Entrevue du CDADFS (Dorval) avec

M. Pierre Lemieux Pionnier de l'astronomie québécoise
Janvier 1992
Par Lorraine Morin

Pierre Lemieux, 88 ans, ancien président du Centre Français de Montréal de La Société royale d'Astronomie (1958-1960), à l'origine de l'annuaire astronomique en français, ardent défenseur du français.

Le Club d'astronomie de Dorval a le grand plaisir de recevoir M. Lemieux à l'occasion, un homme toujours vif et animé, toujours un grand sens de l'humour.

Voici un résumé de son itinéraire avant l'astronomie
- Né à Québec en 1904. Son travail de comptable agréé l'a mené aux endroits suivants :
- 1938 : Beauport
- 1942 : Plessisville
- 1944 : L'Islet
- 1945 : Cap-de-la-Madeleine
- 1947 : Dorval

Son aventure en astronomie a commencé à Noël 1955. Sa femme lui a donné en cadeau cette année-là "L'astronomie" de Flammarion. Son intérêt de l'astronomie était connu de sa famille parce que tous les samedis, il lisait dans l'Action catholique (quotidien de Québec), le supplément dans lequel paraissait un article sur l'astronomie. Il n'avait pas d'instrument à l'époque mais le ciel le fascinait.

Président du Centre Français

Il s'est ensuite rendu à la Société d'astronomie qui s'appelait à l'époque : Centre Français de Montréal de la Société royale d'astronomie. Les réunions avaient lieu à l'Université de Montréal, rue St-Denis, puis la Société déménagea à la Polytechnique, rue Sherbrooke. Il était très assidu aux réunions. En 1958, il fut élu président pour un terme de deux ans.

Durant ce terme, il a innové : les réunions des membres, de mensuelles qu'elles étaient, sont devenues hebdomadaires; il a vu à la création d'une bibliothèque dont les livres sur l'astronomie sont à la disponibilité des membres; puis plus tard il a colligé et publié pendant plusieurs années le premier "Annuaire astronomique de l'amateur" en français.

On pourrait sans doute qualifier cette étape de lutte pour le français. Lutte pour parler le français, lutte pour écrire en français. L'histoire se répète continuellement.

Fabrication d'un instrument

Il s'est fabriqué un télescope, un 6", en faisant venir les morceaux des Etats-Unis. C'était alors la seule source d'approvisionnement. Jean Nobert lui a aidé à polir son miroir qu'il a fait entièrement chez-lui, sauf pour l'aluminure qui se faisait aux É-U. Il faisait son observation en arrière de chez-lui à Dorval. Les lumières étaient plus rares (58-59-60), et on pouvait voir la Voie lactée. Mais il n'a pas fait de dessins, pas de photos, ce qu'il regrette un peu aujourd'hui.




Il observait surtout la Lune et les planètes. Il est allé à Stellafane une fois, sans instrument car c'est un peu embêtant un télescope quand on n'a pas de voiture. Mais il l'a regretté parce qu'il a trouvé que son miroir était meilleur que ceux présentés là-bas.

Les instruments de ces années-là étaient surtout des télescopes : 2", 4", 6" que les gens faisaient eux-mêmes. Mais l'astronomie était un peu différente d'aujourd'hui. On produisait moins vus les moyens réduits d'alors.

Commission Laurendeau-Danton

Dans les années 60, début de la révolution tranquille, le nationalisme prend toute sa signification. Commission sur le bilinguisme et le biculturalisme. André Laurendeau en est le co-président. Divers groupements et association présentaient des mémoires à la Commission. Il fut question d'un mémoire à la Société, la partie concernant le Centre Français devant être naturellement écrite en français. Henri Simard est nommé au comité pour rédiger cette partie du mémoire. Il s'ensuivit de nombreuses frictions et malentendus. Le rapport n'a pas été présenté, à cause des trop grandes divergences de vues, irréconciliables.

Premier annuaire en français
M. Lemieux a également beaucoup travaillé pour que l'annuaire astronomique paraisse en français.

Cela a pris deux ans. Il y travaillait dans ses temps libres (entre son travail, sa femme et ses six enfants), sans ordinateur évidemment.


Il avait écrit à Ruth Northcott, secrétaire de la Société Royale d'astronomie à Toronto, pour lui demander si des droits d'auteur avaient été enregistrés concernant l'annuaire tel qu'il existait en anglais parce qu'il voulait en utiliser certains éléments. Elle lui répondit qu'il pouvait le faire mais en accordant le crédit qui revenait à l'annuaire anglais. Quand l'annuaire français fut prêt, il en envoya une copie à Toronto avec un mot de remerciement . Mais la réponse qu'il reçut n'était pas particulièrement flatteuse. Cela faisait partie des "échanges bilingues" de l'époque.

Le premier annuaire français parut en 1966 et M. Lemieux y participa jusqu'en 1968. Il avait environ 60 pages, et on en tira 100 exemplaires assemblés et brochés manuellement. C'était à l'époque un annuaire. Celui d'aujourd'hui, par la quantité de pages et le genre de renseignements qui y sont contenus est plutôt un manuel.

En 1968, au Centre Français de Montréal succède La Société d'astronomie de Montréal qui venait d'obtenir sa charte. Il y eut de nombreuses discussions sur les règlements et sur le nom à donner à l'organisme. Après information à La Presse, il fut décidé que l'article La ferait partie du nom officiel. Cet article devrait donc être écrit partout avec une lettre majuscule.

M. Lemieux a été au Conseil d'administration de La Société d'astronomie jusqu'à 1969 (environ). Quand on lui a offert de remplacer quelqu'un qui avait démissionné du conseil, il a refusé. Ce n'était pas la façon dont il voulait revenir en fonction.

Il a eu une médaille pour l'ensemble de son travail, la Médaille du Mérite pour services spéciaux.

Que dire de plus de l'apport de M. Lemieux à l'astronomie? Il est arrivé dans ce domaine alors que les communications n'étaient pas toujours faciles; ce n'était pas non plus les technologies de pointe d'aujourd'hui. " Tout se faisait à la main, cela prenait du temps, de la générosité, de la persévérance".


Je pense cependant, à l'écouter parler avec passion et humour du français bien parlé, bien écrit, qu'il a vraiment contribué à imposer cette langue dans le monde de l'astronomie. Il nous a raconté de nombreuses anecdotes qui montrent le chemin parcouru depuis ce temps. Il est bon de se rappeler, de temps à autre, que le français battait de l'aile à un moment donné de notre histoire. M. Lemieux aime bien le raconter, et nous avons pris plaisir à l'écouter.

Lorraine Morin CDADFS Dorval.

FIN

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