L'année 1990 c'est aussi le moment de la première découverte d'une supernova avec une caméra CCD par des amateurs. SN1990N a été trouvé par Eric Thouvenot, Guylène Prat et moi même lors d'une mission sur le T60 avec une caméra basée sur le Thomson TH7863. Une véritable révélation : on pouvait donc faire des découvertes avec une caméra CCD !
Désormais au Pic, le seau d'eau du circuit de refroidissement, ici accroché au chemin de roulement de la coupole du T60, se voit attribuer une nouvelle fonction : tenir au frais une bonne bouteille... au cas où.
Après les fameux MAT et TI, il devenait urgent de développer un programme de traitement d'images digne de ce nom. La tâche débute vraiment en 1990 et au bout de 3 ans de travail le logiciel MiPS et sa documentation de 600 pages sont proposés aux amateurs.
Une caméra construite en 1990 autour du TH7852 a une certaine importance. C'est la première fois que la totalité de l'électronique est intégrée sur un seul circuit imprimé. Jusqu'alors il fallait relier par de nombreux câbles plusieurs coffrets. Il s'agit du prototype d'un projet qui est resté extrêmement confidentiel : la Small Astronomical Camera. L'idée est de diffuser dans la communauté amateur des schémas qui permettraient de construire la caméra CCD la moins chère possible (tiens, tiens !). Tout concourt à cela, l'électronique minimaliste, un boîtier en plastique étanche, facile à usiner, etc. Un connecteur DB25 assure la liaison directe avec le port parallèle du PC. Un connecteur DB9 sert à l'alimentation, et un autre de port d'extension. C'est quasiment Audine 10 ans avant l'heure ! Notez sur le côté du capot supérieur une excroissance noire : il s'agit d'une valve de pneu de vélo servant à injecter de l'azote gazeux dans la caméra pour éviter que le CCD ne givre lorsqu'il est refroidi (on aperçoit sur la même face du capot un trou de purge fermé par une vis et un petit joint torique).
En 1991, une caméra très en avance sur son temps est construite autour d'un CCD "gros" pour l'époque : le Thomson TH7895M. Ce capteur intègre déjà la technologie MPP et présente une surface de près de 10 x 10 mm2 (512x512 pixels de 18 microns). Surtout, le degré d'intégration est extrêmement poussé puisque le CCD est refroidi par un étage Peltier et les drivers d'horloges critiques tiennent dans un boîtier de 75 mm de diamètre, ailettes de refroidissement comprises. Le reste de l'électronique est déporté dans un boîtier plus petit qu'une grosse boîte d'allumettes. Malheureusement cette caméra reste sans suite (elle avait au moins 5 ans d'avance par rapport à la production industrielle américaine et encore aujourd'hui, elle serait loin d'être ridicule).
En 1992, l'idée germe de lancer une société qui fabriquerait des caméras CCD pas trop chères à l'attention des amateurs. Cette société va se monter en effet, et est connue sous le nom de LE2IM. Je ne participe pas administrativement à la vie de cette société, mais je sers de conseil. Je recommande de débuter par une caméra très simple et pas chère que je mets au point en 2 ou 3 semaines. La Hi-SIS11 vient de naître. Les performances sont modestes et l'utilisateur doit la compléter par une mécanique de son cru (seules les deux rondelles de métal sont fournies) mais son usage est ultra simple. Elle fonctionne parfaitement avec 4 piles de 4,5V. Le CCD est un TH7852. Le projet Audine est un héritier direct de la Hi-SIS11.
Alors que l'on travaille sur un modèle plus performant à base de TH7863, je découvre par hasard courant 1992 l'existence du CCD KAF-0400 de Kodak. C'est le coup de foudre. Une nouvelle étude débute alors avec le KAF-0400, qui aboutit à une caméra très connue en France : la Hi-SIS22. On voit sur cette photographie le tout premier prototype de la Hi-SIS22, relativement proche du modèle final. Remarquez en particulier sur le côté, les deux trous pour le refroidissement par eau. Franck Vaissière, actuel trésorier de l'Association Aude, a réalisé la mécanique de ce prototype. C'était la première fois que le KAF-0400 était exploité dans une caméra pour l'astronomie amateur... Peu de temps après cette réalisation, Gilles Révillon a pris tout seul en mains le destin de LE2IM et je me suis éloigné de cette société.
Très vite, il est clair que les caractéristiques du KAF-0400 sont remarquables, même avec de petits instruments. Ici les impacts de SL9 sur Jupiter observés avec une lunette de 130 mm de diamètre seulement. La leçon sera retenue pour le cahier des charges d'Audine.
Alain Klotz et moi-même au pied du T60 au Pic du Midi lors de l'observation des impacts de Shoemaker-Levy 9 sur Jupiter en juillet 1994. Une caméra CCD, plus un bon filtre rouge, plus un filtre polarisant correctement orienté, et il devient possible de faire de l'astronomie jour et nuit ! Le seul problème sérieux : observer quelque chose sur un écran d'ordinateur éclairé par le vif Soleil du Pic relève du casse-tête chinois.
Avant d'en venir à l'Audine actuelle, quelques nouvelles réalisations sont faites dans le domaine de la caméra minimaliste à monter soi-même. Ici un prototype de SW11 développé courant 1996 autour d'un KAF-0400.
Après mûre réflexion, il me paraît clair qu'il faut donner un certain professionnalisme au développement de la caméra qui deviendra Audine. C'est en mettant en commun de nombreuses compétences que l'on arrive à gagner les batailles de la performance et du coût. Le 23 août 1997 j'invite autour d'une table les membres du staff toulousain de l'Association Aude, dont on voit quelques exemplaires surpris en plein travail sur cette l'image. Tout le monde est d'accord pour partir à l'aventure. Un an et demi après, le système Audine voit le jour.