(english version)

Construire un Spectrohéliographe amateur

Figure 0

Histoire

Lorsque j’ouvre une revue d’astronomie qui présente une photo monochromatique du Soleil, je suis toujours émerveillé par la richesse des détails de la chromosphère. Ces photos n’ont qu’un lointain rapport avec les images prises derrière un filtre solaire à l’ouverture. Dans le meilleur des cas, en imagerie classique, deux ou trois taches minuscules égratignent à peine un soleil désespérément lisse.

Pour avoir du spectacle il faut regarder le soleil en lumière monochromatique à 656 nanomètres.

En l’année 2001, je me suis intéressé à une solution simple pour observer le Soleil en H-alpha. L’astronome amateur, intéressé par la vision des perturbations magnétiques des couches supérieures du Soleil, n’a, à cette époque, que la possibilité d’acheter un filtre de bande passante réduite. Ce filtre doit être monté à l’arrière d’un télescope. Cette solution permet des observations magnifiques.

Malheureusement, le prix de ces filtres, égal le prix d’un bon télescope de 200mm!

Après de nombreuses réflexions, j’ai envisagé de construire un Spectrohéliographe de poche.

Pour l’histoire, en France, à la fin des années 1800; M. Janssen et M. Lockyer obtenaient déjà des images des protubérances du bord du disque solaire, mais pas d’image du soleil en entier.

Le spectrohéliographe a été inventé en 1892, par M. Hale aux Etats Unis (Yerkes) et conjointement par M. Deslandres en France (Paris) Celui-ci installe son spectrohéliographe à Meudon. A l’époque cet appareil très lourd remplit une salle entière !

Peut-on de nos jours, pour le prix d’un filtre solaire à l’ouverture, faire un montage qui permette de voir les protubérances, les filaments et les facules? La réponse est oui, si, comme moi, vous avez gardé votre vieux matériel d’astronomie inutilisé ! Petit détail, il faut également disposer d’un ordinateur et d’une Webcam. Mais cela est maintenant, un matériel que tout astronome possède !

Je vais vous raconter mon histoire avec le Soleil :

Mon premier achat astronomique a été une lunette de 60 mm d’ouverture et d’une focale de 400 mm. Après quelques années d’observations, un télescope plus performant a dirigé cette première lunette dans un placard.

Je n’ai pas jeté ce matériel optiquement bon, en pensant l’utiliser un jour à d’autres tâches.

Ma première lunette ayant eu un blocage de sa crémaillère j’en avais même acheté une deuxième !

En 2001 la spectroscopie solaire me tente. Je confectionne un petit spectrographe solaire autour d’une optique photographique et d’une des lunettes.

J ‘utilise cette lunette, retournée, comme collimateur. Le système de mise au point, permet un réglage extrêmement simple. Un téléobjectif, suivi d’une Webcam, complètent ce spectrographe. Le tout tient sur une planche de bois.

Voilà un spectre solaire, obtenu avec ce montage.( Fig1.)

Figure 1

Fig1.

Fin 2001, l’idée du spectrohéliographe est de plus en plus présente. Peut-on passer du spectro classique au spectrohéliographe ?

Une promenade sur Internet m’amène sur la page de Fredrick Veio un américain qui a construit un spectrohélioscope amateur. Son montage est extrêmement intéressant ! De spectre en spectre, je découvre la page Web de Philippe Rousselle. Son spectrohéliographe transportable donne des images impressionnantes.

Je vais construire un spectrohéliographe, qui privilégie la simplicité, en utilisant du matériel tout fait.

J’utilise 2 lunettes, un téléobjectif et une Webcam. Elle enregistrera 640 lignes par image, je n’en garderai qu’une ! Ainsi, je transforme à peine mon spectrographe solaire déjà construit.

J ‘ajoute ma première lunette devant mon spectro et le premier Spectrohéliographe à Webcam est terminé ! L’utilisation d’une Webcam permet de simplifier énormément le montage.

Construction d’un spectrohéliographe amateur

Mon spectrohéliographe comprend une planche de bois sur laquelle est disposée l’optique puisée dans mon placard. Le montage et les tests sont réalisés en une semaine. Après modification, voilà son allure presque actuelle. Sur la photo il manque la camera (Fig2)

Figure 2

Fig2.

