Bruno-

CROA gazeuses, avec un peu de Machholz et de Tsuchinshan à l'intérieur.

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Une partie du titre fait référence à un CROA fameux, décrivant de belles images de planètes gazeuses...

Samedi soir, 21h30. Il fait beau, pas de brouillard pour une fois, la Lune est encore haute. Il fait froid. J'attends la Lune pour faire du ciel profond mais la transparence n'a pas l'air fameuse et tout le monde sur le "chat" se plaint du brouillard. Peu motivé, je décide donc de consacrer la nuit à Saturne : dessiner d'heure en heure les satellites pour mettre en évidence leur déplacement. Ça ne mange pas de pain, c'est pas difficile, un simple prétexte pour sortir quand même. Et puis la Lune ne gêne pas pour ça. Mais je tenterai Tsuchinshan vers 4h, et Jupiter en fin de nuit (double passage d'ombre) si je suis en forme.

21h45. Je sors l'Orion Optics 300/1200 sur monture Dobson. Je reviendrai dans un quart d'heure pour le premier dessin des satellites, attendons d'abord qu'il prenne la température...

22h. Je pointe Castor (x240). Beurk ! Une grosse tache allongée avec une double aigrette en alpha, signe de sa duplicité. Saturne est moche comme tout. Cassini est difficile. Le télescope n'est pas en température !

Retour à la maison pour se réchauffer (c'est pratique cette manipe des satellites de Saturne, elle me laisse le temps de retourner au chaud ! )

23h. De retour. Ah, il y a de la buée sur le chercheur. La Lune est basse mais pas encore couchée. Peu d'étoiles sont visibles dans les Hyades : la transparence n'est pas terrible. Castor est dédoublée mais les deux images sont accolées et pas très belles. L'image de Saturne est meilleure que tout à l'heure, mais ne vaut pas celle que j'avais eu mercredi dernier, une des trois ou quatre plus belles de Saturne depuis que j'ai le 300 mm. Je redessine la position des satellites.

Machholz commence à baisser, et va bientôt passer derrière les arbres. Tant pis, je n'attends pas le coucher de la Lune. À l'aide du Antares SWA 18 (x67), je pointe la comète. Je ne suis pas en forme et je ne compte pas la dessiner, surtout avec un ciel moins bon que d'habitude, mais je perçoit la queue de gaz en "vision globale" au premier pointage. Du coup, un petit dessin s'impose... La comète est verdâtre, comme d'habitude. La queue de poussière semble avoir disparu, il ne reste plus qu'un allongement de la coma, qui a tourné par rapport à mon dernier dessin.

24h. La Lune est couchée. Castor est maintenant parfaitement dédoublée. Il y a un espace noir entre les deux. Ah, il a fallu 2h15 pour avoir la mise en température ! (Pourtant la cuisine, où je stocke le Dobson, n'est pas chauffée... mais elle jouxte les autres pièces, et même s'il ne fait que 10°C ou 12°C, c'est trop "chaud".) Le chercheur est bien embué, et la buée sur le tube est en train de givrer.

Saturne est donc maintenant potable. L'image ne vaut bien sûr pas celle de mercredi dernier. Il y a un tremblottement constant de l'image. Mais on voit bien Cassini, nette, bien noire. Je refais un dessin des satellites. Titan a la même couleur jaune que Saturne. Allez, au chaud !

1h. Nouveau dessin de Saturne, qui montre mieux ses détails. Tiens ? Encore une question de mise en température ? L'image est du même calibre que mercredi dernier, c'est une des plus belles images que j'ai jamais eu au 300 mm. Je dessinerais bien Saturne elle même, mais j'ai la flemme, surtout que j'ai fait un dessin mercredi dernier. Les anneaux sont blancs, mais je ne les trouve pas éclatants comme mercredi. Peut-être m'y suis-je habitué ? L'ombre de Saturne sur l'anneau, derrière lui, est visible des deux côtés, comme un tout petit liseré noir, mais qui est mieux visible à droite.

