© Ciel Extrême, 1998
PROFONDEURS DU CIEL 1  
©Yann POTHIER - Janvier-Février 1992
 
paru en Janvier-Février 1992 dans Astro-Ciel n°41
  Une nouvelle rubrique destinée à vous initier à l'observation visuelle des amas, nébuleuses et galaxies, ou vous faire progresser dans cette voie. Quelquesoit votre instrument, votre site, il y aura toujours quelquechose de nouveau à découvrir dans les coins de l'Univers que nous explorerons ensemble.

CONSEILS PRELIMINAIRES

  • évitez tout éclairage direct ou indirect.
  • attendez au moins 1/4 d'heure que votre vision nocturne atteigne un rendement acceptable (délai idéal=30mn).
  • ne gâchez pas tout en allumant une lumière blanche, même de manière brève...filtrez vos lampes en rouge.
  • sortez votre instrument et ses oculaires 30mn avant de commencer afin de les mettre à température ambiante (surtout l'hiver), et éviter qu'ils ne provoquent des turbulences internes nuisibles à la qualité des images.
  • pour ne pas perdre trop de temps à compulser des catalogues dans le noir, établissez un programme d'objets à observer (par exemple, ceux que je vous proposerai dans cette rubrique!).
  • enfin, couvrez-vous bien et prévoyez un siège car observer assis est beaucoup plus agréable.
  • INTRODUCTION

    En fin de rubrique, vous trouverez un tableau résumant les caractéristiques principales ainsi que les coordonnées équatoriales de chaque objet décrit dans le texte. Au cas où aucun moyen de repérage simple ne serait indiqué, le lecteur pourra consulter les cartes du ciel boréal et austral de P.Bourge ou des atlas comme le SKY ATLAS 2000,0 de Will Tirion (environ 450FF). Si l'objet ne s'y trouve pas, il suffira de repérer sa position grâce aux coordonnées et de la reporter sur ledit atlas. Au nombre de ces caractéristiques, on trouvera la magnitude visuelle -indicateur de brillance-, les dimensions en degrés, en minutes (sachant que 1°=60' ou 60 minutes d'arc) ou en secondes (sachant que 1'=60" ou 60 secondes d'arc) -indicateurs de taille-, les coordonnées 2000,0 (référentiel année 2000) -indicateurs de position-, en alpha (ou ascension droite) en heures, minutes, et dixième de minute, ainsi qu'en delta (ou déclinaison) en degrés (°) et minutes (').

    Dans l'intérêt du lecteur, il serait utile de déterminer les grossissements et les diamètres des champs offerts par les divers oculaires en sa possession (cf. A l'affût des étoiles de P.Bourge page 24-25) et la magnitude limite de son instrument ("Magnitude dans M45" de A.Van der Elst dans Astro-ciel n°36, page 31), ceci afin de faciliter la comparaison entre ses propres données observationnelles et les données d'origine de Profondeurs du ciel (on peut comparer le diamètre de l'objet avec le diamètre connu du champ donné par tel oculaire, grâce à une approximation précise au 1/10e de diamèètre prèès ou estimer l'éclat d'étoiles proches en connaissant la limite stellaire du telescope et avec un peu d'habitude à 1 magnitude près).

    Enfin, je voudrais rassurer les débutants qui jugeraient certaines observations trop difficiles pour eux: l'entraînement paie et c'est en observant encore et toujours que l'on progresse et s'habitue à la vision d'objets faibles. Pour l'anecdote, quand j'étais débutant je suis "passé" sur la grande nébuleuse d'Orion pendant une semaine sans voir ce que je juge à présent comme une "nébuleuse éclatante"... De plus, je détaillerai le plus précisément possible les techniques observationnelles utiles aux curieux du ciel profond qui débutent en ce domaine. Mais sans plus attendre, passons aux vedettes du ciel de Janvier-Février 1992...

