© Ciel Extrême, 1998
PROFONDEURS DU CIEL 10
 
©Yann POTHIER / Mai-Juin 1994
  paru en Mai-Juin 1994 dans Astro-Ciel n°51
  Malgré la nuit astronomique très courte de ces mois de fin de printemps, il faudra observer pendant la période 0h-3h pour être sûr d'obtenir le ciel le plus sombre. Après les galaxies et les amas ouverts, passons en revue quelques amas globulaires parmi ceux, nombreux et intéressants, qui sont accessibles à cette époque de l'année.
 
Très vite, les premiers observateurs se sont rendu compte que certaines nébuleuses "globulaires" se résolvaient en étoiles dans les télescopes et devenaient ainsi des amas, mais la distinction entre amas galactiques ou ouverts (intra-galactiques) et amas globulaires (extra-galactiques) ne s'est affirmée que récemment et reste pourtant parfois arbitraire, certains cas particuliers formant une étape intermédiaire. C'est à W. HERSCHELL que nous devons le terme globulaire, utilisé vers 1786, et le premier objet de ce type à être découvert fut M 22 du Sagittaire observé accidentellement par A. IHLE (ou HILL?) en 1665 lors d'une recherche de Saturne.
 
La découverte d'étoiles variables de type RR Lyrae dans ces amas a permis de mesurer précisément la distance de ces objets (entre 10 et 150 000 années-lumière) et d'établir que ces vastes agrégations de soleils forment un halo sphérique autour notre galaxie, la Voie Lactée. On trouve également des amas globulaires autour de toutes les autres galaxies (de n'importe quel type) puisqu'on en a repéré autour de certaines dans l'amas local (ex: Nuages de Magellan, M31), autour d'autres dans l'amas de la Vierge (ex: M104) et jusque dans l'amas Coma à 300 millions d'années-lumière.
 
Autour de notre Voie Lactée, on a observé jusqu'à maintenant 130 amas globulaires, mais les estimations en prévoient entre 10 et 100 fois plus, cachés par les nuages obscurcissants des bras galactiques. Mesurant de 50 à 500 années-lumière de diamètre, ces grands ensembles d'étoiles contenant entre cent mille et dix millions d'étoiles orbitent autour de la galaxie en quelques centaines de millions d'années en moyenne. D'apparence souvent globulaire et circulaire, on en trouve un certain nombre de forme ovale (ex: le plus oval de tous est M19). Cette ovalité est dûe aux déformations qu'entraîne la force centrifuge impliquée par la rotation de l'ensemble.
 
Objets extrèmement vieux, les amas globulaires ont en moyenne un âge de 10 milliards d'années et regroupent presque essentiellement des étoiles de population II1, lesquelles offrent des indices de présence de métaux importants dans leurs spectres. Le spectre moyen d'un amas globulaire est d'ailleurs de type F8. L'âge des AG peut servir d'indicateur pour établir celui de la "galaxie-mère"... Fait étrange: la détection d'étoiles géantes bleues dans certains amas globulaires ("blue stragglers" découverts par A. SANDAGE du Mont Palomar en 1953) lesquelles ne devraient pas se trouver mêlées à l'ancienne population stellaire. Ces étoiles ne peuvent être aussi jeunes qu'elles le paraissent et elles doivent (par un moyen encore inexpliqué) avoir mélangé leur hydrogène de sorte qu'il y en ait encore dans le noyau. Puisque ces "blue stragglers" sont situées près du centre de l'amas globulaire, un scénario proposé est le suivant: une collision entre deux étoiles provoquerait un mixage des gaz suffisamment efficace pour constituer un nouvel astre à l'apparence jeune...
 
Ces amas contiennent beaucoup de résidus stellaires, et notamment des pulsars (millimétriques ou non). Ces restes résultent de l'évolution de couples naine blanche/étoile géante dont la naine vampirise le gaz de la géante, explose (supernova de type Ia) et termine sa vie en étoile à neutron (ou pulsar), lesquels couples se forment grâce à la densité stellaire très supérieure à la moyenne des amas globulaires et aussi en raison de l'état de "vieillissement" avancé des étoiles qui les composent (souvent proches de quitter la séquence principale).
 
