© Ciel Extrême, 1998
PROFONDEURS DU CIEL 11
 
©Yann POTHIER / Juillet-Août 1994
  paru en Juillet-Août 1994 dans Astro-Ciel n°52
  Les vacances arrivent et avec elles le Soleil, le temps libre et les nuits clémentes. Sa bande diffuse tranchant le ciel d'été, la Voie Lactée promet de nombreuses surprises à ceux qui l'exploreront. Ils pourront notamment y découvrir un chapitre crucial de l'évolution stellaire: les nébuleuses planétaires.
 
Les fervents lecteurs d'Astro-Ciel se rappelleront peut-être qu'un article leur a déjà été consacré dans le numéro 36. Tout en en reprenant partiellement la partie théorique, cette chronique s'orientera plus vers leur classification et la reconnaissance par l'amateur de leur morphologie si particulière. A l'heure actuelle, on dénombre environ 1200 nébuleuses planétaires dans la Voie Lactée, notre galaxie, mais on la soupconne d'en contenir au moins 5 fois plus...
 
En fin d'évolution stellaire, les étoiles de moins de 9 masses solaires (ou Mo) passent par la phase de géante rouge, période débutant au moment où tout l'hydrogène assez proche du noyau a été transformé en hélium. Pour réaliser la fusion de l'hélium, il faut augmenter la température du noyau: l'étoile se dilate jusqu'à devenir "géante", refroidissant sa surface jusqu'à paraître "rouge" et écrasant le noyau sous une pression suffisante pour que la température s'élève. Son vent stellaire s'intensifie alors, et emporte à la vitesse de 10km/s, 0,2Mo de matière (soit, quelques milliers de milliards de milliards de tonnes): hydrogène, hélium, oxygène, azote... Cette matière particulaire et gazeuse se dilue dans un volume dont le diamètre varie de 0,1 années-lumière pour les plus jeunes à près de 10 années-lumière pour les plus anciennes: 20 000 ans après l'éjection initiale, une NP classique atteint un diamètre de 0,5AL.
 
Ce vent s'accélère ensuite dans certains cas, en raison d'instabilités internes de l'étoile, pour se stabiliser à une vitesse de 1000km/s, créant ainsi un vide relatif autour de la centrale, particulièrement apparent pour les nébuleuses planétaires annulaires. Un front de compression se forme entre les deux "bouffées" de gaz animées des deux vitesses différentes, lequel s'ionise grâce au rayonnement ultraviolet de l'étoile centrale et devient visible dans nos télescopes à des longueurs d'onde bien précises, comme celle de l'oxygène deux fois ionisé [OIII], autour de 5000 angstroems. D'une masse moyenne de 0,2Mo, cette enveloppe gazeuse se trouve ainsi chauffée de 10 à 20 000K, et fortement diluée (environ 10 000 atomes/cm3). Il est à noter qu'une densité mille fois supérieure est considérée comme un excellent vide... sur Terre !
 
Quant à l'étoile centrale, elle se "dénude" peu à peu pour devenir un résidu très chaud (25 à 350 000°K), donc très bleu (de type spectral B, O ou WR), très dense (100 kg/cm3), et très petit (diamètre inférieur à 10 000km) par rapport à l'étoile génératrice (environ 1 000 000km de diamètre avant sa phase géante rouge) tout en ayant une masse assez constante de 0,6 à 0,8Mo. Ce cadavre stellaire ressemble à une naine blanche, et une pièce de cinquante centimes de sa matière "pèse" 2 tonnes ! Cet astre moribond possède, ne l'oublions pas, un imposant champ magnétique qui, en orientant les particules électriquement chargées du gaz nébulaire de manière préférentielle selon les lignes de champ, explique les formes variées -bipolaires notamment- de certaines nébuleuses planétaires. Les rayonnements de la naine sont très énergétiques: X et UV; ils permettent aux gaz éjectés de s'exciter et de briller par eux-mêmes.
 
Délimiter le champ des nébuleuses planétaires n'est pas chose aisée car il existe plusieurs autres phénomènes similaires. Les étoiles de Wolf-Rayet, les novae et supernovae, lesquelles expulsent aussi du gaz, présentent beaucoup d'analogies avec les centrales de nébuleuses planétaires. Toutefois, leur vent stellaire évacue beaucoup moins de matière et beaucoup plus violemment: ceci rend le phénomène d'enveloppe nébulaire excitée bien moins brillant, donc moins détectable. De plus, cette matière est principalement de l'hydrogène dont le spectre à émission est simple, alors que celui d'une enveloppe de nébuleuse planétaire est bien plus complexe. On connaît actuellement près d'un millier de raies d'émission présentes dans les spectres de nébuleuses planétaires, correspondant à plus de 50 ions dérivés de 30 éléments chimiques différents.
 
