Grâce à l'association des Observateurs Associés,dont j'ai été membre pendant pratiquement 10 années, j'ai effectué de nombreuses missions au Pic du Midi (2 à 3 par an), sur l'instrument Haco, puis sur Climso. Ces missions de 8 jours consistent à prendre le plus grand nombre d'images du Soleil lors d'une journée d'observation, en fonction des conditions météo bien entendu.

Mais il arrive de participer à une mission particulière, en relation avec des chercheurs de différents organismes. Les OA servent alors à mettre l'instrument au service de l'astronome professionnel qui vient en mission au Pic. C'est ce qui s'est passé lors d'une mission spéciale spectro du 10 au 18 avril 2011.

   

La mission d'avril 2011 a été tout à fait passionnante...

Cette mission a été menée pour un chercheur de l'IAP (Institut d'Astrophysique de Paris), Cyril Bazin, qui prépare un doctorat sur la région de transition entre la photosphère et la couronne du Soleil, c'est à dire dans les couches de l'atmosphère solaire dans lesquelles se produit une brusque remontée en température, de 10 000 K à 2 MK. C'est dans cette région que se déroulent des phénomènes encore mal compris : émergence du champ magnétique du plasma, dissipations et mécanismes de chauffage par des ondes de la couronne et dans la chromosphère, d'où l'étude des transferts radiatif par les méthodes de spectroscopie CCD.

Cyril a passé le doctorat en octobre 2013, voir le PDF ici

En effet, si la "surface" solaire (photosphère) est à environ 5700 ° C, la chromosphère atteint 10 000 degrés puis la température augmente et peut donc atteindre 2 millions de degrés dans la couronne.


Il faut donc étudier dans les raies du fer XIV à 530,3 nm et dans la raie D3 de l'hélium à 587.6 nm comment la couronne solaire pénètre dans les couches profondes en analysant les altitudes de formation des raies. Ces raies coronales peuvent être observées grâce au spectro-coronographe MSCO du Pic du Midi, car elles sont suffisamment intenses. D'autres raies d'intensité plus faibles comme l'hélium ionisé Pashen alpha à 468,6 nm et l'hélium neutre à 471,3 nm ne peuvent être observées que durant des éclipses totales. Par ailleurs, des myriades d'autres de petites raies d'émission (Fe +, Ti +, etc.) sont visibles très proches du limbe et comme pour les raies d'hélium, l'origine de leur ionisation est mal comprise : photo-ionisation par des rayonnements extrême-UV provenant de la couronne, collisions par des faisceaux d'électrons, recombinaisons di-électroniques, ou diffusion de résonnance. L'observation de ces raies, situées très près du disque solaire, n'est possible au sol que lors des éclipses totales, où il n'y a plus de lumière diffusée par le disque très brillant, et où les flux sont 10-6 à 10-8 fois plus faibles que l'intensité du disque. Au moment des contacts pendant un intervalle de temps très court (spectres éclairs de quelques secondes), il est possible d'observer ces raies comme des enveloppes. Toutefois les raies de l'hélium ionisé peuvent être observées dans des protubérances, et renseignent de la densité électronique et sur la nature de l'interface protubérance-couronne qui, elle aussi, est encore mal comprise. Ces observations au sol sont comparées avec les missions spatiales SDO/AIA dans la raie de l'hélium He II à 30,4 nm, et aussi avec le satellite SDO de la NASA qui observe dans les raies du Fer IX et Fer X à 17,4 nm

Dans quelques années, 2 satellites devraient pouvoir réaliser des éclipses artificielles dans l'espace : l'un équipé d'un disque occulteur de 1,5 m de diamètre, l'autre éloigné de 150 m de l'occulteur sera doté d'instruments observant la couronne en lumière visible, notamment dans la région de la raie verte du Fer XIV à 530,3 nm. C'est le projet ASPIICS/Proba 3

En attendant ce lancement, plusieurs missions, 4 en principe, vont être menées par Cyril, avec la collaboration des Observateurs Associés - OA du Pic du Midi et du Laboratoire d'Astrophysique de Marseille (LAM). C'est l'instrument MSCO (Multicanal Spectro Coronographe), situé dans la coupole des coronographes qui est utilisé pour l'étalonnage de la raie verte du fer XIV. Cette raie sera principalement observée pour préparer ces futures missions spatiales. La raie verte est très brillante et elle est représentative de l'activité magnétique de la couronne. Par ailleurs, comme l'activité solaire semble redémarrer, des protubérances seront visibles lors des prochaines missions au Spectro-coronographe MSCO du Pic, et il sera possible d'étudier ces structures dans les raies de l'hélium neutre et ionisé.


La météo de la semaine, particulièrement bonne, a permis d'observer tous les jours et d'enregistrer de très nombreuses données qui seront prochainement analysées.
   
Le spectro MSCO, capot ouvert, un des instruments les plus performants au monde
Cyril vérifiant les données enregistrées sur un portable
   

 

Christophe Guillou, mon collègue OA et Cyril, devant le capot de MSCO, occulté en partie pour étalonnage

Il y a beaucoup de choses la-dedans...
   

 
   

Pas courant, observation de la raie verte à l'oculaire...

  Le répétiteur de la caméra vidéo - on remarque la fente du spéctro, à l'est ici - et à droite le pupitre particulier de commande de MSCO
   

Profil de la raie verte, la fente était en position radiale au niveau du rayon du disque. On remarque également les raies de Fraunhofer (raies larges), les plus fines étant du à l'absorption de l'atmosphère terrestre.