envie d'animer ces trois images!

Bien entendu, cette animation ne reflète pas encore la vraie courbe de lumière du pulsar, mais simplement les états "allumé" ou "éteint" de celui-ci. En effet, comme on l'a dit plus haut, le premier montage ne permet pas une grosse décomposition des phases du Pulsar. Il est en revanche très lumineux, puisque l'on "voit" le pulsar 1/4 du temps (30/120°).

 

Observations du 8 et 9 Mars 2003

Dans ces séries d'observations, le deuxième type de montage a été utilisé et la taille de la fenètre a été réduite à 9°. Les images finales traitées manquent de flux pour réaliser une analyse correcte.

Cependant, les observations du 6 Mars nous permettent de connaitre la véritable fréquence du quartz, ce qui nous permettra d'ajuster les roues codeuses de manière à obtenir un battement de période plus longue, autorisant un temps de pose plus élevé, et donc une analyse plus fine du signal.


Le montage optique... et son couvercle improvisé au Pic ;-)


Observations du 31 Décembre 2003

Ces observations se sont déroulées durant une mission au T60 fin 2003, avec Bruno David, Sophie Tretan et Sebastien Fontaine.

Le 31 Décembre 2003, temps bouché le matin, se dégageant en mi-journée; nous avons droit à une superbe fin d'après-midi, avec une heure entière passée sur la terrasse pour profiter du magnifique paysage.
Le soir, installation de la manip "pulsar" en prévision de la nuit. Excellent repas de réveillon (quand-même) préparé par Jean-Pierre (le "cuistot-malgré-lui") puis on pointe M1.
Collimation… mise au point… infructueuse. Modification optique de la manip en express puis re-réglages: on réussit héroïquement (!) à obtenir une PSF de 5 pixels!… (le dépouillement révelera un résidu de coma).

On lance les poses en mode stroboscopique: 93 images de 60 secondes chacune, en continu de 23h17 à 1h03TU. La vitesse de suivi est excellente mais on constate une dérive en diagonale inexplicable accompagnée d'une défocalisation progressive. Nous avons cherché une explication à cette trace (ci-contre l'addition de toutes les poses montrant la dérive).
Comme on l'a dit, le suivi est excellent puisqu'on a mesuré sur 1h45 d'observation:
- 77" d'amplitude de dérive en Delta.
- 17" d'amplitude de dérive en Alpha.
Cependant, la trace en Alpha est curieuse puisqu'on constate une inversion soudaine du sens de la dérive qui ferait penser à un changement soudain de la vitesse de suivi… ou peut être simplement une flexion?…
Enfin, il est possible que la défocalisation progressive constatée soit due à une faiblesse du ressort de la platine de mise au point (étant donné la position de plus en plus inclinée du télescope au cours de l'observation et le poids relatif de la manip).


Traitement des images:

D´après les images brutes, l'effet de pulsation du pulsar semble détectable sur les premières poses mais la décollimation rend inutilisable les dernières. Ci-contre, image résultant de l'addition des images exploitables (environ 50).
Le dépouillement se fait par tri manuel des images puis addition.

Ci-contre l'addition simple de toutes les images sélectionnées. On voit le pulsar et son étoile voisine, malgrè une qualité d'image médiocre...

Dans les photos suivantes on a sélectionné la zone du pulsar (pointillés).

Ci-contre, on a additionné:

  • les images "pulsar eteint" (à droite)
  • les images "pulsar allumé" (à gauche)

-
On --- Off

Ci-contre, on a soustrait l'image "etteinte" de l'image "allumée": il en résulte le pulsar seul.

() - () =

Petit traitement (masque flou) faisant mieux apparaitre les deux états du pulsar.

-
On --- Off

Animation montrant le clignottement du pulsar.
Même animation que ci-dessus, avec masque-flou.
 
Etat au 31 Décembre 2003: la dernière manip a certes permis une détection du pulsar, mais la mauvaise qualité des images a empeché une exploitation plus approfondie...
Une meilleure conception du montage optique est nécessaire... à suivre...

 

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