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10 : La spectrographie infrarouge


Le spectrographe Star’Ex bénéficie de nombreuses configurations, allant de la basse résolution et à la haute résolution spectrale. La possibilité de choisir le réseau et la largeur de fente est à l’origine de très nombreuses possibilités. Parmi celles-ci, il y a l’observation (proche) infrarouge. C’est l’occasion de montrer de nouvelles possibilités offertes par specINTI.


Le spectrographe Star’Ex est donc configuré avec un réseau de 300 traits/mm blasé dans l’infrarouge, à la longueur d’onde de 1 micron. Le blaze désigne la longueur d’onde du maximum d’efficacité radiométrique du réseau à diffraction (précisément, la longueur d’onde du pic d’efficacité de diffraction lorsque les angles d’incidence et de diffraction sont égaux). L’objectif de caméra de 80 mm employé est spécialement optimisé pour l’infrarouge. Il est directement interchangeable avec l’objectif de 80 mm optimisé pour la partie visible du spectre (ces deux optiques font partie de l’offre Shelyak, voir ici la constitution des kits optique). La fente fait 23 microns de large, et à l’avant de celle-ci est inséré un filtre d’ordre coupant les longueurs d’onde plus courtes que 5900 A (OG590). Ce filtre évite que le spectre visible d’ordre 2 chevauche le spectre infrarouge observé à l’ordre 1.


L’ensemble est monté à l’arrière d’un télescope Celestron 8 - voir ci-contre.

Le document ci-après montre dans la partie supérieure deux représentations de l’image du spectre de l’étoile HD 4915, d’un type spectral très proche de celui du Soleil, pris avec l’équipement précédemment décrit. Quelques raies stellaires et bandes telluriques sont identifiées (en rouge). En bas de ce même document, on trouve une image du spectre d’une lampe néon (disposée à l’avant du télescope, voir section 5.3), avec l’identification de quelques raies pouvant servir à l’étalonnage spectral dans l’infrarouge. 

Justement, la loi d’étalonnage trouvée ici est un polynôme de degrés 2 (suffisant pour la partie infrarouge du spectre) évalué avec l’outil associé au paramètre « calib_mode » prenant la valeur -2 et en exploitant les couples :


line_pos: [799, 910, 1137, 1273, 1397, 1998, 2255]

wavelength: [6506.528, 6678.278, 7032.413, 7245.166, 7438.898, 8377.607, 8780.622]


La procédure pour trouver les coefficients d’étalonnage est en tout point semblable à celle mise en oeuvre à la section 7.7 (voir le fichier de configuration correspondant). Les coefficients du polynôme calculés en l’espèce sont :


calib_coef: [1.6550775448678668e-06, 1.5562668769666603, 5264.254271956993]


Pour la réduction proprement dite du spectre de l’étoile HD 4915 (et des objets suivants, on comprendra pourquoi plus loin), on a choisi de donner au paramètre « calib_mode » la valeur 1. C’est la technique la plus basique : specINTI fait confiance aux seuls termes du polynôme fourni au travers du paramètre « calib_coef » pour étalonner notre spectre en longueur d’onde. Voici un extrait du fichier de configuration utilisé en l’espèce :


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# Configuration Sol'EX 300 t/mm IR (new obj) - C8 - fente 23 microns

# Mode étalonnage 1

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# Répertoire de travail

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working_path: D:/starex212


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# Fichier batch de traitement

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batch_name: obs_HD4915


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# Mode d'étalonnage spectral

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calib_mode: 1


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# Le polynôme de dispersion

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calib_coef: [1.6550775448678668e-06, 1.5562668769666603, 5264.254271956993]


# ----------------------------------------------------

# On fournit la longueur d’onde d’une raie intense dans le spectre de la source d’étalonnage pour pouvoir trouver l’angle de slant

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line_pos: [1137]


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# Pouvoir de résolution

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power_res: 900


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# Largeur de binning

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bin_size: 20


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# Zones de calcul du fond de ciel

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sky: [150, 20, 20, 150]


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# Mode extraction du ciel

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sky_mode: 0


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# Bornes x pour mesures géométriques

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xlimit: [900, 1600]


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# Nom du fichier de réponse instrumentale

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instrumental_response: _rep


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# Température de couleurs de la lampe tungstène (flat-field réalisé sur table)

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planck: 2900


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# Motif de filtrage médian

# 0: pas de filtrage, sinon: 3, 5, ...

# Valeur négative : optimisé pour le bruit impulsionnel

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kernel_size: -3


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# Filtrage gaussien

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sigma_gauss: 0.8


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# Zone de normalisation à l'unité

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norm_wave: [7800, 7850]


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# Zone de cropping du profil

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crop_wave: [6000, 9900]

Note : on remarque la présence du paramètre « line_pos », uniquement ici pour désigner la coordonnée horizontale d’une raie en émission à partir de laquelle specINTI va trouver des paramètres géométriques du spectre. Même en mode d’étalonnage #1 il faut donc avoir observé le spectre d’ une lampe d’étalonnage. On note encore l’apparition du paramètre « power_res », qui devient obligatoire dans ce mode d’étalonnage et qui précise la valeur approximative estimée du spectrographe dans les conditions d’usage. Le reste devrait à présent être bien connu.


Voici le spectre réduit de l’étoile HD 4915 de cette manière :

Noter que dans l’infrarouge, notre atmosphère absorbe de façon sévère la lumière de l’étoile, en particulier vers 950 nm (H2O).


