Nouvelles observations au T460

Le présent article vient en complément du celui que les frères Lequèvre et moi même  vous proposions dans le Pulsar N°733* de juillet août 1999, sous le titre "Un télescope de 460 sur remorque". En effet, devant les modifications apportées à l'instrument, il était impensable de passer sous silence les nouvelles observations réalisées derrière les oculaires. Par la même occasion je souhaite aussi démontrer, qu'une optique, dans la mesure du possible, doit toujours être contrôlée, surtout dans le domaine des grands diamètres où les coûts financiers sont astronomiques. Ce contrôle passe inévitablement par le classique et célèbre test de Foucault par exemple, mais aussi par l'observation comparative des astres eux mêmes. Car après tout, ne sont' ils pas les objets de nos plus intimes convoitises… de voyeurs invétérés? Pour commencer je vous invite à survoler les modifications de l'instrument.

Reprise du miroir et entretien

La grande transformation porte essentiellement sur le miroir principal de 460. Cette volonté de vouloir reprendre l'optique primaire résulte de divers contrôles qui montraient, sans équivoque, la nature passable de l'état de surface du miroir ainsi qu'un important bord rabattu. Ce dernier défaut obligeait donc à diaphragmer considérablement l'instrument à l'aide d'une rondelle en aluminium placée sur le devant du primaire. En réalité, jusqu'à récemment encore nous n'observions vraiment qu'avec un 440 affligé d'un état de surface déplorable ! Le miroir fut donc retaillé, et aujourd'hui il présente un bon état de surface et le bord rabattu n'est plus qu'un mauvais souvenir (voir les tests: dessus 1999 dessous 2000 après rénovation). La rondelle qui diaphragmait l'instrument à donc changée de diamètre interne, passant ainsi de 440mm à 460mm. Cette opération de retouche du miroir me rappelle, quoique que de manière plus terre à terre, moins spatiale mais tout aussi allégorique, l'intervention des lunettes sur Hubble.

Patrick Lequèvre a profité de la période durant laquelle le miroir se faisait lifté puis argenter pour améliorer la remorque de transport. L'électronique de la monture à été aussi révisée et en complément du chercheur déjà puissant, un 16X80, des encodeurs ont été fixés sur les axes. Ainsi, à partir de cinq touches associées à un petit écran rouge à cristaux installé sur le haut du tube, il est maintenant possible de pointer rapidement et efficacement n'importe quel objets des catalogues Messier, NGC, IC, etc… De nouvelles cordes pianos ont aussi remplacées les anciennes. Ces dernières agissent toujours sur le support du primaire et permettent une collimation tout en douceur.

La Lune et les Planètes

La lune n'est pas vraiment l'astre idéal pour l'œil de l'astronome qui ose se pencher sur l'oculaire d'un tel diamètre. En effet, quand on quitte l'oculaire, il faut ensuite plusieurs minutes à la pupille pour se refaire une santé, c'est à dire un diamètre acceptable. Sans parler de l'horrible tache sombre qui se promène ensuite dans le champ de vision et qui laisse croire qu'elle ne disparaîtra jamais. Mais l'opération est tout de même payante, et je ne manquerai pas l'occasion de me tacher l'œil encore de nombreuses fois.
Lors de sa "seconde" première lumière lunaire, la turbulence était forte et l'astre visé juste au dessous de l'écliptique. Malgré ces inconvénients j'ai de suite deviné les nouvelles possibilités de l'instrument. Cette impression me fut inspirée par l'observation du cratère sommital du dôme oméga, dans la région du cratère Cauchy, situé près des rainures parallèles qui portent le même nom, dans la Mer de la Tranquillité. Cette observation d'un craterlet d'origine volcanique d'environ 1 kilomètre, par forte turbulence, me conforte dans l'idée que la résolution théorique d'environ 700 mètres autorisée par un tel diamètre, sera régulièrement atteinte.

Les Planètes se refusant au ciel du printemps et de début d'année 2000, il a fallut attendre la fin de l'été et l'automne pour vraiment débuter un cycle d'observations planétaires. A cette période et en fin de nuit Jupiter et Saturne se taquinaient dans le Taureau, juste de quoi satisfaire l'astronome et certainement l'astrologue de base aussi d'ailleurs. Et là ce fut l'éblouissement, Jupiter affiche maintenant des tonalités pastels fortement contrastées, et la "tache rouge" apparaît franchement "orange" tout en étant séparée par un liseré clair, de la bande équatoriale sud dans laquelle elle est incrustée. Ainsi, le filtre bleu que j'utilisait précédemment pour augmenter le contraste (voir Pulsar N°733*) n'est plus vraiment utile. Son observation se poursuit jusque sur les limbes de la planète. Les cyclones nodules et autres tempêtes des bandes sont parfaitement observables, tandis que les bandes elles mêmes sont nettement séparées des zones intermédiaires bien plus claires. Le satellites galiléens ont un petit diamètre apparent et le suivi de leur ballet céleste est un véritable spectacle (voir photo).

