A l'aide de la caméra Artemis, placée sur une petite monture sur la terrasse, nous avons réalisé très simplement des spectres, sans fente, en positionnant directement un réseau 100tr/mm devant l'objectif photo. Ce système permet la prise de nombreux spectres en basse résolution (environ 18A/pix) sur une seule image, d'où une récolte rapide de divers types spectraux. Cependant, les images et les spectres sont parfois superposés et il faut donc faire attention à la présence d'étoiles faibles sur le spectre lors du dépouillement: tous les spectres ne sont pas exploitables. |
L'image ci-contre montre ce que l'on obtient directement avec un objectif à courte focale. On reconnait la Lyre avec sur la droite les spectres des étoiles les plus brillantes. L'orientation des spectres dépend de celle du réseau devant l'objectif et il est difficile d'obtenir des spectres bien horizontaux: cela n'est pas si génant puisqu'ils seront remis à l'horizontale lors du traitement. Une première chose saute aux yeux: les différences de morphologie des spectres, en particulier celui de l'étoile Delta2 Lyr, fortement cannelé: on reconnait ici la forme des spectres d'étoiles froides avec leurs larges bandes moléculaires (dûes à CN, CH, CO, TiO, VO, MgH, H2,etc... ). En effet, Delta2 Lyr est une étoile de type M4. Les autres trois étoiles du trapèze de la Lyre (Beta, Gamma, Zeta) sont de type B ou A donc seules les raies de l'hydrogène sont visibles, comme le montre le spectre horizontal sous l'image (raies Ha, Hb, Hd, Hg indiquées). Le spectre de Alpha Lyr (Vega) illustre bien le point faible de cette méthode puisque, pas de chance, son spectre se superpose exactement avec l'étoile Kappa Lyr (point brillant sur la droite du spectre). Il est donc inexploitable, à moins d'orienter différement le réseau devant l'objectif. |
Autre exemple de spectre ci-dessous avec cette fois les étoiles Alpha Dra et 10 Dra. Encore une fois on distingue bien la différence de types entre Alpha Dra, une étoile A0 (raies H) et 10 Dra, une M3.5 (bandes moléculaires) |
On voit aussi quelques étoiles du champ superposées aux spectres, que l'on retrouve dans les profils spectraux ci-dessous comme des raies en émission. Il suffit d'examiner l'image pour se rendre compte que ces raies n'ont bien sûr aucune réalité physique et de ne pas en tenir compte lors du dépouillement. |
Au total ce sont pas
loin de 50 spectres d'étoiles suffisament brillantes qui ont été
acquis sur les constellations courantes (UMi, Dra, Lyr, Aqr, Cas, Her, CrB,
etc...). Certains ont dû être écartés car trop "pollués"
par des étoiles de champ (tel le spectre de Véga) mais le reste
a abouti à ce tableau de près de quarante étoiles, classés
en type spectraux selon la convention OBAFGKM, des plus chaudes au plus froides.
Il nous a parru intéressant de montrer d'abord l'image directe obtenue
pour souligner leur aspect visuel lors de l'acquisition. On voit l'image de
l'étoile à l'ordre zéro, parfois saturée, puis le
spectre.
Ce que l'on observe est tout d'abord le changement morphologique du spectre entre étoiles chaudes et froides (évoqué plus haut) et également le décalage du maximum d'émission entre les étoiles chaudes (émettant plus dans le violet-bleu) et les étoiles froides (émettant plus dans le rouge et proche IR).
Voyons maintenant quelques étoiles en détail avec les spectres étallonés mais non corrigés de la réponse du CCD.
Sur cette étoile de type A0, l'identification des raies est rendue évidente par la présence de la série de Balmer (Ha, Hb, Hd, Hg). Après étallonage on localise aussi les raies atmosphériques O2 vers 6870A et 7595A. Les autres pics (tirets jaunes) sont dûs à des étoiles superposées au spectre.
Voici une étoile intéressante puisqu'il s'agit d'une Be, autrement dit qu'elle présente des raies de l'Hydrogène en émission... et ça saute aux yeux même sur l'image!
On voit très nettement les raies Ha, Hb en émission! Une étoile vient perturber sur la droite du spectre mais elle est aisement identifiable sur l'image et l'on peut s'arranger pour sélectionner la partie du spectre plutot en dessus pour minimiser son effet.
Pour une description plus détaillée des étoiles Be et un catalogue, voir cette page: http://www.astrosurf.com/aras/be/be.htm
Une autre Be également tout de suite identifiable puisque là aussi, Ha et Hb sont bien en émission. Quelques étoiles sont visibles à droite et à gauche du spectre mais ne viennent pas s'y superposer, donc on a un spectre plus "propre".
Pour une description plus détaillée des étoiles Be et un catalogue, voir cette page: http://www.astrosurf.com/aras/be/be.htm
Etoile de type M donc froide, les raies de l'hydrogène ne sont plus visibles mais elle présente de nombreuses raies d'absorption et de larges bandes d'absorption moléculaire parmis lesquelles celles dues à l'oxyde de titane (TiO).
Sur le zoom ci-dessous
on voit que la large bande d'absorption vers 7600A n'est pas due au TiO mais
à l'atmosphère. Mis à part cela on retrouve une bonne correspondance
entre les bandes d'absorption de l'étoile et les raies théoriques
du TiO (en vert).
Le spectre rose est un spectre de référence d'une étoile
de type M1iii.
Etoile de type M donc
froide, elle présente de nombreuses raies d'absorption et de larges
bandes d'absorption moléculaire parmis lesquelles celles dues à
l'oxyde de titane (TiO).
Ci-dessous le spectre resynthétisé et au dessous les raies théoriques
du TiO, effectivement en correspondance avec les absorptions sur le spectre
stellaire. Ces mêmes raies sont signalées en vert sur la courbe.
Cette petite session d'observation
nous a permis de compléter le petit catalogue de types spectraux commencé
lors des précédentes missions. Nous sommes par exemple satisfaits
d'avoir pu mettre en évidence aussi simplement l'émission de quelques
Be (Gamma Cas, Delta Sco).
Il s'agit donc d'une méthode simple et rapide pour récolter un
grand nombre de spectres avec cependant l'inconvénient de la superposition
des étoiles de champ avec les spectres. Une méthode relativement
simple pour éviter cela serait par exemple de procéder par une
légère rotation du réseau devant l'objectif entre les prises
de vues puis une pile médiane des images, qui éliminerait sans
doute efficacement les étoiles du champ... à tester lors d'une
prochaine mission.
Ci-dessous on s'est simplement amusés à coloriser le tableau en début de page afin de montrer à quoi ressembleraient les spectres capturés avec une caméra couleur.