2h. Après le dessin de la position des satellites, je m'attarde sur le disque de Saturne. La division de Cassini est vraiment nette. L'anneau A est blanc bleuté, un peu grisé, mais plus bleuté que grisé. B est blanc. L'anneau C est bien gris, lui (c'est l'anneau de crêpe). La finesse des anneaux, comme mercredi dernier, m'impressionne. Il est évident qu'ils ne font que quelques kilomètres d'épaisseur !

L'an passé j'avais vu une décroissance d'éclat des deux côtés des bords des anneaux, mais pas ce soir (ni mercredi). À mi chemin entre Cassini et l'extérieur de l'anneau, il y a quelque chose. Ça alors : une fausse division d'Encke ! Vous savez, comme sur les images webcam trop traitées : une sorte de division moins contrastée, moins épaisse que Cassini mais montrant quand même une épaisseur, formant un arc aux deux extrémités. Comment est-ce possible ? Mon oeil ferait-il des ondelettes sans m'avertir ?

C'est la première fois que je vois ça. Je m'attarde longueuement sur les anneaux pour confirmer. La fausse Encke n'est pas visible en permanence, mais de temps en temps. En fait, le tremblottement est maintenant infime, il faut vraiment faire attention pour le percevoir. La turbulence semble s'être encore atténuée par rapport à tout à l'heure. Ah c'est marrant, de fausses Encke apparaissent des deux côtés, par moments.

L'image est encore plus stable que tout à l'heure. Comme mercredi dernier, je vois bien près du bord interne de l'anneau B, des deux côtés, une zone gris clair, comme une sorte de nuage. Les formations du disque sont bien visibles et colorés, mais la bande principale ne montre pas de détails, sinon un contraste plus net du côté de l'anneau. Je fais des dessins de portions de Saturne, qu'il faudra assembler pour obtenir un dessin au propre.

Et ces fausses Encke ! Ah c'est bizarre, mais c'est confirmé. Je fixe la fausse Encke de gauche. Juste un arc, avec une épaisseur, mais pas à la position qu'il faut. Soudain, pendant une seconde, pas plus, plus un seul tremblottement ! Et alors la fausse Encke disparaît et laisse place à un arc sans dimension, peu contrasté, à la position du bord externe de la fausse Encke, donc à environ 3/4 de la distance Cassini/bord de l'annea A. C'est la vraie Encke !!!! Puis la fausse Encke se reforme.

Ça alors ! N'ai-je pas rêvé ?

Je fixe à présent le côté droit de l'anneau. L'image tremble un peu : je viens de recentrer Saturne, il faut attendre quelques secondes. Voilà. La fausse Encke est là, et l'image est quasiment immobile. Mais pas tout à fait. Soudain, tout se fige. La fausse Encke est remplacée par la vraie. Pas plus d'une seconde et la fausse revient. Tout à l'heure, Encke était plus nette, là c'est vraiment à peine visible. Mais je crois que c'est réel. Je crois que j'ai vu la division d'Encke. Je crois surtout que j'ai cette nuit la plus belle image de Saturne que j'aie jamais vue depuis que je fais de l'astronomie !

Retour à la maison pour me réchauffer...

Allons voir Titan : jaunâtre comme Saturne, parfaitement ronde, comme les autres satellites. Elle me semble un peu plus grande que les autres satellites. Est-ce possible de voir le disque de Titan ?

