Diagramme HR de M13

M13 est l'un des amas globulaires les plus connus, visible à l'oeil nu dans la constellation de Hercule.


Un amas globulaire est constitué de plusieurs dizaines de milliers d'étoiles, regroupées dans un volume très petit, généralement de 20 à 100 parsecs (ce qui conduit à des densités allant de 100 à 10000 étoiles par parsec-cube). Le grand nombre d'étoiles dans un amas implique des forces gravitationnelles mutuelles très importantes aboutissant à un système très stable.
On connait environ 150 amas globulaires, disposés principalement de manière sphérique autour du bulbe de notre galaxie.
Les étoiles d'un amas sont très anciennes (elles ont toutes le même age) et ont la même composition chimique: seule leur masse diffère.

L'intéret de l'étude des amas en astrophysique est multiple et fournit des informations sur la formation des galaxies, l'age de l'Univers, l'évolution et la dynamique stellaire, la détermination des distances,...


Si l'on réalise une photo de M13 sans filtre coloré, rien ne permet de distinguer des différences entre les étoiles de l'amas.

 

En revanche, si l'on réalise une photo trichrome à l'aide de filtres Rouge, Vert, Bleu, on obtient l'image ci-contre, où l'on distingue nettement des populations d'étoiles différentes, soit plutot orangées, soit plutot bleues.

Nos acquisitions ont été faites au foyer du T60 à l'aide d'une Audine (KAF-401E) et de filtres Schott R, V, B (combinaisons détaillées plus bas).

Une méthode d'analyse des populations d'étoiles consiste à les placer dans un diagramme HR (du nom de leur co-inventeur Hertzsprung et Russell), avec:

  • en axe des abscisses X la température des étoiles (représentée par leur indice de couleur, différence entre magnitudes bleue et verte);
  • en axe des ordonnées Y leur magnitude bleue.

Elaboration du diagramme H-R

Nous avons tout d'abord utilisé 6 poses sur M13, de 30 secondes chacune dans les bandes B, V et R. Il aurait été préférable de réaliser plus de poses en bande B étant donné la plus faible sensibilité du capteur dans le bleu.

Néanmoins, après traitement et addition des poses, nous allons les compenser de la sensibilité des filtres et du capteur.

En effet comme on le voit ci-contre, le capteur KAF401E a une courbe de réponse propre dépendant de la longueur d'onde (courbe noire).

Chaque filtre B, V, R, I présente aussi une courbe de transmission (en pointillés). Nous avons utilisé les données fournies par un catalogue-logiciel de Schott disponible en ligne, qui permet de combiner plusieurs filtres et d'obtenir la transmittance résultante.

Enfin, en utilisant un tableur nous avons combiné les courbes des filtres et du capteur afin d'obtenir la transmittance totale et de calculer la correction d'exposition nécessaire pour chaque cliché.

Ci-dessous les coefficients de pondération des clichés, à appliquer de préférence à la prise de vue (en variant le temps de pose) ou à défaut sur les images finales.

B
V
R
3,31
1,27
1
2,60
1
0,79
1
0,38
0,30

Composition des filtres
B
BG 12 + GG 385 + BG 18
V
GG 495 + BG 18 + WG 305
R
OG 570 + KG 3
I
RG 9 + WG 305

 

Une fois nos images pondérées, nous pouvons maintenant passer à l'élaboration du diagramme HR. Pour ce diagramme nous n'aurons besoin que des images B et V. Nous avons tout d'abord tenté d'utiliser l'outil automatique disponible dans PRISM 5. Cependant les résultats n'ont pas été satisfaisants et l'outils ne permet pas une identification des étoiles présente sur le diagramme.

Nous avons donc décidé d'utiliser les données fournies par l'outil de photométrie automatique de PRISM 5 afin de dépouiller et bâtir le diagramme dans un tableur de manière à mieux contrôler l'élaboration du diagramme.

Les 11 étoiles d'étalonnage ont été choisies d'après un papier de F.A.V. Bordonau et T.B.Andreu, de Caceres (Espagne) et une liste de W.Osborn (Univ. Michigan).