La classification de nébuleuse planétaire la plus répandue est celle de Vorontsov-Velyaminov (1934):
  • type " I ": image stellaire.
  • type " IIa ": disque régulier, plus brillant au centre.
  • type " IIb ": disque régulier de brillance uniforme.
  • type " IIc ": disque régulier avec trace de structure annulaire.
  • type " IIIa ": disque irrégulier.
  • type " IIIb ": disque irrégulier avec trace de structure annulaire.
  • type " IV ": structure annulaire.
  • type " V ": forme irrégulière.
  • type " VI ": forme anormale.

  •  
    On peut attribuer une classe simple (ex. II) à une nébuleuse présentant des détails simples, mais aussi doter de deux classes distinctes une nébuleuse qui montrerait des caractères observables dans deux classes différentes (ex: M57 de type IV+III). A ces détails viennent s'ajouter la présence, ou non, d'un halo externe très faible (ex: M57, NGC 6543, etc...) et/ou la formation d'une double enveloppe (ex: NGC 7662, NGC 2392).
     



     
    Les nébuleuses planétaires étant des objets intra-galactiques, on peut en observer beaucoup autour de la Voie Lactée et encore davantage vers son centre. Du Dragon au Scorpion en passant par le Lézard, le Dauphin, la Lyre, le Cygne et Ophiucus, notre périple le long de la Voie Lactée illustrera toute la classification de Vorontzov-Velyaminov.
     
    La première cible est très difficile à repérer pour celui qui ne possède ni filtre OxygenIII ni prisme ni réseau. Le filtre met en évidence la planétaire pas rapport aux étoiles voisines par effet de contraste, et le prisme (ou réseau) montre le spectre stellaire de la nébuleuse à coté des spectres continus des étoiles adjacentes. PK 100-8.1 (catalogue de Perek et Kohoutek suivi des coordonnées galactiques) se trouve à 21'Est (et très légèrement au Nord) de l'étoile 5 du Lézard (5 LAC) de mag=4.3 accessible à tout chercheur. De type I, cette nébuleuse est véritablement stellaire puisque son diamètre atteint à peine la seconde d'arc ! Les observateurs à le recherche de l'exploit pourront tenter de discerner son disque, par turbulence nulle bien entendu... Elle doit être accessible à un diamètre de 115mm et grâce à une des méthodes expliquées ci-dessus.
     
    Pour la nébuleuse de l'Emeraude NGC 6572 découverte en 1825 par W. Struve, le célèbre observateur d'étoiles doubles, il faudra centrer Beta Ophiucus et se déplacer de 28.7mn (environ 7°) vers l'Est et 2°20' vers le Nord pour repérer à faible grossissement une étoile de 8ème magnitude, un peu floue et bleuâtre. Avec un 115/900, son aspect ovale est évident à 150x. Je n'ai jamais pu observer directement la centrale de mag=12.9, même dans un Cassegrain de diam.62cm, mais sa couleur bleu-ciel est frappante en vision directe à travers n'importe quel instrument supérieur à 115mm et muni d'un grossissement de plus de 75x. On pourra également remarquer la correspondance avec son type II lors d'une observation attentive de la région centrale qui apparaît nettement plus brillante que le pourtour à partir de 200mm de diamètre.
      NGC 6891-Y.POTHIER (T620mm, Intensificateur)

     
    Le type IIb est assez rare, et seule NGC 6891 de type composite IIa+IIb est susceptible d'intéresser les amateurs. A 24.6mn Est et 3°40' Nord d'Altair (Alpha AQL), elle doit être accessible à partir de 100mm de diamètre. Avec 200mm et un fort grossissement, on peut voir son disque planétaire à bord dégradé, lequel reste assez homogène (type IIb) dans un diam.62cm où son étoile centrale de mag=12.4 se détache nettement. Dans cet instrument, le diamètre de la nébuleuse est estimé à 8"x6", valeurs un peu inférieures à celles cataloguées.
      NGC 6742-Y.POTHIER (T200mm) 

     
    Située dans le Dragon, pratiquement à mi-chemin entre Delta du Cygne et Alpha du Dragon, NGC 6742 est une faible nébuleuse du type IIc. Un moyen élégant de la pointer consiste à partir de Gamma de la Lyre et de remonter de 15°50' vers le Nord (ces deux objets ayant pratiquement la même ascension droite). Il faudra au minimum 200mm de diamètre et un bon site pour repérer cette petite tache floue très faible et homogène. A ma connaissance aucune trace d'annularité n'a été détectée avec moins de 76cm de diamètre, mais peut-être qu'un 500mm dans un bon site avec un filtre sélectif pourrait faire l'affaire...
     
