Benj Poup

[CROA] Ballade dans le Sagittaire ... en attendant Mars

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Il doit y avoir des jours comme ça ... Les nuages de beau temps, fatigués d'occuper le ciel bleu, décident de prendre le large en fin d'après-midi ( seuls quelques irréductibles resteront sagement en place, au loin, avant de fuir à leur tour), laissant ainsi le terrain parfaitement vierge pour les étoiles. Il ne nous reste plus qu'à trouver le nôtre !

Je suis pour l'occasion accompagné de Bruno David et de son énorme mastodonte de 10 pouces.

Et nous voilà à parcourir la campagne des environs de Chateau-Thierry, soulevant la
poussière sur des kilomètres, avant de nous arrêter le long d'un champ fraîchement
moissonné, au bord d'un chemin tellement défoncé que l'on peut déjà être rassuré sur un point : personne ne viendra traîner ses pleins phares par ici !

Le soleil est couché depuis environ 3/4 d'heures quand nous commençons à déballer notre attirail, profitant pour cela des dernières lueurs du crépuscule. Bon signe : les 3 étoiles du triangle d'été, Arcturus et Antarès sont déjà bien visibles, alors que le ciel n'est vraiment pas noir. Je monte tranquillement ma petite lunette, tandis que Bruno se livre à quelques exercices physiques autour de son appareil de muscu improvisé. Il faut dire que la barre de contrepoids d'un LXD 55 fait son pesant d'âne mort !

Au bout du compte, ma lunette est installée bien avant le gros newton, mais celui-ci observera bien avant. Il est environ 23 H quand le gros tube du newton se penche à travers le bleu marine du ciel, et plonge vers M 57. A l’œil, la Voie Lactée est déjà nettement visible, alors qu'il ne fait pas encore noir. Impressionnant !

Nous avons donc 1 H 30 pour profiter du ciel profond, avant le lever de la Lune, dont la lumière balaiera tout sur son passage. 1 H 30 pour boucler un programme centré sur le Sagittaire, en attendant de pouvoir jeter un petit oeil sur la planète Mars.

Alors que Bruno promène son Newton autour du triangle d'été, je décide de m'approcher de l'horizon, et de jeter un oeil du côté du Scorpion. Au programme : M 4 et M 80. Deux amas globulaires très différents. Sur le papier, M 4 est énormes, M 80 très petit. Dans le ciel, les apparences sont toutefois bien trompeuses. Je fouine autour d'Antarès avec mon 21 mm, et dans le ciel encore gris, je butte sur une première difficulté : impossible de trouver M 4 !

En fait, je me suis simplement un peu loupé sur mon premier "star-hoping" de la soirée, en confondant ma droite et ma gauche après la deuxième étoile. Pas évident de trouver un objet là où il n'est pas ... Finalement, une rapide marche arrière et un demi-tour en plein ciel me permettent de retomber sur M 4, et d'apprécier cette curieuse tache large et floue. La comparaison avec M 80 est intéressante, parce que ce dernier, malgré sa petite taille, est beaucoup plus compact, donc tout à fait immanquable, coincé entre ses 3 étoiles. Le passage de M 4 à M 80 est saisissant.
Une paire de globulaires à l'autre, nous glissons vers le Sagittaire, en direction de M 22 et M 28. M 28 est sympathique, mais fait bien pâle figure quand on le compare à M 22, véritable joyau dont les étoiles de la périphérie se détachent sans aucune difficulté, aussi bien dans le newton que dans la lunette. Inutile de chercher les forts grossissements : le spectacle est dans le grand champ!

Et il va continuer dans cette voie-là : la lunette quitte un instant les globulaires, et monte au-dessus de la théière. S'y trouve M 24.
Dans notre ciel du soir, M 24 est visible à l’œil nu, sous la forme d'une gigantesque tache floue qui doit facilement couvrir 3 fois la surface de la pleine Lune - je laisse les experts trancher - ce qui en fait un objet difficile à observer dans les instruments classiques : Il est tout simplement trop grand ! Grossi 25 fois, il rentre tout juste dans le grand champ de mon 21 mm, et apparaît comme un champ d'étoiles brillante plutôt diffus, perdu au milieu de la Voie Lactée. Il se révèle finalement quand on se promène autour. Dès qu'on s'en éloigne, la concentration d'étoiles diminue sensiblement. Et quand on revient dessus, c'est tout bonnement magnifique !

M 25, autre amas ouvert, aurait sans doute préféré être loin de cet encombrant voisin, pour qu'on s'intéresse un peu à lui.

Dans le même coin de ciel, nous orientons nos hublots célestes vers la Lagune et la Trifide.

