LE TRANSPORT SPATIAL DU FUTUR

par TIM BEARDSLEY


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Pour permettre l'exploration de l'espace lointain, les ingénieurs devront concevoir des moyens peu onéreux et efficaces. Les idées abondent.

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ILLUSTRATIONS :

POUR EN SAVOIR PLUS :

L'année 1996 marque une étape dans l'histoire du transport spatial : pour la première fois, les bénéfices du secteur spatial (environ 500 milliards de francs) ont été supérieurs aux dépenses engagées dans ce domaine par les gouvernements. Cette croissance se poursuit. En 1997, quelque 150 satellites ont mis en orbite des «charges utiles». Selon les résultats des études de marché, les lancements commerciaux se multiplieront encore : entre 1998 et 2007, 1 200 satellites de télécommunications seront lancés. Les sommes en jeu lors de cette ruée vers l'espace sont supérieures à celles de la ruée vers l'or du siècle dernier.

Les passionnés d'espace attendent avec impatience le jour où chacun pourra séjourner dans une station spatiale, sur la Lune ou sur Mars. L'Association des transports spatiaux, un regroupement d'industriels, a récemment créé une division consacrée à la promotion du tourisme spatial, qu'elle considère comme un moyen viable de stimulation du développement économique au-delà de la Terre.

Sur ce chemin vers les étoiles, la principale pierre d'achoppement reste l'extrême difficulté du voyage dans l'espace. Même les mises en orbite sont coûteuses et risquées. Avec les techniques actuelles de propulsion spatiale, les sondes n'atteignent que très lentement des destinations lointaines du Système solaire : les engins spatiaux mettent des années à tourner autour des planètes afin d'accélérer grâce à leur gravité. Avec les moyens actuels, le voyage vers d'autres systèmes planétaires prendrait plusieurs siècles.

Toutefois, les ingénieurs ne manquent pas d'idées pour mettre au point de nouveaux systèmes de propulsion qui étendraient la présence humaine au-delà de la Terre. Certains proposent des améliorations des fusées ou des techniques de propulsion existantes, d'autres cherchent à exploiter l'énergie nucléaire ou la poussée de puissants faisceaux laser. On a même envisagé des «ascenseurs», qui hisseraient des charges en orbite.

«Allez en orbite basse, et vous serez à mi-chemin de n'importe quelle destination du Système solaire», a écrit l'auteur de science-fiction américain Robert Heinlein. Les spécialistes admettent effectivement que l'exploration spatiale ne se développera pleinement que si l'on réduit les coûts d'accès aux orbites basses : la plupart des projets visant à mettre l'espace lointain à la portée de l'humanité sont fondés sur l'assemblage en orbite de volumineux engins spatiaux ou d'autres équipements.

Dès aujourd'hui, les États et les sociétés privées ont besoin de systèmes de lancement plus performants. La plupart des charges utiles commerciales sont destinées soit à l'orbite géostationnaire, déjà bien encombrée, à 36 000 kilomètres au-dessus de l'équateur, soit à l'orbite terrestre basse, à quelques centaines de kilomètres d'altitude. L'orbite terrestre basse devient une zone d'intense activité spatiale, car les satellites qui y évoluent peuvent transmettre directement des signaux à des ordinateurs ou même à des récepteurs portables situés sur Terre.

