Toutes ces techniques sont accessibles aux amateurs: à eux de choisir
en fonction de leurs buts, moyens et motivations. Pour sa part, l'auteur
se contentera de ne décrire que les trois premières dans
une série de rubriques "Profondeurs du Ciel", les deux
dernières ayant fait l'objet de nombreuses références
spécialisées très bien documentées. Dans cet
article, nous examinerons comment orienter le champ et déterminer
l'échelle lors d'une observation, ainsi que les points sur lesquels
se concentrer lors de la description d'un objet; la technique du dessin,
entre autres, sera abordée dans de prochaines rubriques.
Lors d'une observation, qu'elle soit orale, écrite ou dessinée,
il est utile et important de connaître l'orientation du champ et
l'échelle de ce que l'on examine pour plusieurs raisons. Tout d'abord,
cela permet d'établir des repères précis pour mieux
reconnaître l'aire de ciel que l'on explore lors d'une recherche
ou d'un repérage par exemple, ainsi que pour retrouver l'orientation
des détails observés sur un amas, une nébuleuse ou
une galaxie. Une fois trouvés ces repères axiaux et unitaires,
on peut comparer à l'oculaire avec une carte d'atlas ou de champ,
ou bien avec les distances indiquées dans les catalogues ou dans
notre rubrique. A posteriori, l'orientation et les tailles des détails
observés pourront être confrontées avec les observations
d'autres amateurs (au sein d'un club ou avec les revues).
Pour orienter le champ, il suffit de laisser l'instrument immobile -qu'il
soit équatorial ou non-, et de trouver le sens de dérive
des étoiles. Les astres ayant une trajectoire apparente Est-Ouest
dans le Ciel, ils semblent se lever à l'Est et se coucher à
l'Ouest comme le Soleil. Dans le champ observé, le sens de dérive
des étoiles indique l'Ouest et on trouve l'Est dans la direction
opposée. On trouve le Nord (et le Sud) perpendiculairement à
cette direction, vers le bas du champ si l'instrument est de type télescope
Newton (sans redresseur) ou lunette (sans renvoi à 45°). Si
l'on possède un renvoi coudé (ou plusieurs), c'est l'inverse
(ou plus compliqué). Dans tous les cas, afin de trouver le Nord
en étant sûr et certain de son fait, il faudra déplacer
très légèrement l'instrument en direction de la Polaire
et constater le mouvement apparent résultant du mouvement dans le
champ: procédure plus facile avec une monture équatoriale
mise en station qui permet de se diriger infailliblement vers le Nord.
Pratiquement, il faut déterminer précisément la direction
de l'Ouest et avoir un sens approximatif pour le Nord; une fois un axe
déterminé, on peut trouver l'autre par perpendicularité.
En deux minutes, vous aurez établi et mémorisé l'orientation
du champ (c'est-à-dire les directions Ouest, Est, Nord et Sud).
"p" et "f" signifient "preceding" et "following",
termes anglo-saxons signifiant "qui précède" et
"qui suit". Ces orientations traduisant les directions Ouest
et Est respectivement, illustrent mieux la situation à l'oculaire
et sont "plus naturellement" utilisables que les données
traditionnelles (ex: une étoile à l'Ouest d'un objet 'précède'
celui-ci dans le champ); de plus, ce sont des moyens mnémotechniques
idéaux, faciles à retrouver même lorsque l'on utilise
un renvoi coudé. A partir des quatre directions cardinales, on peut
établir un repère assez précis de directions multiples,
toutes rapportées au Nord et mesurées en degré d'angle
(°). C'est à partir du Nord, valeur 0°, que l'on mesure
l'angle de position ("PA" en anglais et "q" en francais).
Ainsi, la nébuleuse dessinée plus loin présente-t-elle
un grand axe orienté PA 45°/225°, c'est-à-dire Nf/Sp
(Nord-Est/Sud-Ouest). Avec un peu de pratique, l'angle de position pourra
être déterminé à 10° près, mais avec
un peu d'habileté et de patience l'observateur peut aussi fabriquer
un micromètre, -ceci est une autre histoire (ou un autre article)
! Pour l'observateur du Ciel Profond, la précision précédente
est suffisante...
