© Ciel Extrême, 1998
PROFONDEURS DU CIEL 7
 
©Yann POTHIER / Mars-Avril 1993
  paru en Mars-Avril 1993 dans Astro-Ciel n°48
  Qu'est-ce qui différencie une galaxie de type E d'une autre de type SO ? En quoi consiste une nébuleuse planétaire de classe IIa ? Pourquoi un amas ouvert peut-il être qualifié de I 3 m ? Pour ne pas rester interdit face à ces terminologies barbares que s'autorise parfois l'amateur confirmé, voici le premier volet d'un petit guide des types d'objets du ciel profond concernant les galaxies, rubrique qui sera poursuivie dans les chroniques ultérieures.
 
Au cours du XVIIIe siècle, Sir William Herschell fut le second après Messier à répertorier de manière systématique les "nebulae" qu'il observait dans ses télescopes géants (46, 60 et 120cm de diamètre), mais contrairement à son illustre prédécesseur il entreprit de classifier ses découvertes d'après une gamme de huit genres (types en gras):
  • nébuleuse brillante I
  • nébuleuse faible II
  • nébuleuse très faible III
  • nébuleuse planétaire IV
  • nébuleuse très étendue V
  • amas riche en étoiles et très dense VI
  • amas dense d'étoiles brillantes et faibles VII
  • amas d'étoiles éparses VIII

  •  
    Cette classification primaire, on le voit, ne contient pas les galaxies, non-reconnues à cette époque, et établit simplement la différence entre les objets qui apparaissaient flous (nébuleuses) et ceux qui se séparent en étoiles au télescope (amas). D'ailleurs, Herschell crut longtemps que les nébuleuses n'étaient que des amas ne semblant pas séparés que des télescopes plus puissants pourraient résoudre. Ayant découvert NGC 1514, une nébuleuse planétaire remarquablement homogène, vaporeuse, à l'étoile centrale très apparente et parfaitement centrée, il révisa son opinion et émit l'hypothèse d'un fluide lumineux de nature inconnue.
     
    Ce n'est qu'à l'avènement de la spectroscopie [Huggins, en 1897, observa le spectre à raie d'émission du gaz formant NGC 6543, nébuleuse planétaire dans le Dragon] que le doute fut levé et les nébuleuses gazeuses classées à part. Malgré que les galaxies aient été reconnues, grâce à ce principe de spectroscopie primaire, comme des "amas d'étoiles innombrables", elles n'acquérirent leur qualificatif d'"univers-île" qu'avec Hubble vers 1920, lequel établit à partir des variables Céphéides leurs distances réelles (supérieures au million d'années-lumières)ainsi que leurs dimensions (de 10 à 200 000 années-lumières de diamètre) et leurs contenus (de 10 à 200 milliards d'étoiles). D'après ses observations, il réalisa une classification peu à peu complétée par d'autres, notamment Vaucouleurs, qui est basée sur les 5 types principaux suivants:

  • galaxies spirales normales (S): caractérisées par des bras spiraux dans les régions externes.
  • Sa: bras spiraux courts par rapport au noyau imposant.
    Sb: bras et noyau égaux en proportion.
    Sc: petit noyau et longs bras spiraux.
    Sd: noyau extrêmement restreint et bras spiraux très étendus. galaxies spirales barrées
  • galaxies spirales barrées (SB): dont les bras spiraux partent d'une barre centrale rectiligne.
  • SBa: comme pour les Sa mais avec barre centrale.
    SBb: comme pour les Sb mais avec barre centrale.
    SBc: comme pour les Sc mais avec barre centrale.
  • galaxies elliptiques (E): à la forme plus ou moins ovale.
  • de E0 (circulaire) à E7 (très elliptique); brillance très dégradée d'un centre brillant jusqu'à des bords évanescents.
  • galaxies lenticulaires (SO): formes de lentille.
  • de SO1 à SO3 selon une proportion croissante de zones absorbantes entre le noyau et la lentille.
  • galaxies irrégulières (Irr): à l'aspect anarchique voire chaotique.
  • Irr I: galaxies difformes peuplées d'étoiles de population I, jeunes et bleues.
    Irr II: galaxies difformes aux étoiles de population II, vieilles et jaunes.
  • galaxies naines (d): d pour dwarf (en anglais "naine"), qualifiant des galaxies aux dimensions réduites; cette caractéristique peut accompagner tous les autres types déjà décrits.