Les vaisseaux photoniques

Le nombre de satellites scientifiques augmentera également de manière importante : dans les dix prochaines années, plus de 50 observatoires et sondes d'exploration seront lancés. Les agences spatiales cherchent à faire des lanceurs plus rapides, plus performants et moins chers (les missions scientifiques coûtent aujourd'hui trois fois moins cher qu'au début des années 1990). En outre, au cours des 15 années d'existence de la Station spatiale internationale, 43 lancements d'assemblage et des dizaines de lancements pour l'acheminement des équipages, du carburant et autre fret seront nécessaires. Une multitude de satellites d'observation de la Terre partiront également dans l'espace dans les prochaines années : satellites espions, satellites météorologiques ou encore plates-formes de surveillance de l'évolution du Globe. La demande pressante de lancements a déjà incité la Société américaine Boeing, la Société norvégienne Kvaerner et la Société russe RSC-Energia à créer une filiale nommée Sealaunch, qui a transformé une plate-forme pétrolière en une base de lancement mobile semi-submersible. Cette plate-forme de 34 000 tonnes se déplacera jusqu'à des sites de lancement favorisant l'accès aux orbites choisies.

Après la ruée vers l'or

De nombreux scientifiques aimeraient disposer de plus d'engins spatiaux pour surveiller la Terre et explorer l'espace. Les plus visionnaires prévoient une industrie spatiale prospère, fondée sur l'exploitation des minéraux des astéroïdes ou des planètes, et sur l'extraction de gaz de leur atmosphère ; on produirait ainsi l'énergie et les denrées nécessaires à la vie dans l'espace. À l'Université d'Arizona, K. Sridhar a ainsi mis au point une pile électrochimique afin de fabriquer de l'oxygène à partir de l'atmosphère martienne. La Société SpaceDev a déjà mentionné son intention d'extraire des minéraux d'astéroïdes, ce qui lui a valu une plainte de la Commission des affaires boursière américaine pour son exaltation imprudente. Quelques rêveurs cherchent même à envoyer des sondes au-delà du Système solaire, dans l'immensité de l'espace interstellaire.

L'intérêt pour l'espace est d'autant plus remarquable que le coût en est extrêmement élevé. Avec les fusées classiques, pour la plupart mises au point par les États, chaque kilogramme placé en orbite terrestre basse revient à 120 000 francs. La navette spatiale, exploitée par les Sociétés Boeing et Lockheed Martin, devait être un moyen bon marché d'aller dans l'espace, mais elle est finalement aussi coûteuse que les lanceurs classiques. De plus, depuis la catastrophe de la navette Challenger, en 1986, la navette a été réservée aux études et à la recherche. Si l'on équipait une navette pour conduire 50 passagers dans l'espace, ceux-ci devraient payer chacun 50 millions de francs pour que l'exploitant rentre dans ses frais.

Aujourd'hui, le voyage spatial coûte cher, parce que les étages propulseurs emportent à la fois le comburant et le carburant pour leur court trajet ; sauf pour la navette spatiale, ces étages sont abandonnés et se consument dans l'atmosphère après quelques ardentes minutes de gloire. Pendant longtemps, les ingénieurs ont espéré réduire les coûts de lancement en construisant des engins réutilisables, qui ne nécessiteraient qu'un réapprovisionnement en carburant et quelques vérifications de routine entre les vols, comme les avions de ligne. Les agences spatiales du monde entier et quelques sociétés apparues ces dernières années se consacrent à la réduction des coûts de lancement. La plupart cherchent à adapter les techniques existantes afin de proposer des lancements moins coûteux de petites charges utiles en orbite terrestre basse.

Toutefois, la construction de fusées, même classiques, reste difficile. Le premier lanceur Delta 3 de la Société Boeing, la première grande fusée construite par le secteur privé, a explosé peu de temps après son décollage de Cap Canaveral, en août 1998. Une fusée Titan 4A, construite conjointement par l'armée américaine et par la Société Lockheed Martin, avait explosé au même endroit deux semaines plus tôt, et le premier tir de la fusée européenne Ariane 5, en 1996, a été un échec cuisant en raison d'une erreur de conception dans le logiciel de vol. Aux États-Unis, au cours de la dernière décennie, des désaccords sur les financements ont conduit le gouvernement à abandonner plusieurs projets de mise au point de nouvelles fusées non réutilisables.

