Construction de Chambres Photographiques de Schmidt


Principe d'une chambre de Schmidt

En 1930, les plus grands télescopes photographiaient le ciel profond pour decouvrir galaxies, nébuleuses, et autres objets célestes faibles. Leur très faible champ rendait pratiquement impossible la réalisation d'un atlas photographique. Bernhard Schmidt, opticien d'origine Estonienne eut l'idée géniale de corriger l'énorme aberration de sphéricité d'un miroir sphérique très ouvert en plaçant en son centre de courbure une lame de verre déformée (convergente en son centre et divergente sur le bord), réalisant ainsi une chambre photographique donnant des images très lumineuses, d'une finesse inégalée et sur un champ de plusieurs degrés.

Comme on l'a vu, le miroir principal de ce télescope photographique est sphérique, ce qui en fait une pièce optique facile a réaliser, mais qui a pour conséquence d'échelonner le foyer sur une plage étendue et inacceptable pour une utilisation correcte.
Schmidt a donc calcule la forme qu'aurait une lame correctrice placée devant ce miroir pour annuler cet effet. En contrepartie, la surface focale n'était plus plane mais sphérique. Il réalisa sa première lame par une méthode originale consistant a roder la lame de verre en la plaçant sur une sorte de récipient dans lequel il fit un vide partiel. La lame ainsi déformée avait initialement une surface supérieure sphérique concave; après rodage et relâchement des contrainte, la lame prenait naturellement la forme théorique désirée. La méthode moderne généralement utilisée par les amateurs est différente: on utilise pour la mise en forme de la lame un outil auquel on a donne une forme particulière provoquant un degré d'usure différent suivant la zone concernée.


Réalisation du miroir sphérique

Le miroir principal est toujours très ouvert avec un rapport f/d voisin de 2 ou 3, ce qui rend la mise en forme au carborundum assez longue et pénible. En revanche, le polissage final ne diffère en rien du travail habituel, et n'a rien a voir avec la difficulté de parabolisation d'un miroir très ouvert.
Le contrôle de la forme se fait par la méthode de Foucault habituelle.


La lame correctrice de Schmidt

C'est la grosse affaire!...mais aussi la partie la plus passionnante du travail.

Comme on le voit sur le schéma en coupe ci-contre, (dont l'échelle verticale a été considérablement amplifiée) l'une des faces de la lame de verre est plane, l'autre s'écarte du plan d'une quantité (delta) donnée par la formule:

avec :
R = rayon de courbure du miroir principal

p = rayon de la lame

k = un parametre égal en général à 1

n = l’indice de réfraction de la lame (on peut utiliser du bon verre a vitre, d’épaisseur 12mm environ)

x = distance a l'axe du point ou l'on mesure la quantite delta de verre a enlever

est de l'ordre de quelques dizaines de microns.

Il y a plusieurs méthodes pour contrôler la mise en forme de la face déformée de la lame. La première dérive de la méthode de Foucault habituelle, la lame étant alors placée devant un miroir sphérique et le couteau remplace par un fil. On observe alors l'extinction des zones d'un écran de Foucault en mesurant les divers tirages comme on le ferait pour une lame de fermeture a faces parallèles.
Une autre méthode consiste a observer les franges d'interférences en lumière monochromatiques produites par le coin d'air entre la face déformée de la lame et un plan étalon: ces franges sont la représentation directe de la valeur delta désirée.

 


Nous avons donc décidé de profiter de la mise en forme de la face plane de la lame pour réaliser trois étalons plans (puisqu'ils ne peuvent être réalisés que par trois par contrôle mutuel). On peut aussi éviter la fabrication des étalons plan en prenant plutôt comme plan de référence la surface d’un récipient plein d’eau ou d’huile : nous avons aussi testé cette méthode qui est également très précise.
La figure ci-contre montre le dispositif, très simple, de contrôle. Par commodité, lame et plan étalon sont places dans un tiroir.

On choisit une lampe au sodium pour obtenir une lumière monochromatique, condition indispensable pour avoir des franges d'interférences contrastées et exploitables.

La vitre a 45° permet d'observer confortablement les figures d'interférences produites par le coin d'air entre les deux lames. Celles ci sont séparées par trois petites cales en papier journal.

On observe alors l'alternance de franges de la figure ci-dessous.


 

Un interfrange correspond a une différence d'épaisseur du coin d'air de une demi longueur d'onde (dans le sodium). Les franges sont en fait comme les lignes de niveau d’une carte qui indiquent la forme de la lame à contrôler, avec une définition de l’ordre de 300nm, ce qui est extrêmement précis dans notre cas.
Cette méthode, indispensable au contrôle des plans se transpose facilement au contrôle des lames de Schmidt, tout au moins si elles ne sont pas très déformées. Dans ce dernier cas, elles sont tellement resserrées que la méthode devient difficile a exploiter. Pour plus de précisions sur ces méthodes de test, consulter "La construction du télescope d'amateur" de Jean Texereau, chapitre sur le contrôle de l’optique d’un Cassegrain.