En laissant défiler le soleil sur une fente de 20 microns de large et en enregistrant un film simultanément, je reconstitue une image du Soleil en additionnant des tranches fines, tous les dixièmes de seconde.

Les problèmes se présentent nombreux. Le spectre se retrouve en biais, les raies spectrales sont également de travers. Le spectre comporte beaucoup de raies horizontales dues à des défauts de la fente.

Fig3, une de mes premières images très rayée.

Figure 3

Fig3.

Nous sommes début juin 2002, J’écume les listes astronomiques dédiées aux Webcams. Je parcours les sites Internet. A l’époque personne n’a encore essayé ce type de montage avec une caméra. Il me faut donc essuyer les plâtres ! J’écrie un programme informatique spécifique.

Le programme, écrit en Visual Basic permet de reconstituer une image détaillée du soleil dans n’importe quelle longueur d’onde.

Le 26 juin 2002, le programme est terminé.

Le programme SpecHelio.exe permet à tout possesseur d’un télescope, d’un spectrographe et d’une camera, de transformer instantanément son montage, en spectrohéliographe.

Je présente ce montage sur la liste Astrocam, le programme est en téléchargement sur mon site. Des échanges fructueux avec des collègues de cette liste, provoquent quelques nouvelles améliorations.

Juillet 2002 est ensoleillé. J’obtiens des images correctes.

J’essaie toutes les raies spectrales connues et bien sûr, je m’attaque à la légendaire raie H-alpha.

Les premières images sont assez médiocres.

Mon réseau, n’est pas assez performant. Un nouveau réseau améliore les choses Fig5.

Sur la fenêtre du programme, on distingue la ligne blanche qu’il faut placer sur le milieu de la raie pour choisir et n’additionner qu’une bande verticale. Cette colonne d’un pixel de large a toute la hauteur de l’image. Le réglage de luminosité à l’acquisition doit être poussé vers une légère surexposition bien visible ici.

Le programme additionne toutes les colonnes acquises tous les dixièmes de seconde. Il forme dans ce cas, une image BMP de 2400 pixels de large. L’image est ovale.

Un logiciel de traitement d’image rendra le soleil rond grâce à une homothétie.

Figure 5

Fig5.

Le montage éclaté montre sa grande simplicité Fig6.

Figure 6

Fig6.

Une lunette d’un diamètre de 60 mm forme une image sur une fente réalisée avec deux petites plaques métalliques. Les lèvres de la fente sont dégrossies à la toile émeri, puis polies au Mirror.

Cette fente est à l’extrémité d’un tube métallique, qui s’installe à la place d’un oculaire, sur ma deuxième lunette, inversée par rapport à la première.

La fente est au foyer de cette lunette, transformée en collimateur. Grâce à la crémaillère, je peux effectuer une retouche fine de la mise au point. Le réseau placé devant l’objectif de cette deuxième lunette, est manipulé grâce à une tige filetée, cela permet un réglage fin de la rotation. Le réseau renvoie le faisceau vers un téléobjectif de 200 mm. Ce télé, peut recevoir divers multiplicateurs de focale.

Il reste, à construire le porte-fente.

Le mieux est de choisir du tube de 32mm en aluminium, et de le réduire un peu en diamètre afin qu’il puisse rentrer dans le porte-oculaire de 31.75 mm.

La longueur de ce tube doit permettre à la fente d’être précisément au foyer des deux lunettes. Heureusement, il y a la crémaillère pour faire un réglage fin.

Le tube en aluminium sert de radiateur pour dissiper la chaleur due à la focalisation du Soleil sur la fente. Fig7.

Figure 7

Fig7.

Les réglages de base étant faits, je démarre l’ordinateur et la Webcam. Je tourne le réseau pour être dans la raie H alpha. Le spectre du Soleil se présente comme une bande claire à bords flous.

En jouant sur la mise au point du téléobjectif, je rends le bord du Spectre (la zone noir-blanche) le plus net possible

Le bord du spectre est net, mais pas les raies spectrales.