Les aventuriers

Les entrepreneurs sont toutefois tenaces. L'un d'eux, la Société Kistler Aerospace, construit les deux premiers lanceurs d'une série de cinq qui seront équipés de moteurs russes. Le premier étage de ces lanceurs reviendra vers son site de lancement ; le second tournera autour de la Terre avant de revenir. Les deux étages descendront en parachute et atterriront sur des coussins gonflables. La Société Kistler a rassemblé 2,6 milliards de francs, et elle cherche un financement supplémentaire de cet ordre. Malgré la crise financière mondiale, les dirigeants de cette société estiment que les premiers vols devraient commencer cette année. Une autre société, Beal Aerospace Technologies, construit un lanceur à trois étages qui devrait voler au cours du troisième trimestre de l'an 2000 ; une version réutilisable serait mise au point par la suite.

D'autres sociétés cherchent à réduire les coûts de lancement en utilisant l'oxygène de l'atmosphère : la masse de combustible emporté serait ainsi réduite. À cette fin, on envisage des véhicules qui décolleraient et atterriraient horizontalement. La Société Pioneer Rocketplane étudie ainsi un véhicule léger à deux places, propulsé par un moteur fusée et par des réacteurs classiques. Cet engin, avec une charge utile et un second étage dans sa petite soute à cargaison, similaire à celle de la navette, décollerait d'une piste à l'aide de ses réacteurs et monterait à 6 100 mètres. Là, un avion de ravitaillement lui fournirait 64 tonnes d'oxygène liquide. Après séparation des deux avions, l'oxygène servirait à la mise à feu du petit moteur fusée qui propulserait l'engin à Mach 15 (15 fois la vitesse du son, soit 18 500 kilomètres par heure) à 113 kilomètres d'altitude, où il larguerait sa charge utile et son second étage. La plus grosse difficulté est la mise au point d'un mécanisme sûr pour le transfert de l'oxygène liquide.

Vers les étoiles

Inversement, un avion spatial à décollage horizontal est étudié par la Société Kelly Space and Technology. Cet Astroliner transporterait jusqu'à 32 tonnes de charge utile. C'est une petite navette qui serait remorquée jusqu'à 6 100 mètres d'altitude. Là, on testerait ses moteurs fusées et on déciderait si l'on doit les allumer, afin de propulser l'engin à 122 kilomètres d'altitude. En cas de mauvais fonctionnement des moteurs, l'Astroliner reviendrait vers le site de lancement. Les deux premiers véhicules devraient coûter près de trois milliards de francs.

D'autres sociétés explorent des techniques plus originales. L'un des projets les plus fascinants émane de la Société Rotary Rocket, qui construit une fusée habitée à décollage et atterrissage verticaux. La caractéristique originale du projet, nommé Roton, est son moteur : le comburant et le carburant alimenteront 96 chambres de combustion à l'intérieur d'un disque horizontal de sept mètres de diamètre qui tournera à 720 tours par minute avant le lancement. La force centrifuge, créant la pression nécessaire à la combustion, éviterait les turbopompes, massives et coûteuses. Le Roton redescendrait à l'aide de pales d'hélicoptères repliables, mises en rotation par de petites fusées montées à leur extrémité, comme un soleil pyrotechnique (voir l'illustration Le Roton). La Société Rotary Rocket estime ainsi réduire le prix de la mise en orbite terrestre basse à un dixième du prix actuel. Le premier vol orbital est prévu en l'an 2000. Les chambres de combustion sont en phase de test, et les premiers vols atmosphériques devraient avoir lieu cette année.

La Société californienne Space Access étudie un véhicule totalement différent, mais tout aussi novateur : un lourd avion spatial devrait décoller et atterrir horizontalement, propulsé par un moteur nommé statoréacteur à éjecteur. Ce nouveau moteur, déjà testé au sol, propulsera le véhicule de l'arrêt jusqu'à Mach 6 (7 300 kilomètres par heure), une performance bien au-delà de toutes les possibilités actuelles. Ce moteur serait une dizaine de fois plus performant que n'importe quel moteur existant.