Saturne est toujours aussi fascinante, sinon plus quand le télescope permet d'accéder à des détails encore insoupçonnés jusqu'ici. Je ne parle pas de la division de "Cassini" qui est nette et franche sur tout son pourtour, jusqu'aux bords du disque planétaire, soit une résolution de 0.4" d'arc, mais de la partie interne plus sombre des anneaux inobservable dans un passé encore récent. De plus, ce qui semble être la projection de l'ombre des anneaux sur le globe (sinon une bande nuageuse fine et sombre) est accessible. Avant le lever du Soleil, le 19 septembre j'ai aussi noté la présence de deux petites zones sombres à la limite de la détection, très fugaces, sur la partie interne droite de l'anneau B, donc à l'Est pour l'observateur terrestre. Elles se sont présentées sous un aspect en pointe, partant de la base interne de l'anneau B jusqu'à 1/3 de la largeur de ce même anneau. Le lendemain, afin de comprendre cette observation, j'ai consulté ma collection de Pulsar, et deux articles des N°699 et N°708* semble donner un début d'explication; il s'agirait  de "spokes". D'après les auteurs du premiers article ces structures révélées par les sondes spatiales Voyager sont théoriquement invisibles aux humbles terriens, mais d'après les auteurs du second article, sous certaines conditions, elles seraient accessibles! Pour ma part, et une deuxième personne corrobore mon observation, l'unique interprétation que je suis actuellement en mesure de fournir est bien celle de "spokes". Cette nuit là, j'ai aussi observé le surprenant alignement de quatre satellites sur un même côté du globe.

Durant toutes ces observations l'oculaire LE 5mm de marque  "Takahashi" a donné des images plus contrastées et piquées que le 4.8mm Nagler. Cependant, le champ d'observation du LE (55°) est bien plus réduit que celui du Nagler (87°). Mais je pense qu'il est nécessaire d'évoquer cette réalité, elle peut en effet permettre à un astronome modestement fortuné, d'acquérir un bon oculaire planétaire et lunaire.

Quelques observations stellaires

L'essentielle des tests porte sur des nébuleuses planétaires. En effet, comme je préparais une page web pour le site du club SIRIUS de Villefontaine et un article sur ces objets, j'ai comparé mes anciennes notes et observations enregistrées de mémoire aux nouvelles images de ces magnifiques stars. Et une nouvelle fois j'ai redécouvert tout un pan de l'astronomie. J'en veux pour preuve les dentelles du Cygne. A une année d'intervalle leur observation fut complètement différente. De septembre 1999 à fin août 2000, sur le même site exceptionnel situé à environ 2600 mètres d'altitude, avec le même instrument plus les modifications listées en début d'article, elles se sont transcendées. En 99 elles étaient facilement visible, surtout quand le filtre OIII (oxygène trois) venait soutenir l'image, mais en tout cas avec bien moins de détails qu'en cette année 2000. L'image fournie par l'instrument, toujours associée au filtre OIII est maintenant comparable à une photo de très haute résolution. Les structures et nuances qui parsèment les longs filaments des "Dentelles" sont d'une incroyable richesse. D'ailleurs, j'ai aussi pour la première fois séparé l'étoile 52 du Cygne, placée sur le devant de NGC6960 des Dentelles, de la petite étoile bleutée de faible magnitude qui la jouxte. Il est indéniable que cette superbe draperie céleste peut servir de révélateur de la qualité des optiques d'un instrument. Je pourrais dire la même chose de la nébuleuse du Croissant, NGC6888, qui elle aussi, à une année d'intervalle, affichait bien plus de nuances.

Les autres descriptions que je vous propose ont été réalisées sur un site moins performant, à 30 kilomètres de Lyon, et à une altitude d'environ 400 mètres. NGC6905 et 6981 du Dauphin s'y montrent cependant avec des structures de plus en plus surprenantes au fur et à mesure des grossissements. Au 7mm Nagler 6905 évoque un petite Dumbbel accompagnée d'un très beau champ d'étoiles, tandis que 6891 s'illumine de vert et se présente en nuances. NGC40 de Céphée est certainement une des plus belles de sa catégorie, sa forme circulaire est un véritable délice pour les yeux. Au 9mmm le centre jusqu'ici nébuleux devient stellaire, et deux anneaux, le premier plus sombre que l'externe, l'encerclent. J'ai aussi beaucoup apprécié 7048 qui présentait une structure annulaire fortement déformée, et ce malgré les étoiles de 10ème magnitude qui gênaient quelque peu son observation, m'obligeant à l'observer constamment en vision décalée. La célèbre NGC2392 à 748 fois n'a plus un aspect de "cible", mais devient vraiment un visage de Clown, tandis qu'NGC7026 offre bien plus qu'une simple tache bleutée avec deux extensions relativement faibles, et révèle son véritable aspect avec ses deux arches recourbés. Les amas d'étoiles, qu'ils soient globulaires ou ouverts, sont maintenant plus piqués et contrastés qu'auparavant. J'ai poussé jusqu'au 4.8mm l'amas globulaire NGC7006 du Dauphin qui laissait alors voir ses étoiles périphériques d'une manière plus ponctuelle qu'auparavant. Je rappelle qu'il est situé à plus de 200 000 années lumière de la Terre, ce qui fait de lui l'un des amas les plus lointains du halo galactique.

