© Ciel Extrême, 1998
PROFONDEURS DU CIEL 4
 
©Yann POTHIER / Sept-Oct 1992
  paru dans Astro-Ciel n°45

L'été touche à sa fin, les nuits fraîchissent et rallongent, la météorologie redevient capricieuse. Cependant, la période est favorable à l'observation de nombreux objets du ciel profond dans des conditions automnales à la transparence excellente. Ainsi, pourra-t-on prospecter avec profit des constellations estivales qui étaient auparavant "éclairées" par des nuits trop courtes...

Avant de vous proposer des cibles intéressantes pour vos sorties nocturnes, il m'apparait judicieux d'aborder le problème des observateurs citadins. En effet, l'éclairage urbain est depuis longtemps le principal pollueur artificiel du ciel astronomique et les amoureux de nébuleuses et autres galaxies doivent faire face au dilemme suivant: observer sur place, en ville, en subissant la gêne des lumièères parasites ou partir en s'éloignant des cités vers les campagnes pour retrouver un ciel sombre. Cette dernièère solution est la meilleure pour observer dans des conditions optimales de transparence. Et pourtant, aller chercher un site d'observation, outre la dificulté d'en trouver un et de pouvoir y transporter son matériel, est chose compliquée qui demande un temps souvent trop important pour être compatible avec celui allouable à une normale activité de loisir en dehors des temps de travail.

C'est pourquoi, en parlant d'un exemple personnel et en donnant quelques conseils de base, j'aimerais avoir des échos auprès d'amateurs qui se sont adaptés tant bien que mal aux conditions citadines. Pour ma part, j'habite la proche banlieue parisienne et l'état du ciel nocturne y est désastreux, particulièrement pour l'observation du ciel profond qui ne s'en accommode pas comme c'est le cas pour les planètes ou les étoiles doubles que l'on peut observer encore en détail, même en centre-ville. Des étoiles de quatrième magnitude sont à la limite de visibilité, dans un 115/900, M42, dont seules les parties centrales sont visibles, n'est que le pâle reflet de ce qu'elle montre dans de bonnes conditions, M31 est difficilement détectable sur plus d'un degré aux jumelles de 50mm de diamètre, M33 reste inaccessible à ce diamètre et nombreux sont pareils exemples... Heureusement, je peux profiter de la résidence secondaire de mes parents dans les Hautes-Alpes pour effectuer des observations dans de bonnes conditions, mais à chaque rentrée de vacances je mesure, en comparant le ciel des deux sites, le degré de la dégradation urbaine.

Alors, que faire face à ce fléau ? Tout d'abord, évitez les éclairages trop directs (lampadaires, enseignes lumineuses colorées) qui éclairent votre instrument ou votre emplacement en utilisant au mieux l'espace et les accidents de terrain qui vous sont offerts (vous pouvez opérer comme les photographes d'antan en recouvrant votre tête et le porte-oculaire d'un tissu noir, voire les rembardes de votre balcon si vous habitez en appartement); ensuite, n'hésitez pas à grossir dans des limites raisonnables (jusqu'à deux fois le diamètre de l'instrument exprimé en millimètre) afin d'assombrir le fond de ciel urbain éclairé tout en gardant une luminance de la nébuleuse suffisante; voilà un "truc" très valable pour des objets peu étendus comme les nébuleuses planétaires, les amas globulaires et les petites galaxies elliptiques compactes. Depuis près de dix ans, des filtres sélectifs, ne laissant passer que certains rayonnements destinés aux amateurs, apparaissent sur le marché astronomique et quelques uns d'entre eux offrent une défense efficace dans des conditions d'éclairages difficiles; ils bloquent les longueurs d'ondes parasites en provenance du ciel et laissent passer les émissions types des nébuleuses situées à des endroits "stratégiques" du spectre lumineux (Hydrogène alpha et bèta, Oxygène III, etc...); de ce fait, l'éclat de la nébuleuse n'ayant pas changé, mais celui du fond de ciel ayant considérablement baissé, le contraste s'en trouve rehaussé.

Pour des cieux urbains, on obtiendra de bons résultats sur l'ensemble des objets du ciel profond avec le filtre LPR ("rejet de pollution lumineuse") de la firme Celestron et plus encore avec le filtre Deep Sky ("ciel profond") de la firme Lumicon (environ 600-800F). De plus, les filtres UHC et Oxygen III (environ 1000F) de Lumicon sont, eux, spécialement adaptés pour aider respectivement à l'observation des nébuleuses diffuses à émission et des nébuleuses planétaires; les résultats sont réellement étonnants et certains objets invisibles sans filtre deviennent observables grâce à leur utilisation (lire aussi "Un filtre anti-pollution", Van Der Elst, Astro-ciel n°16, page 35). Aussi, je conseillerais à l'amateur citadin d'investir dans un filtre Deep-Sky pour l'observation générale et d'éventuellement acquérir un UHC ou une Oxygen III s'il désire étudier de manière particulière les objets auxquels ils sont destinés.