    Les Messier

    Pendant les longues nuits d'hiver à la transparence cristalline, il est impossible de ne pas se tourner vers M42 (n°42 du catalogue de Messier), la nébuleuse d'Orion. Pour la repérer, visez l'étoile centrale des trois rois d'Orion (epsilon ou Alnilam) et descendez de 4° vers le Sud. Visible en pleine ville avec des jumelles de 50 mm de diamètre comme une petite nuée floue autour de Thèta Orion, on devine ses draperies avec le même instrument à la montagne. (NOTA: les jumelles sont l'instrument primordial de l'observateur du ciel profond par leur manoeuvrabilité et leur champ large, - de 4 à 8° en général, ou 70 à 140mètres à 1000mètres de distance - qui permettent d'embrasser une large région du ciel d'un seul coup d'oeil pour se repérer plus facilement). Cette large nébuleuse diffuse (hydogène fluorescent car éxcité par les rayonnements énergétiques de jeunes étoiles) distante de 1500 années-lumières (ou AL) offre de multiples détails dès 80mm de diamètre et 50 fois (ou x) de grossissement. Dans mon Newton de 115/900, elle apparait magnifique, plusieurs zones de brillance frappent l'oeil, zone centrale très brillante avec deux extensions Est et Ouest qui lui donne l' aspect d'une aile déployée.
      M42 - C. SOUPLET (T150mm)



     
    NOTA: pour orienter le champ et pouvoir repérer avec certitude les détails décrits, laissez l'instrument -qu'il soit en station équatoriale ou non - immobile et trouvez le sens de dérive des étoiles; celui-ci indique l'Ouest puisque le mouvement apparent des astres dans le ciel s'effectue d'Est en Ouest. Pour trouver le Nord, déplacez très légèrement l'instrument vers la Polaire et constatez le mouvement apparent dans le champ. En 2 minutes, vous aurez mémorisé l'orientation du champ (c'est-à-dire les directions Ouest, Est, Nord et Sud)). Observez à faible grossissement d'abord (0,2 à 0,4 fois le diamétre de l'instrument exprimé en mm; ex: 40x pour 200mm de diamètre) pour détailler les parties faibles et étendues de la nébuleuse, puis à fort grossissement (1 à 2 fois le diamètre de l'instrument exprimé en mm; ex: 60 à 120x pour 60mm de diamètre) pour détailler les zones brillantes et en extraire de petits détails.

    Pour M42, essayez de séparer le trapèze, ces 4 petites étoiles excitatrices de la nébuleuse en plein centre, séparées les unes des autres de 10" environ, dont la plus brillante apparait jaune et 2 autres sont bleues pendant que la dernière est grisée avec 200mm de diamètre. Ensuite si vous déplacez votre instrument de 5' vers le Nord, vous tomberez sur M43 qui n'est qu'une autre partie de cette grande nébuleuse, un petit nuage faible et circulaire, centré sur une étoile de 7ème magnitude, séparé de M42 par une baie sombre. Notons que M42 a été découverte par Nicolas Peiresc en 1611, et M43 par Messier en 1758.

    Objets faciles

      Non loin de l'amas des Hyades, gigantesque V couché d'étoiles contenant Aldébaran, on trouve deux amas ouverts visibles dans des jumelles de 50mm de diamètre. Pour trouver le premier, partez des Hyades en directions du Nord-Est et à 4° d'Aldébaran (environ un diamètre de champ de jumelles),vous trouverez un petit amas d'étoiles faibles dont 6 apparaissent détachée d'un fond flou: NGC 1647 (n°1647 du New General Catalogue de DREYER établi vers 1890). Ensuite, en poursuivant votre trajet de 6° dans la même direction, vous tomberez sur un autre amas galactique (c-à-d. appartenant à notre galaxie) comparable au précédent en éclat bien que plus large: NGC 1746. Dans des jumelles 8x56 (56mm de diamètre, 8x de grossissement), on sépare 10 étoiles faibles sur un fond flou étendu. Moins intéressants avec des grossissements supérieurs à 40x,on compte 20 étoiles de magnitude 7 à 10 largement séparées les unes des autres sur 1647 et 15 à 20 étoiles très éparses sur 1746 avec 115mm de diamètre. Ces deux amas sont distants d'environ 3500 année-lumières de la Terre.
      NGC 1647-G.DUMARCHI (ø90mm) 



     
    Pour échapper définitivement à notre banlieue galactique, essayez de repérer la petite galaxie de type elliptique NGC 1023 avec au moins 80mm de diamètre: pointez rho (ou 25 dans le catalogue de Bayer) de la constellation de Persée, puis bougez l'instrument de 5° vers l'Ouest. Vous devriez trouver à faible grossissement (ou avec 1° de champ) une petite tache floue, faible qui apparait dans mon 115/900; un peu ovale avec un centre assez petit et lumineux, environnée d'étoiles de 9, 10 et 11ème magnitude. Objets intéressants.
      NGC 1023-J.CRESPIN (T200mm)

