© Ciel Extrême, 1998

PROFONDEURS DU CIEL 6
Yann POTHIER / Jan-Fév 1992
paru en Janvier-Février 1993 dans Astro-Ciel n°47

Nous avions vu la dernière fois comment les notions d'éclat et de magnitude étaient appliquées aux étoiles. Pourtant, une nébuleuse de 10ème magnitude n'atteint pas l'éclat, loin s'en faut d'une étoile de même éclat. Pourquoi ?

Le problème de l'attribution de magnitude à des objets faibles et étendus, comme le sont ceux du ciel profond, s'est posé très tot et, encore maintenant, la technique adoptée ne permet pas d'obtenir des données parlantes. Cette dernièère consiste à associer à un objet nébuleux, à la surface étendue, la magnitude d'une étoile, ponctuelle donc sans surface, émettant autant de lumière que lui: autrement dit, on prend en compte toute la lumière émise par la surface de l'objet et en additionnant toutes les valeurs de flux obtenues, on obtient une valeur comparable à une étoile. Ainsi, une nébuleuse homogène et circulaire de magnitude 10 d'un diamètre de 10' sera plus faible qu'une autre de diamèètre 5', puisque la même quantité d'énergie lumineuse, celle d'une étoile de 10ème magnitude, sera répartie dans une aire plus importante...

On se rend immédiatement compte des corrections à apporter aux données: une galaxie de magnitude 11 ne sera pas forcément plus brillante qu'une autre de magnitude 12; cela dépend de leurs tailles réciproques. Plus les objets sont petits, plus ils sont comparables par leurs magnitudes. Pour les amas d'étoiles galactiques ou globulaires, les magnitudes données (généralement en visuel/Mv) se rapportent à une étoile de même éclat global; l'observateur doit lui-même relativiser en fonction de l'étendue de l'amas. A magnitudes égales, un amas plus grand qu'un autre apparaît plus faible. Pour les nébuleuses planétaires, comme nombre de ces objets sont petits (diamètre inférieur à 1'), les magnitudes sont comparables. Toutefois, on se rapellera de l'exemple de la nébuleuse Hélix (NGC 7293) dans le Verseau dont la Mv de 7.3 est assez comparable à celle de Dumb-Bell (M27) de la Flèche qui vaut 7.4: le débutant cherchera en vain la première dans sa lunette de diam.60mm, alors qu'il trouvera aisément la seconde... L'explication tient dans les dimensions des deux objets: Hélix possède un diamètre de près de 15' alors que Dumb-Bell ne fait que 8' sur 4'.

Le cas des nébuleuses diffuses réflexives et émissives est particulier puisque rares sont les données de magnitude dans les catalogues. Il faut dire que la plupart de ces nébuleuses sont très étendues (dimensions supérieures à 10') et une valeur de magnitude ne veut pratiquement plus rien dire. Un classement par ordre de difficulté basé sur des observations systématiques dans des téléscopes aux diamètres variés résoudrait peut-être le problème et les amateurs ont peut-être un role à jouer... Les galaxies restent légèrement réfractaires aux comparaisons via les magnitudes pour des raisons morphologiques. En effet, si certaines galaxies comme les elliptiques et les spirales aux bras courts (Sa,Sb, SBa, SBb) offrent un éclat de surface assez homogène, d'autres comme les spirales aux bras étendus (Sc et SBc) offrent un noyau très brillant et des parties externes (bras spiraux) assez faibles, voire invisibles dans certains cas. Ainsi, une galaxie Sa de Mv=11 sera mieux visible comme étant nébuleuse qu'une galaxie Sc dont seul le noyau stellaire sera apparent. Le cas de IC 342 dans la Girafe (Cf plus loin), une spirale Sc vue de face dont seul le noyau de 20" de ø est accessible dans un télescope de 200mm, est très parlant... Nous verrons une prochaine fois les différents types morphologiques des nébuleuses, amas et galaxies.

Relativement proche de nous puisque situé à près de 2000 années-lumière (AL), M41 (NGC 2287) était déjà connu des anciens et Aristote le décrivait comme une tache nébuleuse visible à l'oeil nu en 325 avant J.C. Situé à 4° Sud de Sirius (Alpha CMA) l'étoile la plus brillante du ciel, cet amas ouvert reste très facilement repérable et se résout en une vingtaine d'étoiles (de magnitude 7 à 9) dans des jumelles de 50mm de diamètre; on notera la présence d'une étoile de Mv=6,0 à 20' Est. Dans un télescope de 115/900 muni d'un grossissement de 36x, l'amas apparaît composé d'une soixantaine d'étoiles dont dix dominant par leur éclat; l'étoile la plus brillante est une géante rouge dont la couleur devrait être plus apparente en la défocalisant légèrement, rendant son disque d'Airy plus étendu et nébuleux, et donc moins saturé en lumière globale. Essayez avec votre instrument et faites-en part à Astro-Ciel !