Je retourne sur le globe. Les deux ombres, de chaque côté, ne sont pas semblables. Celle de droite est plus facile que celle de gauche, sans doute moins fine. La fausse Encke n'est plus visible. Ah si, de temps en temps elle apparaît. Est-ce que c'est fini ? Ne reverrais-je plus la vraie ? Si ! La revoilà, mais c'était très court, sur la partie gauche de l'anneau. Allons voir à droite. J'attends. La planète défile en tremblottant à peine. Puis, ça se calme. La fausse Encke. Non, plus rien. Si, la revoilà. Oh !!! Pendant une seconde, j'ai revu Encke, la vraie, et sur une longueur plus grande ! En restant concentré sur l'anneau je la revois encore une paire de fois, mais c'est de plus en plus long à avoir un ciel immobile. La dernière est la meilleure : sur le bord gauche, Encke reste visible une seconde environ, mais sur une longueur encore plus grande. Allez, retour à la maison, pour peu de temps d'ailleurs car à 3h il faudra remettre ça...

3h. Nouveau dessin des satellites. L'image de Saturne est toujours superbe ! Les anneaux sont d'une finesse ! Je suis sûr qu'il suffirait d'un souffle pour les détruire... Ensuite, je dessine Jupiter, encore très basse. La planète est chromatique (atmosphère !) et l'image bouillonne. Ah, attendons qu'elle monte...

Retour sur Jupiter à 3h25. Cette fois, des détails sont visibles. Il y a une grande tache blanche ovale (WOS) à droite du disque (nord en bas), sur la bande au-dessus de la SEB. J'ai même cru voir une plus petite WOS à sa gauche, mais non confirmée. À 3h43, l'ombre de Io entame sa traversée du disque de Jupiter.

4h10 : dessin des satellites de Saturne. L'image tremblotte un peu, en permanence. Elle est belle, comme mercredi dernier, c'est l'une des plus belles que j'ai jamais eue, mais il n'y a plus de fausse Encke et encore moins de vraie. C'est fini...

Allez, direction l'amas de la Vierge ! J'essuie un peu le chercheur avec un chiffon de la cuisine, puis je pointe Rhô Virginis. De là, le petit triangle d'étoiles de m:8 à l'ouest de M87, puis je monte un peu. Plaçons le SWA 18. Il y a M84 et M86. Je fais un dessin. On a presque l'impression qu'il y a plus de galaxies que d'étoiles ! M84, M86, une grande galaxie allongée qui forme un triangle équilatéral, une petite ronde au milieu du triangle, et d'autres galaxies : une plus faible à droite de la grande allognée, encore une autre faible plus loin, et un couple de galaxies tout à droite : NGC 4435-38. En bas, une galaxie très faible, allongée. Je regarderai les numéros demain... La comète Tsuchinshan doit se promener quelque part entre M84 et M86, d'après ce que j'avais vu tout à l'heure à l'ordinateur.

Je place le Nagler 9 (x133). Ah, on voit plus d'étoiles, et les galaxies sont mieux visibles (mais plus en même temps !) Entre M84 et M86, il y a dans le coin de mon oeil un vague machin flou, sans forme, presque aussi étendu que M84 ou M86 (du moins que la partie vue en vision directe de ces galaxies, car en vision décalée elle sont plus grandes.) Bref, voilà la comète : très faible, non vue à x67, pas condensée du tout, sans noyau. En fait, si je ne savais pas qu'il y avait une comète, je ne l'aurais pas vue, à mon avis. Dommage que le ciel ne soit pas plus transparent. S'il était moins humide...

Retour sur Jupiter. L'ombre de Ganymède vient de rentrer, plus basse. Io est tout proche du disque et ne va plus tarder à passer devant. La Tache Rouge est en train d'apparaître, à droite du disque. La grande WOS vient juste de passer le méridien central. Je n'a pas revu la petite. En 5 minutes, le déplacement de cette WOS par rapport au méridien central est évident. L'ombre de Io est, elle, presque au niveau du méridien central. Le disque de Jupiter montre suffisamment de détails pour un dessin, mais ils sont trop difficiles pour moi, et l'image bouillonne (un petit peu) en permanence. Ah, Jupiter est trop basse, décidemment...

