Nouvelles observations au T460
[Cet article est paru initialement dans la revue PULSAR n° 741]

Le présent article vient en complément du celui que les frères Lequèvre et moi-même  vous proposions dans le Pulsar N°733*(juillet août 1999, "Un télescope de 460 sur remorque"). Après les modifications apportées à l'instrument, il était impensable de passer sous silence les nouvelles observations réalisées derrière les oculaires.

Par la même occasion je souhaite aussi démontrer qu'une optique doit toujours être contrôlée, surtout dans le domaine des grands diamètres où les coûts sont astronomiques. Ce contrôle passe inévitablement par le classique et célèbre test de Foucault par exemple*. Il est vrai que les observations proprement dites sont tributaires de facteurs externes à la qualité intrinsèque d'un miroir, comme la turbulence par exemple,  ce qui les empêche de constituer un test optique rigoureux. Cependant, il reste qu'un télescope qui remplit (enfin !) les critères de l’optique astronomique, permet tout à fait d’apprécier le gain obtenu sur l’observation des astres. Car après tout, ne sont-ils pas les objets de nos plus intimes convoitises ? Pour commencer je vous invite à survoler les modifications de l'instrument.


 

Retouche du miroir

La grande transformation porte essentiellement sur le miroir principal de 460. Cette volonté de vouloir reprendre l'optique primaire résulte de divers contrôles qui montraient, sans équivoque, la nature passable de l'état de surface du miroir ainsi qu'un important bord rabattu. Ce dernier défaut obligeait à diaphragmer considérablement l'instrument à l'aide d'une rondelle en aluminium placée sur le devant du primaire, et ce, afin de réduire la diffusion générée par ce défaut. En réalité, jusqu'à récemment encore nous n'observions qu'avec un 440 affligé d'un état de surface déplorable ! Le miroir a été retaillé, et aujourd'hui il présente un très bon état de surface et le bord rabattu n'est plus qu'un mauvais souvenir (voir les images du test de Foucault photographique : "A" en 1999 et "B" en 2000 après reprise de l’optique). La rondelle qui diaphragmait l'instrument à donc changé de diamètre interne, passant ainsi de 440mm à 460mm. Cette opération de retouche du miroir me rappelle, quoique que de manière plus modeste et terre à terre, l'intervention des lunettes sur Hubble.
 
 

Patrick Lequèvre a profité de la période durant laquelle le miroir se faisait retoucher puis argenter, pour améliorer la remorque de transport. Il a aussi révisé l'électronique de la monture et, en complément du chercheur déjà puissant (un 16X80), installé des encodeurs sur les axes. Ainsi, à partir de cinq touches associées à un petit écran rouge à cristaux positionné sur le haut du tube, il est maintenant possible de pointer rapidement et efficacement n'importe quel objet des catalogues Messier, NGC, IC, etc… Les touches latérales du barillet ont été remplacées par des « cordes à piano » et les touches dorsales par des vis à mouvement micrométrique. Ces dernières agissent sur le support du primaire et permettent une collimation tout en douceur.
 

La Lune et les Planètes

La lune n'est pas vraiment l'astre idéal pour l'œil de l'astronome qui ose se pencher sur l'oculaire d'un tel instrument. En effet, quand on quitte l'oculaire, il faut ensuite plusieurs minutes à la pupille pour se refaire une santé, c'est à dire un diamètre acceptable. Sans parler de l'horrible tache sombre qui se promène ensuite dans le champ de vision et qui laisse croire qu'elle ne disparaîtra jamais. Mais l'opération est tout de même payante, et je ne manquerai pas l'occasion de me tacher l'œil encore de nombreuses fois.
 
Lors de sa « seconde première lumière » lunaire, la turbulence était forte et l'astre visé juste au dessous de l'écliptique. Malgré ces inconvénients j'ai de suite deviné les nouvelles possibilités de l'instrument. Cette impression me fut inspirée par l'observation du cratère sommital du dôme oméga, dans la région du cratère Cauchy, situé près des rainures parallèles qui portent le même nom, dans la Mer de la Tranquillité (voir extrait de la carte n°36, Atlas de la lune Gründ). Cette observation d'un craterlet d'origine volcanique d'environ 1 kilomètre, par forte turbulence, me conforte dans l'idée que la résolution théorique d'environ 700 mètres autorisée par un tel diamètre, sera régulièrement atteinte. J'ai aussi survolé "Aristarque", qui sous fort grossissement laissait voir deux bandes sombres sur sa paroi interne, tandis qu'un source ponctuelle particulièrement brillante illuminait le fond du cratère. Il s'agit là d'une petite montagne centrale ayant un albédo très important, et l’un des plus élevés de la Lune.