Durant la même session, nous avons observé le spectre de la planète Jupiter. Voici une copie d’écran d’ordinateur lors de cette prise de vue :

On utilise ici le logiciel Prism à la fois pour le pointage, le guidage et la prise des spectres « science ». Dans la fenêtre en bas à droite, on voit une image de Jupiter avec la fente d’entrée du spectrographe de 23 microns qui barre le disque de haut en bas. La tranche de lumière du disque de Jupiter qui entre alors dans le spectrographe produit l’image spectrale visible dans la partie supérieure. Le spectre est très large, car c’est celui d’un objet étendu (note, l’image du disque est inversée haut/bas par rapport à celle  du spectre).


Ci-après, le profil spectral de la partie centrale du disque de Jupiter (zone de la bande équatoriale) :

La différence avec le spectre de HD 4915 saute immédiatement aux yeux : de larges bandes d’absorption sont présentes dans le spectre de Jupiter, alors que la lumière qui éclaire l’astre, celle du Soleil, est fort voisine de celle de HD 4915. Ces absorptions sont causées par le méthane (CH4) et l’ammoniaque (NH3), les principaux constituants de l’atmosphère de Jupiter.


Il est important de bien comprendre comment le spectre de Jupiter a été traité, en fait différemment de celui de l’étoile HD 4915, car dans un cas l’objet présente une surface large et dans l’autre une surface ponctuelle. Mieux, on ne s’est pas contenté de tracer le spectre moyen du globe de Jupiter, mais d’un détail de ce globe (la bande EB). Comment on s’y prend ?


Il suffit d’apporter une très légère modification au fichier de configuration utilisé pour traiter le spectre de HD 4915. On ajoute d’abords la ligne suivante dans le fichier :


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# Coordonnée verticale de la trace du spectre

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posy: 289


De cette manière, on impose à specINTI de considérer que le centre de la trace du spectre dont on souhaite extraire le profil se trouve à la coordonnée y = 289. Si ce paramètre optionnel n’est pas précisé, c’est specINTI qui trouve pour vous la coordonnée verticale du spectre, mais puisque nous désirons pointer un détail particulier, que le logiciel ne peut connaître, nous imposons la coordonnée verticale de la trace en utilisant le paramètre « posy ».


L’autre modification concerne la hauteur de binning pour construire le profil spectral. Puisque nous désirons obtenir le spectre d’un détail du disque; nous réduisons drastiquement la hauteur de binning à la valeur 5 :


# ----------------------------------------------------------------

# Largeur de binning

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bin_size: 5


Enfin, puisque le spectre de Jupiter est très large, il faut penser à écarter les zones de calcul du signal de fond de ciel pour quelles évitent la lumière du globe, ici en faisant :


# ----------------------------------------------------------------

# Zones de calcul du fond de ciel

# ----------------------------------------------------------------

sky: [180, 84, 84, 180]


Venons-en à une petite exploitation de tous ces résultats. Nous disposons du spectre apparent de Jupiter (plus précisément de la bande équatoriale) et du spectre de la source qui éclaire Jupiter, très équivalent au spectre de l’étoile HD 4915. Le rapport du premier par le second donne le facteur de réflexion spectral de l’atmosphère de Jupiter, une donnée importante qui permet de déterminer la composition chimique de celle-ci, rien moins. Vous pouvez calculer ce rapport de spectre en utilisant des logiciels comme ISIS ou VisualSpec, où encore, depuis specINTI utiliser la fonction « _pro_div » en écrivant dans le fichier de configuration quelque chose comme :


_pro_div: [jupiter, hd4915, ratio]


Voici le résultat :

Profitons du fait qu’il est possible d’obtenir le spectre de régions précises du disque en positionnant celui-ci par rapport à la fente d’entrée et en choisissant la valeur du paramètre « posy ». Par exemple, examinons l’image du spectre lorsqu’on s’intéresse à la région polaire :

Nous devinons au limbe de la planète, du côté du pôle, une surintensité au niveau de la longueur d’onde de la bande du CH4 à 7900 A. C’est l’image spectrale des fameux arc polaire que l’on peut voir lorsqu’on réalise des images de la planète dans le « méthane ». L’intérêt de la spectrographie est de pouvoir quantifier ce phénomène et de mieux le comprendre. Voici par exemple le rapport du spectre de la région polaire par le spectre de la zone nord (NZ) :

La surintensité de l’arc polaire à la longueur d’onde de 7900 A est très bien visible. Les détails dans cette bande sont par ailleurs réels.


Un point qui compte fortement pour cette analyse est l’usage du mode d’étalonnage #1. Ce mode garantit que la loi d’étalonnage spectrale est la même en tout point du disque. Même si cette loi est entachée d’erreurs, les comparaisons effectuées entre régions sont très pertinentes et précises. Cette puissante technique peut être employée pour étudier la structure intime des surfaces planétaires, de celle des comètes, de celles des galaxies…


Pour compléter, voici une collection de spectres infrarouges des planètes lointaines et satellites acquis avec l’équipement de nous avons décrit dans cette section, en même temps que la technique de traitement. Remarquez comment Uranus et Neptune « brillent » comme du charbon dans l’infrarouge… :

Pour finir voici le spectre infrarouge comparé des étoiles Vega (type A0V) et de gamma Cas (étoile de type Be, avec la série de Pashen de l’hydrogène en émission), delta Per (type B5III) et Capella (G3III), ce qui illustrent la puissance de cette configuration « Star’Ex infrarouge » : 


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