La Lagune, visible à l’œil nu dans notre ciel désormais saturé d'étoiles ( faut toujours que j'exagère ! ) nous offre un joli spectacle dans nos instruments respectifs. Dans le newton, le mélange de nébuleuses et d'étoiles est magnifique. On commence d'ailleurs à voir des différences de densité dans la nébuleuse. Rien de tel dans ma lunette, évidemment, alors je compense. Toujours avec le grand champ : en orientant la Lagune vers le bord inférieur du champ, je vois apparaître la trifide sur le bord supérieur. Imaginez un peu : les deux nébuleuses apparaissent dans le même champ - comme sur les photos, mais avec les couleurs en moins, bien sur.
Nous glissons progressivement vers la queue de l'aigle. Sur notre route, nous croisons évidemment M 18, M 17 et M 16. M 18 ne présente pas un intérêt fabuleux dans ma lunette, et viendra peut-être porter plainte un jour, pour conflit de voisinage : à deux pas de là se trouve la bruyante - pardon, brillante ! - nébuleuse Oméga, véritable joyau du ciel. Sa forme caractéristique est repérable même aux grossissements les plus faibles, et en montant à 50x, on commence à deviner toutes les subtilités de cette magnifique nébuleuse. M 16 est un peu trop éloignée pour que je la fasse figurer dans le même champ que M 17, alors, je m'éloigne de cette dernière, pour isoler la nébuleuse de l'aigle. Comme je n'arrive pas à voir les fameux "doigts" ( dans une lunette de 80, faudrait être marseillais pour accomplir un exploit pareil ! ), je me contente de plaquer les images colorés que j'ai en mémoire sur la petite tache floue et constellée d'étoiles que j'ai sous les yeux.

En remontant vers M 11, je cale sur un Messier introuvable. La faute à l'impatience : au même moment, Mars a commencé à faire son apparition. Ce qui signifie que la Lune va suivre, et va rapidement effacer le ciel profond de ses lumières. Il faut donc se dé-pê-cher !

Je bâcle un peu M 11 - prenant juste le temps d'apprécier les nuances de gris et de noir qui défilent sous l'oculaire, quand je traverse les régions plus ou moins denses de la Voie Lactée - et file directement vers la petite constellation de la flèche, au cœur du triangle d'été. M 71 est situé pratiquement entre les deux étoiles de la pointe de la flèche, ce qui en fait une cible on ne peut plus facile. L'objet est toutefois très joli, encadré dans un champ d'étoiles très riche - nous sommes toujours au cœur de la Voie Lactée - et je me demande comment j'ai pu passer à côté aussi souvent. Il faut dire que jusque-là, la flèche me servait surtout de point de départ vers M 27. Cette fois, le mal est réparé.

La Lune est maintenant levée, et ce copieux apéritif se termine; nous enchaînons avec Mars.

Suite dans un prochain CROA !


------------------
Benjamin Poupard
Megrez 80 & Coolpix 885
"Dans les étoiles" - http://perso.club-internet.fr/bpoupard

[Ce message a été modifié par Benj Poup (Édité le 20-07-2003).]

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Alors là Benjamin tu m’a scier…..ca sent le vécu avec un style littéraire très appréciable !
Je te soupçonne d’avoir une secrétaire a porté de main pour taper tes croas…me trompe je ?

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Ahhh, benjamin, quel beau Croa. En fait, j'ai suivi exactement le même itinéraire que toi la veille alors c'était super de te lire parce que non seulement c'est bien écrit mais en plus c'est tout frais dans ma mémoire.
Je confirme au passage qu'entre M28 et M22, on n'hésite pas longtemps ! M22 est bien plus spectaculaire !
De mon côté, je n'ai pas eu les problèmes d'étroitesse de champ et d'inversion droite/gauche (grâce aux jumelles ) ni d'ailleurs les problèmes physiques de ton ami haltérophile
Tout ça pour dire qu'un gros instrument n'est pas nécessaire pour observer dans le Sagittaire et qu'on peut se faire REELLEMENT PLAISIR à l'oeil nu et aux jumelles dans cette région. Je pense même que certains astres et champs stellaires sont bien plus intéressant aux jumelles (pour cause de champ et de grossissement). D'ailleurs, un autre avantage non négligeable du Sagittaire, c'est qu'avec les jumelles, on n'a pas besoin de se tordre le cou
Si Dieu me prête vie et fortune, j'équiperai un jour ma FS78 en 2 pouces avec un Pentax 40mm : 4° de champ !!!
Pour finir, un petit reproche : bacler M11, C'EST MAL !!! Et pour cause, cet amas est pour moi un des plus beaux astres qu'il soit donné d'observer !

------------------
"Nous sommes tous ignorants, mais nous n'ignorons pas les mêmes choses."
http://www.astrosurf.com/chouettastro/


[Ce message a été modifié par fvbnb (Édité le 20-07-2003).]

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Malheureusement, Altair, tu te trompes

Heureusement, je sais taper au clavier à plus de 2 doigts ( 3, 4, voire 5 en vitesse de pointe ! )

Mais il faut tout de même admettre que c'est mon CROA le plus long ( enfin, je pense )

J'imagine qu'il me faudra un site web entier pour le jour de mon marathon Messier

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Benjamin Poupard
Megrez 80 & Coolpix 885
"Dans les étoiles" - http://perso.club-internet.fr/bpoupard

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