À Mach 6, on allumera deux fusées à hydrogène liquide. À Mach 9 (11 000 kilomètres par heure), son nez s'ouvrira comme la mâchoire d'un crocodile, libérant les deuxième et troisième étages, ainsi que la charge utile (voir l'illustration Space Access). Tous les étages, équipés d'ailes, retourneront vers la Terre, où ils atterriront horizontalement sur la piste de lancement. L'avion de Space Access emportera des charges utiles d'environ 14 tonnes, comme la navette spatiale. Le service commercial pourrait débuter en 2003.

Le plus gros lanceur en projet est le X-33 de la Société Skunk Works. C'est un engin d'essai, deux fois plus petit que le futur «moteur aérodynamique linéaire», dont il teste le principe. En théorie, le X-33 pourrait propulser un véhicule entièrement réutilisable, à décollage vertical ; un seul étage de moteurs s'adaptera automatiquement aux variations de pression atmosphérique. Malgré la difficulté de sa réalisation, le moteur X-33 ne pourra assurer la mise en orbite de charges. En outre, des difficultés de construction ont retardé de six mois son premier vol, qui devrait avoir lieu à la fin de 1999. Selon les ingénieurs de la NASA, on devra poursuivre les études un an ou deux avant de décider la construction d'un véhicule grandeur nature fondé sur le principe du X-33. Notamment, on ne dispose d'aucun autoclave assez grand pour durcir le réservoir d'hydrogène liquide, en matériaux composites, et l'on doit perfectionner les tuiles métalliques qui protégeront le véhicule de la chaleur engendrée par la rentrée dans l'atmosphère.

Le projet VentureStar, dont le X-33 est l'amorce, a été décidé par le Congrès américain, mais le premier VentureStar ne sera pas habité. Afin de prévoir les vols habités, la NASA a récemment demandé aux industriels d'étudier un véhicule expérimental de taille réduite, le X-34.

Pour les techniques de l'après X-33 et X-34, la NASA a récemment renforcé ses travaux sur les moteurs d'avions hypersoniques, relégués au second plan depuis l'annulation du programme d'avion aérospatial en novembre 1994. Des statoréacteurs à combustion supersonique (scramjet), variantes des statoréacteurs classiques, mais qui fonctionnent à des vitesses supérieures à Mach 6 (7 300 kilomètres par heure), pourraient équiper un engin orbital à un seul étage. À partir de l'an 2000, plusieurs avions équipés de ces statoréacteurs, nommés X-43, voleront sans pilote jusqu'à Mach 10 (12 200 kilomètres par heure), puis s'échoueront dans l'océan Pacifique (voir l'encadré Les moteurs aérobies).

Au-delà de la Terre

Dès qu'un vaisseau spatial quitte l'atmosphère et atteint une vitesse orbitale (environ Mach 25), les contraintes changent de nature. Notamment, le véhicule n'a plus à vaincre la gravité terrestre et la résistance de l'air. Plusieurs types de propulseurs sont à l'étude, notamment le moteur ionique qui équipe aujourd'hui la sonde Deep Space 1 de la NASA. Les moteurs ioniques fonctionnent en accélérant les atomes chargés (ou ions) d'un gaz à l'aide d'un courant électrique de haute tension. En quittant le moteur, les ions produisent une poussée. Le gaz le plus utilisé est le xénon.

Sur la sonde Deep Space 1, l'énergie est fournie par des panneaux solaires, mais, en théorie, n'importe quel générateur électrique est envisageable. Les moteurs ioniques fournissent dix fois plus de poussée par kilogramme de «combustible» (ici du gaz) que les moteurs chimiques, de sorte que le moteur peut emporter moins de gaz. Ainsi, les moteurs ioniques, fonctionnant en continu pendant des années, permettraient à des engins spatiaux d'atteindre des vitesses considérables. Ils autoriseraient des missions d'exploration très longues, vers Uranus et vers Neptune, qui renverraient bien plus de données que les survols de Voyager 2 dans les années 1980.