 
 
 
 
 
 
 


La mise en forme de la face déformée est effectuée avec un outil sur lequel on a colle des "poissons", c'est a dire des plaques de verre ou de métal a la forme bien particulière provoquant une usure proportionnelle a la déformation a atteindre pour chaque distance a l'axe. Ci-contre, deux outils, l'un a carres l'aluminium colles sur caoutchouc-mousse, utilise il y a une vingtaine d'années pour tailler la lame d'un Schmidt ouvert a 1.5; l'autre a poissons de verre (ici recouverts de poix pour le polissage) pour tailler la lame du Schmidt 190/255/564 cite plus loin.

Outre la methode interférentielle déjà décrite, le contrôle peut être effectué par la méthode de Foucault.


Ci-contre, deux figures observées lors d'un contrôle: l'une avec un test de Ronchi, l'autre avec un test de Foucault avec fil.


Le support du film photographique

Ce support (appelé "pierre") doit être de forme sphérique, de rayon égal a la focale; il est taille dans un flanc d'aluminium, dégrossit au tour et mis en forme définitive avec des abrasifs et un outil de verre ou de métal, tout comme un miroir classique. Le contrôle se fait au sphéromètre.
Il doit être amovible, repositionnable facilement et précisément a l'aide de butées aimantées; il est muni d'une bague presse film ajustée a frottement doux, afin de plaquer le film contre la forme sphérique.

Ce film est une rondelle découpée dans un plan-film au diamètre convenable grâce a un outil rotatif muni d'une lame tranchante.


Le montage mécanique de l'ensemble

Sur la photo ci-contre, on voit a droite le dispositif de contrôle interférentiel des plans, et a gauche, la structure métallique du Schmidt 190/255/564.
La distance miroir sphérique - plan du film doit être maintenue rigoureusement constante malgré les variations de température. Une première solution est d'utiliser des barres en Invar, alliage métallique au coefficient de dilatation très faible. Ce matériaux est cependant très cher.

Nous avons opté pour une combinaison acier aluminium, en combinant coefficient de dilatation de ces matériaux et longueur des barres pour arriver au même résultat, suivant une méthode utilisée depuis longtemps pour la fabrication des balanciers d'horloges astronomiques de précision. Nous avons en fait utilisé le fait que le coefficient de dilatation k de l’acier est pratiquement égal à la moitié de celui de l’aluminium. Donc comme le montre la figure ci-dessous si l’on combine les dilatations d’une barre d’acier et d’une barre d’alu deux fois plus petite, les allongements sont identiques et de sens opposés. Donc globalement, l’extrémité de la barre alu supportant la pierre reste à la même distance du miroir quelle que soit la température. Dans la pratique, ce dispositif s’est avéré tout à fait efficace puisque nous n’avons jamais constaté de défocalisation selon la température ambiante.

La pierre est en outre maintenue par des aimants sur un support permettant un réglage avant-arriere et un réglage de son assiette par trois vis a 120°.

Le tout a été place dans un tube en carton bakelisé, muni d'une trappe afin d'accéder facilement a la pierre.


Reglages et Prises de vues

La mise au point et le réglage de l'assiette sont d'abord dégrossis sur un objet place a l'infini (arbre, montagne, lune), puis ensuite photographiquement. L'alignement du miroir sphérique peut être réalisé avec un laser suivant la procédure classique souvent mentionnée par divers auteurs (v. bibliographie).
Lors de la prise de vue, le plus surprenant est la rapidité de la chambre: on ne peut guère dépasser 6 à 7 min sans filtre en région péri-urbaine; l'emploi d'un filtre rouge et d'une émulsion noir et blanc hypersensibilisée est donc tout a fait indiquée et permet la photographie rapide d’objets étendus et faibles

Ce qui est étonnant est aussi la remarquable finesse des étoiles sur le négatif: rien a voir avec les images photos issues d'un Newton.

 


Caracteristique des Schmidts réalisés

Outre le chercheur de cometes realise il y a 20 ans, et qui n'est plus en service, nous avons realisé deux chambres de Schmidt:
    le Schmidt 105/210/295:
        lame correctrice (en verre ordinaire) ; diametre 105 mm

        miroir spherique de diametre 210mm

        focale de 295mm

        champ d'environ 7°, sur un film rond de diametre 40mm

    le Schmidt 190/255/564:
        lame correctrice (en borosilicate 1664) ; diametre 190 mm

        miroir spherique de diametre 255mm

        focale de 564mm

        champ d'environ 6.4°, sur un film rond de diametre 72mm

    Sur la photo ci-contre, on voit le tube du petit Schmidt, sa partie mecanique avec miroir et lame, et le petit telescope de Newton qui lui sert de guide.

 


Bibliographie

        Book two "notes on the construction of an f/1 Schmidt camera"; Lower; p.410
        Book three "Schmidt Camera Notes"; Paul; p.323

        Book three "note in figuring Schmidt camera plates"; Waland; p.340

        Book three "autocollimation test for Schmidt cameras"; Waland; p.342

        Book three "the construction of a Schmidt camera"; Cox & Cox; p.345

        Book three "Some applications of the Schmidt principle in optical design"; Hendrix & Cristie; p.354

        Book three "Bernhard Schmidt & his reflector camera"; Hodges; p.365

        Book three "Bernhard Schmidt & his coma-free reflector"; Mayall; p.373

   

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