Ah, voilà Io. La petite boule est blanche, collée au limbe. Elle rentre dans le disque, au niveau du milieu de la NEB. Elle est rentrée. En quelques minutes, Io est "avalée" par Jupiter, mais reste encore visible, bien que plus difficilement. Je la regarde s'affaiblir et disparaître dans le disque de Jupiter.

5h : et Saturne ! Allez, un dernier dessin des satellites. Je tourne le tube vers Saturne, vers l'ouest. Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais ça s'est passé très vite ! Car Saturne est moche, c'est une horreur immonde ! Jaune-caca, sans forme, les anneaux à peine détachés du globe, 4 satellites visibles et non 6... De la buée sur l'oculaire ? Mais ça ne diffuse pas autour de Saturne. Je vérifie quand même : non. J'éclaire le miroir secondaire : horreur ! De la buée ! Elle s'est formée pendant que je tournais le tube vers Saturne, car Jupiter montrait une image correcte. Mais quelle horreur !

Je rentre le tube. Tant pis pour la mise en température, mais il faut faire évaporer tout ça. Le tube est givré de partout, le chercheur aussi, le givre s'est déposé sur les deux lentilles du chercheur. Le miroir primaire est lui aussi légèrement embué. Immonde !

J'attends un peu... Un quart d'heure. L'eau dégouline sur le tube, mais le secondaire est encore un peu embué. Je sors, essayons... Jupiter est moche comme tout, jaune-caca, sans aucun détail. L'évaporation n'est pas assez rapide. Il faudrait essuyer le secondaire, mais je ne m'en sens pas capable, tant pis, je laisse tomber. Dommage, la Tache Rouge venait de faire son apparition.

Voilà, le télescope est toujours au chaud, ouvert, et j'espère qu'il va bien s'évaporer (heu, je parle de l'humidité, là, pas du télescope.) Le retour m'a donné faim et c'est en mangeant que j'ai tapé ce CROA.

C'est fini, mais j'ai été gâté par Saturne !

Bon, là je vais aller me coucher, et demain (cet après-midi, plutôt), j'essaierai d'insérer quelques dessins à ce CROA.

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Salut, quel récit ! ca donne vraiment envie de mettre un oeil au 300 ! Mon croa de cette nuit est beaucoup moins impressionnant que le tiens : m63, M51 et dessins m104 aux jumelles 7x50 et 10x50, ciel trop brumeux et poussièreux pour sortir mon gros 114/900 ;-)
Bon dimanche

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Bruno, tu as vraiment un don... c'est indiscutable

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Salut Bruno !

Super CROA, et puis t'as du courage d'écrire tout ça avant d'aller dormir...

Concernant les fausses Encke, la turbulence provoque des dédoublements d'images qui sont responsables de ces fausses Encke (en provenance de Cassini, du bord externe de l'anneau A ou de Encke la vraie). Ca explique qu'elles apparaissaient et disparaissaient mais lorsque ça se calmait bien la vraie Encke était là.

Tu ne précises pas le grossissement utilisé sur Saturne. À partir de quel grossissement estimes-tu que tu arrives à voir Encke (la vraie) ? Moi je trouve que c'est vers les 400X pour être confortable.

Concernant le diamètre de Titan, je viens de regarder, son diamètre apparent est de 0,88", il est plus grand que ton disque d'Airy. C'est donc pas impossible que tu aies vu le disque de Titan. Avec la lunette sur les satellites de Jupiter, seul Ganimède dépassait du disque d'Airy, or j'avais pourtant l'impression que les autres satellites n'avaient pas exactement la même taille. Mais c'était faux, ils avaient la même taille puisque ils étaient plus petits que ma tache d'Airy mais leur magnitudes différentes donnaient l'impression que les disques étaient inégaux. C'est un peu ce dont on avait discuté pour expliquer la taille différentes des étoiles sur les films photos alors que la taille des disques d'Airy est la même.

Je n'ai pas eu ta chance, ici la turbulence était assez forte et Saturne vilaine comme tout.