  •  
    Pour illustrer cette courte introduction consacrée aux différentes classes structurelles de galaxies, je vous propose ci-dessous une sélection de galaxies de chaque morphotype suffisamment brillantes pour être visibles dans de modestes instruments et leur présentant des traces de structures reconnaissables.
     



        M64-W.MORSCHEIDT (T400mm)

     
    Repérable dans des jumelles de 50 mm de diamètre, M64 se trouve dans la constellation de la Chevelure (COM) juste à 1° Nord-Est de l'étoile 35 COM de 5ème magnitude et située à exactement 16°40' au Sud de la jolie et brillante étoile double alpha des Chiens de Chasse (mag=2,9), ce qui occasionne un repérage aux coordonnées simple et rapide. De type Sa, cette galaxie arbore une zone centrale brillante et étendue dans un halo externe plus faible, d'épaisseur assez fine, déjà observable dans un 115/900 doté d'un grossissement moyen (50 à 75x). M64 possède une large bande de poussière obscurcissant son coté Nord-Ouest, laquelle lui vaut son surnom d'"oeil noir". Certains la percoivent dès 60mm de diamètre, mais pour ma part je ne l'ai détectée avec certitude que dans le Schmidt-Cassegrain de 200mm.
      M63-R.MOUREAUX (T150mm) 

     
    En partant de l'étoile 20 CVN (chiens de chasse) de mag4.7 et en déplacant votre instrument de 1°30' vers le Nord, vous trouverez sans difficulté M63 de type Sb accompagnée par une étoile de 9ème mag. très proche vers le Nord-Ouest. Là encore, le 115/900 à 72x montre un noyau bien large entouré d'une couronne diffuse plus faible proportionnellement égale en taille; l'ensemble est bien allongé dans le sens Est-Ouest. Souvenez-vous que grossir suffisamment constitue un assez bon moyen pour mettre en valeur les légères différences de brillance des différentes zones...
     
    M101 étant une galaxie très étendue de type Sc, sa recherche est déconseillée aux citadins. Dans un site de transparence correcte, elle est visible dans des jumelles 7x50 au-dessus du manche de la "casserole" de la Grande Ourse. Aux cercles de coordonnées, elle se situe à 5°40' ou 40mn à l'Est du couple Alcor et Mizar. L'aspect des spirales -c- est tout de suite retrouvé dans de petits instruments comme le 115: un petit noyau stellaire est noyé dans une grande lueur pâle et très vaste atteignant au moins 11' de diamètre dans un 200mm.
     
    A 3° Ouest et 40' Sud de gamma UMA de mag2.4 sous le quadrilatère principal de la Grande Ourse, se trouve un joli couple de galaxies formé par NGC 3718 et NGC 3729. C'est plus particulièrement NGC 3718 qui nous intéresse puisque son type -SBa- lui confère une barre centrale assez facilement visible avec un diamètre de 200mm et au moins 70x de grossissement. Elle apparaît tel un renforcement lumineux allongé et presque rectiligne occupant le centre d'une nébulosité ovale plus étendue et plus faible aux dimensions de 3.5' x 2.5'; on trouvera NGC 3729 à 14' vers l'Est. En revenant sur gamma UMA, vous pouvez localiser NGC 3992, -appelée parfois M 109 bien qu'elle n'appartienne pas au catalogue original de Messier-, dans le même champ à faible grossissement, à exactement 40' Sud-Est. La barre de cette -SBb- est plus difficile à voir et requiert au moins un diamètre de 30cm et un bon site pour être apercue. Néanmoins très jolie avec le Meade de 200mm de diamètre, elle apparaît de taille moyenne, d'éclat dégradé, allongée dans le sens NE/SO (Nord-Est/Sud-Ouest). Une étoile de mag12.5 est visible touchant son bord Nord.
     
    Membre de l'amas de la Vierge, M61 peut être trouvée à environ 5° Nord de Eta VIR de mag3.9 comme une large tache nébuleuse d'éclat moyen dans un 115/900. Sa barre est difficile à discerner car l'éclat du disque galactique est assez homogène, mais un bon télescope de 250mm de diamètre opérant sous un ciel non-pollué devrait montrer faiblement le magnifique aspect de spirale vue de face de M61. Cette galaxie a été découverte en mai 1779 par l'italien Oriani, un peu avant Messier. Toujours dans la Vierge, la galaxie lenticulaire NGC 4753 est visible dans le 115/900 et doit être accessible à un instrument plus petit. On peut la repérer à partir de gamma VIR de mag3.7 (visible dans les chercheurs) en déplacant l'instrument de 15' vers le Nord puis de 2°40' vers l'Est. Si le seul détail apparent est une tache diffuse oblongue à l'éclat moyen et assez homogène, l'observateur décu n'oubliera pas de penser que cette galaxie est distante de 40 millions d'année-lumière et qu'un réseau inextricable de bandes de poussières sillonant le noyau rend cette galaxie très particulière.
     
