© Ciel Extrême, 1998
PROFONDEURS DU CIEL 9
 
©Yann POTHIER / Mars-Avril 1994
  paru en Mars-Avrs 1994 dans Astro-Ciel n°50
  Astronomie et météorologie sont des domaines étroitement liés, alors prenez votre mal en patience entre une giboulée de Mars et une averse d'Avril: profitez d'une éclaircie pour observer quelques amas ouverts...
 
Amas ouvert, amas galactiques: même combat ! Il s'agit en effet de deux dénominations recouvrant le même type d'objet: des groupes d'étoiles intragalactiques. Ces groupes aux dimensions comprises entre 10 et 100 années-lumière et contenant typiquement de 10 à quelques milliers d'étoiles, on les trouve tout d'abord dans notre propre galaxie, la Voie Lactée, à une distance variant de 500 à 20 000 années-lumière de nos télescopes. Ils sont également observables dans certaines galaxies proches: celles du groupe local (M31, M33, naine du Sagittaire, ...).
 
Leur caractéristique commune est que toutes les étoiles qui les composent sont nées à partir d'un même nuage de gaz inerte (composé principalement d'hydrogène), lequel s'est fragmenté, puis chaque globule s'est effondré sur lui-même, réchauffé et a commencé à briller grâce aux réactions thermonucléaires initiées en son noyau. Ceci explique que toutes les étoiles d'un amas aient sensiblement le même âge et soient relativement jeunes (les amas anciens sont dispersés par leurs propres mouvements internes combinés à ceux plus globaux de la Voie Lactée). Au milieu des étoiles bleues ou blanches d'un amas galactique, l'amateur découvre parfois des étoiles rouges: il peut s'agir d'un astre en avant-plan , mais certains font effectivement partie de l'association et leur présence demeure difficilement explicable.
 
Pour Messier, Herschell (au début de son activité) et bien d'autres vers cette époque (17e-18e), tous les objets nébuleux du ciel étaient des amas non résolus (non séparés en étoiles individuelles) trop denses et trop lointains pour l'être; ils n'avaient pas tort dans l'absolu en ce qui concerne les galaxies maintenant reconnues comme "Univers-îles", mais faisaient erreur sur la nature des véritables "nébuleuses", gazeuses et brillantes. La première classification morphologique des amas ouverts est celle de Harlow Shapley (USA):
  • type -c-: très épars et de forme irrégulière.
  • type -d-: épars et pauvre en étoiles.
  • type -e-: moyennement riche.
  • type -f-: assez riche.
  • type -g-: très riche et dense.

  •  
    Mais celle de Trumpler (USA) est plus précise et permet de catégoriser les amas selon leur structure interne, les différences d'éclats entre leurs étoiles constitutrices ainsi que leur richesse. Cette classification donne trois indications: un chiffre romain, un chiffre arabe et une lettre.

  • I = détaché du fond stellaire avec une forte concentration centrale.
  • II = détaché du fond stellaire avec une légère concentration centrale.
  • III = détaché du fond stellaire sans concentration centrale.
  • IV = peu détaché, zone plus dense en étoile.
  • 1 = toutes les étoiles présentent à peu près le même éclat apparent.
  • 2 = les étoiles présentent une dispersion assez régulière de leur éclat.
  • 3 = à coté de quelques étoiles très éclatantes, de nombreuses étoiles plus faibles se répartissent sur une gamme plus étendue de magnitudes.
  • p = pauvre, contenant moins de 50 étoiles.
  • m = moyennement riche, contenant de 50 à 100 étoiles.
  • r = riche, contenant plus de 100 étoiles.

  •  
    Par exemple, NGC 6871 est de type -IV 3 p-, c'est à dire qu'il s'agit d'un amas peu détaché, d'une zone plus dense en étoiles assez brillantes que cotoient de nombreuses étoiles plus faibles, le tout étant assez pauvre (moins de 50 étoiles). Cette classification donne une assez bonne première approche a priori d'un amas galactique.
     



     
    Le ciel de printemps est témoin du coucher de la Voie Lactée d'hiver et avec elle, certaines cibles illustrant mon propos et citées ci-dessous. C'est pourquoi il faudra observer rapidement en début de soirée le joli couple d'amas (découvert par Messier en 1771) formé par M46 et M47 dans la Poupe, constellation australe à l'Ouest du Grand Chien. Pour trouver M47, notre première cible, vous n'aurez qu'à pointer un instrument équatorial vers Procyon du Petit Chien (Alpha CMI), vous déplacer de 2.7mn (soit 40') vers l'Ouest puis 19°45' vers le Sud. Des jumelles de 50mm de diamètre suffisent à trouver cet amas à 12°30' (environ 2x le champ d'une classique paire de 7x50) de Sirius (Alpha CMA). Avec cet instrument, il est facilement séparé en 15 étoiles dont 5 très brillantes. Si vous utilisez un instrument plus puissant, gardez une amplification faible (30-75x) et un grand champ (1°30'-40') pour conserver son aspect d'amas: il comporte de nombreuses étoiles éparses plus faibles qui se révèlent au fur et à mesure que le diamètre augmente. Le deuxième membre du couple (M 46) se trouve juste à coté de M47, à 20' plus au Sud et 1.3° vers l'Est: vous le trouverez dans le même champ aux jumelles. L'antagonisme d'aspect qu'offrent ces deux objets dans un même instrument est frappant: à l'opposé de son voisin, dans un 115/900, M46 montre un tapis dense d'étoiles de 9e magnitude et plus faibles (ce qui justifie sa classification -IV-). A partir de ce même diamètre, on peut commencer à discerner la nébuleuse planétaire NGC 2438 (non liée physiquement à l'amas) sur le bord Nord-Ouest de celui-ci...
       M36-J.VINCENT (T180mm)