Nom
V
B-V
S1
12.70
1.19
S2
12.77
1.20
S3
13.32
0.95
S5
12.58
1.23
S6
12.95
1.07
S7
12.67
1.29
L199
12.21
1.35
L261
12.20
1.39
L773
13.18
0.98
L853
12.25
1.39
L877
13.03
1.07


La photométrie automatique de PRISM a donné environ 600 étoiles en B et 900 étoiles en V. Ces deux listes ont été fusionnées et triées afin de déterminer les étoiles communes. Nous avons abouti à 536 étoiles avec leur magnitude B et V et déduit leur indice de couleur B-V.

A partir de là, il est facile de tracer le diagramme HR dans un tableur:

Si l'on observe le diagramme, on distingue tout d'abord deux zones:
  • Une diagonale descendante de la droite vers la gauche;
  • Une zone plus dense en bas à gauche du diagramme, séparée du bras descendant.

En tenant compte du fait que toutes les étoiles de l'amas sont situées à la même distance de nous et en tenant aussi compte de leur indice de couleur, nous pouvons affirmer que:

  • Les étoiles brillantes au chaudes se retrouvent sur la partie droite en haut du diagramme;
  • Les étoiles plus faibles en bas du diagramme;
  • Les étoiles bleues sur la partie gauche du diagramme.

On a donc bien mis en évidence la branche des étoiles géantes rouges (diagonale) avec les géantes rouges les plus brillantes à leur sommet, et la branche horizontale (zone dense à gauche) regroupant des étoiles bleues.
Il est nécessaire de dire qu'étant donné l'éloignement important des amas globulaires, les étoiles de la fameuse série principale ne sont pas visibles car de trop faible magnitude apparente (Mag 19 à 24 environ pour M13) qui les placerait en bas du diagramme.
Remarquons aussi la zone des étoiles instables RRLyrae au niveau du "trou" entre les deux branches.

 

Ci-contre un diagramme HR de M13 réalisé par des professionnels: on retrouve bien les deux branches principales, mais avec bien moins de dispersion. En outre ce diagramme commence à laisser apparaitre la séquence principale, au bas.
Remarquer aussi l'étoile isolée (en X=-0.2 / Y=13.2) que nous retrouvons aussi dans notre diagramme. Il s'agit de L222, une étoile particulière dont nous parlerons plus bas.

On remarque que notre diagramme est moins "propre" que les diagrammes que l'on peut trouver dans la littérature (un certain nombre d'étoiles se trouvent réparties un peu partout). Plusieurs explications possibles à celà:

 


Document © CNED

 

  • Les erreurs de mesure de magnitude, inévitables dans le cas d'un amas globulaires où les étoiles sont très proches les unes des autres;
  • La présence d'étoiles du disque galactique entre l'amas et nous, incluses dans le diagramme (il faudrait tenir compte de leur mouvement propres pour éliminer les étoiles n'appartenant pas à l'amas);
  • La prise en compte des étoiles binaires (ou très proches) de la série principale: prises comme une étoile simple elles sont considérées comme un seul astre, plus lumineux et "remontent" polluer la branche des géantes.

Ci-contre un autre diagramme HR issu d'une publication de Kopacki (voir bibliographie). Les étoiles de la séquence principale, trop faibles pour nous, sont ici aisement visibles. Remarquer une fois de plus L222 bien isolée en haut à gauche.



Document Kopacki et al

Afin de vérifier que notre diagramme est correct et bien étalonné, nous avons identifié quelques étoiles d'intéret et les avons situées dans le diagramme. Voici nos mesures:

Observé
Catalogues
Nom
Type
V
B-V
V
B-V
V2 (L306)
Cepheïde / type BL Her
13.39
0.36
13.06
0.57
L135 (V3)
Cepheïde
15.29
0.73
15.34
0.76
V31
RR Lyrae
14.53
0.48
-
-
L222
Trainarde bleue (Blue straggler)
13.25
-0.19
13.15
-0.18
V43
Géante Rouge
12.40
1.22
-
-
V15 (L835)
Géante Rouge
12.09
1.39
12.18
1.45
V11 (L324)
Géante Rouge
11.92
1.53
11.95
1.59
V19 (L194)
Géante Rouge
12.00
1.46
12.10
1.50
V17 (L973)
Géante Rouge
12.03
1.51
11.98
1.53
V38 (L414)
Géante Rouge
12.01
1.38
12.15
1.45
V40
Géante Rouge
12.01
1.28
-
-
S6 (L198)
-
12.91
1.06
-
-
L199
-
12.14
1.31
12.21
1.35
L961
-
13.35
0.82
13.41
0.93
L534
-
15.66
0.09
15.34
0.03
L187
-
15.72
-0.21
15.21
0.10
L277
-
15.50
0.01
15.25
0.06
L391
-
15.02
0.09
15.11
0.07
L473
-
15.05
0.89
15.20
0.97

