Note technique
Le calcul de la transmission spectrale atmosphérique :

application à la surveillance de l'activité Be d'étoiles faibles
(C. Buil - 09/02/2009)


Lorsqu'un spectre couvre un large domaine de longueur d'onde, le signal mesuré peu être notoirement perturbé par l'atmosphère terrestre. L'atmosphère agit en effet comme un filtre spectral, atténuant différentiellement les diverses parties du spectre. D'une manière générale, les rayons bleus sont plus atténués que les rouges. Le continuum de couleurs observé depuis le sol n'est donc par fiable. La figure 1 montre par exemple comment agit l'atmosphère sur un spectre de l'étoile Sirius alors que l'astre se trouve 25° au dessus de l'horizon.


Figure 1. Le spectre de l'étoile Sirius (type A1V) mesuré avec un spectrographe Lhires III équipé
d'un réseau de 150 traits/mm. En vert, le spectre tel qu'il est calculé après le traitement classique (prise en compte de
la réponse spectrale instrumentale). En bleu, le même spectre, mais en inversant le processus d'atténuation de l'atmosphère .
En rouge, le profil spectral théorique d'une étoile de type A1V.

Sur la figure 1, en vert, nous avons le spectre apparent effectivement observé. Le spectre réel, en tenant compte de la transmission atmosphérique, est en bleu. C'est le spectre qui serait vu en l'absence d'atmosphère. Sur la même figure on a tracé en rouge le spectre théorique d'une étoile A1V (modèle Pickles). 

Si on oublie la correction de la transmission atmosphérique il est impossible d'estimer correctement l'allure du continuum de l'étoile. Il est aussi impossible de comparer avec précision l'allure du spectre d'astres observés à des hauteurs angulaires différentes : l'atténuation spectrale de l'atmosphère est en effet fortement dépendante de la masse d'air traversée. Une analyse spectro-photométrique sérieuse passe donc par une étape de réduction de la transmission atmosphérique.

Nous établissons dans ce qui suit un formalisme qui permet le passage du spectre vert au spectre bleu de la figure 1. Plus précisément, nous calculons l'extinction en magnitude causée par l'atmosphère en fonction de la longueur d'onde. Il s'agit bien sur d'un modèle approximatif. La transmission atmosphérique est dépendante d'un nombre très grand de paramètres. Notre modèle simplifié ne conserve que les principaux : l'altitude de l'observatoire, la transparence apparente et bien sur, la hauteur de l'astre au dessus de l'horizon.

L'extinction de la lumière dépend de la diffusions de Rayleigh (diffusions par les molécules de l'air), de l'absorption par l'ozone (très faible impact dans la partie visible du spectre, l'ozone n'influence significativement que la partie ultraviolette du spectre) et la diffusion par les aérosols en suspension dans l'atmosphère.

La diffusion de Rayleigh

On utilise le formalisme donné par Hayes et Latham dans Ap. J, 197, 593 (1975) . L'atténuation en magnitude Ar est donné par (pour une pression atmosphérique locale de 760 mm de mercure) :

avec h, l'altitude de l'observatoire, l la longueur d'onde en micron et une fonction de l'indice de réfraction de l'air qui vaut :

La pression atmosphérique locale affecte l'extinction de Rayleigh, mais de manière très modérée (de l'ordre de 1%).

L'absorption par la molécule d'ozone

Dans la partie visible du spectre l'ozone provoque une discrète absorption entre 500 et 679 nanomètres (bandes de Chappuis). Les coefficients d'absortion dans cette région sont par exemple donnée par Lindzen et Will dans Journal of Atmospheric Sciences, 50, 513 (1973). L'extinction caractéristique en magnitude Ao consécutive est approximativement fournie par :

avec

et la longueur d'onde en micron.

La diffusion par les aérosols

Le taux diffusion par les aérosols dépends de la quantité de poussière en suspension dans l'atmosphère, de la présence de gouttes d'eau (brouillard) ou encore de polluant de toutes sorte. La diffusion  est qualifier par un paramètre appelle  Aerosol Optical Depth (AOD), relié à l'extinction en magnitude Aa par la formule :

Un air très sec de montage correspond à un AOD de 0,02. Dans un désert sec le AOD vaut 0.04. En France, le AOD est de 0,07 en hiver, de 0,21 en été, et en moyenne sur l'année de 0,13. Lorsque le temps est très chauds et orageux, le AOD peut atteindre 0,50.

L'extinction totale

L'extinction verticale totale At (pour un astre situé au zénith) est simplement :

La transmission atmosphérique est donnée par :

avec X, la masse d'air, que l'on peu calculer avec la formule de Rozenberg (Twilight; A study in Atmospherics Optics, Plenum Press, 1966)  :

La variable z est la distance zénithale de l'objet pointé. La figure 2 donne le résultat du calcul dans quelques situations caractéristiques :

Extinction verticale calculée pour Toulouse (h=0.2 km) par une nuit claire d'hiver (AOD=0.07).

Extinction verticale calculée pour Toulouse (h=0.2 km) par une nuit brumeuse d'été (AOD=0.21).