En Conclusion

Aujourd'hui, le miroir retouché puis argenté et protégé offre véritablement tout son potentiel. Ce qui était loin d'être le cas précédemment, et ce, malgré la rondelle de diaphragme, car le reste du miroir exposé aux photons présentait un état de surface tellement déplorable qu'il polluait encore l'image, ce qui se traduisait concrètement par une importante perte de contraste et de définition. Ceci explique cette diffusion que je signalais déjà dans l'article du Pulsar N°733*. Les nouvelles observations planétaires et stellaires sont criantes de vérité sur ce point. Et si j'évalue la résolution obtenue précédemment, elle correspondait approximativement à celle d'un 320/330mm maximum, parfaitement collimaté… Mais pourtant, au départ, il s'agissait bien d'une optique de 460mm, avec ce que cela comporte de contraintes, mécanique et financière. La première version de l'instrument m'a donc permit de découvrir le ciel profond, mais je dois me rendre compte qu'il n'offrait en réalité que la résolution d'un 330mm avec la luminosité d'un 440mm. N'utilisant alors  régulièrement qu'un T210 Mewlon TAKAHASHI ou un C8, j'ai naïvement cru qu'à l'image de son emballage, le miroir offrait vraiment tout son potentiel. Ce que d'ailleurs peut le laisser croire une grande partie de l'article que j'ai rédigé pour  le Pulsar N°733*.

Mais au moment ou j'écris ces lignes, tout est pour le mieux car le miroir collecte maintenant les précieux photons, si chers aux astronomes, sur toute sa surface. Et les premières observations démontrent que le nouveau T460 est plus performant que son ancienne version. Pour vous en convaincre, je vous invite à comparer les photos planétaires de l'article. Elles ont toutes été réalisées sur l'instrument. La Jupiter "A" et la Saturne "A" sont les meilleurs clichés avant la reprise du miroir, sur un site exceptionnel à 2600mètres d'altitude. La "Jupiter B et Saturne B" sont les premiers clichés depuis la rénovation, ils datent de la fin de l'été 2000, sur un site à 30 kilomètres de Lyon à 400 mètres d'altitude.

Aujourd'hui le télescope offre de magnifiques images et surtout des perspectives sans fin, devenant ainsi une véritable "Machine à regarder". Et je partage aussi ce quart de haine et ces trois quarts de peine ressentis par Patrick et Frédéric face à une optique en deçà de leur investissement.  Alors, si vous souhaitez acquérir un miroir, je ne peux que vous conseiller de bien le contrôler avant de le régler. Pour vous aider à réaliser ces contrôles, il me semble judicieux de vous recommander une visite du site web de Patrick et Frédéric dont voici les coordonnées (tu ajoutes ici ton adresse web). Vous y trouverez certainement toutes les informations qui vous éviteront l'arnaque, et donc de payer votre miroir au juste prix de sa qualité. Dans un premier temps vous pouvez aussi consulter les pages du site du club SIRIUS : : http://www.astrosurf.com/sirius ou http://astroclub.net/jupiter/sirius/

Raymond SADIN

*Pulsar N°733  article "Un Télescope de 460 sur remorque" pages 13 à 15
*Pulsar N°699  article "Saturne dans la ligne de Mir" pages 170/171
*Pulsar N°708  article "Les spokes de Saturne au Pic du Midi" Pages 72/73
Photos : Patrick/Frédéric LEQUEVRE et Raymond SADIN
 
 
 

La "meilleure" image couleur de jupiter obtenue avec l'optique d'origine (diaphragmée).
Elle illustre bien l'impression visuelle de manque de définition et de contraste.

 
 
Premiers essais avec l'optique retouchée :
Image diapo couleur (pose 0,5 s sur Elite Chrome 200), le 10 septembre 2000 (3h30 TU)
Image brute de "scan" (1200 dpi).
Les satellites sont Europe et Io (de gauche à droite).