Un autre type de moteur ionique, nommé propulseur à effet Hall, accélère également des ions, mais avec une configuration différente. Ces propulseurs utilisent un champ électrique et un champ magnétique radial qui dirigent les ions, mais, pour une même taille, la poussée est quatre fois supérieure. La Société européenne de propulsion a mis au point un tel moteur qui devrait voler sur le satellite français de télécommunication Stentor. Pour le moment, on n'envisage d'utiliser ces systèmes que dans l'espace proche, mais, si les performances s'améliorent, on étendra leur champ d'application. Le gouvernement américain a déjà équipé un satellite militaire d'un tel moteur, et les satellites des flottes de télécommunications Teledesic et SkyBridge seront munis de propulseurs à effet Hall.

Aujourd'hui, des cellules photovoltaïques alimentent en électricité la plupart des satellites en orbite proche de la Terre. Les ingénieurs cherchent à les améliorer à l'aide de lentilles, qui focalisent la lumière solaire sur les cellules. La sonde Deep Space 1 est équipée de tels panneaux.

Au lieu de transformer l'énergie solaire en électricité, ne pourrait-on pas l'utiliser directement pour pousser les satellites? L'armée américaine a voté un budget de 290 millions de francs pour la mise au point d'un étage terminal de fusée à énergie solaire qui transférerait les satellites d'une orbite terrestre basse à l'orbite géostationnaire pour une fraction seulement du coût des fusées chimiques. Le sotv (l'acronyme de Solar Orbit Transfer Vehicle, soit «véhicule de transfert orbital solaire») utilisera un miroir très léger qui dirigera la lumière solaire sur un bloc de graphite dont la température atteindra 2 100 degrés. À cette température, l'hydrogène liquide stocké à bord se vaporisera ; le gaz occupant plus de volume que le liquide, une poussée sera produite par son éjection. Trois à huit semaines seront nécessaires pour monter une charge utile sur l'orbite géostationnaire, mais les économies se chiffreront par dizaines de millions de francs pour chaque lancement.

Au-delà de Jupiter, l'énergie solaire est plus diffuse, donc plus difficile à exploiter. La sonde Galileo, qui a atteint les environs de Jupiter en 1995, et la sonde Cassini-Huygens, en route vers Saturne, ont toutes deux des générateurs nucléaires qui utilisent la chaleur de la désintégration de plutonium 238 pour engendrer de petites quantités d'électricité. Toutefois, il serait trop dangereux d'envoyer dans l'espace des systèmes nucléaires plus gros, car un accident au lancement serait catastrophique.

Les voiles photoniques

Comment résoudre la difficulté? Les réacteurs nucléaires produisant des déchets radioactifs, les promoteurs de l'énergie nucléaire spatiale envisagent de les lancer à l'état inactif, à l'aide de fusées classiques, et de les activer à distance de la Terre. Un voyage vers Mars ne durerait que 100 jours à l'aide d'un moteur nucléaire, contre 200 jours pour une fusée chimique. Un réacteur pourrait également fournir de l'énergie pour une base installée sur Mars.

Les réacteurs nucléaires assureraient la propulsion des fusées de diverses manières, par exemple en fournissant une poussée directe et intense pendant un court instant (voir l'encadré Les fusées nucléaires ). Un réacteur nucléaire pourrait aussi produire de la chaleur qui serait ensuite transformée en électricité, laquelle alimenterait des moteurs ioniques, des propulseurs à effet Hall ou un nouveau type de propulseur électrique nommé propulseur magnétoplasmodynamique. Toutefois, les réticences du public limitent les études de ce type.