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Magnifique CROA Bruno ! Je vois que tu n'as pas chaumé depuis ton dernier message ! Le temps était sec par chez moi, et j'ai pu avoir un peu plus de chance sur la fin de nuit. Voici donc ma modeste contribution :


Samedi 15, au coucher du soleil. Le ciel a l'air très prometteur. Meteosurf annonce une dégradation en fin de nuit mais pour le moment pas l'ombre d'un nuage en vue. Comme la plupart des soirs où les cieux sont cléments ces temps-ci, je sors le Kepler 300/1500 pour le mettre en température. L'air est vif, mais pas trop encore. Le chat du Cheshire d'Alice au pays des merveilles m'accueille d'un sourire généreux. En moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, le Dob est sur la terrasse sous le regard bienveillant du félin; et tourne le ventilo !

Après un début de soirée passé à vaquer à des occupations diverses (entre autres expériences culinaires et potassage de manuel d'aquariophilie (je m'instruis, même si c'est pour l'aquarium de mes parents) dans un bon bain chaud) qui m'ont un peu fait quelque peu perdre pied avec la réalité, je finis par réintégrer ce continuum espace-temps. Diantre ! Saturne est déjà haute dans le ciel ! L'aquariophilie et l'art culinaire m'ont mené bien loin ! Après un dîner sur le pouce (ça prend plus de temps à préparer qu'à avaler !), je sors sur la terrasse. Il est environ 23 h et le fond de l'air est frais ! (litote)

Pas un souffle de vent, et si Sirius scintille légèrement, Castor et Pollux brillent d'un éclat quasi constant : ça a l'air tout bon ! Le premier coup d'oeil à Saturne à l'oculaire confirme ce sentiment. A 136 fois avec le Nagler 11, la turbulence est parfaitement imperceptible. Allez, pas la peine de faire dans la dentelle, on insère directement la Powermate ! 340 fois. La MAP est facile à trouver et vient du premier coup car l'image est très stable, à peine si l'anneau semble agité d'un léger frémissement. Le contraste entre les teintes pastel du globe et le blanc étincelant des anneaux est saisissant. J'adore les tons du pôle exposé de Saturne qui présentent pour moi une note un peu rosée contrastant avec le jaune crème de la bande équatoriale. Le pôle opposé n'est pas complètement masqué par l'anneau, l'extrémité dépasse très légèrement. Je trouve une teinte un peu bleutée à l'anneau de Crêpe, peut-être par contraste avec le jaune du disque planétaire ? Cassini est tranchée au couteau sur tout l'anneau, et comme Bruno je remarque une fausse division d'Encke à mi chemin entre Cassini et le bord de l'anneau, qui ressemble aux artefacts de traitement destinés à renforcer les détails, comme si notre oeil générait lui aussi un "rebond" en présence d'une turbulence légère. J'ai déjà remarqué ce phénomène curieux à plusieurs reprises depuis que j'ai le 300, il est signe pour moi de très bon seeing, avec un chouïa d'agitation résiduelle. Quand la fausse Encke pointe son nez, la vraie n'est souvent pas bien loin ! Justement, la voilà qui fait une apparition d'un côté. Le temps d'un soupir, une partie de l'anneau s'est figée totalement, et un pâle cheveu ténu y fait une apparition, tout contre le bord... Il s'est déjà envolé, le vent l'a emporté... Mais il revient un peu plus tard, il s'accroche, il lutte, il veut clamer son droit à l'existence ! Cris fragiles dans la nuit, instants d'éternité...


Encore plein de cette vision éphémère, je rends une visite amicale à Machholz avant qu'elle ne s'éclipse à l'angle de la maison... Malgré l'oeil tout ébloui de la planète aux anneaux, la queue de gaz est facilement visible, l'autre semble beaucoup plus discrète... Elles étaient pourtant bien apparentes toutes les deux la veille, je ne les avais jamais aussi bien vues ! Il est vrai que la transparence était meilleure, et mes yeux mieux préservés... Je rentre un moment et j'en profite pour poster une question sur le forum. Je passe faire un tour sur le chat... Sous l' impulsion de l'impitoyable Murphy toujours omniprésent pour les astronomes (et les autres) la conversation tourne marabout et bouillon de onze heures... Plus près de l'astronomie, Bruno signale le passage de la comète Tsuchinshan (mg = 11) entre m84 et m85 cette nuit.