     
    Deux amas du Cocher ressemblent au couple de la Poupe: il s'agit de M36 et M37 (je réserve le 38e pour une prochaine rubrique!). Pour M36, pointez à l'instrument Zeta TAU, l'étoile à l'extrémité de la corne inférieure du Taureau et monter de 13° vers le Nord: l'amas doit être présent si le champ est d'au moins 30'. Découvert par Le Gentil vers 1749, cet amas commence à se résoudre dans des jumelles. Il montre 50 étoiles de mag8.5 à 14 dans un Schmidt-Cassegrain de 200mm de diamètre et un centre plus dense: correspondance flagrante pour l'amateur d'avec sa classification -II 3 m-...vérifiez ci-dessus ! Découvert par le "furet des comètes", M37 pour sa part est une copie (en plus glorieux) de M46. Pour le localiser, partir de M36, descendre 1°30' vers le Sud et 16mn (4°) vers l'Est, une paire de jumelles suffit à le montrer comme une petite tache floue analogue à M36 mais plus étendue. Dans une aire de 18' de diamètre, une soixantaine d'étoiles de mag.8 et plus sont réparties uniformément avec un ø de 200mm; là encore la classification concorde remarquablement bien avec l'observation visuelle. Certains observateurs repèrent une étoile orangée de mag9.5 proche du centre de l'amas à partir de 200mm de diamètre...et vous ?

    C'est à Dresde (ALL) en 1778 que J. Koeler découvrit M67, lequel se trouve à 1h17mn (soit environ 19°) à l'Ouest de Régulus (Alpha LEO) de magnitude 1,4. Repérable comme une petite tache floue aux jumelles, cet amas regroupe avec une ouverture de 200mm, une cinquantaine d'astres de la 9e à la 13e magnitude dans une aire de 15' de diamètre et apparaît bordé au Nord-Est d'une étoile plus brillante de mag.7 environ. Il s'agit là d'un des plus vieux amas galactiques connu puisque des indices permettent de situer son âge aux environs de 7 milliards d'années...

    Assez proche du pole céleste, NGC 1502 se pointe à partir de Capella (Alpha AUR), à 1h12mn (soit 18°) vers l'Ouest et 16°20' vers le Nord. Aux jumelles, il apparaît comme un objet brillant, déjà en partie résolu. Amusez-vous à comparer sa classification avec le dessin ci-après et surtout avec l'aspect visuel qu'il revêt dans votre instrument: la correspondance est parfaite. Notez l'étoile centrale double aux composantes de mag.7,0 et 7,1 séparées par 18". On peut repérer simplement l'amas NGC 2281 en prolongeant le sommet supérieur du pentagone du Cocher (ligne entre Alpha et Beta) d'une longueur vers l'Ouest et chercher cet amas dans des jumelles: il devrait apparaître dans un bon site dès 50mm de diamètre. Aux cercles de coordonnées, partez de Capella et déplacez-vous de 1h33m vers l'Ouest et 5° vers le Sud. D'après sa classification (I 3 p), il devrait être "détaché du fond stellaire avec une forte concentration centrale à coté de quelques étoiles très éclatantes, de nombreuses étoiles plus faibles se répartissent sur une gamme plus étendue de magnitudes, pauvre, contenant moins de 50 étoiles"; dans un 200mm, il apparaît comme un amas épars mais brillant, contenant environ 40 étoiles entre mag.8,5 et 12 dans une aire de 17' de diamètre et se montrant plus dense au centre où se trouve un losange d'étoiles de 10e mag.

    A travers ces exemples, l'amateur du ciel profond peut établir le lien entre la classification scientifique d'un amas galactique et son aspect visuel récréatif, entre l'astrophysique profesionnelle et l'astrophilie amateur: un moyen de sortir des sentiers battus et d'explorer l'Univers... chacun à sa manière.
     

    NOM/N°
    Alpha CMI
    M47 (2422)
    M46 (2437)
    Dzeta TAU
    M36 (1960)
    M37 (2099)
    Alpha LEO
    M67 (2682)
    Alpha AUR
    NGC 1502
    NGC 2281
    Mv
    0.4 
    4.4
    6.1
    3.0
    6.0
    5.6 
    1.4
    6.9
    0.1
    5.3
    5.4
    taille
    -
    ø=30'
    ø=27'
    -
    ø=12'
    ø=24'
    -
    ø=30'
    -
    ø=7'
    ø=30'
    Type
    étoile
    Amas ouvert 
    Amas ouvert
    étoile
    Amas ouvert 
    Amas ouvert 
    étoile
    Amas ouvert 
    étoile
    Amas ouvert
    Amas ouvert 
    classe
    -
    III 2 m
    IV 2 m
    -
    II 3 m
    II 1 r
    -
    II 2 m
    -
    II 3 p
    I 3 p
    alpha 
    07h39.3
    07h36.6
    07h41.8
    05h37.7
    05h36.1
    05h52.4
    10h08.4
    08h50.4
    05h16.7
    04h04.7
    06h49.3 
    delta 
    +05°14'
    -14°30'
    -14°49'
    +21°09'
    +34°08'
    +32°33'
    +11°58'
    +11°49'
    +46°00'
    +62°20'
    +41°04'

     


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