Les planètes se refusant au ciel du printemps et de début d'année 2000, il a fallu attendre la fin de l'été et l'automne pour vraiment débuter un cycle d'observations planétaires. A cette période et en fin de nuit Jupiter et Saturne se taquinaient dans le Taureau, juste de quoi satisfaire l'astronome (et certainement l'astrologue de base aussi d'ailleurs…). Et là ce fut l'éblouissement ; Jupiter affiche maintenant des tonalités fortement contrastées et la "tache rouge" apparaît franchement orange tout en étant séparée par un liseré clair de la bande équatoriale sud dans laquelle elle est incrustée. Ainsi, le filtre bleu que j'utilisais précédemment pour augmenter le contraste (voir Pulsar N°733*) n'est plus vraiment utile. Son observation se poursuit jusque sur les limbes de la planète. Les cyclones, nodules et autres tempêtes des bandes sont parfaitement observables, tandis que les bandes elles mêmes sont nettement séparées des zones intermédiaires bien plus claires. J'ai d'ailleurs noté la présence d'une structure en forme de virgule sur l'une des zones. Les satellites galiléens ont un petit diamètre apparent et le suivi de leur ballet céleste est un véritable spectacle (voir photo).
Saturne est d’autant plus fascinante quand le télescope permet d'accéder à des détails encore insoupçonnés jusqu'ici. Je ne parle pas de la division de "Cassini" qui est nette et franche sur tout son pourtour, jusqu'à l'ombre des bords du disque planétaire (soit une résolution de 0.4" d'arc), mais de l’anneau sombre interne "C" ou anneau de crêpe, inobservable auparavant. De plus, une bande nuageuse fine et sombre est accessible. Avant le lever du Soleil, le 19 septembre j'ai aussi noté la présence de deux petites zones sombres à la limite de la détection, très fugaces, sur la partie interne ouest de l'anneau B. Plus sombres que l'anneau elles offraient un aspect en pointe, partant de la base interne jusqu'à environ la moitié de la largeur de l'anneau pour la plus importante. Proches l'une de l'autre, la sud était sensiblement plus longue que la nord. Le lendemain, afin de comprendre cette observation, j'ai consulté ma collection de Pulsar, et trois articles des N°699 708 et 724* semblent donner un début d'explication ; il s'agirait de "spokes". D'après les auteurs du premier article ces structures révélées par les sondes spatiales Voyager sont théoriquement invisibles aux humbles terriens, mais d'après les auteurs des deux autres articles, sous certaines conditions, elles seraient accessibles ! Pour ma part, et un deuxième observateur corrobore l'observation, l'unique interprétation que je suis actuellement en mesure de fournir est bien celle de "spokes". Je rappelle que ces structures radiales seraient engendrées par le champ magnétique de Saturne qui piégerait, puis ferait léviter des nuages de petites particules. Cette nuit-là, j'ai aussi observé le surprenant alignement de quatre satellites sur un même côté du globe.

Durant toutes ces observations l'oculaire LE 5mm de marque  "Takahashi" a donné des images plus contrastées et piquées que le 4.8mm Nagler. Cependant, le champ d'observation du LE (55°) est bien plus réduit que celui du Nagler (82°). Mais je pense qu'il est nécessaire d'évoquer au passage cette réalité, elle peut en effet permettre à un astronome modestement fortuné, d'acquérir un bon oculaire planétaire et lunaire.
 

Quelques observations stellaires

L'essentiel des tests porte sur des nébuleuses planétaires. En effet, comme je préparais une page web pour le site du club SIRIUS de Villefontaine et un article sur ces objets, j'ai comparé mes anciennes notes et observations enregistrées de mémoire aux nouvelles images de ces magnifiques stars. Et une nouvelle fois j'ai redécouvert tout un pan de l'astronomie. J'en veux pour preuve les dentelles du Cygne. A une année d'intervalle leur observation fut complètement différente. De septembre 1999 à fin août 2000, sur le même site exceptionnel situé à environ 2600 mètres d'altitude, avec le même instrument plus les modifications listées en début d'article, elles se sont transcendées. En 1999 elles étaient facilement visible, surtout quand le filtre OIII (oxygène trois) venait soutenir l'image, mais en tout cas avec bien moins de détails qu'en cette année 2000. L'image fournie par l'instrument, toujours associée au filtre OIII est maintenant comparable à une photo haute résolution. Les structures et nuances qui parsèment les longs filaments des "Dentelles" sont d'une incroyable richesse. D'ailleurs, j'ai aussi pour la première fois séparé l'étoile 52 du Cygne, la célèbre étoile placée sur le devant de NGC6960 des Dentelles, de la petite étoile bleutée de faible magnitude qui la jouxte. Il est indéniable que cette superbe draperie céleste peut servir de révélateur de la qualité des optiques d'un instrument. Je pourrais dire la même chose de la nébuleuse du Croissant, NGC6888, qui elle aussi, à une année d'intervalle, affichait bien plus de nuances.

