L'observation spectroscopique des taches
solaires révèle des différences sensibles
avec le spectre de la photosphère. Les causes sont multiples.
Il était très tentant pour moi de faire un spectre
de tache solaire et de le comparer avec le spectre de la photosphère
avoisinante. La température d'une tache solaire, inférieure
à celle de la photosphère, est une cause de modification
de l'intensité relative des raies spectrales et peut-etre
même faire apparaître des bandes moléculaires.
Il s'agit donc de réaliser 2 spectres, l'un en plaçant
la fente du spectro sur l'ombre d'une tache solaire et l'autre
en plaçant la fente sur le disque non taché. Voici
2 essais, l'un à proximité du doublet du Sodium
et le second près du triplet du Magnésium.
Quelques exemples de renforcements de raies
dans les spectres de taches solaires sont repérées par un point
rouge en dessous des spectres. D'autres raies peuvent être plus
intenses dans les spectres photosphériques et sont marquées d'un
point rouge au-dessus des spectres. La température, les
champs magnétiques, les mouvements de la matière
sont des facteurs qui contribuent à modifier le spectre
solaire. Beaucoup de raies sont sans rapport avec le Soleil et
ont pour origine notre atmosphère.
Cette autre image, prise avec une webcam,
montre le renforcement de la raie Ti I (5426.26) dans l'ombre
d'une tache solaire
Certaines raies spectrales sont particulièrement sensibles
aux champs magnétiques et présentent un élargissement
très net dans l'ombre des taches. Il s'agit en réalité
d'un dédoublement des raies mais la résolution spectrale
de mon spectro est souvent insuffisante pour le voir. En voici
quelques exemples (z) sur la grosse tache de la région
active NOAA 0330 du 09 avril 2003.
Autres raies sensibles aux champs magnétiques: Ces spectres
ont été obtenus avec une webcam autour de 524.76
nm (5247.6 A) sur NOAA 0424 pour la première et autour
de 522.55 nm (5225.5 A) sur une autre région active.
Observation de l'effet Evershed
Dans le cas de taches située vers
le bord du disque solaire, on peut observer dans leur spectre
un élargissement asymétrique de certaines raies.
Plus précisément, on constate que l'élargissement
se fait vers les courtes longueurs d'onde lorsque la fente du
spectro est placée sur la pénombre dirigée
vers le centre du disque solaire, et vers les grandes longueurs
d'onde lorsque la fente du spectro est placée sur la pénombre
dirigée vers le limbe.
Voici des
spectres d'une tache proche du limbe solaire. La tache solaire
affecte toutes les longueurs d'onde et apparait comme une
bande noire horizontale. La pénombre est grise.
L'élargissement
des raies solaires est bien marqué et l'asymétrie,
assez facile à percevoir sur les images individuelles,
est bien mise en évidence en faisant la différence
des images 1 et 3. Le décalage vers les courtes longueurs
d'onde à gauche (blue shift) est codé en clair
tandis que le phénomène opposé (red
shift) apparait en sombre.
Les décalages
n'affectent que 4 raies d'origine solaire (3 raies du fer
et une autres très diffuse non identifiée).
Ces raies du fer sont produites à faible altitude
dans la chromosphère et sont donc particulièrement
sensibles aux mouvements de la matière à ce
niveau.
Notez également,
en dehors de la tache, l'aspect brisé des raies spectrales
solaires par rapport à l'aspect plus lisse des raies
atmosphériques. Les mouvements de convection en sont
la cause et se traduisent par de petits décalages
Doppler.
La
dispersion est de 20.7 mA/pixel.
Cette observation porte sur les régions actives NOAA 0775
et 0776, le 14 juin 2005
Le fait que le décalage spectral
n'apparaisse que lorsque les taches sont près du limbe
solaire indique que l'angle d'observation des taches est un parametre
essentiel. L'interpretation de ce phénomène fait
encore une fois intervenir l'effet Doppler Fizeau :
Le plasma semble émaner de la partie
centrale de la tache, l'ombre, et se répandre dans la pénombre,
vers l'extérieur de la tache. Lorsque la tache est vue
au centre du disque, le plasma ne présente que des vitesses
tangentielles et le spectre ne révèle aucun décalage
asymétrique. A l'inverse, au bord du disque solaire, du
fait de l'angle d'observation différent, la vitesse du
plasma a une composante radiale, c'est à dire sur la ligne
de visée de l'observateur.
En plus des spectres, le spectrohéliographe
permet d'obtenir des images monochromatiques à n'importe
quelle longueur d'onde du spectre visible. On peut donc
faire une image au centre d'une raie spectrale de longueur
d'onde λo, ou à
± Δλ de l'axe de cette
même raie.
Ici, 2 images prises simultanément
à 0.124 A de part et d'autre de la raie du fer à
6301.5 A sont affichées en alternance.
L'ombre des taches ne montre pas de modification mais les
pénombres sont très décalées.
C'est dans cette zone que les mouvements de plasma sont
les plus rapides.
La partie droite est une simulation
illustrant l'orientation des 2 taches et leur proximité
du limbe solaire.
La différence des images,
comme pour les spectres, met beaucoup mieux en évidence
les décalages Doppler. Les images ci-dessous sont obtenues
par soustraction de spectrohéliogrammes λo-Δλ
et λo+Δλ.
Toutes les images sont obtenues simultanément. Les structures
animées de vitesses radiales apparaissent alors comme un
bas-relief et les taches solaires acquièrent soudain une
certaine ressemblance avec des cratères lunaires.
De gauche à droite, Δλ
= 31mA, 135 mA et 238 mA, ce qui correspond à peu près
à des vitesses radiales de 1.5, 6.4 et 11.3 km/s
Il est intéressant de comparer l'aspect des taches et celui du
reste du Soleil en fonction des vitesses radiales:
Le plasma de la basse chromosphère semble bouger à des vitesses assez faibles,
de 1 à 10 km/s, car il n'y a quasiment plus de détails
(aspect en "peau d'orange') visibles sur la 3° image. A l'inverse,
Les taches sont presque invisibles sur l'image de gauche. Le plasma
se déplaçant dans les pénombres présente
des vitesses se situant dans une gamme de valeurs un peu plus élevées.
La limite entre la vitesse
du plasma des taches et celle du plasma environnant est très
nette. Il semble démontré que la matière arrivant
au bord de la pénombre plonge sous la photosphère (cf.
KIS).
L'axe red-shift -> blue-shift
n'est pas forcément dirigé exactement vers le centre du
disque solaire. C'est particulièrement évident pour la
tache supérieure.