     
    La nébuleuse du clown, vous connaissez? A un peu plus de 2°NNE (Nord-Nord-Est) de Delta Gémeaux, vous repèrerez à faible grossissement une petite étoile floue: la nébuleuse planétaire NGC 2392. Avec le 115/900 à 72x, on percoit l'étoile centrale de magnitude visuelle Mv=10ème sur une "large" nébuleuse aux limites floues et mal définies. En fixant le regard directement sur l'étoile centrale, la nébuleuse qui l'entoure semble disparaître, alors qu'en vision oblique (en regardant à coté de l'objet) elle noit par son éclat cette même étoile; en passant rapidement de l'une à l'autre de ces facons d'observer, la nébuleuse semble clignoter!
      NGC 2392-V.LE GUERN (T760mm) 

     
    Une autre nébuleuse planétaire, NGC 2371-2 (2 numéros au NGC), est observable toujours dans les Gémeaux à partir de 100mm de diamètre dans un bon site au ciel transparent. Pointez Iota - ou 60 - GEM (pour gémeaux) et déplacez vous de 2° vers le Nord: avec un 115mm à 72x, elle est "petite et faible, allongée Sud-Ouest / Nord-Est (SO-NE), floue."; avec un Schmidt-Cassegrain de 200mm de diamètre (F/10) à 145x, on voit "2 parties nébulaires séparées par un chenal sombre vu en vision indirecte (=oblique) [ d'où les 2 n° NGC ]; la partie SO est la plus brillante". L'étoile centrale de Mv=13,3 doit être accessible avec 300mm de diamètre... Avis aux amateurs!
      NGC 2371/2-J.CRESPIN (T200mm)

     

    La surprise

    Observer une naine blanche, ca vous dit ? Il suffit de pointer l'étoile 40 ou Omicron 2 de l'Eridan: vous observerez à 100x environ une charmante étoile triple dont la principale (étoile A) de Mv=4,4 (visible à l'oeil nu et aux petits chercheurs) possède un compagnon (étoile B) de Mv=9,5 à 83; vers l'Est -la naine blanche en question - qui, lui-même, forme un couple avec une étoile (C) de Mv=11,2 à 9" vers le Nord. La première paire (AB) fut découverte par W. Herschel en 1783 et la seconde (BC) par O. Struve en 1851. L'étoile B est donc une naine blanche, un astre dégénéré autrefois étoile de type solaire s'étant dépouillée de ses couches externes, qui concentre 0,44 fois la masse du Soleil dans un diamètre seulement égal à 0,02 fois celui du Soleil (soit 20000 kilomètres ou 2 fois le diamètre terrestre environ), ce qui implique une densité extrème: 65000 fois celle de l'eau... L'étoile A se trouve à 60 milliards de kilomètres de la naine blanche (B), qui n'est séparée de C que par 5 milliards de kilomètres, soit la distance moyenne Soleil-Pluton. C est de type naine rouge de 0,2 masse solaire (0,2 fois la masse du Soleil), un Jupiter en plus massif soit une étoile très peu énergétique. L'ensemble est situé à seulement 16 année-lumières de la Terre ce qui en fait le 8ème système le plus proche de nous visible à l'oiil nu. La prochaine fois...
     

    NOM/N°
    M 42
    M 43
    NGC 1647
    NGC 1746
    NGC 1023
    NGC 2392
    NGC 2371-2
    40 ERI
    Mv
    4,0
    7,3
    6,4
    6,0
    9,5
    8,6
    11,6
    -
    dimensions
    66' x 60'
    4' x 4'
    40' x 40'
    45' x 45'
    4,0'x1,2'
    47"x43"
    54"x35"
    -
    Type
    Néb. diffuse
    Néb. diffuse
    Amas ouvert
    Amas ouvert
    Galaxie E7
    Néb.planétaire
    Néb.planétaire
    étoile triple
    alpha
    05h35,4
    05h35,6
    04h46,0
    05h03,6
    02h40,4
    07h29,2
    07h25,6
    04h15,2
    delta
    -05°27'
    -05°16'
    +19°04'
    +23°49'
    +39°04'
    +20°55'
    +29°30'
    -07°39'

     


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