Poussés par de l'énergie rayonnée

Si les réacteurs nucléaires étaient rejetés, bien d'autres solutions subsisteraient. Par exemple, des ingénieurs ont imaginé des catapultes à lévitation magnétique, où les fusées seraient en sustentation au-dessus d'une piste comme le train allemand Maglev ; ces catapultes, construites sur le flanc d'une montagne, accéléreraient une fusée qui quitterait la Terre pour s'élever dans le ciel sous un angle de 30 ou 40 degrés, à la vitesse du son.

Des véhicules pourraient également être propulsés par des micro-ondes (voir l'encadré Les vaisseaux photoniques) : une poussée serait assurée par un effet magnétohydrodynamique, créé lorsqu'un fluide ou un gaz conducteur traverse des champs électriques et magnétiques croisés. Avec de tels systèmes, les engins ne seraient pas alourdis par le carburant ni par le comburant. Les véhicules propulsés par des faisceaux d'onde électromagnétique pourraient être alimentés par un réseau de stations orbitales fonctionnant à l'énergie solaire.

Du plus compliqué au plus simple : des équipes ont envisagé de propulser les engins spatiaux à l'aide de câbles. Pour rester en orbite, des objets plus éloignés du centre de la Terre doivent conserver une vitesse horizontale légèrement inférieure à celle d'objets plus proches. Ainsi, lorsque des objets se trouvant à différentes altitudes sont reliés par un câble de quelques centaines de mètres de long, d'importantes forces maintiennent le câble tendu.

D'autres principes physiques, notamment la conservation du moment cinétique, peuvent alors s'exercer sur les objets captifs, de sorte qu'un câble peut être utilisé comme un lance-pierres géant pour transférer efficacement de l'énergie entre des charges utiles et modifier ainsi rapidement l'orbite des satellites. En utilisant des câbles conducteurs, on peut même engendrer ainsi de l'électricité ou contribuer à élever des objets (voir l'encadré Les cables spatiaux). On envisage même de relier la Terre à un satellite en orbite géostationnaire par un câble attaché en un point de l'équateur. Des systèmes élévateurs pourraient alors monter le long du câble pour atteindre n'importe quelle altitude jusqu'à 36 000 kilomètres, en dépensant très peu d'énergie.

Aujourd'hui, aucun matériau connu ne résisterait aux tensions qui s'exerceraient sur un tel câble, mais des fullerènes tubulaires, c'est-à-dire des molécules composées d'atomes de carbone assemblés en tubes de seulement quelques nanomètres de diamètre, pourraient constituer des câbles 600 fois plus résistants que les câbles métalliques actuels.

Enfin, certains étudient le voyage vers d'autres étoiles. L'approche la plus prometteuse semble être les voiles solaires (voir l'encadré Les voiles photoniques), mais des équipes envisagent aussi des réacteurs à fusion nucléaire (voir l'encadré Vers les étoiles).

Dans la même veine futuriste, les idées sont nombreuses : la téléportation quantique, l'utilisation des trous de ver dans l'espace-temps, la suppression du moment cinétique... La mise en œuvre de ces idées nécessiterait toutefois une conception entièrement nouvelle de la physique, mais qui oserait dire qu'elles sont impraticables?


POUR EN SAVOIR PLUS :

  • Geoffroey Landis, Small Laser-propelled Interstellar Probe, in Journal of the British Interplanetary Society, vol. 50, n° 4, pp. 149-150, 1997.
  • Tethers in Space Handbook, sous la direction de M.L. Cosmo et E.C. Lorenzini, Smithsonian Astrophysical Observatory, décembre 1997.
  • S.N.B. Murthy et E.T. Curan, Scramjet Propulsion, AIAA Education Series, 1999.
  • Nicolas Prantzos, Voyages dans le futur, L'aventure cosmique de l'humanité, Seuil, 1998.

LIENS :

En anglais :

En français :


N° 258 avril 1999
© Pour la Science (1999)