La seule classification utile aux amateurs est celle établie par H. SHAPLEY, basée sur la structure des amas et offrant ainsi des informations directement interprétables par l'observateur pour ce qui est de leurs aspects visuels. Les autres classifications (Morgan, Deutsch-Kinman) sont relatives à l'abondance en métaux dans les spectres d'amas globulaires, caractères difficiles à reconnaître par l'amateur. Selon SHAPLEY, les amas sont répartis en 12 classes (de I à XII en chiffre romain) d'après leur degré de concentration centrale: un amas présentant un éclat très homogène sur toute sa surface, sans augmentation d'éclat vers le centre, sera de type XII, tandis qu'un autre, de type I, aura un noyau extrèmement brillant et concentré, entouré par une couronne d'éclat progressivement de plus en plus faible en allant vers l'extérieur; toutes les autres classes constituent des paliers entre ces aspects extrêmes.
 


  M4-R.MONNEROT (T620mm, intensificateur)

Les exemples illustrant cette classification foisonnent dans le ciel de fin de printemps du Bouvier au Dauphin en passant par Ophiucus, le Serpent, le Sagittaire ou le Scorpion. Dans les catégories d'amas globulaires à faible concentration, deux représentants sont facilement observables: M55 et M4 (n°55 et 4 du catalogue Messier). M4 se repère facilement aux jumelles de 50mm de diamètre à 1°20' Ouest d'Antarès (Alpha SCO) où il revêt l'apparence d'une tache floue aux dimensions importantes et inhabituelles pour ce type d'objet vu à travers des jumelles. Une lunette de 60mm de diamètre commence à le séparer dèès 50x de grossissement en un fourmillement d'étoiles de 10e et 11e magnitudes. A partir de 115mm de diamètre, le nombre d'étoiles séparées ne cesse d'augmenter et une barre de 8 étoiles de 11e mag. traverse l'amas du Nord au Sud; l'homogénéité de cet amas de type -IX- se remarque à travers tous les instruments.

Pour M55, il faudra attendre son lever après 1h du matin à l'Est du Sagittaire. Pour le localiser précisément, on pourra partir de Dzeta Sagittaire, se décaler d'1° vers le Sud, puis de 8° vers l'Ouest (ou 37.4mn d'ascension droite). C'est l'abbé LACAILLE qui, en effectuant ce trajet grâce à sa modeste lunette non-achromatique depuis le Cap de Bonne Espérance (Afrique du Sud), le découvrit en 1751. Déjà discernable aux jumelles de diam.50mm, il présente une surface nébuleuse remarquablement homogène dans un 115/900 justifiant par là son type XI. Quelques étoiles sont perceptibles dans cette masse granuleuse (mag12 à 13), et d'autres apparaissent au fur et à mesure que le diamètre de l'instrument utilisé augmente. Néanmoins, l'influence de l'absorption atmosphérique reste importante pour cet objet et il conviendra d'attendre qu'il atteigne sa position la plus haute dans le ciel pour l'observer dans les meilleures conditions.

Un autre amas, M14 dans Ophiucus, montre lui aussi peu de condensation centrale (type VIII). On peut le trouver à 6mn Ouest et 7°45' Sud de Beta Ophiucus ou, plus grossièrement, avec un grand champ, à 8° Sud de cette même étoile. Reconnaissable quand on sait où le trouver aux jumelles, il ne montre qu'un très léger noyau dans les instruments plus petits que 100mm de diamètre. Il faut au moins un diam.200mm pour commencer à résoudre ses étoiles les plus brillantes (mag.15) en utilisant un grossissement moyen à fort (200x pour cet instrument).
  M14-R.MONNEROT (T620mm, intensificateur) 



 
Situé dans les Chiens de Chasse, exactement à mi-chemin entre Alpha des Chiens de Chasse et Arcturus du Bouvier, M3 est un joyau que les connaissseurs ne se lassent pas d'admirer; situé au-dessus d'une étoile de 6ème mag., son aspect d'étoile floue est facile à repérer aux jumelles de diam.50mm et même aux chercheurs de diam.30mm. Aux cercles de coordonnées, il est situé à 33.5mn Ouest et 9°12' Nord d'Arcturus (Alpha BOO). L'auteur a observé l'aspect granuleux du pourtour dans une lunette de Zeiss de diam.60mm dans un site excellent (altitude 3000m), et l'amas commence à se séparer avec un 115/900 dans un site correct. Dans un Schmidt-Cassegrain de diam.200mm, un poudroiement d'étoiles fines entoure un noyau encore nébuleux; l'éclat de l'amas est bien dégradé du centre jusqu'aux bords corroborant son type VI que même son découvreur, Messier en 1764, décrivait: "Le centre en est brillant et la lumière se perd insensiblement".
 