En pleine Voie Lactée, dans le Petit Renard (VUL), Collinder 399, un beau regroupement épars d'étoiles, est facilement repérable au chercheurs de 30mm de di&agravemètre à environ 4°Nord-Ouest d'Alpha de la Flèche (SGE); on devine aisément la raison de son surnom, "le porte-manteaux", d'après son aspect: une barre de 7 étoiles de magnitudes comprises entre 6 et 8 longue de 2° et orientée Est-Ouest, laissant échapper un ergot courbe de 4 étoiles de mag. 5 à 7 vers le Sud (dont les étoiles 4 et 5 VUL). Sa forme caractéristique est frappante aux jumelles de 50mm de diamètre, mais sa relative pauvreté en étoiles joue contre l'idée d'un véritable amas galactique, ce qu'il est pourtant.
 
Non loin de là, à près de 3°Nord de Gamma de la Flèche, on repérera M27, la célèbre nébuleuse planétaire Dumb-bell, sous la forme d'une minuscule tache floue aux jumelles de diam.50mm. Sa forme de sablier, dont le grand axe est orienté Nord-Est/Sud-Ouest, est déjà apparente dans une lunette de diam.60mm à partir du grossissement résolvant (au moins 50x); on notera également la présence de 14 du Petit Renard de mag=5,7 à 25'Nord. Des anses faibles et diaphanes semblent combler les vides de l'haltère principale avec 200mm de diamètreet à 100x, l'étoile centrale de mag.13,4 est discernable au centre du Diabolo pendant qu'une autre de 12ème mag. se trouve au bord Ouest du lobe principal Sud-Ouest et une dernière de 12,5ème est discernable à l'extrémité Nord-Est du lobe orienté dans la même direction. Ce même instrument muni d'un filtre Oxygen III montre une nébuleuse éblouissante et révèle des irrégularités d'éclats sur toute la surface nébulaire. Les possesseurs d'instruments plus puissants pourront s'amuser à chercher et à compter les étoiles perceptibles sur M27; une limite de 18 avec un télescope de diam.45cm a déjà été atteinte... et vous, combien en comptez vous ?
  M27-G.MEURIOT (T635mm)  



 
M30, un amas globulaire découvert par Messier en Août 1764 qui la décrivait comme une "nébuleuse [...] vue avec difficulté dans un télescope ordinaire de 3-pieds.[...] Il est rond et je n'ai pas vu d'étoiles ici, en ayant observé avec un bon télescope grégorian de 104x", est repérable dans le Capricorne (CAP) à 25'Ouest de 41 CAP de mag.5,3 (qui possède un compagnon de 12ème mag. à 5" vers le Sud). Malgré son éclat important, M30 n'est réellement résolu qu'à partir de 200mm de diamètre en raison de sa faible déclinaison qui ne l'éloigne jamais beaucoup du halo absorbant de l'horizon en France. Dans une lunette Zeiss de diam.63mm, à 3000 mètres d'altitude, à 70x, l'amas possède un centre remarquable et apparaît irrégulier sur les bords (cette observation nécessitant un 115/900 en plaine). Au 200mm, quelques étoiles de 13ème mag. se séparent autour du centre et sur le pourtour vers 100-150x. Sir John Herschell avait notée sa forme ellipsoidale, l'avez-vous déjà observée ?
  M 30-R.MONNEROT (T620mm, intensificateur) 

 
Pour repérer NGC 6781, une nébuleuse planétaire de magnitude surfacique (brillance par unité de surface) égale à celle de M97, la nébuleuse du Hibou ("Sur le chemin des objets Messier: M97", P. Morel, Astro-ciel n°18, p.21), on partira d'Altair (Alpha de l'Aigle/AQL), en descendant de 2° vers le Sud puis en se dirigeant de 7,5° vers l'Ouest. A faible grossissement dans un 115/900, on percoit une faible nébulosité très diffuse dont le coté Nord-Ouest apparaît plus brillant avec 200mm de diamètre. Dans un Dobson de ø310mm grossissant 300x, deux étoiles très faibles (14ème) sont visibles sur un disque nébuleux très large, lequel est soupconné annulaire. Les amas globulaires, ces regroupements de centaines de milliers d'étoiles, sont généralement situés en bordure des galaxies, distants de 5 à 50 000 années-lumière de leurs centres.
  NGC 6781-V.LE GUERN (T760mm)

 
Ce n'est pourtant pas le cas de NGC 7006 qui, éloigné de près de 180 000 années-lumière, est considéré comme un amas extra-galactique. Du fait de sa petite taille apparente, il n'est pas évident à trouver dans un champ stellaire très fourni à 3,5° Est de Gamma du Dauphin (DEL), une superbe double colorée aux composantes de magnitudes 4,3 et 5,1, distantes de 10" environ. Au 115/900, il apparaît à 72x comme une petite boule floue d'éclat assez homogène. Aucune étoile n'est résolue sur cet amas avec un diamètre instrumental inférieur à 500mm puisque ses étoiles sont plus faibles que la 16ème magnitude...
  NGC 7006-J.VINCENT (T406mm) 