    Petite galaxie satellite du couple M81/M82 dont nous avons parlé dans le n°43 d'Astro-Ciel, NGC 3077, une elliptique de type 2, est repérable à 50' au Sud-Est de M 81. Il est d'ailleurs remarquable de trouver une spirale (M81), une irrégulière (M82) et cette elliptique dans une zone du ciel aussi restreinte ! Malgré une bien gênante étoile de 8ème mag. située à 4' Nord-Ouest, NGC 3077 est visible dans le 115/900 comme une petite nébulosité très légèrement oblongue avec un centre progressivement plus brillant que les bords. A 4° Sud-Sud-Ouest de Iota DRA ou encore à 43mn Est du couple Mizar/Alcor pour les instruments équatoriaux, se trouve NGC 5866, laquelle est assez souvent appelée abusivement M102 puisque M102 ne serait qu'une erreur de Messier qui aurait observé M101 une seconde fois en faisant une erreur de 10° en ascension droite dans ses calculs de repérage. Dans un 115/900 à 36x, elle prend un aspect globulaire qui concorde peu avec l'aspect allongé que devrait prendre une galaxie de type -E6-; cependant, à 72x, on soupconne la présence de faibles extensions qui se confirment avec un instrument de 200mm de diamètre, lequel offre une image de fuseau nébuleux homogène.
     
    A mes yeux, enfin, NGC 4449 constitue un exemple assez frappant de la catégorie des galaxies irrégulières. Située à 1h19mn (ou 14°) Est dePsi UMA de mag3.0, elle se voit facilement dans un 115/900, tache allongée (Nord-Est/Sud-Ouest) de taille et d'éclat moyens; c'est surtout sa forme rectangulaire qui frappe par sa régularité, forme peu commune chez les galaxies... Avec un diamètre de plus de 300mm, les bords de la nébuleuse commencent à montrer des irrégularités marquées qui témoignent du caractère chaotique de sa structure galactique.
     
    Essayez dorénavant d'estimer sans a priori la classe des galaxies que vous observez, puis comparez vos résultats aux données cataloguées. Même si vous ne tombez pas sur la bonne catégorie à chaque fois, cela vous permettra de considérer ces "taches floues" sous un autre angle, bien plus favorable pour effectuer des observations de plus en plus exactes...
     

    NOM/N°
    alpha CVN
    M 64
    20 CVN
    M 63
    Dzeta UMA
    M 101
    gamma UMA
    NGC 3718
    NGC 3729
    M 109
    Eta VIR
    M 61
    NGC 4753
    NGC 3077
    Iota DRA
    NGC 5866
    Psi UMA
    NGC 4449
    Mv
    2.9
    8.5
    4.7
    8.7
    3.9
    7.9
    2.4
    10.6
    11.4
    9.9
    3.9 
    9.6
    10.0
    9.9
    3.3
    10.8
    3.0
    9.4
    taille
    -
    8'x4'
    -
    8'x3'
    -
    22' x 22' 
    -
    3' x 3'
    2' x 2'
    6.2'x3.2'
    -
    6.3'x5.6'
    3.3'x1.1' 
    3' x 2'
    -
    3' x 1'
    -
    4.5'x2.5'
    Type
    étoile double
    galaxie Sa
    étoile
    galaxie Sb
    étoile triple
    galaxie Sc
    étoile
    galaxie SBa
    galaxie p
    galaxie SBb
    étoile
    galaxie SBc
    galaxie SOp
    galaxie E2
    étoile 
    galaxie E6
    étoile
    galaxie Irr I
    alpha
    12h56.0
    12h56.7
    13h17.5
    13h15.8
    13h23.9
    14h03.2
    11h53.8 
    11h32.6
    11h33.8
    11h57.6
    12h19.9
    12h21.9
    12h52.4
    10h03.3 
    15h24.9
    15h06.5
    11h09.7
    12h28.2
    delta
    +38°19'
    +21°41'
    +40°34'
    +42°02'
    +54°56'
    +54°21'
    +53°42'
    +53°04'
    +53°08' 
    +53°23'
    -00°40' 
    +04°28'
    -01°12'
    +68°04'
    +58°58'
    +55°46'
    +44°29'
    +44°06'

     


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