Une revue d'amas globulaire ne serait pas complète si elle excluait M13, le grand amas d'Hercule, aisément visible dans la moindre paire de jumelles comme un étoile floue: il se trouve sur une ligne entre Eta et Dzeta à exactement 2.5° Sud d'Eta. Les habitués le repèrent à l'Ïil nu (mag5.9) et s'en servent comme indicateur de transparence du ciel. Découvert en 1714 par le célèbre astronome anglais Edmund HALLEY, son type intermédiaire (V) lui donne une augmentation d'éclat remarquablement régulière du bord jusqu'au centre. Lord ROSSE fut le premier à discerner 3 bandes sombres en forme de Y qui "ne se rejoignent pas au centre mais au Sud-Est de celui-ci". A partir d'un site au ciel transparent, l'auteur les a percues dans un Schmidt-Cassegrain de diam.200mm à F/D=10 avec des grossissements supérieurs à 100x. Quel est le diamètre minimum pour les apercevoir ? Essayez avec votre instrument pour voir...
  M13-R.MONNEROT (T620mm, intensificateur)

 
Retour dans la constellation du Scorpion pour observer M80 amas globulaire de type II décrit par MESSIER comme une "nébuleuse sans étoile, ronde. Le centre est brillant et ressemble à un noyau de petite comète". De petites dimensions, il vaut mieux le repérer directement à l'instrument muni d'un grossissement faible: on partira d'Antarès (comme pour M4) et on déplacera l'instrument de 12.4mn vers l'Ouest et 3.5° vers le Nord. Dans les petits instruments, une étoile de mag8.5 à 7' au Nord-Est de l'amas est frappante, et l'on remarque aussi le noyau très condensé et brillant entouré par une couronne plus faible. Un diamètre de 200mm commence à résoudre des étoiles de 14e mag. sur ses bords, mais en dessous de ce diamètre il demeure nébuleux.
 
Pour clore cette introduction aux amas globulaires, le dernier de notre courte liste est NGC 7006 du Dauphin et présente un double intérêt. D'une part, il se situe en bordure de la zone d'influence de notre Voie Lactée à près de 200 000 années-lumière de nous, et n'est plus considéré comme faisant partie de notre système galactique. D'autre part, son type I le classe dans la catégorie des amas au noyau très dense. A 3.5° (ou encore 15mn) à l'Est de Gamma du Dauphin, cet amas assez faible et petit est à rechercher à partir de 100mm de diamètre, alors son centre seul est visible. Avec un Schmidt-Cassegrain de diam.200mm, une couronne nébulaire floue semble entourer le noyau et on pourra commencer à résoudre NGC 7006 seulement avec 350mm de diamètre. L'observateur n'oubliera pas qu'il admire, depuis notre petite planète, un des spécimens les plus éloignés d'amas globulaires galactiques.


  NGC 7006-R.MONNEROT (T620mm, intensificateur)



 

NOM/N°
Alpha SCO
M4 (6121)
Dzeta SGR
M55 (6809)
Beta OPH
M14 (6402)
Alpha BOO
M3 (5272)
Eta HER
M13 (6205)
Alpha SCO
M80 (6093)
Gamma AUR
NGC 7006
Mv
1.0
5.9 
1.8
6.3
2.8
7.6
0.0
6.4
3.5
5.9
1.0
7.3
4.3
10.6
taille
-
ø=14'
-
ø=10'
-
ø=3'
-
ø=10' 
-
ø=10'
-
ø=3'
-
ø=1'
Type
étoile 
Amas globulaire
étoile 
Amas globulaire
étoile 
Amas globulaire
étoile 
Amas globulaire
étoile 
Amas globulaire
étoile 
Amas globulaire
étoile 
Amas globulaire
classe
-
IX
-
XI
-
VIII
-
VI
-
V
-
II
-
I
alpha
16h29.4
16h23.6
19h02.6
19h40.0
17h43.5
17h37.6
14h15.7
13h42.2
16h42.9
16h41.7
16h29.4
16h17.0
20h46.7
21h01.5
delta
-26°26'
-26°32'
-29°52'
-30°58'
+04°34'
-03°15'
+19°11'
+28°23'
+38°56'
+36°28'
-26°26'
-22°59'
+16°08'
+16°11'

 


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