En ce qui concerne l'échelle du champ, il faut pour la connaître
une petite expérimentation préalable, pouvant d'ailleurs
occuper valablement une soirée de Pleine Lune, au cours de laquelle
l'observateur s'appliquera à déterminer le diamètre
du champ que chaque oculaire fournit avec son instrument. Ainsi, est-il
possible de comparer la taille de l'objet ou la distance séparant
deux étoiles avec le diamètre connu du champ apparent. Ce
champ apparent pour un télescope donné dépend de l'oculaire
utilisé, de sa focale et de son champ propre. La formule donnant
le champ apparent à partir du champ théorique de l'oculaire
selon son type est la suivante:
CR = CO x G.
où CR est le champ résultant en degrés (°),
CO le champ de l'oculaire en degrés également (de 40 à
82° selon son type), et G le grossissement exprimé en fois (x).
Rappelons que le grossissement est égal au rapport de la focale
de l'instrument sur celle de l'oculaire. Pour se servir de cette formule,
il faut connaître le champ de l'oculaire, donnée qui varie
selon son type (Huygens=35°; Ramsden=30°; Kellner=35°; Orthoscopique=45°;
Plossl=50°; Erfle=65°; Super Wide Angle=67°; Ultra Wide Angle=84°;
Nagler I/II=82/84°).
Si on ne connaît pas exactement le champ donné par son oculaire,
il existe trois manière de le mesurer autrement:
Pour les deux dernières méthodes, si l'instrument n'est pas
équatorial et mis en station, le lecteur veillera préalablement
à ce que l'étoile passe effectivement au millieu du champ
(afin qu'elle parcoure un diamètre exact de champ). On veillera
également à effectuer trois mesures différentes de
manière à obtenir une valeur moyenne corrigée d'éventuelles
erreurs de mesure.
Dès que le curieux du ciel dispose de ces nouvelles données,
il est capable de déterminer le diamètre de l'objet qu'il
ne connaît pas en le comparant au diamètre du champ qu'il
connaît. Si l'objet mesure 1/4 du diamètre d'un champ de 44',
il en déduit immédiatement qu'il mesure 11' de diamètre...
On peut aller jusqu'à mesurer des diamètres de l'ordre d'un
dizième de diamètre du champ; si l'objet est plus petit,
l'observateur effectuera la mesure avec un oculaire de focale moindre fournissant
un champ plus petit.
Concrètement, noter l'orientation du champ et l'échelle permet
de déterminer:
L'on s'en rend bien compte dans la simulation d'observation ci-dessous,
en comparant les vues, avec et sans orientation ni échelle. Essayez
de décrire l'image de gauche, puis celle de droite: quelle est la
description la plus détaillée et la plus riche informationnellement
parlant ?
Voici une petite succession d'objets pour vous entraîner à
trouver les directions célestes et à estimer leurs tailles.
Après les avoir repérés, admirés et détaillés,
essayez de les dessiner en orientant le champ, mesurant l'échelle
et en attendant la prochaine rubrique qui vous expliquera tout sur le dessin
en Ciel Profond. Lors d'une de ces sombres et longues nuits d'hiver, on
pourra commencer par l'amas globulaire découvert par MARALDI en
1746 lorsqu'il observait la comète De Chéseaux: M 2
(NGC 7089). Assez facile à repérer car sur la même
déclinaison qu'Alpha Verseau de Mv=3.0, il suffit de centrer cette
étoile et de se déplacer de 8° vers l'Ouest pour le trouver;
toutefois, le manque d'étoiles-repères proches (à
moins de 2°) rend plus difficile le répérage à
vue. Visible dans les chercheurs de 30 à 50mm de diamètre
comme une petite étoile floue, cet amas commence à se séparer
en étoiles de Mv=13.2 sur les bords avec les 115/900 dotés
de forts grossissements et bénéficiant de sites privilégiés.
En banlieue proche ou lointaine, il faudra attendre 200mm de diamètre
pour obtenir la même performance. A partir d'un diamètre de
10cm, cherchez à observer une bande sombre dans la section Nord-Est
de l'amas, au large de son centre condensé.