 
Située à près de cinquante millions d'années-lumière, la galaxie NGC 7331 brille de ses deux cent milliards d'étoiles dans la constellation de Pégase (PEG). Etant donné son éclat apparent (mag=9,6), il est étonnant que Messier lors de ses observations ait manqué cet objet qui semble évident même dans une lunette de 60mm de diamètre. A 4°Nord et 1,5°Ouest de Eta Pégase, elle constitue le membre principal d'un groupe d'une dizaine de galaxies faibles. Très brillante avec 200mm de diamètre, visible presque par la tranche, elle est allongée dans le sens Sud-Sud-Est/Nord-Nord-Ouest et montre une forte condensation centrale. Avec un diamètre plus important, vous devriez noter son centre stellaire faible et son bord Ouest plus net que celui à l'Est, ceci étant dû à la présence d'un bande de poussière sur la bordure, entre deux bras spiraux.
  NGC 7331-J.VINCENT (T180mm)

 
Les nébuleuses diffuses réflexives, lesquelles ne font que renvoyer la lumière d'étoiles contrairement aux nébuleuses émissives qui absorbent puis réemettent les radiations qu'elles recoivent, répondent mal à l'usage de filtre tel que l'UHC ou l'OIII; en effet, ces deux filtres cernant des domaines spectraux très précis ne sélectionnent pas les rayons plutot bleutés de ces nébuleuses; NGC 7023 constitue la parfaite illustration de ce principe. Elle peut être trouvée dans Céphée (CEP) à 2,5° Sud et 2,5° Ouest de bèta avec 200mm de diamètre, à 50x de grossissement; elle apparaît alors comme un léger voile nébuleux allongé Nord-Sud, entourant une étoile de 7ème magnitude. A 145x, dans le même instrument, elle prend la forme d'une goutte d'eau de 6' sur 4' et est accompagnée par une étoile de 12e à 5'Sud vers laquelle l'extension Sud se courbe (Cf dessin).
 
Une petite nébuleuse, émissive celle-ci car proto-planétaire (post-stellaire) se trouve à 2°Nord de 9 du Cygne de 5ème magnitude, elle-même à 1°Est et 1,5°N d'Albiréo (bèta du Cygne), la célèbre double colorée. Très petite (diam.=8"), PK 64+5.1 (confondue avec une nébuleuse planétaire dans le catalogue de Perek-Kohoutek) est difficile à trouver. L'"étoile" de Campkell [qui la découvrit en 1894 dans le télescope de 91cm de l'observatoire de Lick (USA)] constitue un test sévère pour un diamètre de 200mm. Avec le Dobson de 310mm, à 145x, sa brillante centrale (mag=10,03) apparaît entourée par une minuscule couronne nébulaire. Observée dans un Cassegrain de 62cm, à 650x (Nagler de f=13,8mm), cette couronne, encore restreinte, est circulaire et homogène. Si vous avez la chance d'en possèder un, vous pouvez essayer un filtre sélectif (parmi ceux déja cités ou autres) afin de parvenir à mieux voir la nébulosité, qui apparaît de couleur rosée sur les clichés trichromiques (vraies couleurs).
  PK 64+5.1-Y.POTHIER (T620mm)   

 

NOM/N°
Alpha SGE
C 399
Gamma SGE
M 27
41 CAP
M30
Alpha AQL
NGC 6781
Gamma DEL
NGC 7006
Eta PEG
NGC 7331
Bèta CEP
NGC 7023
Bèta CYG
9 CYG
PK 64+5.1
Mv
4,4
3,6
3,5
7,3
5,2
7,6
0,75
10,3
4,3
10,6
2,9 
9,6
3,2
?
3,1
5,3
11:
taille
-
120' x 60'
-
8'x4'
-
ø=6'
-
ø=106"
-
sép=10"
-
ø=1',1
-
9'x2'
-
18'x18'
8"x8"
Type
étoile
Amas ouvert 
étoile
Néb. planétaire
étoile double
Amas globulaire
étoile
Néb. planétaire
étoile double
Amas globulaire
étoile
Galaxie Sb
étoile
Néb. Diffuse
étoile double
étoile
néb. planétaire
alpha
19h40.1
19h25.4
19h58.8
19h59.6
21h42.0
21h40.4
19h50.8
19h18.4 
20h46.7 
21h01.5
22h43.0
22h37.1
21h28.7
21h01.8
19h30.8
19h34.8
19h34.8
delta
+18°01'
+20°11'
+19°29'
+22°43'
-23°16'
-23°11'
+08°52'
+06°33'
+16°08'
+16°11'
+30°13'
+34°25'
+70°33'
+68°12'
+27°58'
+29°28'
+30°31' 


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