 

Voici maintenant ces étoiles placées sur le diagramme HR:
  • On retrouve bien les plus importantes étoiles géantes rouges en haut à droite de la branche des géantes;
  • Les étoiles bleues sont bien placées dans la branche horizontale;
  • L'étoiles RR Lyrae V31 est bien placée entre la branche des géantes et la branche horizontale;
  • Remarquer aussi les cépheïdes V2 et L135;
  • Remarquer aussi la fameuse L222, une "trainarde bleue" (Blue straggler), nettement en dehors du diagramme de par sa forte magnitude et sa couleur bleue.

Afin de mieux illustrer les propriétés couleur-luminosité des étoiles sur le diagramme, nous avons placé leur photo directement sur le diagramme, à l'endroit rigoureux qu'elles y occupent.

On reconnait alors bien les géantes rouges, dont les plus brillantes et rouges sont regroupées en haut à droite, et des étoiles bleues moins lumineuses dans la branche horizontale (issues de l'évolution des géantes rouges).
Remarquer aussi L222 à l'écart des branches.

Quelques explications théoriques maintenant, recueilles dans la littérature:

Evolution des étoiles et rapport au diagramme HR:

Considérons une étoile de masse initiale environ 2/3 de la masse solaire (voir schéma ci-contre, © CNED):

Après une très longue phase (plusieurs milliards d'année) sur la branche principale (en bas, hors de notre diagramme),l'étoile évolue vers les géantes rouges en passant par un coude caractéristique des diagrammes HR qui lui fait quitter la séquence principale: le Turn-Off.
Elle développe alors une couche autour du noyau dans laquelle l'hydrogène brule pendant environ 2.5 Milliards d'années. Pendant ce temps, l'enveloppe devenue instable se dilate, provoquant un refroidissement et donc un rougissement de sa surface: on obtient une géante rouge, étoile brillante mais froide (en haut à droite du diagramme).

Puis un phénomène de convection enrichit les couches superficielles en hélium provenant des zones profondes. La phase de géante rouge, durant 300 Million d'années aboutit au déclenchement de la fusion de l'hélium (avec "l'helium flash"): la structure du noyau est alors fortement modifiée et à la suite du flash, l'étoile se retrouve dans le diagramme HR dans la branche horizontale.
Cette branche horizontale est peuplée d'étoiles de faible masse, pauvres en métaux, où se produisent des réactions calmes de fusion de l'hélium dans le noyau (l'hélium se transforme en carbone).
Après un séjour sur la branche horizontale, certaines étoiles deviennent instables et pulsantes et entrent dans leur phase variable de type RR Lyrae.

Puis lorsque c'est au tour de l'hélium à manquer dans le coeur, celui-ci devenu inerte se contracte, seulent subsistent deux fines couches de combustion des restes d'hydrogène et d'hélium et l'enveloppe se dilate à nouveau, déplaçant de nouveau l'étoile vers la branche des géantes. A ce stade, les étoiles de faible masse telles que celles présentes dans les amas globulaires ne peuvent entamer la combustion du carbone dans leur coeur. Elles finissent donc par éjecter leurs couches extérieures (nébuleuse planétaire) et leur coeur se transforme en naine blanche.

 

Pour finir, on a signalé le cas de L222, une étoile bleue nettement détachée des branches du diagramme: elle appartient au type encore assez mystérieux des "blue stragglers" (errantes bleues). Ces étoiles sont situées dans le prolongement de la séquence principale et n'ont pas évolué vers les géantes rouges comme la plupart des étoiles franchissant le Turn-Off. On en est encore au stade des hypothèses à propos de leur existence: leur vie sur la séquence principale se serait allongée par un mélange interne plus efficace, ou bien elles auraient accumulé du gaz résiduel présent dans l'amas, ou encore il s'agirait d'étoiles jeunes capturées par l'amas. D'autres hypothèses penchent pour des étoiles cannibales ou des binaires en contact qui auraient fusionnées, à moins qu'il s'agisse du résultat de collisions.