M2-Y.POTHIER
(T115mm)
La nébuleuse du Cocon IC 5146 dans le Cygne reste un objet difficile puisqu'aux jumelles on ne détecte que la bande sombre (Barnard 168) dans laquelle elle baigne; on gardera bien sûr cette cible lors de l'accès à un site d'observation au ciel bien protégé des lumières parasites. Situé à 12mn Est et 2° Nord d'Alpha du Cygne, cet objet a été découvert en 1894 par ESPIN. Sans doute détectable avec un intrument de plus de 10cm de diamètre suffisamment ouvert (F/D inférieur 7), cette lueur diffuse de 10' de diamètre est bien visible avec un Schmidt-Cassegrain de 200mm, lequel en révèle quelques renforcements brillants ainsi que l'étoile excitatrice centrée de Mv=9.5 accompagnée d'un groupe épars d'une douzaine d'autres plus faibles. A vous de déterminer l'orientation de ses nodosités par rapport à l'étoile "centrale" et leurs tailles respectives! Curieusement, cette nébuleuse n'est pas beaucoup mieux vue avec un filtre UHC pourtant destiné à ce type d'objet émissif; ne vous étonnez donc pas si ce filtre n'occasionne pas de gain remarquable...
Plutot un objet d'Automne, la nébuleuse planétaire la plus proche de la Terre, puisque la plus large, est encore visible en début de nuit avant qu'elle ne se couche juste après le Capricorne. En effet, NGC 7293, surnommée la nébuleuse Hélix, se situe à près de 10° au Sud de Saturne ou encore 28mn Ouest et 8°50' Nord d'alpha du Poisson Austral; quand on sait où la chercher grâce à une bonne carte céleste, elle est repérable à partir d'un bon site dans des jumelles de 50mm de diamètre, apparaissant comme une tache moyenne en taille, faible en éclat et homogène. Cet objet est invisible en ville, et seuls les télescopes ayant des rapports F/D inférieurs à 6 ou 8 ont des chances d'en montrer quelquechose, tant l'objet est étendu et sa surface intrinsèquement faible. Un filtre UHC, et surtout OxygenIII, sera le bienvenu et provoquera de bonnes surprises dans cette chasse à la nébuleuse faible. Dans tous les cas à partir de 50x, Hélix paraîtra truffée d'étoiles faibles dont la plus centrée est la centrale de Mv=13.6... L'annularité de cette célébrité commence à apparaître entre 80 et 150mm de diamètre selon le site utilisé, sous la forme de portions de nébuleuse plus brillantes dans ses parties Nord et Sud.
Une petite escapade hors de la Voie Lactée vers NGC 404, galaxie elliptique de la constellation d'Andromède, pourra apporter une vision et un contraste d'aspect que seul l'Univers peut procurer. En effet, à seulement 6' au Nord-Ouest de beta Andromède, l'antagonisme est très frappant entre la petite tache faible (11ème mag.) et floue extra-galactique (6 millions d'années-lumière) et le très brillant (Mv=2.1) point stellaire de couleur jaune intra-galactique (60 années-lumières) appelé Mirach... La différence d'éclat est de 9 magnitudes, c'est-à-dire que Beta est près de 4000 fois plus brillante que NGC 404, et pourtant: la galaxie est située 100.000 fois plus loin que beta... Ce spectacle peut commencer à être admiré à partir d'un bon site avec 60mm de diamètre et partout ailleurs avec n'importe quel 115/900: la galaxie et Beta forment un triangle avec une troisième étoile de 8e mag. Avec de tels instruments, la galaxie ne laisse entr'apercevoir que son centre quasi-stellaire entouré d'un halo pâle. NGC 404-X.CAMER (T115mm)
Pour terminer une nuit si bien remplie, l'instrument une fois rangé
et l'appel de l'oreiller se faisant sentir, le curieux n'oubliera pas de
tourner son regard dans la constellation de Persée, très
précisément autour d'alpha appelée aussi Mirfak, où
l'oeil nu découvre une dizaine d'étoiles entourant cette
brillante "centrale" dans un halo de 2°30' environ. Cette
association n'est pas dûe au hasard: il s'agit d'un véritable
amas (Melotte 20) distant de quelques centaines d'années-lumière.
Son exploration aux jumelles (si elles traînent encore à portée
de main) procure une superbe vue d'ensemble.
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