Peu après 1h, nouveau tour sur la terrasse... Le chercheur bien aligné me permet d'avoir Saturne directement à 340 fois. Mince, ça s'est dégradé ! La MAP est dure à trouver, les images sont floconneuses... Cassini est encore bien visible, mais on n'a pas l'impression de netteté de tout à l’heure. Je redescends à 250 fois pour gagner en piqué et en contraste... Elle est bien sympathique comme ça, mais on pouvait espérer mieux. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression d'avoir de meilleures images sur Saturne vers 23h qu'au passage au méridien ces derniers temps.

Je retourne au chat. Bluedob pour qui les cieux ont été moins cléments me suggère d'observer une nouvelle planétaire dans la licorne... Découverte cet été sur photos, nature tout juste confirmée par spectro... Un vrai chalenge paraît-il. Euh, merci, ça ira pour le moment . Et puis d'abord, je n'ai ni le télescope ni le site pour ça... Un jour peut-être !

Revient alors Bruno tout excité : chez lui, le seeing a fait un bond depuis tout à l'heure, et il a vu Encke ! Il évoque aussi les fausses Encke, ainsi que l'ombre de Saturne sur l'anneau plus épaisse d'un côté que de l'autre. Tiens, les ombres ne m'ont pas frappé ! Et justement, je faisais remarquer à mon frère la veille la disparition de l'ombre sur l'anneau ?! Bigre, il faut que je retourne voir ça ! Bruno ressort également pour préciser ses impressions.

Saturne a l'air plus stable qu'à son passage au méridien, mais moins qu'à 23h. Je vois de fausses Encke par moments. Bon, ce n'est pas sur ça qu'il s'agit de se concentrer ! Voyons donc ces ombres... Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elles ne me sautent pas aux yeux ! Ce serait plutôt mes yeux qui sauteraient un peu n'importe où, je sens le coup de barre et j'ai du mal à fixer mon attention... Il y a peut-être quelque chose qui ressemblerait un peu à un artefact vu à plusieurs reprises sur les images webcam de ces derniers temps, mais en moins accentué : comme si l'anneau s'évasait légèrement avant de disparaître derrière le globe... mais je ne parviens pas à confirmer ce sentiment. Sinon, il y a bien un assombrissement à la limite disque-anneau mais j'aurais plutôt tendance à le voir sur le globe. Mais ma vue commence vraiment à fatiguer. Je finis par renoncer et retourne faire un tour sur le chat. Bruno revient à nouveau émerveillé de ses observations et me prévient du passage imminent de deux ombres et d'un satellite devant Jupiter. L'ombre d'Io devrait faire irruption d'un moment à l'autre sur le disque jovien... Il est 3h25 environ

Retour à l'air libre et pointage rapide de l'astre éclatant malheureusement bas sur l'horizon... J'ai gardé le grossissement précédent lors du pointage (340 fois) et l'image est monstrueuse ! Bouillonnante, noyée dans un magma indéfinissable et complètement floue... Impossible de voir quoi que ce soit ni même de faire la MAP dans ces conditions... Je rétrograde les grossissements l'un après l'autre... Bon, ça bouge encore pas mal à 136 fois mais l'image est passable. Mais pas l'ombre d'une ombre en vue... Je rentre vérifier l'heure théorique du début du phénomène sur mon logiciel pour finalement me rendre compte qu'il ne gère pas ce phénomène ! Il faudra y remédier... Heureusement, Bruno revient sur le chat m'annoncer que ça a commencé. Je cours donc au scope pour découvrir une image aussi mauvaise que tout à l’heure... Mais il me semble par moments apercevoir un petit moucheron noir au bord Est de la bande Nord... Je reviens à l'intérieur en pestant de ne pas connaître de marabout capable d'améliorer mon seeing. Bruno revient en coup de vent sur le chat et heureusement il a de bien meilleures images que moi... Il me confirme que c'est bien l'ombre de Io dans la bande et repart aussitôt observer Tsuchinshan.