A l’aide de la crémaillère de la lunette collimatrice, je rends les raies spectrales nettes. Après ce réglage, la fente est placée exactement au point focal de la lunette objectif. .

Il suffit de centrer la raie H-alpha et nous avons fini les réglages mécaniques.

Tout cela paraît compliqué, mais cela devient un automatisme très simple. En une minute tout est fait !

Je modifie le gain de la camera, pour avoir une image similaire à celle de la Fig8a.

Figure 8a

Fig8a.

Mes premières fentes sont en acier inox. L’expérience acquise me fait préférer des fentes épaisses, en laiton, qui se polissent beaucoup mieux et résistent autant à la chaleur.

Les fentes sont ajustées à la main, en regardant le ciel bleu à travers le tube, tenu à la main.

L’œil distingue parfaitement si les lames sont parallèles.

Pour un réglage plus fin de la fente, j’utilise une mesure de la tache de diffraction donnée par un laser, figure 8b

Figure 8b

Fig. 8b

Je place maintenant l’image du Soleil un peu avant la fente. Je lance un enregistrement à 15 images par seconde.

Le soleil, grâce à la seule rotation de la terre, balaie complètement et régulièrement la fente.

Cette méthode qui n’utilise aucun moteur s’affranchit de toutes les vibrations parasites.

Figure 9b

fig9

Sur l’image reconstituée en fausse couleur on distingue les taches faculaires ainsi que les filaments. Le soleil, ovoïde sur l’original, a été rendu rond et le contraste a été amélioré.

Voir les protubérances

En changeant les réglages à l’acquisition et en poussant les gains lors du traitement d’image, on peut également voir les protubérances. Fig10

Figure 10

Fig10.

Précautions.

Je rappelle qu’il faut faire la plus grande attention avec le Soleil. Une imprudence dans l’observation du soleil peut provoquer de graves légions de l’œil.

Il faut toujours vérifier avant chaque manipulation que la situation est sans danger.

Ce montage, de seulement 6 Kg, peut s’installer sur un gros trépied photo et ne nécessite aucunement une monture astronomique motorisée. Néanmoins une monture équatoriale est bien plus pratique.

Si vous avez déjà une lunette de 60 dans votre placard et une Webcam, comme beaucoup d’astronomes amateurs, pour une somme inférieure à 200 euros vous pouvez attaquer la construction d’un spectrohéliographe de poche. L’engin n’aura jamais les performances, ni le côté agréable des petites lunettes H-alpha, mais vous l’aurez construit vous-même. C’est peut-être le côté le plus important de cette démarche.

Je n’ai parlé que de la raie monochromatique H-alpha mais vous avez d’autres possibilités.

Avec cet appareil vous pouvez observer le soleil dans des raies intéressantes, autres que l’hydrogène.

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Les raies du Calcium bien sûr, mais aussi l’Hélium, pourquoi pas le Magnésium ou les raies du Fer?

Vous pouvez comparer vos images avec celles des professionnels.

Conclusions

Je suis le premier à avoir écrit un logiciel, permettant de réaliser un spectrohéliographe autour d’une Webcam : « SpecHelio.exe »

Ma méthode « 2D » consiste à choisir à l’aide du programme, une colonne d’un pixel dans l’image d’un spectre donné par une caméra ordinaire.

Seul, quelques astronomes amateurs expérimentés réalisaient des spectrohéliographes avant 2002.

Je connais 10 nouveaux spectrohéliographes depuis cette date (2010)

Ils utilisent tous ma méthode « 2D » associée à une caméra.

Je suis heureux d’avoir contribué, par mon exemple et par mon premier programme, à l’extension des spectrohéliographes.

Ma première image a été présentée le 26 juin 2002, message 31161 sur la liste Astrocam (astrocam@ydahoogroupes.fr), mais ce travail complètement solitaire au début, a été enrichi au fil du temps, par l’aide de nombreuses personnes.

Remerciements

Je remercie, particulièrement les astronomes amateurs :

Ces astronomes amateurs, m’ont contacté, donné gentiment : leur assistance, leurs recommandations et leur temps, tout au long du perfectionnement de cet appareil.

Pour finir quelques images.

Le programme SpecHelio.exe.

Daniel Défourneau