Figure 2. L'extinction verticale en magnitude par unité de masse d'air (en direction du zénith). Par exemple, une extinction de 0.4 signifie que l'astre
est atténué de 0.4 magnitude par rapport à son éclat dans l'espace.

La figure 3 est une exploitation des extinctions verticales calculées sur la figure 2. On trouve ici la transmission de l'atmosphère en été et en hiver pour un astre situé 25° au dessus de l'horizon. C'est la condition géométrique de prise de vue du spectre de la figure 1.


Figure 3. Transmission de atmosphère en été et en hiver depuis Toulouse pour un objet situé 25° au dessus de l'horizon (z=65°).

La correction de l'absorption spectrale différentielle de l'atmosphère se fait en divisant le spectre pré-traité par le profil de transmission de l'atmosphère. Plus précisément, le profil spectral brut (après le binning du spectre 2D) est dans un premier temps divisé par la réponse spectrale intrumentale, puis par la transmission atmosphérique. La réponse est propre à l'instrument et est appliquée telle quelle à tous les profils spectraux bruts. On l'obtient en mesurant un ensemble d'étoiles ayant un spectre dépouillé (type A ou B) et que l'on corrige par la transmission spectrale atmopshérique estimée (le seul paramètre libre est le AOD). Bien sur, il est tenu compte de la hauteur de ces étoiles au dessus de l'horizon pour calculer la bonne masse d'air. On observe à cette étape des étoiles à plusieurs distance zénithale et on vérifie que le AOD utilisé permet de trouver une réponse instrumentale approximativement stable quelque soit l'étoile choisie.

Ensuite, pour toute étoile observée, le profil spectral brut est divisé par la réponse instrumentale et par la transmission atmosphérique associé à la distance zénithale. La valeur du AOD est ajustée d'une nuit à l'autre en fonction de la transparence. Pour cela on vérifie que le AOD adopté ajuste correctement le profil spectral d'une étoile de référence (par exemple en hiver, j'utilise souvent Sirius, voir la figure 1, qui est assez basse sur l'horizon, ce qui permet une bonne évaluation de l'extinction différentielle par les aérosols). Le détail pas à pas du traitement est précisé ici.


Figure 4. Réponse spectrale relative adoptée de l'ensemble LHIRES III (150 t//mm) + Caméra QSI-532.

La figure 5 est un exemple de traitement sur le spectre de l'étoile Iota Leo (type F4IV). Le spectre de référence (en rouge) est pris dans la bibliothèque STELIB.


Figure 5. Le spectre de l'étoile Iota Leo. En bleu, le profil spectral issu du spectrographe LHIRES III (télescope de 0.28 m, réseau 150 t/mm,
caméra QSI-532 utilisée en binning 2x2). En rouge, le profil de cette étoile extrait de la base STELIB (la résolution spectrale a été
adaptée à celle de la configuration LHIRES III utilisée).

La figure 6 est un autre exemple sur un type d'étoile plus froid (Rho Boo).


Figure 6. L'étoile Rho Boo (type spectral K3 III). Comparaison entre un spectre LHIRES III corrigé spectrophotométriquement et un spectre synthétique Pickles.

La figure 7 montre le but principal de cette étude : une surveillance de l'activité Be d'étoiles de faible éclat et à basse résolution (Lhires III avec réseau 150 t/mm - R = 650). Ces étoiles sont difficilement accessibles aux configurations intrumentales à base de réseau 1200 t/mm et 2400 t/mm. Avec un Celestron 11 (D=0.28 m), le temps de poses caractéristique est relativement court, de l'ordre de 900 secondes pour les exemples données, ce qui permet d'observer un grand nombre d'étoiles en une seule nuit. Des étoiles Be aussi faible que V=10 ou V=11 sont accessibles, ce qui élargie notoirement le catalogue des objets observable. La prise en compte systématique de la transmission atmosphérique permet d'obtenir un continuum fiable pour ces objets.

Figure 7. Un échantillon des étoiles Be de faible éclat.
 

La figure 8 montre comment la même instrumentation restitue l'aspect de deux étoiles Wolf-Rayet (WR6 et WR7). Noter que WR7 est un astre particulièrement faible (le temps de pose pour ce spectre est de 5 x 300 sec, soit 25 minutes).

Figure 8. Le spectre des étoiles Wolf-Rayet 6 et Wolf-Rayet 7. C11 (0.28 m) + Lhires III (150 t/mm) + QSI-512 (binning 2x2). Obs. Castanet.

Pour finir, la planche de la figure 9 montre le spectre de quelques autres étoiles particulières. HD44179 est une étoile post-ABG qui se trouve au coeur d'une nébuleuse appelée "red rectangle". R Leo est une célèbre étoile variable de type Mira (prise 25 février 2009). HD54361 et HD59643 sont des étoiles carbonnées.

Figure 9. Le spectre de quelques objets dont il serait difficile de déduire le continuum sans une réduction spectro-photométrique précise.

Cliquer ici pour un complément présentant le traitement pas à pas pour arriver à ces résultats.


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