Ah, puisque le seeing n'est pas de la partie pour Juju, je pourrais peut-être jeter un coup d'oeil à cette fameuse comète. L'ennui, c'est que je n'ai pas d'atlas papier du ciel et que je n'ai pas encore eu le temps d'imprimer une carte détaillée de cette région ultra riche en galaxies... Je regarde donc le cheminement à suivre sur l'ordi (pas pratique car je n'ai qu'une version minimaliste du catalogue d'étoiles sur cet ordinateur là), et je diminue fortement luminosité et contraste de l'écran en vue de probables consultations ultérieures... La transparence n'a pas l'air terrible dehors, le fond du ciel me paraît d'un brun cracra pas jojo... ou peut-être est-ce seulement la fatigue. Première tentative : échec ! Retour sur l'ordi : suis-je sot, c'était un demi champ de chercheur vers le haut et non vers le bas ! La seconde est la bonne. Au 32 mm, m84 et 85 sont bien visibles et d'autres commencent à apparaître au fur et à mesure que mes yeux malmenés se font à l'obscurité... Mais le fond du ciel est trop clair alors je passe directement au 11. A oui, il y a quelque chose de bien net (enfin, je veux dire de bien visible mais évidemment de bien flou) entre les deux galaxies, mais ce n'est pas au bon endroit pour la comète... Ah, en revanche cette faible petite boule cotonneuse visible en vision décalée pourrait bien être elle... Cela prend forme de plus en plus au fur et à mesure que mes yeux s'accommodent au noir (qui d'ailleurs n'est toujours pas très noir). Au total, 5 galaxies sont vues ensemble dans le champ du Nagler, une 6e également présente n'a pas été perçue. Tsuchinshan est toute perdue au milieu de toutes ces formes vaporeuses, sans préméditation il serait impossible de deviner sa nature !

J'ai passé du temps sur cette comète, Jupiter est déjà plus haute dans le ciel... Je me sens plus en forme maintenant, la vague de fatigue est passée. Un petit coup d'oeil à 136x... C'est bien mieux que tout à l'heure ! Peu de mouvements sensibles, et deux petites billes noires parfaitement nettes qui se dessinent sur le disque ! Hop, on monte en grossissement. Je monte jusqu'à 340 fois mais ça reste un peu trop turbulent pour ce grossissement... Ce n'est cependant pas mal du tout ! Je ne crois pas avoir déjà vu autant de fanfreluches dans la grosse Juju ! Et les deux billes noires sont bien visibles et très tranchées sur le disque, l'ombre de Ganymède étant nettement plus grosse que celle d'Io. D'ailleurs, elles ne sont pas les seules à montrer leur diamètre : Europe, Ganymède et Callisto sont nettement résolus. Ganymède est sans conteste le plus gros et le plus brillant du trio, Callisto semble plus grosse qu'Europe mais nettement moins lumineuse. Ces trois lunes semblent aussi de couleurs bien différentes : Callisto jaune, Europe bleutée et Ganymède plutôt blanche. Ces trois compères sont très proches du roi des dieux puisqu'ils apparaissent dans le même champ à 340 fois, leur agencement fait penser à la constellation de la flèche (Callisto pour la pointe, Jupiter pour la hampe et les deux autres pour la penne).

Io a déjà entamé son transit, tout petit point blanc qui se détache avec peine du disque jovien... et encore, il est sur la bande équatoriale la plus sombre ! Il fera des apparitions sporadiques au gré de la turbulence et des détails des bandes sous-jacentes, et redeviendra bien visible à l'approche du bord plus sombre du disque.