Les autres descriptions que je vous propose ont été réalisées sur un site moins performant, à 30 kilomètres de Lyon, et à une altitude d'environ 400 mètres. NGC6905 et 6981 du Dauphin s'y montrent cependant avec des structures de plus en plus surprenantes au fur et à mesure des grossissements. Au 7mm Nagler 6905 évoque un petite Dumbbell accompagnée d'un très beau champ d'étoiles, tandis que 6891 s'illumine de vert et se présente en nuances. NGC40 de Céphée est certainement une des plus belles de sa catégorie, sa forme circulaire est un véritable délice pour les yeux. Au 9mm le centre jusqu'ici nébuleux devient stellaire, et deux anneaux, le premier plus sombre que l'externe, l'encerclent. J'ai aussi beaucoup apprécié 7048 qui présentait une structure annulaire fortement déformée, et ce malgré les étoiles de 10ème magnitude qui gênaient quelque peu son observation, m'obligeant à l'observer constamment en vision décalée. La célèbre NGC2392 à 748 fois n'a plus un aspect de "cible", mais devient vraiment un visage de Clown ou d'Esquimau, tandis qu'NGC7026 offre bien plus qu'une simple tache bleutée avec deux extensions relativement faibles, et révèle son véritable aspect avec ses deux arches recourbées. Les amas d'étoiles, qu'ils soient globulaires ou ouverts, sont maintenant plus piqués et contrastés qu'auparavant. J'ai poussé jusqu'au 4.8mm l'amas globulaire NGC7006 du Dauphin qui laissait alors voir ses étoiles périphériques d'une manière plus ponctuelle qu'auparavant. Je rappelle qu'il est situé à plus de 200 000 années lumière de la Terre, ce qui en fait l'un des amas les plus lointains du halo galactique.
 
 

Pour Conclure

Aujourd'hui, le miroir retouché puis argenté et protégé offre véritablement tout son potentiel. C’était loin d'être le cas précédemment, malgré le diaphragme, car le reste du miroir exposé aux photons présentait un état de surface tellement déplorable qu'il polluait encore l'image, ce qui se traduisait concrètement par une importante perte de contraste et de définition (cela explique cette diffusion sur les planètes  que je signalais déjà dans l'article du Pulsar N°733*). La première version de l'instrument m'a permis de découvrir le ciel profond, car à l'époque je n'utilisais régulièrement qu'un T210 Mewlon TAKAHASHI ou un C8. Impressionné par la quantité de lumière collectée, j'ai naïvement cru qu'à l'image de son emballage, le miroir offrait vraiment tout son potentiel.

Mais au moment où j'écris ces lignes, tout est pour le mieux car le miroir collecte maintenant les précieux photons, si chers aux astronomes, sur toute sa surface. Et les premières observations montrent que le nouveau T460 est plus performant que son ancienne version. Pour vous en donner une illustration, je vous invite à comparer les photos argentiques ci-jointes. La Jupiter A et la Saturne A sont les meilleurs clichés d'une longue série avant la reprise du miroir, sur un site exceptionnel à 2600 mètres d'altitude. La Jupiter B et Saturne B sont les premiers clichés depuis la rénovation, ils datent de la fin de l'été 2000, sur un site à 30 kilomètres de Lyon à 400 mètres d'altitude. Bien que ces photographies ne prouvent rien, elles illustrent en partie le gain obtenu en impressions visuelles…
 

Aujourd'hui le télescope offre de magnifiques images et surtout des perspectives sans fin, devenant ainsi une véritable "Machine à regarder". Alors, si vous souhaitez acquérir un miroir, je ne peux que vous conseiller de bien le contrôler (avant de le payer !). Pour vous aider à réaliser ces contrôles, il me semble judicieux de vous recommander une visite du site web des frères Lequèvre* (qui proposeront prochainement une version « papier » à Pulsar). Vous y trouverez certainement toutes les informations qui vous éviteront l'arnaque, et donc de payer votre miroir au juste prix de sa qualité. Car je partage aussi ce quart de haine et ces trois quarts de peine ressentis par Patrick et Frédéric face à une optique en deçà de leur investissement...

Raymond SADIN
Membre du club d'astronomie SIRIUS
de Villefontaine en Nord-Isère
 

*Pulsar N°733  "Un Télescope de 460 sur remorque" pages 13 à 15
*Pulsar N°699  "Saturne dans la ligne de Mir" pages 170/171
*Pulsar N°708  "Les spokes de Saturne au Pic du Midi" pages 72/73
*Pulsar N°724   "La sixième merveille : Saturne" pages 4 à 8

Photos Patrick/Frédéric LEQUEVRE et Raymond SADIN

*Adresses internet :

« Testez vos optiques », le site web de Patrick et Frédéric LEQUEVRE : http://wwww.astrosurf.com/tests/
Consulter aussi la page du club SIRIUS de Villefontaine :  http://www.astrosurf.com/sirius/ ou http://astroclub.net/jupiter/sirius/

[haut]