Dr Eric Simon

Symétrie Matière/Anti-Matière et masse négative, une clé pour l'élégance ?

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Et si le retour à la symétrie matière-antimatière était une clé du puzzle incompris de l'Univers actuel ?

Quels sont ces problèmes ?
- L'Univers semble peuplé presque exclusivement de matière, alors que l'antimatière (particules de charges opposées) existe bel et bien; pourquoi cette asymétrie ? Est-elle naturelle ?
- Quelle est la nature de cette hypothétique Énergie Noire (qui devrait représenter 73% de l'Univers si son expansion est bien accélérée) ?
- Quelle est la nature du phénomène physique à l'origine de la phase d'inflation dans l'Univers jeune, concept introduit pour permettre de coller aux observations d'homogénéité du fond cosmologique ?
- Quelle est la nature de la Matière Noire non baryonique, représentant 23% du contenu de l'Univers et 85% de la matière ?

Ces quatre questions sont des éléments totalement incompris actuellement.

Pour essayer de littéralement se débarasser de ces questions et retrouver une vision beaucoup plus élégante de l'Univers, les physiciens français Aurélien Benoit-Lévy et Gabriel Chardin, proposent de changer d'Univers!

Pour cela, ils font seulement deux hypothèses qui peuvent paraitre à la fois simples et élégantes :

1) matière et antimatière sont symétriques : il en existe autant l'une que l'autre dans l'Univers
2) l'antimatière possède une masse gravitationnelle active négative : il y a répulsion entre matière et antimatière et aussi entre antimatière et antimatière, comme il y a attraction gravitationnelle entre matière et matière.

Le deuxième point est certainement le point le plus audacieux, mais il peut être fondé simplement par des concepts de symétrie. Et il faut savoir que c'est quelque chose qui n'a encore jamais été testé expérimentalement (une expérience est actuellement en cours au CERN pour regarder ça, l'expérience AEGIS).

Quelles sont les conséquences de ces deux hypothèses ? Elles sont énormes car le modèle d'Univers s'en trouve complètement changé.

Introduire autant de masse "positive" que de masse "négative" dans l'Univers au sens de la force de gravitation revient à créer (à grande échelle) un Univers vide de masse (les deux composantes s'annulent). Et ce type d'Univers à déjà été inventé il y a bien longtemps par un cosmologiste anglais du nom de Edward Arthur Milne en 1933, comme une alternative à vision de la Relativité Générale einsteinienne.

Il se trouve que cet univers de Milne (ou de Dirac-Milne comme l'appellent les auteurs) reste régit par une métrique de type Friedman-Lemaître-Robertson-Walker comme le modèle standard actuel, mais avec des paramètres différents.
Le fait essentiel de cette cosmologie est que le facteur d'échelle (que l'on note a(t)) est linéaire et cette linéarité reste identique tout au long de l'évolution de l'expansion.

Car il s'agit toujours d'un univers en expansion, dont on peut calculer l'âge (le calcul donne 13.9 milliards au lieu de 13.7 milliard dans le modèle "standard"), mais cette expansion est constante : elle n'est ni accélérée, ni ralentie.
Pas d'expansion accélérée, vous avez bien lu. Ce qui implique tout de suite la non-nécessité de recourir à une hypothétique énergie noire.

Comment expliquer alors les observations de luminosité des supernovae Ia de 1998 qui ont conduit au concept d'expansion accélérée ?
Et bien Benoit-Lévy et Chardin ont réanalysé les données des supernovae Ia avec leur modèle d'Univers et ils trouvent un accord pas trop mauvais, en tout cas bien plus proche du modèle "standard" avec ajout de constante cosmologique que de celui d'avant 1998 sans énergie noire (constante cosmologique)...

En d'autres termes, les observations des supernovae (moyennant quelques biais de mesure) pourraient très bien être compatibles avec un univers en expansion non accélérée de type Milne.

Une autre énorme implication de ce facteur d'échelle linéaire apparaissant dans l'univers de Dirac-Milne est qu'il n'y a plus de problème d'horizon : chaque point de l'espace a pu être en relation causale avec un autre point de l'espace dans les temps anciens, il n'y a donc plus aucun besoin de recourir à l'Inflation!. L'inflation, introduite au début des années 1980 permettait de résoudre de manière ad hoc l'apparente impossibilité que des directions opposées de l'espace aient pu être en contact causal dans le passé, ce qui est observé.