Conclusion

Il est assez fascinant de voir comme deux photos prises avec deux filtres différents peuvent nous renseigner et nous permettre de "toucher du doigt" les théories apprises dans les livres. Interessant aussi de comparer et rejoindre les observations existantes, en reconnaissant certains astres particuliers.
Nous comptons bien poursuivre ces observations lors d'une prochaine mission avec des diagrammes HR d'autres amas globulaires et d'amas ouverts.
Signalons encore que ces observations de M13 on été réalisées pendant une nuit de pleine Lune (phase 96%!)... qui ne nous a absolument pas génée pour sortir un diagramme finalement pas trop moche! ;-)

Observations: Bruno David, Alain Jaureguiberry, Sylvain Rondi


Bibliographie
Variables en M13 (4 articles) - Francisco A. Violat Bordonau, Toni Bennasar Andreu - Asociacion de Variabilistas de España, Asesores Astronomicos Cacereños
Variable stars in M13 - Wayne Osborn - The Astronomical Journal, 119: 2902-2909, 2000 June
Variable stars in the globular cluster M13 - G. Kopacki et al - A&A 2004
Amas Globulaires - Yaël Nazé (IAGL) - document en ligne
Astrophysique: à propos de l'age de l'Univers - L.Bottinelli, M.Gerbaldi, L.Gouguenheim - Université Paris-Sud XI - CNED

Profil photométrique de M13

André Rondi

Un peu de Théorie:

Si l'on admet la symétrie sphérique, le nombre d'étoiles dans l'amas par unité de volume est une fonction N(r) de la distance au centre de l'amas. En un point de l'image apparente de l'amas, le nombre d'étoiles dans un élément de surface ds s'obtient en intégrant le long de l'axe y dirigé dans la direction de l'observation :

Cette expression est proportionnelle à l'énergie lumineuse résultante , mesurable sur le cliché.

On en déduit en prenant comme variable r (relation de Von Zeipel).


La solution (équation intégrale d'Abel) est :

De la mesure de f(x) sur le cliché, on peut déduire par des méthodes numériques la distribution N(r).des amas.

La mesure de l'image:

Il s'agit maintenant de mesurer les images.Nous utilisons le logiciel Iris. Après avoir déterminé le pixel centre de l'image de M13 soit (321 292)on utilise la commande disk 2 321 292 150 pour isoler un disque de rayon 150 de cette image. On mesure alors le flux total dans ce disque.

Puis on réduit le rayon du disque"diaphragme" par pas de 10 en 10 pixels jusqu'à un dernier disque de 10 pixels de rayon et on note au fur et à mesure les flux mesurés.

La feuille de calcul:

Toutes ces mesures sont regroupées dans une feuille de calcul Excel. Le rayon des zones successives est noté x(en pixel).
Le flus en ADU correspondant est F(x). On note f(x) le flux surfacique en projection sur l'image et f'(x) sa dérivée.

On procède enfion à l'intégration numérique (Intégrale d'Abel) pour trouver la distribution de N en fonction de x. Cette quantité N(x) est proportionnel au nombre d'étoiles par unité de volume dans l'amas à la distance x du centre de celui-ci.

Le flux surfacique déduit de la feuille Excel et représenté ci-contre. Les donnée sont représentées en rouge et un ajustement polynomial a été rajouté (degré5).
Fonction dérivée de la fonction d'ajustement obtenue ci-dessus.
Résultat de l'intégration numérique donnant la densité stellaireN(r) dans l'amas M13 en fonction de la distance au centre(échelles logaritmiques sur les deux axes).

Documentation utilisée:
Astron. Astrophys. 360, P 472-498 (2000)
" A proper motion study of the globular cluster Omega Centauri "
F. van Leeuwen 1, R.S. Le Poole 2, R.A. Reijns 2, K.C. Freeman 3 and P.T. de Zeeuw 2
http://aa.springer.de/papers/0360002/2300472/sc10.htm