M41-JB.FELDMANN (L50mm)

La nébuleuse diffuse par réflection NGC 2261 peut être trouvée à 7°40' Sud de Gamma GEM de mag.2. Surnommée "nébuleuse Hubble" du fait de son étrange nature découverte par le célèbre astronome américain, elle entoure l'étoile R de la Licorne (R MON) dont l'éclat peut varier sur une échelle de 2 magnitudes, ce qui entraîne des variations d'éclairements sur la nébuleuse elle-même. Observée au 115/900 avec 72x de grossissement, une nébuleuse d'aspect cométaire se dessine aux yeux de l'amateur et au centre de celle-ci, un noyau très brillant presque stellaire se dessine; une étoile de mag.10 l'accompagne à 1' vers le Nord-Est.
NGC 2261-X.CAMER (T115mm)

A 13mn Ouest et 1°40' Nord (soit environ 3°40' Nord-Ouest) de Bételgeuse la célèbre géante rouge d'Orion, NGC 2022, nébuleuse planétaire de dimensions moyennes, est accessible à un diamètre de 200mm à condition de grossir plus de 70x. Avec un télescope de cette ouverture et 87x d'amplification, une étoile de 7ème magnitude accompagne à 12' Ouest une petite nébulosité floue d'éclat global moyen; cette dernière n'apparaît, à 290x, que comme un disque diffus à la luminosité homogène. Il faut sans doute utiliser au moins 300mm de diamètre pour pouvoir observer la structure annulaire de cette nébuleuse.

NGC 2022-J.CRESPIN (T200mm)

Les amas globulaires sont des objets qui, généralement, entourent le disque galactique d'assez près et il dépassent rarement un éloignement de 100 000 années-lumière correspondant au diamètre galactique moyen de la Voie Lactée, notre galaxie. NGC 2419, à 7° Nord et un peu à l'Est de Castor (Alpha GEM), constitue une exception puisque cet amas serait éloigné de plus de 220 000 années-lumière. Echappant à l'influence gravitationnelle de la Voie Lactée, il est ainsi surnommé "vagabond intergalactique" ! Ce petit amas faible est difficile à trouver au 115/900 muni d'un grossissement inférieur à 50x car il risque alors d'être confondu avec une étoile faible du champ à cause de sa petite taille apparente. Même à fort grossissement, il reste nébuleux et seul un télescope de plus de 300mm permettra, dans les meilleures conditions, de séparer quelques membres de cet amas ultra-lointain.
NGC 2419-P.CHATARD (T150mm)

Enfin, pour s'échapper définitivement de notre banlieue galactique, repérez à l'aide d'une carte et pointez Gamma de la Girafe de 4ème magnitude, puis déplacez votre instrument de 3° vers le Sud pour observer IC 342, galaxie spirale de type c. Dans un schmidt-cassegrain de 200mm de diamètre à 87x, seul son noyau est visible, petite nébulosité diffuse au centre stellaire de 11ème magnitude; 5 à 6 étoiles de la 10ème à la 12ème magnitude forment une ligne tangente à l'Ouest de ce noyau. Les bras spriaux s'étendent sur un diamètre de 30', mais l'absorption due aux poussières de la Voie Lactée à cet endroit les rend quasiment imperceptibles et diminue aussi notablement l'éclat du noyau, lequel reste néanmoins visible.

NOM/N°

Sirius

M 41

Gamma GEM

NGC 2261

Bételgeuse

NGC 2022

Castor

NGC 2419

Alpha PER

IC 342

Gamma CAM

-1.6

4.6

1.9

10.+

0.8

12.3

2.0

11.0

1.8

9.1

4...

taille

30' x 30'

1'.0 x 0'.7

28" x 28"

1'.7 x 1'.7

15' x 15'

Type

étoile

Amas Ouvert

étoile

Néb. Diffuse -r-

étoile

Néb. Planétaire

étoile

Amas Globulaire

étoile

Galaxie Sc

étoile

alpha

06h45.2

06h47.0

06h37.7

06h39.2

05h55.2

05h42.1

07h34.6

07h38.1

03h24.3

06h46.8

03h50.4

delta

-16°43'

-20°44'

+16°24'

+08°44'

+07°24'

+09°05'

+31°53'

+38°53'

+49°51'

+68°06'

+71°19'

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