    NGC 7026 est une curieuse nébuleuse planétaire de type IIIa; située à 5° Nord-Est de Deneb (Alpha CYG) et à exactement 13' Nord de 63 du Cygne de mag=4.5, elle demande 115mm au minimum pour se laisser observer ! Avec 200mm de diamètre, elle montre une partie centrale renforcée et deux extensions latérales faibles. Elle revêt un aspect totalement autre avec 62cm de diamètre où sa zone centrale se coupe en deux et les extensions faibles deviennent des arches courbes: le type IIIa est indéniable! Les dimensions 25"x5" caractérisent la zone centrale, car avec les extensions diffuses, la nébuleuse atteint 45"x25"...
      NGC 7026-V.LE GUERN (T760mm)

     
    A 2° Sud-Est de NGC 7026, on trouve NGC 7048 (les nébuleuses planétaires foisonnent dans le Cygne!). De type IIIb, son disque est effectivement irrégulier et avec des traces de structure annulaire car elle est ovale et son bord Ouest en forme de croissant est plus brillant: tous ces détails sont accessibles avec un diam.200mm à 145x. Un triangle d'étoiles de 10e-11e mag. borde la nébuleuse au Sud et gêne un peu; une étoile de mag9.5 est visible à 4' vers l'Ouest.
      NGC 7048-V.LE GUERN (T760mm) 

     
    Découvert par J. Herschel en 1823, NGC 6894 est du même type que M57: IV+II. Plantée à environ 1° Ouest (5mn) et 9°30' Sud de l'étoile centrale du Cygne, gamma, elle est détectable sans filtre avec 200mm et doit l'être avec filtre et 115mm... Au 200mm, elle est faible, ronde, et avec un peu d'attention, on décèle son annularité grâce au filtre OIII. Une étoile faible de 14e mag. est visible dans le Cassegrain de 62cm, superposée au coté Nord-Ouest de l'anneau: à essayer avec 30cm.
      NGC 7048-Y.POTHIER (T200mm)

     
    A 1h05.3 Ouest de cette dernière, NGC 6765 est une faible nébuleuse du type très rare V. Décrite par Dreyer dans le NGC comme étant "petite, allongée, faible", il reste difficile de discerner des détails de forme au diam.200mm où elle est juste visible comme une petite tache floue. Le filtre OIII donne de bons résultats, mais elle reste informe. Avec le 62cm, elle apparaît allongée dans le sens Est-Nord-Est/Ouest-Sud-Ouest et ses bords demeurent mal définis.
      NGC 6765-Y.POTHIER (T200mm) 

     
    Enfin, très basse sur l'horizon, NGC 6302 du Scorpion illustre le type VI que lui valent ses caractéristiques atypiques pour une nébuleuse planétaire. Sans doute visible avec 200mm, elle se trouve à 19.9mn Ouest (environ 4°) de Lambda du Scorpion. Surnommée la "nébuleuse de la Mouche" à cause de son aspect irrégulier, cette nébuleuse déploie ses "ailes", dans un Dobson de diam.31cm ouvert à 3.4, comme deux extensions diffuses et faibles s'échappant à l'Est et à l'Ouest d'une partie centrale brillante quasi-stellaire. Très bien détaillées dans le Cassegrain de 62cm, les ailes deviennent des filaments irréguliers et diaphanes.
      NGC 6302-R.MONNEROT (T620mm)

     

    NOM/N°
    5 LAC
    PK 100-8.1
    Beta OPH
    NGC 6572
    Alpha AQL
    NGC 6891
    Gamma LYR
    NGC 6742
    63 CYG
    NGC 7026
    NGC 7048
    Gamma CYG
    NGC 6894
    NGC 6765
    Lambda SCO
    NGC 6302
    Mv
    4.3
    11.9
    2.8
    8.1
    0.8
    10.5
    3.3
    13.4 
    4.5
    10.9
    12.1 
    2.2
    12.3
    12.9
    1.6
    9.6
    taille
    -
    ø=1"
    -
    16"x13"
    -
    15"x 7"
    -
    ø=30"
    -
    25"x 5" 
    60"x50"
    -
    45"x38"
    ø=38"
    -
    ø=50"
    Type
    étoile 
    Nébuleuse Planétaire
    étoile 
    Nébuleuse Planétaire
    étoile 
    Nébuleuse Planétaire
    étoile 
    Nébuleuse Planétaire
    étoile 
    Nébuleuse Planétaire
    Nébuleuse Planétaire
    étoile 
    Nébuleuse Planétaire
    Nébuleuse Planétaire
    étoile 
    Nébuleuse Planétaire
    classe
    -
    I
    -
    IIa
    -
    IIa+IIb
    -
    IIc
    -
    IIIa
    IIIb
    -
    IV+II
    V
    -
    VI
    alpha
    22h29.5
    22h31.7
    17h43.5
    18h12.1
    19h50.8
    20h15.2
    18h58.9
    18h59.3
    21h06.6
    21h06.3
    21h14.2
    20h22.2
    20h16.4
    19h11.1
    17h33.6
    17h13.7
    delta
    +47°43'
    +47°48'
    +04°34'
    +06°51'
    +08°52'
    +12°42'
    +32°41'
    +48°28'
    +47°39'
    +47°51'
    +46°16'
    +40°15'
    +30°34'
    +30°33'
    -37°06'
    -37°06'

     


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