Et où serait cette antimatière ? Et bien tout simplement là où n'est pas la matière! Il faut se rappeler que lorsqu'une particule rencontre son antiparticule, ça se passe mal : elle s'annihile en produisant deux photons dont l'énergie est égale à la somme des masses (valeurs absolues ?) desdites particules.

Vous allez dire : il devrait donc exister des galaxies entières d'antimatière! Et bien non, puisque nous avons dit que l'antimatière repousse l'antimatière. Elle ne peut donc pas s'agglomérer comme le fait la matière : point de concentration d'anti-hydrogène, point d'anti-étoiles, point d'anti-galaxies, point d'anti-amas... Les anti-électrons, anti-protons, anti-neutrons sont voués à errer seuls dans les interstices matériels de l'Univers de Dirac-Milne, formant peut-être des halos diffus de (anti-)matière bien sombre...


Introducing the Dirac-Milne Universe
A. Benoît-Lévy, G. Chardin
Astronomy&Astrophysics Vol 537, 11 janvier 2012

version preprint en libre accès :
http://arxiv.org/pdf/1110.3054.pdf

Dr Eric SIMON; http://drericsimon.blogspot.com

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Amusant.

ça devrait plaire à ChiCyg (qui aime bien l' univers de Milne, et déteste l' inflation), et faire réagir dg2 ...

Je me demande comment se passe la formation des structures dans un tel modèle d' univers ... M' en vais essayer de lire le papier ...

EDIT: D'après le début du papier, la taille caractéristique des régions dépourvues de matière (resp. d' anti-matière) doivent être de la taille de l' univers observable à l' époque de la recombinaison, sinon on observerait un rayonnement caractéristique à la frontière entre 2 régions, donc ça ne change probablement rien à la formation de structures qui a lieu bien plus tard ...


PS: Ah non j' ai lu trop vite, ça c'est dans le cas d'un comportement "normal" de l' antimatière vis-à-vis de la gravitation. Pour l' antimatière répulsive, ils trouvent à partir des contraintes de la nucléosynthèse primoridiale une taille caractéristique des domaines de l' ordre de 10^15cm lors de la recombinaison, ce qui donnerait un truc plus petit qu' une galaxie à notre époque. Du coup ça redonne un sens à la question sur la formation des structures ...

[Ce message a été modifié par PascalD (Édité le 08-02-2012).]

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Je doute qu'il y ait beaucoup de théoriciens qui croient à des propriétés aussi exotiques de l'antimatière vu à quel point elles sont en contradiction avec le principe d'équivalence. En fait je suis même sûr que la chose n'enthousiasme pas grand monde après avoir vu la réaction d'un parterre de théoriciens de haut vol lors d'une présentation générale sur la cosmologie lors de laquelle ce scénario avait été évoqué.

Par ailleurs, sans même avoir à attendre les résultats de AEGIS, il me semble que le fait que matière et antimatière voient le même champ gravitationnel est acté par les neutrinos de la supernova SN1987A qui sont tous arrivés en même temps et peu avant le flash électromagnétique. Indépendamment de cela, un modèle de Milne est à mon avis exclu par les supernovae, quoique marginalement. J'ai un peu l'impression que les auteurs du modèles minimisent quelque peu le truc. Enfin, il me semble que le modèle de A. Benoit-Ley et G. Chardin implique des distortions spectrales sur le fond diffus en contradiction avec les limites actuelles.

Bref, le modèle n'est pas trivialement exclus, mais il est exclu quand même pour des raisons moins triviales que ce que l'on pourrait naturellement penser. Mais cela reste une belle idée.

[Ce message a été modifié par dg2 (Édité le 08-02-2012).]

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Je pensais que l'anti-matière attirait la matière et également que l'anti-matière attirait l'anti-matière et non pas de répulsion entre ces différents élements comme tu l'écrits?

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C'est effectivement ce à quoi l'on s'attend, mais les auteurs du modèle regardent les intéressantes conséquences de l'hypothèse inverse.

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Ce que je trouve pas logique, c'est que si l'antimatière génère de l'antigravité, il ne devrais pas y avoir d'interaction gravitationnelle entre matière et antimatière, il n'y a pas de raison qu'elles se repoussent ou s'attirent, l'une ne prendrait pas l'avantage sur l'autre si elles sont de masse égales...
Dites-moi si je me trompe

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