Alors que l'ombre d'Io se rapproche inexorablement du bord du disque, la Grande Tache Rouge finit de se lever à l'Est pour parachever le tableau... Je suis redescendu à 250 fois pour gagner en contraste et en piqué, les teintes paraissent beaucoup moins délavées par la turbulence à ce grossissement. Et la Grande Tache Rouge n'est pas rouge mais d'un très bel orange ! Les bandes équatoriales apparaissent brun rougeâtre, elles font en fait bien plus rouges que la tache, surtout celle du Nord ! Les pôles d'un ocre crème généreux présentent de jolies zébrures, et les différentes zones claires du disque déclinent les nuances du crème et du blanc cassé. La Grande Tache est cerclée de blanc, et la bande équatoriale qui l'abrite est également soulignée d'une fine rainure blanche qui devient plumeuse à l'Est. La frontière Nord de l'autre bande sombre plus contrastée offre de nombreuses irrégularités évoquant un serpent ondoyant. L'autre bord est également très irrégulier, et les bandes dans leur ensemble montrent une complexité jamais soupçonnée auparavant. De très fines taches de nuances délicates apparaissent par moments pour s'évanouir aussi vite, puis réapparaître un peu plus tard, comme déposées par un impressionniste de génie affairé à composer son chef-d'oeuvre. J'ai l'impression d'une structure fractale, on est à peine en train d'explorer une échelle que l'on en découvre une autre plus petite encore...

Cette nuit même je m'étais plaint à Bruno de ne pas avoir encore eu d'image vraiment gratifiante de Jupiter à ce jour au 300 pour cause de turbu, et bien me voilà comblé ! Quoique... Le seeing était certes bien meilleur que tout ce que j'avais pu avoir avant sur Juju, mais encore loin de la perfection... Bien loin en tout cas de ce que j'ai pu avoir sur Saturne. Certes, je suis encore tout émerveillé de ce nouveau monde que j'ai entraperçu, mais je suis un peu frustré d'une certaine façon, j'ai l'impression de n'avoir que soulevé le coin du voile... Les plus fines volutes ne faisaient que de fugaces apparitions, et on sentait présent un autre monde, plus petit encore, juste là, à portée de main, et pourtant toujours hors d'atteinte... Il ne me reste plus qu'à faire un tour à Hawaï pour l'opposition !

[Ce message a été modifié par Antares (Édité le 17-01-2005).]

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Bon, me revoilà... Pour les dessins, il est trop tard, on verra demain.

Pour les grossissements... Ben je n'ai qu'un fort grossissement, cité au début du CROA : x240. L'an passé j'avais un x300, parfait pour Saturne, mais trop pour Jupiter en général. Et comme Jupiter m'intéresse plus (il ne se passe jamais rien sur Saturne), je n'ai gardé que le x240.

En fait ce n'est pas très malin, car sur les nébuleuses planétaires le x300 me manque aussi, et Jupiter va être de plus en plus basse dans les années à venir... Mais bon, une Powermate x2,5 pourrait m'apporter un x333 bientôt...

Bref, Saturne a été vue au x240. Mercredi dernier je trouvais que c'était trop peu. Hier soir, encore plus !

Pour Titan : OK, vu son diamètre ce devait être la tache d'Airy plus grande que celle des autres satellites car plus brillante.

Antares : on doit être voisins ; tu as eu en gros les mêmes conditions que moi, en décalé... Je regrette juste cette buée givrante sur le miroir secondaire (à mon avis la buée s'était déposée peu à peu, mais ça a givré brusquement, j'imagine quand la température a atteint un certain seuil) qui m'a gâché Jupiter.

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ah !
bruno et antares, merci !

c est si beau !

[Ce message a été modifié par Lavenne (Édité le 16-01-2005).]

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